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Full text of "Bulletin de la Société française d'histoire de la médecine"

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B U LLETIN 

DE LA 

SOCIÉTÉ FRANÇAISE 

D1IST0IIIS 01 ü ntOUINI 


Tome XX ~ Année 1926 



3, Avenue Victoria, 3 




CHRONIQUE DE LA SOCIÉTÉ 


Séance du 9 Janvier 1926. 


Présidence de M. le P'' Menktrier, puis de 
M. La.ignbm,-Lavastine. 

Etaient présents : Mlle Droz, MM. D’Arcy Power, 
Avalon, Barbé, Basmadjian, Bériljon, Boulanger, 
Brodier, Gumston, de Lint, Dagen, Dardel, Dorveaux, 
Fosseyeux,Guelliot,Guisan, Hahn, J.Héris^ay, Hervé, 
Jeanselme, Laignel-Lavastine, Lanselle, Mauclaire, 
Neveu, Noyens, Ricardo Jorge, Régnault, Rouvillois, 
Sévilla, Sieur, Tanon, Torkomian, Tricot-Royer, Vaç 
Schevensteen, Variot, Vinchon et Wickersheimer. 

M. le P’’ Menetrier, président sortant, exprime sa 
gratitude au bureau et à tous les membres de la 
Société qui lui ont facilité sa tâche et cède le fauteuil 
à son successeur. 

M. le D'' Laignel-Lavastine remercie de l’honneur 
qui lui est dévolu ; il rend un suprême hommage aux 
collègues disparus au cours de Tannée 1925 : 

Moncry, le charmant médecin-major, conservateur 
de ce beau musée du Val-de-Grâce qu’il avait mer¬ 
veilleusement paré pour le récent Congrès de méde¬ 
cine et de chirurgie militaires, et le délicat poète, 
qui avait exprimé un peu de son cœur languide dans 
VAme des parfums, essai de psychologie objective, 
qui eût ravi Marcel Proust ; 

Rouxeau (de Nantes), le biographe de Laënnec, 
dont il a fait revivre la figure et l’œuvre géniale dans 



deux volumes documentés de première main et qué 
l’historien de la science devra toujours consulter 
quand il étudiera la genèse des découvertes ; 

Lutaud, dont le visage encadré de favoris courts, 
à la mode des marins, rappelait qu’il avait navigué 
pour connaître le vaste monde; avant de se^ consa¬ 
crer à la médecine, de fonder le Journal de médecine 
de Paris, de devenir un des premiers porte-parole 
de la démocratie médicale, et d’aller, sa vie éteinte, 
dormir du sommeil de la mort, bercé par les courtes 
lames de la mer de violettes ; 

Desnos enfin, qui malgré son géfotoxon était tou¬ 
jours jeune d’esprit et de corps; Parti pour les Indes 
comme on va à Versailles, il mourut du choléra à 
Pondichéry en quarante-huit heures. Fondateur de la 
Société internationale d'Urologie, il fut notre conseil¬ 
ler dans la gestion de notre « Société internationale 
d’histoire de la médecine». Historien de l’Urologie 
dans un volume admirable, il a montré aux spécialis¬ 
tes ce qu’ils devraient chacun faire pour l’histoire de 
la médecine. 

Nomination d'un deuxième Vice-Président. — Le 
scrutin est ouvert pour la nomination d’un deuxième 
Vice-président en remplacement de M. le D'' Des¬ 
nos. M. le D' Thibierge, présenté par le bureau, 
est élu par acclamations, à l’unanimité des membres 
présents. 

Compte financier. — M. Boulanger-Dausse pré¬ 
sente le compte financier de l’exercice 1925. A propos 
du projet de budget de 1926, il signale l’insuffisance 
probable des recettes pour couvrir les frais d’impres¬ 
sion du bulletin, M. le Secrétaire général annonce 
de son côté qu’il a reçu de l’imprimeur Monnoyer, 
du Mans, l’avis d’une augmentation éventuelle de ses 
tarifs. Dans ces conditions le Bureau propose un 
relèvement de la cotisation qui, après discussion 
et scrutin, est fixée à 25 francs à partir du 1®''janvier 
1926. M. Dardel et M. Brodier sont nommés censeurs 
des comptes. 



— 5 — 

, Candidats présentés •. 

Mlle Atamia,n (H.), 25, rue de Douai, chirurgien- 
dentiste, par MM. Torkomian et Fosseyeux. 

MM. les D” Levy-Valensi, médecin des hôpitaux, 
37, avenue Victor Hugo (XVP), par MM. Laignel- 
Lavastien et Vinchon ; 

Maiy(S.), 23, rue Rassaja, à Mohamed Bey, Alexan¬ 
drie, par Mme Panayotatou et M. Fosseyeux; 

. Nuyens (B.W.Th.), 247, Keisersgracht, Amsterdam, 
par MM. de Lint et Van Schevensteen ; 

SicARD DE Peauzoles, professeui’ au Collège des 
Sciences sociales, 6, rue de Logelbach (XVIP), par 
MM. Bizard et Laignel-Lavastine. 

Musée. — M. le D'' Brodier fait don d’une photo¬ 
graphie de M. le D*' Hector Landouzy (1812-1864), 
né à Epernay, directeur de l’Ecole de Médecine à 
Reims en 1853, correspondant de l’Académie de 
médecine, et père de l’ancien doyen de Paris. 

M. le D'Hervé apporte également pour le Musée 
des affiches de l’ancienne Faculté de Strasbourg, 
remises par le D' 'Wickersheimer. 

Communications : 

M. le D'' Tricot-Royeb, d’Anvers, lit un travail sur 
quelques gisants macabres peu connus., ceux de 
Boussu, Bruxelles, Vilvorde, Strasbourg, [Beaune, 
Troyes, Eukluysen,avecprésentationiconographiques 
sur chacun d’eux; c’est un complément des études 
faites à ce sujet, par M. le Guiart, de Lyon, et 
M. Mâle, de l’Institut ; il donne sur la faune des cada¬ 
vres des détails particulièrement curieux. 

M. le D'Van Schevensteen, d’Anvers, résume une 
étude très documentée sur les statuts du collège de la 
chirurgie à la fin de l’ancien régime et l'état de la 
corporation des chirurgiens barbiers àAnvers en 1784, 
pleine d’intérêt pour l’histoire de l’enseignement 
professionnel. ' 



M. Jacques Herissay, d’Evreux, nous amène à 
l’époque révolutionnaire par sa très remarquable des¬ 
cription de Vépidémie de 1794 sur les pontons de 
Rochefort ; il nous fait assistera l’un des plus doulou¬ 
reux épisodes de ces années tragiques, auxquelles il 
consacre des études où vont de pair la documentation 
de l’érudit et le talent de l’historien. 

M. le D*" André Gijisan, de Lausanne, nous dit 
avec humour, comment un médecin Lausannois^ le 
ly Jacob d'Apples, relate une opération de la cata¬ 
racte pratiquée par Daviel, arrière grand oncle de 
notre président Laignel-Lavastine. 

La séance est levée à 6 h. 3/4. 


B£i.xï.q[\ae't .^k.xxxx\3Lel 

Le banquet annuel de la Société a eu lieu au cercle 
de la Renaissance, 12, rue de Poitiers, à 8 heures. 
Y assistaient : Mlle Droz, MM. d’Arcy Power, Avalon, 
Bord, Boulanger, Cumston, Dardel, De Lint, Fos- 
seyeux, Guisan, Hérissay, Hervé, Jeanselme, Laignel- 
Lavastine, Neveu, Nuyens, Semelaigne, Sevil]a,Tor- 
komian, Tricot-Royer, Van Schevensteen, Variot. 

Une audition musicale, organisée par M.le D'' Hervé 
et Mme Henriette Hervé, a terminé agréablement la 
soirée. 


Séance du 6 Février 1926. 


Présidence de M. Laignel-Lavastine. 

Etaient présents: MM. Avalon, Beaupin, Basmad- 
jian, Boissier, Brodier, Colin, Dagen, Dardel, Dor- 
veaux, Fosseyeux, Gidon, Grimbert, Guelliot, Hahn, 
Hervé, Jeanselme, Mauclaire, Ménétrier, Rouvillois, 





Sevilla, Semelaigne^ Sieur, Tfaibierge, Torkotnian^ 
Variot, Vinchon. 

Excusés : MM. Molinéry et Neveu. 

Candidats présentés : 

MM. Gebber(D''G.), Professeur à la Faculté de Méde¬ 
cine, Allées Saint-Michel, à Toulouse, par MM. Hahn 
et Hervé. 

Saint-Perier (D' da), 47, rue Monsieur-le-Prince, 
par MM. Hervé et Laignel-Lavastine; 

Comptes'. MM, Dardel et Brodier, nommés censeurs 
des comptes à la dernière séance, font part de leur 
mission. Des remerciements et félicitations unanimes 
sont votés au trésorier, M. Boulanger. 

Décoration. — Le Président se fait l’interprète de 
la Société en présentant ses félicitations à M. le D' 
Torkomian, promu Chevalier de la Légion d’honneur. 

Bibliothèque. — M. le Vinchon offre son livre 
sur les Désiquilibrés de la Vie sociale., dont le D” Lai¬ 
gnel-Lavastine fait le plus vif éloge. 

Dons. — M. le Président offre ensuite : 1® le Catalo¬ 
gue de l’Exposition rétrospective de médecine,organi¬ 
sée par Victorino et Saavecha à Porto, à l’occasion du 
centenaire de l’Ecole royale de chirurgie de cetteville. 
Dans ce catalogue sont inventoriés 400 objets dont 
quelques-uns, du plus haut intérêt, tels que des fau¬ 
teuils obstétricaux; 2® un état d’ethnographie com¬ 
parée précédé de considérations sur le surnaturel 
dans la médecine populaire par Leste de Mascon- 
cillos. Cette plaquette sur la valeur symbolique du 
poing fermé comme geste, a un gros intérêt histori¬ 
que et psychologique, car il montre la persistance 
des habitudes psychiques dérivées de la magie et qui 
se conservent à travers les générations malgré les 
progrès de la civilisation, bien souvent seulement 
à fleur de conscience. 



Communications : 


M. le D' Boissier lit son article sur Vart dentaire 
en vieille Castille au milieu du xvi® siècle, paru dans la 
« Revue de Stomatologie » de décembre 1925, c’est 
le commentaire docte et précis d’un volume rarissi¬ 
me : Dialogue court mais complet sur la dentition et 
l'œuvre merveilleuse de la bouche, avec de nombreux 
remèdes pour guérir et fortifier les dents, daté de 1557, 
de 152 feuilles, avec gravure sur bois de Saint-Apol¬ 
line ; son auteur est Francisco Martinez du bourg de 
Castrillo de Olieno ; on en connaît que deux exem¬ 
plaires, l’un à la Bibliothèque nationale, l’autre à la 
Bibliothèque royale de Madrid. 

M. le D'" GinoN résume un travail sur les thèses de 
médecine de la Faculté c?e Cae«,xvin'siècle, qui donne 
lieu à des commentaires de MM. Guelliot, Hervé, 
Laignel-Lavastine, Fosseyeux, sur diverses questions 
soulevées par cette érudite étude. 

M. le D' Dvgen exhume deux documents tirés des 
Archives notariales et des Archives nationales : 
Comment se vendit la charge de chirurgien dentiste 
de Louis XVI ; et un dentiste ambulant guillotiné à 
Paris en 1793. Contribution à ses études et recher¬ 
ches sur l’art dentaire parisien de 1789 à 1795 en cours 
de préparation. 

M. le Président donne à son tour lecture d’extraits 
et résumés de documents conservés dans les archi¬ 
ves des Hautes-Alpes, par M. le Jacques ViÉ : 
Extraits et résumés de pièces concernant la peste de 
1721-1722 dans le Gévaudan. On y relate les mesures 
administratives et prophylactiques prises en pareil 
cas, et que l’on retrouve à peu près identiques dans 
toutes les régions. On s’étonne devoir qù’elles sont 
étrangères à l’activité médicale. D’autre part, celle-ci 
ne comportait pas un secret aussi absolu que de nos 
jours et la fuite du médecin devant l’épidémie n’était 
pas infamante. 

La séance est levée à 6 h. 1/2. 



9 — 


UN MANUSCRIT MÉDICAL DU XV? SIÈCLE 

Contenant principalement 

DES ŒUVRES DE GUILLAUME RONDELET. 
Notes bibliographiques et biographiques. 

Par MSI. le Professeur G. JGAJVSELME!, 
le Docteur SI. Gi%.lWSBL.L.e, 
et HOs s. SOBBUITJE;, Archiviste-paléographe. 


1. — Description du Manuscrit. 

Naguère, l’un de nous a eu la bonne fortune de trou¬ 
ver sur le marché d’une ville du nord de la France, 
parmi des hardes et de vieilles ferrailles un gros 
volume manuscrit, couvert en parchemin. Il l’acquit 
pour un prix infime et se promit de le faire connaître 
parla suite. Mais les années de guerre qui survin¬ 
rent, puis le manque de temps et l’éloignement des 
sources d’information lui firent différer son projet 
jusqu’à ce jour. 

Nous décrirons ce manuscrit et en donnerons l’ana¬ 
lyse. A son propos nous mentionnerons les manus¬ 
crits de Rondelet existant à la Bibliothèque nationale, 
les éditions imprimées de ses œuvres, et nous signa¬ 
lerons quelques particularités peu connues de la vie 
de ce médecin. 

Le manuscrit dont il est question (1) date de la 
deuxième moitié du xvi' siècle. A deux endroits l’on y 
trouve les dates de 1559 et 1563. On y remarque plu¬ 
sieurs mains différentes. Il est écrit sur papier et 
compte 615 pages. 

(1) Ce manuscrit oppartient au. Docteur Lanselle, 



— 10 — 


On peut suivre dans la table que nous donnons 
plus loin, les péripéties de la pagination, qui se trouve 
être triple : p. 3 — [72] + [1] — [24] + p. 3 — 544 + 1. ■ 
Notons que des feuillets ont été supprimés : celui du 
début, puis entre [72] et [1], entre [24] et 3, et entre 
497et 514. Ce manuscrit mesure 270x193 millimètres. 
Il est relié en parchemin et dans sa reliure on remar¬ 
que des fragments d’un manuscrit plus ancien. 

On y trouve deux parties bien distinctes : 

A.— La première partie comprend des copies, ex¬ 
traits et résumés, plus ou moins loin du texte, d’œu¬ 
vres du médecin Guillaume Rondelet, professeur à la 
Faculté de médecine de Montpellier (1). 

Cette première partie est de beaucoup la plus im¬ 
portante. Elle s’étend jusqu’à la page 460 du manus¬ 
crit. Elle est empruntées plusieurs ouvrages de Ron¬ 
delet : De Dignoscendis morbis, Methodus curando- 
rum omnium morborum corporis humani, De Morbo 
italico. Ces trois ouvrages ont été publiés plusieurs 
fois. Nous avons, quand cela a été possible, renvoyé 
dans notre table des matières après chaque chapitre 
à l’édition imprimée, soit qu’il s’agisse d’une copie, 
d'un résumé, ou d’une simple allusion au texte de 
Rondelet. L’édition dont nous nous sommes servis 
pour faire la concordance est celle de Paris, 1573, 
2 vol. in-S” (2). 

Quand, dans notre table, nous mettons D et un nom¬ 
bre, nous renvoyons à une page du De Dignoscendis 
morbis ; M. renvoie au Methodus ; F. au De Morbo 
italico. 

Il est à remarquer que certains chapitres du De 
Dignoscendis morbis se trouvent deux fois dans le ma¬ 
nuscrit, cf. p.7 et SS. et p. [1] et ss.; mais l’écriture en 
est différente. 

(!) C/" p. 3 « per Rondeletium, ex Rondeletio », p..[l] « G. Rondele- 
tii », p. 3 « quaedam dccerpta ex Rondeletii praxi », p. 97 « Quae se- 
qüuntur collecta sdnt ex X). Rondeletii praxi ». cf. aussi p. 318,418,452, 
454,458,460, etc. 

(2) Parisiis ^1573). « Apüd Carolum Maçaeum sub Signo Pyramidis ». 
C’est la plus ancienne édition officielle de toutes les œuvres de Rondelet. 



Nous ne trouvons pas dans le manuscrit les mots 
de « morbus italicus » comme dans l’édition impri¬ 
mée, ou de « morbus neapolitanus » comme dans le 
manuscrit n® 7070 de la Bibliothèque nationale, mais 
toujours « morbus gallicus » (1). 

B.— La deuxième partie, qui va de la page 460 à la 
fin du manuscrit, se compose d’une séide de remèdes 
et de recettes empruntés à divers médecins. Quel¬ 
ques-uns de ces remèdes ont été éprouvés et portent 
la mention « expertum ». 

Nous n’avons pu identifier tous les noms de méde¬ 
cins qui figurent dans cette seconde partie. En voici 
quelques-uns : 

Jacques de Bethencourt,qui exerçait à Rouen,vivait 
dans la première moitié du xvi® siècle. Il a écrit la 
Nova poenitentialis quadragesima necnon purgatorium 
in morbum gallicum sive venereum^ Una cum dialogo 
aquae argenti ac ligni gaiaci colluctantium super diçti 
morbi curationis praelatura opus fructiferum (2). 

Citons : Honoré Châtelain {Castellarius). 

François de Courcelles est l’auteur du De vera mit- 
tendi sanguinis raiione in haematothraseas libri IV. 
Francfort, 1593, in-S'’, et du Traité delà Peste, Se¬ 
dan, 1595, in-8". 

Jacques Dubois [Sylvius) (1478-1555), est nommé 
dans le manuscrit. 

Jean Faucon [Falco), médecin espagnol (1470-1532), 
professeur en 1502, devint doyen de la Faculté de 
Montpellier, en 1529 (2). 

Jean Fernel (1497-1558), de Clermont-en-Beauvoisis, 
est bien connu. 

Denys Fontanon, professeur à Montpellier, mort en 
cette ville en 1544, dont les leçons furent recueillies 
et publiées sous le titre de « Practica tnedica, seu de 
morborum internorum curatione libri IV », (Lyon, 

(1) Dans l’édition imprimée, sans date, chez Jacques Macè, nous trou¬ 
vons « morbus gallicus » comme dans notre manuscrit. 

(2) Cf. Nouvelle Biographie générale, et Haag, La France protestante, 
2» édition. 

(3) Nouvelle biographie générale. 



— 12 — 

1550, in-S”), nous paraît être le personnage désigné 
par le nom de Fontan. 

Richard Legras fut médecin à Rouen (1526-1584). 

Juan de Mallara, littérateur espagnol du xyi” siècle, 
a laissé sous ce titre : La Filosojia vulgar,primera 
parle, que contiene mil refranes glosados (Séville, 1568, 
in-folio), des sentences s’appliquant à des sujets de 
médecine. 

Saporta est désigné par l’abréviation Sap. ou Sa- 
port. Il ne s’agit pas ici de Jean de Saporta auteur du 
De Lue uenerea, mais, pensons-nous, de son père An¬ 
toine de Saporta, professeur à Montpellier en 1540, 
doyen en 1551,chancelier en 1566 à la mort de G.Ron¬ 
delet. Il vécut jusqu’en 1573. Son Lib. V de tumori- 
bus praeter naturam, ne parut qu’en 1624, longtemps 
après sa mort (1). 

Le manuscrit que nous étudions se présente somme 
toute comme un gros traité de médecine dont le fonds 
est emprunté à Rondelet. On y trouve de plus de nom¬ 
breuses formules émanant pour la plupart de méde¬ 
cins de Montpellier. Peut-être sommes-nous en pré¬ 
sence de notes prises à un cours par un groupe d’étu¬ 
diants zélés et studieux. 

On voit dans le manuscrit de nombreuses 
corrections. 

Nous ferons aussi remarquer que dans la table ana¬ 
lytique, qui va suivre, les matières sont groupées 
suivant l’ordre dés anciens médecins grecs, en com¬ 
mençant par la tête pour aboutir aux extrémités infé¬ 
rieures. Quant à l’origine méridionale du recueil, elle 
est certaine. On peut lire en effet à la page 451 la 
phrase suivante : « Finis, 1559. 17“ die februarii. 
Montepessuli ». 

Nous ignorons la manière dont ce manuscrit est 
venu échouer dans le nord de la France. Mais il est 
certain qu’il existait d’assez nombreux échanges 
intellectuels entre ces deux contrées opposées. L’un 

(1) Le manuscrit porte And. Sap. et non Ant. Nous n’avons pas 
retrouvé de Saporta portant le prénom d’André, Nous pensons qu’il 
s’agit d’Antoine Saporta le contemporain de Aondelet. 



— 13 — 

des élèves les plus connus de Rondelet, Delobel (1) 
était Lillois. 

La langue employée dans notre manuscrit est le 
latin, sauf dans deux ou trois petits passages, qui sont 
en français. 


TABLE 

DES Matières contenues dans le Manuscrit. 


Edition imprimée. 


Manuscrit. 


D 1 

D 1 
D 1 
D 2 

D 2-3 

D 3-4 

D 4-6 
L 6-9 
D 9-10 


« De dignoscendis morbis per Ronde- 
letium. Methodus ad facile et cito co- 
gnoscendos morbos,partes affectas et 
morborum causas. Ex Rondeletio. p. 3. 

Prefacio. Cap. 1. p. 3. 

Cap. 2. , p. 4. 

Cap. 3. Quod medico non suffîciat ilia 
cognitio corporum sanorum, egrorum 
et neutrorum. p. 4. 

Cap 4. Quod sit faciliuS in principio 
morbum curare quant auctum aut per- 
fecte factum. p. 5. 

Cap. 5. Quod non sit facile morbos 
cognoscere et que (2) res eorum 
cognitionem obscurent. p. 6. 

Cap. 6. Quod in certo poterit futurum 
previdere morbum prudens medicus. p. 7. 

Cap. 7. Methodus cognoscendi morbum 
incipientem et quam sit difficile. p. 12. 

Cap. 8. Quomodo genus morbi inveniri 
queat. p. 19. 


(1) De Lobel lut immatriculé à la Faculté de Montpellier le 22 mai 
1565, Son latin est dnr et barbare, son langage est tranchant. Néan¬ 
moins ses ouvrages sont assez vivants. Il évoque le souvenir des localités 
où il se livra à des recherches botaniques et prend soin de rappeler tous 
ceux qui furent ses compagnons d’études. Son œuvre par ce cùtë, rend 
vivante la botanique du xvi® siècle. Rondelet lui légua à sa mort tous 
ses manuscrits concernant la Botanique. 

Dès 1551, un artésien célèbre naturaliste, Charles de Lescluse (Cfustas), 
était venu à Montpellier et avait vécu dans l’intimité de Rondelet. Il 
resta trois ans dans cotte ville. Rondelet utilisa grandement la profonde 
connaissance de la langue lutine et l’élégance du style de son commensal. 
Il le chargea, paralt-il, de rédiger son histoire des poissons (Planchon. 
Rondelet et l'édition latine de ses disciples ou la Botanique à Montpellier 
au XVI' siècle, Montpellier médical, janv. 1866). 

(2) Nous avons adopté la graphie e pour ; c’est celle du manuscrit. 





— 14 -- 


B 

11.14 

Gap. 9. De doloris specie invenienda 




ex parte affecta. 

p. 22. 

D 

14-23 

Gap. 10. De tumorum cognitione spe- 




cierum investigatione. 

p. 28. 

D 

23-26 

Gap. 11. De rejectîs. 

p. 47. 

D 

26-27 

— De puris rejectione. 

p. 54. 

D 

27-28 

— De bilis rejectione. 

p. 57. 

D 

28 

— De pituite rejectione. 

p. 59. 

D 

28 

— De saporîs qualitate. 

p. 59. 

D 

28-29 

— De colore. 

p. 60. 

D 

29 

— De pituite rejectione per sedem.p. 60. 

D 

29 

— Pituite rejectio per urinam, 




uterum, os, nares et oculos. 

p. 61. 

D 

33-37 

— De sudoris excretione. 

p. 62. 

D 

29-31 

— De seminis rejectione. 

p. [68]. 

D 

4-6 

G[uillelmi] Rondeletii de cognoscendis 




morbis. 

p. [1]. 

D 

6-9 

Methodus cognoscendi morbi incipientis 




et de ejus difficultate. 

p. [2]. 

D 

9-10 

Quomodo genus morbi cognosci possit. 

p. [5], 

D 

11-13 

De investigatione doloris specie partis 




dolentis. 

P- [6]. 

D 

23-25 

Rejectura : 

P- [9]. 

D 

26 

— Pus. 

p. [11]. 

D 

26 

— Urina retenta. 

p. [11]. 

D 

28-29 

— Pituita. 

p. [12J. 

D 

27 

— Bilis. 

p. [13]. 

D 

28 

— Melancholia. 

p. [14]. 

D 

31-32 

— Ramentum. 

P- [14]. 

D 

32 

— Vivum rejectum. 

p. [14]. 

D 

33 

— Foetus. 

p. [14]. 

D 

33-37 

— Sudor. 

p. [15]. 

b 

37-38 

De retento. 

p. [16]. 

D 

39-44 

De qualitatibus. 

p. [17]. 



De qualitatibus passivis humidis et siccis. 

p. [20]. 

D 

44-45 

De odore. 

p. [21]. 

D 

44 

De sapore. 

p. [21]. 

b 

44 

De colore. 

p.[21]. 

D 

45 

De solutione continua. 

p. [21]. 



De mala compositione. 

p. [23]. 

D 

48 

Quedam de Urinis. 

p. [24]. 



Quedam decerpta ex Rondeletii praxi. 

p. 3. 

M 

12-14 

De affectibus capitis ac primum de dolore 



ejusdem. 

p. 3. 




— 15 — 


M 22 De cephalalgia sanguinea p. 4. 

M 25 De cephalalgia biliosa et pituitosa. p. 5. 

M 28-32 et 32-34 De cephalalgia melancholica et 

per consensum et aliarum partium. p. 6. 


M 

34 

Hemicrania et cephalea. 

p. 6. 

M 

35-36 

Dolor capitis ab ebrietate. 

p. 6. 

M 

35 

De dolore capitis a morbo gallico. 

p. 7. 

M 

40-44 

De phrenitide. 

p. 8. 

M 

44-45 

De paraphrenitide et delirio. 

p. 9. 

M 

45-46 

De vigiliis. 

p. 9. 

M 

46-54 

De lethargo, subeth faiey, emmoria immi- 




nua. 

p. 10. 

M 

36-40 

De vertigine. 

p. 11. 

M 

80-95 

De epilepsia. 

p. 12. 



Guratio pro pueris. 

p. 13. 



— pro juvenibus. 

p. 13. 



De epilepsia per consensum. 

p. 14. 

M 

54-58 

De apoplexia. 

p. 15. 

M 

58-69 

De paralysi. 

p. 15. 

M 

69-71 

De resolutione partis alicujus ut lingue. 

p. 18. 

M 

78-79 

De paralysi laryngis. 

p. 18. 

M 

75 

De paralysi faciei. 

p. 18. 


M 97-101 et 102-104 De convulsipne, de tremore. p. 19. 
M 103-104 De jectigatione seu palpitatione alicu- 

jus partis corporis. p. 20. 

M 123 De incubatione. p. 20. 

M 50-52 et 104-112 De catalepsi et catocha, de 


melancholia morbo. p. 21. 


M 112-115 

De melancholia ab affectu cerebri. 

p. 23. 

M 115-118 

De melancholia hyppocho'ndriaca. 

p. 25. 

M 118-123 

De mania. 

p. 26. 

M 123 

De amantibus. 

p. 28. 

M 156-157 

De catarrho. 

p. 29. 

M 124-127 

De affectibus oculorum ac primum 



de ôcii9aXp.la et lippitudine. 

p. 33. 

M 127-129 

De dolore oculorum. 

p. 37. 

M 138-140 

De visus debilitate. 

p. 39. 

M 140-141 

De visus obscuritate. 

p. 41. 

M 144-145 

De aegilope. 

p. 42. 

M 142-144 

De lachrymis involuntariis. 

p. 43. 

M 129-130 

De pterigio. 

p. 46. 

M 130-131 

De phlyctenis et ulceribus oculorum. 

p. 47. 

M 131-132 

Cicatrices et albugines oculorum. 

p. 49. 

M 132-133 

De sugillatis etpure sub cornea contentis. p. 51. 



— 16 — 


M 133‘138 De sufiusione. 

M 138 Pupillae dila[ta]tio et diminutio. 

M 141-142 De nyctilope (sic) sivececitate nocturna. 
M 142 De exitu oculi. 

M 150 De parotidibus. 

M 151 De affectibus aurium et primum de paro¬ 
tidibus, que fuerintprope aures neque 
enim sunt aurium affectus. 

M 151-153 De dolore aurium. 

M 153-154 De tinnitu aurium 
M 154 De surditate. 

M 145-148 De affectibus narium et primum de pro- 
fluvio sanguinis e naribus. 

M 149 De polypo. 

M 149-150 De ozenis et aliis narium ulceribus. 

M 159 De affectibus dentium et primum de 
dolore. 

M 159-160 De dentibus tremulis. 

M 160-161 Ad dealbandos dentes. 

M 162 De affectibus oris et colli. De aphtis. 

M 161 De foetore oris. 

M 101-102 et 95-96 De oris tortura vel cynico 
spasmo. 

M 78-79 De resolutione ossis hyoidis et muscu- 
lorum laringis. 

M 165-166 De inflammatione columelle. 

M 166-167^ Columelle laxatio, ulcéra et tabes. 

M 167-168 De tonsillarum inflammationibus. 

M 168 Tonsillarum ulcéra. 

M 163-165 De strumis. 

M 168-169 De angina. 

Que sequuntur colecta sunt ex D. Ron- 
deletii praxi. 

M 182-191 De pectoris affectibus. De pleuritide. 

M 191-192 De peripneumonia. 

M 182 De empiemate. 
et 192-194 De empiemate alio. 

M 177-179 De hemoptoica passione. 

M 179-181 De ulcéré pulmonum et phtisi. 

M 179-182 De phtisi alia. 

M 175-176 De asthmate. 

M 196-197 De cordis affectibus, de syncope. 

M 194-196 De tremore et palpitatione cordis. 

M 197-198 De mammarum affectibus ; de lactis 
defectu. 


p. 52. 


p. 

p. 59. 

p. 60. 


p. 60. 
p. 62. 

p. 64. 
p. 65. 

p. 67. 
p. 71. 
p. 72. 

p. 75. 
p. 76. 
p. 78. 
p. 79. 

p. 81. 
p. 82. 

p. 83. 
p. 84. 

p. 86. 

p. 87. 
p. 89. 
p. 90. 
p. 93. 


p. 97. 
p. 109. 

p. 112. 
p. 116. 

p. 117. 

p. 122. 

p. 129. 
p. 133. 
p. 1.35. 
p. 138. 

p. 146. 



— 17 - 


M 198-199 De lactis redundantia. p. 148. 

M199 De lactis coagulatione. p. 149. 

M 199-200 De mammarum inflammatione et earum 

incremento. p, 150. 

M 200 De scirrho mammarum. p. 151, 

M 200 De cancro mammarum. p. 152. 

M 208-209 De aSectibus œsophagi et ventriculi. De 

excoriatione œsophagi. p. 153. 

M 209-211 De difficultate deglutiendi. p. 157. 

M 211-215 De ventriculi imhecillitate et intempera- 

turis ejusdem. p. 161. 

M 215-216 De inflatione ventriculi. p. 170. 

M 216 De dolore ventriculi. p. 172. 

M 216-217 De nausea. p. 174. 

M 217-218 De vomitu. p, 175. 

M 218-220 De vomitu sanguinis. p. 180. 

M 220-221 De siti immensa. p. 182. 

M 221-222 De appetentia canina. p. 184. 

M 222 IlepiToü pouXtjjiou p. 186. 

M 222-223 De cibi fastidio. p. 187. 

M 223 De pica. p. 190. 

M 223-225 De singultu. p. 191. 

M 229 De cardialgia. p. 194. 

M 225-228 De choiera morbo. p. 196. 

M 253 De afiectibus hepatis. p. 204. 

De intempérie calida jecoris. p. 205. 

M 255 De frigida intempérie. p. 207. 

M 255-256 De intempérie humida et sicca jecoris. p. 208. 

M 256-258 De inflammatione hepatis. p. 211. 

M 258-259 De obstructione hepatis. p, 216. 

M 259-260 Deicteritia. p. 219. 

M 260-262 De scirrho hepatis. p. 221. 

M 267 De a&ectibus lienis. p. 225. 

M 267 De cachexia. p. 227. 

M 262 De hydrope. p. 229. 

M 262-266 De tympanite. p. 237. 

M 262 De anasarca. p. 240. 

M 234-230 De intestinorum afiectibus, de lienteria. p. 242. 

M 230-234 De diarrhea. p, 247. 

M 236-239 De dysenteria. p. 260. 

M 239-241 De tenesmo. p. 265. 

M 247-251 De colico dolore. p- 269. 

M 251-253 De ileo. p. 277. 

M 246-247 De vermibus. p. 280. 




— 18 — 

M 242-245 De hemorrhoidibus. p. 286. 

M 241-242 De ani procidentia., p. 297. 

M .72-72 De ani resolutione. p. 300. 

M 268-269 De affectibus renum, de inflammatione 

renum. p. 301. 

M 269-270 , Ce e?ulceratione renum. p. 305. 

M 270-271 De calculo renum. p. 308. 

M 271 Ad calculum comminuendum. p. 311. 

'M 275-276 De affectibus vesice. Dé inflammatione 
. . vesice. p. 311. 

M 276-277 De ulcéré vesice, p. 313. 

M 272-274 De calculo vesica. p, 315. 

M 275 De inflammatione vesice alia ex Ron- 

dfeletio]. p. 318. 

M 274-275 De sanguinis rejectione, 'e renibus vel 

- . vesica. p. 320. 

M 277-280 De ardore urine. p. 321. 

M 280 De stranguria. p. 325. 

M 281 De disuria. p. 326. 

M 281-282 De iscburia. p. 327. 

M 271-272 Dediabete. p. 330. 

M 74 De affectibus pénis, de resolutione pénis, p. 331. 

M 282-283 De exulceratione pénis. p. 332. 

M 283-284 De priapismo. p. 334. 

M 284-285 De gonorbea. . P- 336. 

M 285-286 De impotentia cœundi, p. 339. 

M 307-308 De inflammatione testium et scroti. p. 340. 

M 308 De scirrbo dictarum partium. p. 342. 

M 307 De contusione testium. p. 342 . 

M 308-310 De berniis. p. 343. 

M 310 De aquoso ramice, p. 347-. 

M 310-311 De ventoso ramice. • p, 343, 

M 290-292 Uteri affectus et primum de retentione 

mensium. ' P- 349. 

M 292-293 Ad generationem seminis et fœtus. p. 352 . 

M 294-295 Ad facilitandum partum. p. 355; 

M 295-297 De partus difficultate. p. 358. 

M 293-294 Ad fœtus retentionem. p. 360; 

M 297-298 De retentione secundine et fœtus mortui. p. 363. 

M 301-303 De uteri procidentia. p. 364. 

M 298-299 De mola. P- 368'. 

M 286-287 De redundantibus mensibus. p. 369. 

M 287-290 Ad purgationem muliebrem, p. 372 , 

M 286-287 De profluvio uterino. pt/ 374. 



— 19 — 


M 300-301 De uteri sufîocatione. p. 378. 

M 299-300- De inflatione uteri. p. 381. 

M 304-305 Ad inflammationem uteri. p. 384. 

M 305 Ad scirrhum. p. 387. 

M 305-306 De cancro uteri. p. 388, 

M 306-307 Ad ulcéra uteri. v' p. 389. 

M 303-304 Ad condylomata et scissures uteri. p. 391. 

M 311-319 De articulorum afiectibus et primumde 

arthritide. p. 393. 

M 319-322 De coxendico dolore. p. 407. 

F 101-104 De morbo gallico ex domno Rondeletio. p. 418. 

F 104-105 De signis morbi gallici. p. 423, 

F 105-107 De curatione. p. 425. 

F 107-109 De unguentis. p. 427. 

F 109 De morbo inveterato. . p. 430. 

F 110 Unguentum sequens auferet ad dolores 
capitis, juncturarum et ad duros tu- 
mores, quod sedat dolores, materiam 
calefaciendo, liquando et evacuando 
persudoresetperorisexpurgationem p. 432. 

P 110 Ad, tumores duros morbi gàllici invete- 

rati ëtpituitosi ceratum conveniens. p. 432. 

F 110 Aliud emplastrum ad tumores duros 

morbi gallici inveterati, p. 433. 

F 111 Aqua theriacalis provocans sudores in 
morbo gallico inveterato et curans 
dolores, si detur cum aquis infra 
scriptis. p. 434. 

F 111 Alia ratio curandi morbi gallici. 

F 111 Decoctum, quod calefacit, atténuât et 
expellit matériam morbi gallici inve¬ 
terati. p. 435. 

t’ 112 Decoctiones compositae et syrupus ad 

morbum gallicum. p. 436. 

F 112 R, sic fiat decoctio efflcacissima cum 
aquis destillatis, que cito morbum 
curât, laxat potenter et siccat. p. 436. 

F 113 Pillùlae barberousse. p. 438. 

F 113 Possuntet alio modo fieri ut sequitur. p. 438. 

F 114 ■ Emplastrum igitur sic fit pro iis quibus 

domi ob negotia residere non licet, 
vel pro his, qui morbum dissimulare 
volunt. p. 439. 

F 114 De radiée eschina et ejus ^reparatione. p. 439, 



— 20 — 


F 114 

Prescriptio decoctionis eschine et sal- 
se parille et guaiaci pro dieta morbi 



gallici. 

p. 440. 

F. 115-120 

De victus ratione observanda. 

p. 440. 

F 115 

De symptomatis morbum gallicumcon- 



sequentibus. 

p. 441. 

F 115 

De animi defectu, de fluxu ventris et 



dysenteria. 

p. 441. 

F 115 

Ad cris ulcéra. 

p. 442. 

F 115 

Gargarisma ad fortiter siccandum oris 



ulcéra. 

» 

F 116 

Syrupus ad detersionem et purgationem 
jecorispost omniadandus in iis, qui 
exulcerationes, scabies, herpetes et 
alia cutis vitia patiuntur a morbo 



gallico. 

p. 443. 

F 116 

Adarticulorum dolores et tophos. 

» 

F 116 

Pillulae, que poterunt (sic) accipi loco 
syrupi precedentis vel loco pillula- 



rum ex aloe. 

» 

F 116 

De fissuris. 

p. 444. 

F 116 

Liniinenta,unguenta etdecoctiones, que 
possunt fieri post universalem pur¬ 
gationem et unctionem universalem 



ad fissuras manuum non curatas. 

» 

F 117 

Ad herpetes. 

» 

F 117 

Linimentum ad herpetes. 

» 

F 117 

De alopecia. 

p. 445. 

F 118 

De dolore capitis. 

p. 446. 

F 118 

Aqua theriacalis pro dolore capitis a 



morbo gallico post cetera remedia. 

p. 447. 

F 119 

De ulceribus narium. 

p. 448. 

F 119 

Ad ulcus narium,quod non poterat cura- 
ri neque a medicis Italie,neque ab au- 
licis,neque a ceteris Monspeliensibus. 


F 119 

Decoctumquo abluenda estpars interna 



narium post omnia supradicta. 

p. 449. 

F 119 

De suSumigiis. 

p. 449. 

P 120 

Fumigium ad sedandos dolores et pro- 



vocandos sudores. 

p. 450. 

F 120 

Fumigium ad ulcéra curanda in morbo 



gallico. 

p. 451. 

F 120 

Epilogus de argento Vivo. 

p. 461. 



— 21 — 

F 120 Finis, 1559, 17" die februarii, Monte- 
pessuli. 

Linimentum admirabile pro morbo gal- 

lico ex Fore<a7î[ono]. p. 452. 

F 106-120 Pro viro et muliere morbo gallico labo- 
rantibus et stigmata in palma manus 
habentibus. Ex Rondeletio, 

M 1-8 De alopecia, ophiasi et defluvio capil- 

lorum. Ex Rondeletio. p. 454. 

M 8 De pityriasi, furfuribus, prurigine vel 

porrigine. Ex Rondeletio. p. 458. 

M 10 De phthyriasi et morbo pediculari, 

Ex Rondeletio. p. 459. 

M 10-12 De achoribus, tinea vulgo. Ex Ronde¬ 
letio. p. 460. 

Atheromatum, steatomatum, meliceri- 
dum curatio. Ex Sap. p. 461. 

Ganglii curatio. » 

De strumis sive scrophulis, sive glan- 

dulis, sive ulcéré. Ex Sap. p. 462. 

De hydrope. Ex .Ça/>. p. 463. 

De ascite. • p. 464. 

Curatio sarcitis, Sap. p. 468. 

Curatio tympanitis. Sap. , » 

De scirrho non exquisito. Sap, p. 469. 

De curatione scirrhi exquisiti, qui sine 
sensu partis est. Sap, p. 471. 

De cancri sicci curatione. Sap. p. 472. 

De cancro ulcerato. Sap. p. 475. 

De erysipelate. Sap. p. 478. 

Herpetis curatio. Sap. p. 480. 

Herpetis miliaris curatio. Sap. p. 483. 

De tumoribus a frigido humore et pri¬ 
mo de œdemate morbo non sympto- 
mate. Sap. p. 484. 

De œdemate non vero, sive flatulento, 

sive de inflatione. Sap. p. 488. 

De tumore aquoso. Sap. p. 489. 

De bronchoceli, hernia gutturali. Sap. p. 490. 

De columella inflammata et relaxataseu 

uvula. Ex And. Saport. p. 492. 

De columella relaxata Sap. p. 496. 



— 22 


M 10-12 Varie variorum authorum recepte ad 
varies morbos. Rondeletius pro eo 
qui ob intemperiem capitis pôtissi- 
■ mum calidam dormire non poterat. p. 514. 

Ex Falcone pro Epeepheo opiata robo- 

rans ventriculum et caput. » 

Pulvis ad idem, et ad sputum sanguinis. » 

Ex D. de Laigle. , » 

Pro tinea. p. 515. 

Paralysis. Ex ^bnian. p. 516. 

Aqua admîrabilis pro paralitico./^ontore. p. 518. 

. Alla ex Griffy ad sudorem. » 

Opiata ventrem et cerebrum corrobo- 


rans. 

Opiata cerebrum roborans et nervos. 

Curatio juvenis annorum 20, qui reso- 
lutus fere in media corporis parte, 
convaluit. 

Pouldre pour le Chancre^ 

Pro bphthalmia initio emplastrum. 

Pro suffusionè ocülorum. Fontanonise- 
cretum. 

Ad fistulam lachrymakm. Expertum a 
domno de Laigle in Domina Donarty. 

Ad dolorem dentium. 

Adsurditatem aurium. Ex. Sap. etRon- 
deletio. 

Ad ictum in facie yel oculo. 

Emplastrum pro capite sistens fluxum. 

Pro magnitudine lingue. 

Pro rubore faciei. Chavet [?] 

Pillule contra pleuresim. Font. 

De tussi a materia calida. 

Pomum odoriferumindefluxu calido. ] 

De tussi a materia frigida. 

Ad idem si predicta non sufficiunt. 

Lohotad expectorandum. 

Pulvis a pastu. 

Electuarium aliud. 

Mixtura in modum paste regalis. 

Pro pauperibus. 

Pro homine disposîto ad asthma et 
difficultatem respirandi. De Laigle. 

Rondelet, pro.eodem. Cf. M 175-476. 


» 


p. 519. 
p. 520. 


p. 521. 


p. 522. 

» 

». 521 


p. 522 l>‘“. 


p. 523. 



— 23 


M 10-12 


’ Phenens pulvis ad idem miscendus în 
ferculis. 

Unguentum ad idem. 

Honorât, pro muliere febre- continua 
affecta cùm sputo sanguinis apulmone. 

Formule sub lingua tenende. 

Opiata ad idem. 

Syrupus magistralis pro eadem muliere 
sanguînem mundans et clarificans 
quod talis affectus a vitio sanguinis 
Titiosi dependet. 

Fern. Contra phtisim fiat ex defluxione 
acri a capite in pulmones. 

Pulvis. 

Sylvius et Capellanus ad idem pro scho- 
lastico annorum 14. 

Ad detergenda ulcéra pulmonis. 

Ad emaciationem et phtisim conficiatur 
in formam manus Ghristi. 

Unguentum pro pectore. 

Pulvis ad lac generandum. 

Emplastrum pro materia ad lac gene¬ 
randum ut trahatur alimentum lactis. 

Ad sistendum lac. 

Ut lac deperdatur. 

Ad idem. 

Ad constringendum mammas. 

Rondeletius : ad lac supprimendum. 

Ad tumorem mammille propter lactis 
generationem. 

Ad dysenteriam. 

Ad dysenteriam indeclinatamproruslico. 

Pro rustico in colico dolore. 

Ad hemorrhoidas retinendas unguentum. 

Pro dolore sedando hemorrhoidarum, 
Aliud. 

Adhydropemex Monachis Belosannë(l). 

Valent ad omnes morbos. 

Ad vomitum. 

Ad vermes ex d. de Laigle. 

Contra rupturam. 

Ad descensum in scrotum. 


p. 524, 

p. 524. 
» 

p. 525, 

p. 526. 
p, 526. 

p, 527. 
» 

p. 528. 


P- 


» 

529. 


(1) BELtoziNNS, abbaye de Prémoatrés (Seine-Inférieure). 



Ad ventrem inflatum in puella ex d. 
Mallar. 

Mazille pro imbeciUitate ventriculi. 

Ad icterum apozema efficacissimum ex 
Font. 

Ad calcules. 

Rondeletii unguentum pro calcule. 

Ex Font. 

Unguentum ad suppressionem vesice. 
Font. Pillule meventes urinam et calcu- 
lum. 

Syrupus mevens urinas. 

Unguentum ad idem pre calcule renum. 
Opiata ad idem. 

Opiata laxativa ad idem. 

Clyster usualis pre calculesis. 

Font. Potie ad idem valde efficax. 
Betancourt. 

Rendeletius pre calculese. 

Opiata sic fiat. 

Pillulae. 

Ad ciendam urinam. 

Unguentum pro calcule. 

Linimentum. 

Pro calcule electarium. 

Dommus de Laigle. 

Balneum. 

Pro calore renum cum suspicione calcul!. 
Unguentum. 

Font. Pro vesice apostemate linimentum. 
Rondeletii pro eisdem opiata. 

Pro eodem in incremento. 

Ad ulcus pro scabie potio. 

Unguentum. 

In ardore ürine. 

Pour une pisse chaude. 

Pro muliere gravida, que vomitu moles- 
tabatur. Sacculus pro stoinacho. 

La remede de la Rondelette pro mulie- 
ribus gravidis. 

Ad accelerandum partum. 

Ad conceptüm juvandum opiata. 

Ad facilitandum partum. 

Ad procidentiam uteri.' D. de Laigle. 


p. 529. 

p. 530. 
p. 530. 

p. 531. 


p. 532. 
p. 533. 

p. 534. 
» 

p. 525. 

p. 536. 
» 

p. 536. 
p. 537. 



25 — 


M 10-12 Emplastrum pro matrice. 

Pessaria ad provocanda menstrua et 
conceptum. 

Ad suffocationem matricis. 

Ad secundinas ejiciendas et menses 
movendos. 

Ad menstrua movenda. 

Pillulae ad idem. 

Trochisci ad idem. 

Pessaria ad idem. 

' Electarium. 

Ad sistendos menses pulvis. 

Linimentum. 

Ghavet [?] Pro puerpera, que modo pe- 
perit. 

Ut extrahatur fétus mortuus. 

Pro muliere infecunda ex intempérie 
totius corporis frigida et humida. 

Ad coitum provocandum opiata. 

Ad exulcerationem mentus pudendi. 

Opiata semen minuens et venerem, 

Linimentum partes spermaticas robo- 
rans et venerem minuens. 

Ad gonorrheam fiat ex venere, idque 
fiat purgato corpore cumque fluor 
gonorrhee sistandum est. 

Ad scabiem et impetiginem. 

De Gourselles, pro morbo gallico. 

Ad fracturas ossium in quacumque parte 
sint. 

Cap .pro quodem annorum 30“ cui corpus 
herpetibus permultis scatebat. 

Pour la bruslure. 

Ad scabiem faciei aut capitis, qualis solet 
sepius accidere pueris. Ex D .Rebulli. 

Ex eodem ad sudationes eliciendas pro 
morbo gallico post vacuationes cor¬ 
poris débitas. 

Delîensivum et repercussivum, quod 
semper remanet humidura et equi- 
valet vulgari defensivo chirurgorum 
ad plagas recefltes ex bolo armenio et 
albumine ovi et aqua rosaÙ, etc. ex d. 
Rebulli. 


p. 537. 


p. 538. 

p. 539. 

p. 540. 
p. 541. 

p. 541. 



^ 26 — 


M. 10-12 


Pro lienis dolore. 

Pro morbo gallico. 

Sequens linimentum habetminores vires 
Aliud pro morbo gallico simul cum 
ulceribus sub axellis (sic). 

Pro ulceribus sub axillis. 

Domini de Laigle, Betancourt, Legras. 
Opiata contra pestem usitata Rotho- 
magi. 

Sic autem solet prescribi ejus usus. 
Pro lue venerea Betancourt. 

Le Gras. feuillet 


p. 541. 
p. 542. 

p. 543. 

p. 544, 
» 

de la fin, 


Quelques passages curieux de ce manuscrit. 


« Pouldre'pour le chancre. (p. 519). 

Prenez ung lesart tout vîf et le mettez dedans ung pot neuf 
de.terre et le fermez fort, qu’il ne respire, et le mettez au feu 
secher et le couvrez de feu, où il demeurera l’espace de 3 heu¬ 
res, et prenez celle pouldre et en mettez seurement sur le lieu 
où chancre. Expertum. » 

« Opiata contra pestem usitata Rothomagi. (p. 544). 

(Dans la marge) Anno 1563 non erat in ùsu Rothomagi 
anjplius. 

Fit ex mitridatio et theriaca andromachi, radice tormentille, 
sinapi, aceto et crpco ana partibus equalibus. » 

« Ghâvat [P] post bocum ex cassia et cum rheo. 
(dernier feuillet). 

Boys de gaiac demi-onces IHI, escorce demie-once, le faire 
tremper par 24 heures en troys chopines d’eau sur cendres 
chaudes jusques en diminution de moitié et vers la fin y 
adjouster demi-once de raisins, demi-once de reglisse, demi- 
onee d’anys, et en boire par 15 jours au matin pour suer. » 



-27 — 


IL — Notes bibliogra.phiqtjes sur les œuvres : 
DÉ. Rondelet. ' 

a) Manuscrits de la Bibliothèque Nationale. 

Actuellement, la Bibliôthèqüè Nationale possède 
deux manuscrits des œuvres de Rondelet. , , 

Le premier est le manuscrit latin n“ 7070. Il a jadis 
appartenu à Philibert de la Mare (1). Le catalogue 
de 1744 le décrit en ces termes, au tome IV, p. 310 : 
manuscrit sur papier contenant : 

1“ Rondeletii tractatus de materia medica et de medir 
camentorum compositione ; 

2® Ejusdem methodus curandorum morborum ; 

3® Ejusdem tractçLtus de febribus ; 

4® Ejusdem tractatus de tümoribus praeter naturaiii 
etdemorbogallico. - 

Ce manuscrit, paraît avoir été écrit au xvi® siècle: 

A la Réserve des Imprimés, sous la cote Td. 15. .6, 
existent reliés à la suite d’un ouvragé médical tjuelf 
ques traités de Rondelet en écriture du xvi® siècle. 

« Guillelmi Rondeletii tractatus de morbo italico.— 
« Guillelmi Rondeletii methodus ad rite cognoscendos 
e. morbos, partes affectas et morborum causas. D . 

L’imprimé qui les précède est intitulé : « Actuarii 
de urinis libri sepiem ». Paris, Simon de Colines, 1522, 
in-4'>(2). ' : 

b) Imprimés. 

Si Rondelet semble avoir apporté tous ses soins à 
la publication de son superbe ouvrage sur les Pois¬ 
sons, il paraît par contre avoir négligé presque com¬ 
plètement l’édition de son œuvre médicale. 11 faut 
croire que la rédaction définitive d’un livre lui était 
Une chose très pénible ou difficile, soit par une 
certaine paresse naturelle, soit par manque de temps. 

(1) Ce manuacrit ayait appartenn. à Sanmaiae. (Léopold Delisle./ te 
Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. 1, p. 362). 

12)L.Delisi,e. — Manuscrits latins et français ajoutés aux fonds des nou¬ 
velles acquisitions pendant les anrf.ées 18T 5 à biO. 



— 28 — 


On sait qu’il confia à la plume de Charles de Lécluse 
le soin de rédiger l’édition latine de l’Histoire des 
Poissons, qui d’ailleurs fut traduite en français par 
un inconnu. 

Rondelet publia lui-même quelques petits traités 
de matière médicale. Son enseignement absorbait une 
grosse partie de son temps. Il était extrêmement 
varié,illustré d’historiettes parfois bouffonnes,enrichi 
de nombreuses observations et de formules. Les 
élèves se pressaient nombreux autour du maître qui 
les conseillait et les dirigeait. Sans cesse, de nou¬ 
veaux faits, de nouvelles découvertes enricbissaient 
le patrimoine médical. Une révision sévère s’impo¬ 
sait avant la publication. Les notes des élèves four¬ 
millaient de fautes, car Rondelet parlait très vite. Il 
existait beaucoup de variantes. Rondelet ne déve¬ 
loppait pas également chaque année ses diverses 
leçons. 

Vers 1560, de violents troubles chassèrent les étu¬ 
diants de Montpellier. Rondelet, qui avait embrassé 
le protestantisme, eut d’ailleurs à souffrir des évène¬ 
ments. Beaucoup d’étudiants se réfugièrent à Paris. 
Jacques Macé (1) espéra faire une bonne opération en 
publiant sans l’aveu du professeur et à son insu les 
cahiers de notes des élèves. Il put rassembler un cer¬ 
tain nombre de cours, les comparer et en former un 
tout assez homogène, qu’il édita en deux volumes 
in-12. Il obtint même un privilège- Malheureusement 
cette édition péchait et par la forme et par le fond. 
Lorsque Rondelet apprit cet acte de piraterie, il en fut 
très mortifié et s’en plaignit amèrement. Sur ces 
entrefaites, Hérouard, ami de Rondelet, se rendit 
à la Cour pour défendre les intérêts du consistoire 
de Montpellier. Notre médecin le chargea d’obtenir 
la révocation du privilège et la destruction de l’édi¬ 
tion clandestine. En moins d'un an, les seize cents 
exemplaires du recueil avaient été épuisés. C’est dire 
l’immense succès des œuvres de Rondelet. Brousson- 

(l)Victor Broussonnet. Notice sur Guillaume Rondelet. Ephêmêrides 
médicales de Montpellier (1828), tome VII, I-XIV. 



net prétend que Rondelet n’eut pas gain de cause dans 
ses réclamations. Haag, au contraire, soutient que le 
Roi ordonna la suppression du livre. Il n’y eut plus 
d’éditions de cet ouvrage avant 1573. 

Nous n’avons pas rencontré, dans les bibliogra¬ 
phies, de traces de cette première édition, imprimée 
en 1560 ou 1561, sans date, ni nom d’imprimeur. Le 
privilège même n’était pas daté. 

Le premier volume contenait le Methodus curan- 
doriim omnium morborum co^poris humant in très 
libres distincta. 

Dans le second volume, on trouvait les divers trai¬ 
tés qui figurent dans les éditions postérieures des 
œuvres médicales de Rondelet. 

Nous possédons toutefois une édition des œuvres 
de Rondelet, in-12, imprimée chez Jacques Macé, à 
l’enseigne de la Pyramide et non datée. Le privilège 
n’est pas daté non plus. Jacques Macé a imprimé jus¬ 
qu’en 1571. Après cette date l’imprimerie passa entre 
les mains de son fils Charles Macé. Cette édition est 
donc antérieure aux autres éditions connues et nous 
avons tout lieu de supposer que c’est l’édition clan¬ 
destine. Nous ne pouvons toutefois l’affirmer avec 
certitude. 

Rondelet voulut donner une œuvre digne de lui, 
pouvant transmettre honorablement son nom à la 
postérité. Il commença par faire revoir le De Ponde- 
ribus par Bordeu et le publia en 1561 à Lyon (1). Lau¬ 
rent Joubert se chargea de la révision des autres 
parties de l’ouvrage, travail qui était inachevé à la 
mort du maître en 1566 (2). 

Il nous semble intéressant de rappeler ici la biblio¬ 
graphie des œuvres de Rondelet, que Haag seul a don¬ 
née à peu près complète. Nous la reproduisons d’après 
Haag eu y ajoutant quelques nouveaux détails (3) . 

(1) Cet ouvrage avait déjà eu plusieurs éditions. 

(2J La rédaction définitive de cet ouvrage serait due à Desmoulins et 
de Lécluse. Pour le fonds, Rondelet a, dit-on, beaucoup emprunté à son 
ami, Guillaume Pelicier, évêque de Montpellier. Mais cotte assertion 
nous semble peu véridique. 

(3) Haag, 1” édition, t. VIII, p. 621-623. 



I. De pîsçibus Martnis libri XyiII in ij ni bus verae 

piscium effigies expressae sunt. Liigd. Matthieu Bon¬ 
homme f 155^, Universae aquatilium historiae 

pars altéra cim verts ipsorum imaginibus. Lugduni. 
Apud eundem. 1555, in-folio. 

La première et la deuxième partie de VHistoire 
èhtièré des Poissons f composée premièrement en latin 
par Maistre .Guillaume Rondelet, docteur régent ,en 
médecine .en V Université de Mompelier maintenant 

traduite en français sans avoir rien omis estant néces¬ 
saire à l’intelligence d'icelle, avec leurs pourtraits au 
naïf. Lion, Macé Bonhome, 1558 ; in-f'’. En tête dea 
dénx parties, l’on voit un excellent portrait de Ron¬ 
delet. 

La traduction libre est due à un auteur inconnu. 
D’aucuns ont pensé qu’elle pouvait être attribuée à 
Laurent Joubert, car certains mots sont écrits dans 
l’orthographe spéciale à cet auteur. Toutefois cette 
attribution est loin d’être certaine. 

II, Methodus de Materia Medicinali et composU 
tione medicamentorum, Padoue, 1556; in-8®. 

Ce traité a été réédité à la suite des « Médicinales 
« aliquot tractationes,quarum aliquae illis praesertim, 
.«. qui in particularibus morborum curationibus exer- 
« ceri incipiunt, perquam utiles existant, a nonnullis 
« tempestatis nostrae in arte medica clarissimis.)) Pa- 
piae,apudHieronjrmum deBartolis ad instantiamJ.-B. 
Turlini bibliopolae, 1561. 

On le trouve aussi dans les Tractaiiones Médici¬ 
nales tyronibus Medicis perquam utiles. Venetiis apud 
Vin'çentium Valgristum, 1562. Ces deux dernières 
éditions qui ont échappéj semble-t-il, à tous ceux 
qui se sont occupés de cette question, se trouvent à 
la bibliothèque Sainte-Geneviève. 

IIL De' ponderibus sen justa qmntitate et propor- 
tione medicameJitorum liber. Patav. 1555, ,in-8“ et 1579 
in^“. D’après Eloy, 1561. D’après Joubert et Aigre- 
feuillé, 1556. D’après la Biographie Médicale, 1563, 
in-S®. D’après Watt. Anvers, Plantin, 1561, i in-18“. 



31 - 


Venise, 1562, in-8°. Lyon, 1584, in-12 ; 1621, in-8'’.— 
The countryman's apothecary. London, 1649, in-12, 
que la bibliographie Watt attribue à Rondelet est 
peut-être la traduction anglaise de ce traité (?), 

IV. Gulielmi Randeletii Docioris Medici et medi- 
cinae in schola Mojispeliensi professons Regii et can- 
cellarii Melhodus curandorum omnium morborum 
jcorporis liumani in très libros distincta i einsdem- dè 
dignoscendis môrbis, de Febribus, de Morbo Italiçflyde 
internis et externis remediis , Pharmacopolo-riim. offi- 
cina. De Fttcis. Omnia nunc primiim in lucem édita et 
diligentissime castigata. 


Parisiis apttd Caroîum Macaeum sub Signo Pyra- 


Id. 

midis, 1573, 
1574. 

cum privilégia Regis. 2 vol. in-:8®. 

Id. 

1575. 

[Lyon 1583. 

Td. 

Omnia nunc in lucem castigatius édita. 

Id. 

— 

— Lyon 1586. 

Id. 


chez Jean Sertout, Lyon 1601. 

Id. 


Francfort 1592, 

Id. 


Montpellier 1601. 

Id. 

— 

chez Jacques Stoer, un vol. in-8®, 
Genève 1609. 

Id. 

_■ 

Genève 1623, 

Id. 

_ 

Genève 1628, 


y. Tractalus de Uritiis, Francfort, 161Q,-in-8". 

VI. Opéra omnia medica. Genevae, Chouet, 1628, 
in-8“. C’est une nouvelle édition du recueil ri'’4. Avec 
quelques additions : Introductio ad praxim. Dé uri~ 
nis. Consilia medica, par Jean Croquer, médecin 
Polonais, ancien élève de la Faculté de Montpellier. 
Watt cite une édition de Montpellier, 1619, in-S”. , 
- On trouve en outre les divers écrits suivants de 
Rondelet ; 

1® Un petit traité de succedaneis tiré en grande par¬ 
tie de ses leçons et des Formulae aliguot remedioruth 
mmquam a.ntehac in lucem edilae à la fin de rhistqirô 
des Plantes de de Lobel. (Anvers, 1576, in-P). 



— 32 — 


2" Un diarium ■pharmaceuticum et un petit traité 
inédit sur Xhydropisie dans l’ouvrage intitulé Diliici- 
dae simpliciiim medicamentorum explicationes, du 
même. Londres, 1605; in-K 

3’ Un traité de Theriaca dans le dispensaire de 
Valerius Gordus. Leyde, 1626 à 1652, in-12. 

4“ Un traité de succedaneis à la suite du Thésaurus 
pharmaceuticus de Schwenkfeld. 

5° Quelques consultations dans le recueil de 
Scholz. 

Joubert hérita, à la mort de son maître, de divers 
traités, les uns achevés, les autres à peine ébauchés. 

1" De impedimentis generationis. 

2“ De affectibus gravidae^ parturientis et puerperae. 

3° De affectibus injantium et puerorum. 

4® De morbis haereditariis. 

5“ Commentarii in aliquot Hippocratis aphorismos. 

6“ Commentarius in Aristotelis librum de mistione 
et miscibilibus. 

T Commentarius in aliquot capita libriprimi Dios- 
coridis. 

8® Commentarius in Galeni libros ; Artis parvae ; de 
constitutione artis medicae. Introductorium medici- 
nae; De temperamentis ; de locis aj^ectis ; Quos, quando 
et quibus pur gare oportet-, de paratu facilibus. 

III.— Notes sur la Biographie de Rondelet. 


La Biographie de Guillaume Rondelet est bien 
connue. Il y a peu de choses à ajouter à l’excellente 
notice que lui a consacrée Haag dans Ia France Pro-^ 
testante (1). La Nouvelle Biographie générale et le 
Dictionnaire des Sciences médicales donnent sur cet 
auteur des articles beaucoup moins complets, d’ailr 

(1) Tome VIII, p.517 sa. Rondelet était protestant. Le 22 nov. 1561,il fut 
nu nombre des notables bourgeois, que les protestants de Montpellier dépu¬ 
tèrent atix chanoines de la cathédrale pour leur demander la cession des 
églises de Notre-Dame, de Saint-Paul et de Saint-Mathieu, qui leur étaient 
nécessaires, yuTa grande affluence de ceux de leur religion. Sa fille Jeanne 
épousa en secondes noces Hervet de la Haye, ministre réformé. 



— 33 — 

leurs reproduits et abrégés par nombre d’autres 
ouvrages. 

Nous croyons bon de signaler toutefois certains 
détails peu connus que nous avons rencontrés. Rap¬ 
pelons d’abord les points principaux de sa biographie. 
Né à Montpellier le 27 septembre 1507. Rondelet 
mourut à Réalmont dans l’Albigeois en 1566. Il com¬ 
mença ses études à Montpellier, les continua à Paris 
où il passa quatre ans. Etudiant à la Faculté de Méde¬ 
cine de Montpellier le 2juin 1529, il fut reçu docteur 
en 1537. A sa sollicitation le roi fit bâtir le théâtre 
anatomique de sa patrie. Rondelet autopsia lui-méme, 
dit-on, un de ses enfants. Esprit vifet pénétrant,il passait 
une partie de sa nuit à lire et à écrire. Ses cours 
étaient très suivis, il donnait jusqu’à quatre leçons 
par jour. Son humeur était enjouée. Le cardinal de 
Tournon le prit pour son médecin (1545)'. C’est de Ron¬ 
delet que Rabelais s’est joué (1) sous le nom deRondi- 
bilis II ne laissa à ses héritiers que ses productions. 
Sa vie se trouve dans les œuvres de Laui-ent Joubert 
son élève. L’Université de Montpellier luiconsacraune 
inscription élogieuse (2) après sa mort. On la grava 
au-dessus de la principale porte de l’édifice universi¬ 
taire . 

Nous avons quelques indications nouvelles à ajouter 
à celles-là. Dans la collection Dupuy (3), vol. 951, 
fol. 305-310, il y a le poème : « P. Lotichii Secundi ad 
G. Rondeletum mediciim, de obitu puellae Tunicatae 
a se adamatae in Montepessulano^ elegia », fev. 1554. 

Nous avons rencontré dans les notes de M. Emile Pi¬ 
cot, nombre d’indications bibliographiques des plus 
précieuses. 

La bibliothèque de Nîmes possède, sous le n“ 468, 
des Manuscrits, des notes d’Amoreux sur Rondelet, 

(1} On a reproché à Rabelais d’avoir ridiculisé son ancien ami, mais 
Cuvier plaide l’indulgence pour l'auteur de Pantagruel parce que Rondi- 
bilis dit des choses sensées et que les critique.» ont une portée générale. 

(2) A. Germain. — Les inscriplians de l'ancienne Université de Médecine 
de Montpellier, 1860, p, 21. 

(3) L. Dorez. — Catalogue de la collection Dupuy, 11, p. .685. 





— 34 — 


h’HisLoria Monspeliensis, de Strobelberger, (Nurem¬ 
berg, 1625), rééditée à la suite de MEcole de Médecine 
de Montpellier de Germain (p. 143), contient d’intéres¬ 
sants détails sur l’histoire pathologique de G. Ronde¬ 
let. Il avait coutume de répéter qu’il avait eu toutes 
les maladies. 

Le manuscrit français 5285 de la Bibliothèque natio¬ 
nale renferme, au folio 127, un Acte de Charles IX 
relatif à Rondelet et intitulé « Traicte deBledz)).Nous 
le croyons inédit. 11 est curieux de voir Rondelet se 
lancer dans les spéculations commerciales, ce qui 
semble contraire au caractère prêté habituellement à 
ce médecin et d’accord avec le texte de Rabelais (1). 

« Charles, etc... A tous nos lietitenans generaulx, gouver¬ 
neurs, aduairaulx, visadmiraulx, bailliz, seneschaulz, prevostz, 
cappitaines et gardes de villes, citez, chasteaux, forteresses, 
maistres et gardes de portz, pontz, passaiges, jurisdictions 
et destroictz et à tous noz autres justiciers et ofQciers ou leurs 
lieuteiians et à chacun d'eux endrçict soy et comme à luy 
appartiendra, salut, Sçavoir vous faisons que nous, inclinans 
à la requeste, qui faicte nous a esté par aulcuns nos especiaulx 
serviteurs en faveur de nostre cher et bien aimé maistre Guil¬ 
laume Rondelet, nostre professeur et lecteur en rUniversité de 
Montpellier et chancellier d’icelle, et, désirans en considération 
des services qu’il a faictz à feu nostre très honoré sieur et 
ayeul, le roy François, premier de ce nom, du bon debvepir 




— 35 — 


qu'il faict en la dicte Université, luy donner quelque moyen de 
se résoulSre des pertes qu’il a eues durant les derniers troubles 
et faire son proffîct de son revenu à ce qu’il puisse tant mieulx 
s'entretenir et continuer sa profession en la dicte Université, 
à icelluy Rondelet pour ces causes et autres à ce nous mou- 
vans, avons permis, accordé et octroyé, permectons, accor¬ 
dons et octroyons de grâce spécial par ces présentes, que 
puisse et luy soit loisible, par telz marchans ou autres ses 
procureurs et négotiateurs qu’il advisera, faire tirer et enlever 
de cestuy nostre royaulme des bleds de son creujusquesà 
mille charges de bledz, pour les faire mener, conduire et trans¬ 
porter soit en nostre pais de Provence ou ailleurs dedans et 
hors de nostre dict royaulme, qu’il advisera, pour les y faire 
vendre et débeiter, en payant et acquictant toutefois les droictz 
et debveoirs pour ce deubz ès lieux à ce destinez et ordonnez ' 
et à la charge que à mesure que la traicte s’en fera, la quantité 
en sera endossée au dos de ces présentes par les officiers des 
lieux qu’il apartiendra à ce qu’elle ne soit excédée. Si voulons 
et vous mandons, et à chacun de vous endroict soy, si comme à 
luy apartiendra, que de noz presens congé, licence et permis¬ 
sion vous faictes, souffrez et laissez ledict Rondeletjoyr etuser 
plainement et paisiblementsans en ce luy faire mettre ou donner 
ne souffrir luy estre faict mis ou donné aulcun arrest, trouble, 
destourbier ou empeschement au contraire, lequel si faict, mis 
ou donné luy estoit ou aux marchans, faisans la dicte traicte 
et aux procureurs et entremetteurs dudict Rondelet portans 
ces présentes, faictes incontinent le tout remettre et réparer à 
plaine et entière délivrance et au premier estât et dèu car, etc., 
non obstant quelzcomques lettres, ordonnances, instructions, 
mandemens ou deffences à ce contraires. Donné, etc. » ■ 

Nous ignorons le profit que tira Rondelet de ces 
opérations commerciales. La plupart des auteurs s’ac¬ 
cordent pour dire qu’il mourut pauvre. Sa vie vouée 
à la science, à la médecine, à l’enseignenient ne fut 
pas des plus longues. L’amitié de Rabelais l’a immor¬ 
talisé. 11 joua certainement un très grand rôle de son 
temps; Sa réputation médicale fut considérable ainsi 
qu’en témoigne ce sonnet de Scévole de Sainte 



— 36 — 

Marthe (1), d’ailleurs peu connu, que nous citerons 
pour terminer. 

« 11 ne faut point pour célébrer la gloire 
D’un Rondelet digne du rang des Dieux 
Luy eslever un tombeau somptueux, 

Pensant par là prolonger sa mémoire, 

Il a gaigné si notable victoire 
Contre l’effort du temps iniurieux 
Qu'aux plus tardifs de nos futurs nepveux 
A tout iamais son nom sera notoire. 

Donne luy donc pour toute sépulture 
Tant seulement ceste brefve escriture, 

Cy dessous gist un mortel dont l’effort 
Rendoit si bien au malade la vie, 

Que si la sienne on ne luy eust ravie, 

De la Mort mesme il eust esté la mort. » 


(1) Les Œuvres de Scévole de Sainte Marthe. Paris, Mamert Pâtis¬ 
son, 1579 ; in-4", f* 155. Ce sonnet naanqne dans les autres éditions de cet 
auteur. 

et. Emile Picot. — CataJogue de la Bibliothèque du Baron James de 
Rothschild. Paris, 1912, tome IV, p. 245. 



37 — 


COMMENT UN MÉDECIN LAUSANNOIS 
RELATE UNE OPÉRATION DE LA CATARACTE 
PRATIQUÉE PAR DAVIEL. 

Par I© O" i».ndré «UISAIV. 


Au dernier congrès de la Société internationale 
d'histoire de la médecine, notre confrère le D'' Laignel- 
Lavastine a présenté une note sur Jacques Daviel, 
son arrière grand-oncle. Qu’il me soit permis aujour¬ 
d’hui, de compléter l’intéressant exposé de notre col¬ 
lègue en vous donnant connaissance d’une lettre rela¬ 
tive à une opération de la cataracte pratiquée par 
Daviel et dont l’auteur est un médecin lausannois, le 
D''Jean-Jaeob d’Apples. 

Jean Jacob d’Apples appartenait à la plus ancienne 
et à l’une des plus illustres familles médicales vau- 
doises. Ayant consacré à celle-ci un long article (1), 
je me bornerai à dire que du milieu du xvu® siècle à 
l’aube du xix°, cette famille a donné neuf médecins 
de talent qui, tous sauf un, exercèrent notre art à 
Lausanne. J.-J. d’Apples, petit-fils, fils et frère de 
médecins, praticien de valeur possédait une culture 
générale remarquable. Il était lié d’amitié avec Tis¬ 
sot, Tronchin, de Haller, de nombreux confrères 
étrangers aussi et a publié plusieurs travaux intéres¬ 
sants touchant aux divers domaines de la médecine. 

Au nombre de ses clients, J.-J. d’Apples comptait 
un M. de Forel, au sort duquel , il s’intéressait tout 
particulièrement parce que sa mauvaise vue, attribua¬ 
ble à une double cataracte en faisait presque un aveu- 

(1) Praxis, revue suisse de médecine, n"‘ 33, 34, 35, 36, 38, 1923 et 
n» 1, 1924. 

Bul.Soc.fr.d'HUt.Méd., t.XX, n" 1-2(janv.-fév. 1926) 



— 38 — 


gle. Vers le milieu du xvii° siècle, la réputation de 
Jacques Daviel comme oculiste était universelle et 
partout en Europe on parlait avec admiration des 
merveilleuses guérisons de cataractes qu’il obtenait, 
grâce à un procédé opératoire nouveau. En 1761, 
M. de Forel, sur le conseil de de Haller résolut de se 
rendre à Paris pour consulter Daviel et pria son méde¬ 
cin, le D"" d’Apples, de l’accompagner. M. de Forel fut 
opéré et trois jours après l’intervention, d’Apples 
adressait à de Haller la lettre ci-dessous, intéressante 
surtout parce que son auteur y décrit exactement la 
technique utilisée par Daviel pour l’extraction de la 
cataracte. Voici le document en question : 

Letthk a m. le baron de Haller, 

Monsieur, 

Gomme c’est vos sages conseils qui ont déterminé M. B. de 
F. à subir l’extraction de la cataracte, et que je me suis laissé 
persuader à faire le voiage de Paris avec lui, malgré mes 
affaires et le peu de commerce, que ce voiage paraissoit avoir 
avec ma situation et mon âge, je me fais un devoir de vous 
rendre promptement compte du succès de cette entreprise. 
Nous sommes arrivés à Paris le 20 Août, dès le lendemain 
nous avons été cherché M. Thiery, chés lequel nous avons 
trouvé le mérite, la probité, la science et l’efficace de votre 
recommandation, il nous a conseillé de voir ce qu’il y a, de 
mieux en fait d’Oculistes, M. de Mours expert pour les mala¬ 
dies des yeux, qu’il n’opére point, mais qui consulte M. Daviel 
Chirurgien oculiste du Roi, qui a long-temps travaillé à 
Marseille même déjà du temps de la Peste, dont il porta un 
témoignage d’honneur par ordre ’du Sr Roch et M. Tenon 
grand Chirurgien, Membre des Académies Roiales des Scien¬ 
ces et de Chirurgie de Paris, jeune homme aimable et qui 
,donnera un grand sujet. M. de P. auroit voulû joindre à ces 
Messsieurs M. Morand Chirurgien Major des Invalides, nous 
l’avons cherché mais inutilement; Ces Messieurs ont examiné 
les yeux de M, de F. chacun séparément, après cet examen 
préliminaire on les a convoqués en Consultation à 4 heures 
du soir, en présence de M. Ferrein Anatomiste de l’Académie 
Roïale des Sciences, Professeur au College de Cambrai et de 
M. Thiery Docteur Régent en la Faculté de Médecine de 
Parie, Ces Maîtres après un nouvel examen attentif des yeux, 



— 39 — 


du Patient et après quelcpies raisonnetnens physiologiques, 
ont été tous unanime a décider, qüe les yeujç, de M. de F. 
étoient affectés de cataracte dès la naissance, que l’opération 
de ces cataractes surtout de l’œil droit, étoit douteuse pour le 
recouvrement de la vuë, à cause de l’ancienneté de la maladie, 
l’affuiblissement des organes, les adhérences suspectées; mais 
que cependant on pouvoit espérer quelque succès de l’opéra¬ 
tion, à raison de la mobilité de l’Iris, et de la quantité des 
raïons lumineux, qui parvenoient à la retine par l’humeur 
vitrée, que l’on pouvoit et que l’on devoit faire l’opération de 
ce cataracte par extraction, en commençant par l’œil droit 
comme le plus infirme et déjà prèsque condamné, que la 
nécessité de cette première opération décideroit à entrepren¬ 
dre ou à laisser l’œil gauche, qui est encore très précieux à 
M. de F. qui s’en sert journalement, quoi que d’une façon 
très laborieuse, au moien d’une loupe d’un pouce de foïer. 

Le jour et l’heure de l’opération ont été sindiqués au Jeudi 3 
Sept., le Malade aïant’auparavant fait usage des préliminaires 
et préparations convenables, concertées entre M.Thiery et moi. 

Tous ces, Messieurs se sont rendus dans la Chambre du 
Malade à 10 heures du matin précises, il faisoit ce jour la. 
médiocrement chaud et un temps couvert très favorable à 
l’opération, le malade a été placé sur un siège fait exprès à. 
un jour convenable, M. Daviel Opérateur s’est placé sur un 
autre siège un peu plus élevé vis-à-vis de lui, il a fait assu- 
jetir la paupière supérieure par son Fils, qui étoit derrière le 
malade, j’étois placé entre le malade et l'OpérateuH^ au côté 
droit, fort à pot-tée devoir et de faire attention à tout le manuel, 
ces Messieurs étoient rangés de l’autre côté, M. Daviel a 
assüjéti la paupière inferieure avec la main gauche, et il a pris 
avec la main droite un petit Bistouri courbe fort tranchant et 
aigre, il a fait l’incision de la cornée de haut en bas, à la dis¬ 
tance d’une ligne de l’Iris, en commençant par le grand angle, 
l’Opérateur a remarqué qu’il Irouvoit beaucoup de résistance 
et de dureté à la cornée, il a pris ensuite des ciseaux courbes 
bien tranchantes et bien afilées pour agrandir l’incision de bas 
en haut, et oüvrir, s’il étoit necessaire, la capsule du crys- 
tallin, mais aïant remarqué, que ces premiers ciseaux ne mor- 
doient pas bien et qu’ils fronçoient la cornée, il en prit de plus 
fins pour achever l’iricision, qui est d’environ cinq lignes, en 
comptant les deux cotés inégaux du triangle, l’humeur aqueuse 
blanchâtre, peu abondante s’est ensuite écoulée, on a essuïé 
l’œil avec une épongé imbibée d’eau tiède, sans qu’il soit sorti 
presque une seule goutté de saüg ; tbüt de Suite le crystallih 



— 40 — 


s’est présenté à la pupille, on la dégagé du bord de l'iris, qu’il 
touchoit, il est sorti précédé et environné d’une liqueur vis¬ 
queuse et jaunâtre l’Operateur a pris une petite curette d’or 
ou de vermeil'un peu creusée (c’est ce qu’il apélle un instru¬ 
ment auxiliaire) avec laquelle il a renversé délicatement de bas 
en haut le lambeau de la Cornée, et il a amené le Crystallin en 
dehors avec l’humeur glaireuse, qui l’accompagnoit, qu’il 
disoit être une partie du Crystallin fendu et renfermé comme 
dans un Kyste, j’ai reçu sur ma main ce Crystallin, qui s’echa- 
poit sur le linge, après quoi l’Operateur a ramené le lambeau 
sur le vuide de l’incision en raprochant dexlrement les bords 
de la plaie. Toute l’opération, telle que je viens de la décrire 
a duré 5 ou 6 minutes, le Malade a assuré, que cette opéra¬ 
tion n’étoit point douloureuse et qu’on pouvoit la comparer à 
une légère egratignure, on a présenté au malade opéré plu¬ 
sieurs objets, comme un chapeau bordé, une canne à pomme 
d’or en crosse, il a distingué tous ces objets et a dit qu’il 
voioit mieux-de cet œil, qu’il n’en aïe jamais vu de sa vie, on 
a couvert les deux yeux, le malade étant pancé et mis dans 
son lit, ces Messieurs ont examiné le Crystallin, on la trouvé 
de 2 lignes de surface, épais d'une ligne, jaunâtre, demi opa¬ 
que, traversé dans son milieu d’un point dur, obscur, d'un 
blanc sale, on a saigné 5 fois le Malade, avant et après l’opé¬ 
ration, je lui fais observer un régime sevére, il n’est nouri 
que de 2 Tasses de gru à Teau de 4 en 4 heures, nous verrons 
par la suite quel sera le succès de cette opération. M. de F. 
est très tranquille et ne souffre point, voici déjà le 4® jour dès 
l’opération, sans qu’il se soit manifesté beaucoup de fièvre ni 
d’autres accidents. 

J’ai été charmé de faire connoissance avec ces Messieurs les 
Médecins et Chirurgiens de Paris, ce 'sont tous de très aima¬ 
bles personnages, il y a de bonnes choses à aprendre dans 
leur conversation, nous vous avons sur tout bien de l’obliga¬ 
tion de la connoissance que vous aves nous procuré de M. le 
D' Thiery et de M. Tenon, dont le lumières et la probité sont 
généralement applaudis ; Ceux qui voudront se servir de 
M. Daviel, trouveront encore chés lui toutes les ressources, 
que fournissent une longue expérience et la dextérité de sa 
main, car quoi que bien-tôt septuagénaire et se servant de ses 
lunettes, il a toujours la main bonne et il est d’une grande 
utilité dans les cas rares et imprévus; il nous promet un 
ample Traité in-4“ sur les maladies des yeux et sur la maniéré 
de les guérir, fondée sur des observations de 40 ans, je ne 
sçais si celle, qui n’épargne personne, lui permettra d’accom- 



— 41 — 

plir un aussi grand dessein, je l’ai fort exhorté à ne point per¬ 
dre de tems. 

Tous ces Messieurs m’ont paru pénétrés d’une grande con¬ 
sidération et estime pour vous, Monsieur, ils connaissent une 
partie de vos ouvrages, et m’ont chargé devons assurer de 
leurs respects. 

M. de F. prie vôtre Seigneurie d’agréer l’assurance du pro¬ 
fond respect que lui ont inspiré l’excellence de vôtre cœur, la 
nature et l’étendue de vos connoissances, et le travail infatigable 
avec lequel vous les augmentés pour le bien de l’humanité, il 
éprouvé avec joie et reconnoissance l’utilité dont est, à l’égard 
d’un organe aussi délicat et qui paroit autant sensible que 
l’œil, la distinction que vous avés indiquée, des parties sen¬ 
sibles d’avec celles, qui ont moins de sentiment. Nous serons 
charmé M. de F. et moi, d'aprendre de bonnes nouvelles de 
vôtre santé et de profiter de vos sages directions sur le parti, 
que nous aurons à prendre pour l'opération à l’œil gauche, 
vous assurant du respectueux dévouement avec lequel j’ai 
l’honneur d’être, Monsieur, Vôtre 

A Paris, ce Lundi, 7 sept. 1761. D’Apples D.M. » 

Sept jours après, de Haller écrivait ce qui suit à 
d’Apples : 

Vous m’etes en vérité échapé Monsieur ! j’aurois encore 
écris à Messieurs Thiery et Tenon, je n’ay sçu vôtre départ, 
que par vôtre lettre du 7“, dont je vous suis obligé, je suis très 
content de la façon d’opérer de M. Daviel ; cette humeur glai¬ 
reuse qui enveloppe le cristallin, est assés particulière. La 
2” opération, dont parle M. de F. seroit alors à l’autre œil, il 
sçait par lui même à cette heure, ce que c’est que cette opé¬ 
ration, qui n’a point de suites fâcheuses, n’y aïant aucun nerf 
de blessé, le conseil que j’aurois à lui donner dépend de 
l’usage, qu’il fait de cet œil, s’il en tire encore un certain parti, 
comme de voir de gros caractères et des objets avec quelque 
distinction, je n’y toucherai pas ; mais je me déferay de cette 
cataracte, si cet œil ne rend pas de bons services, en vérité je 
n’ay plus présent en mémoire l’état de ce second oeil. Bien 
mes honneurs à M. de F. et je vous assure, que je suis très, 
parfaitement. Monsieur, Vôtre 

A Roche, ce 14 sept. 1761. Signé : Haller, 

A la suite de ces deux lettres qu’a publiées le 



_ 42 - 

périodique (1) où je les ai trouvées, figure aussi sous 
la sigaature du D*' d’Apples un Eloge ou abrégé de 
la vie de Monsieur Daviel. 

Après avoir rappelé à grands traits la vie de 
l’illustre oculiste, d’Apples raconte que vers 1730, 
Daviel opéra de la cataracte, par dépression, un sien 
compatriote, concierge de la duchesse d’Orléans 
alors qu’elle résidait en son château de Bagnolet. Le 
brave homme, dit d’Apples « avoit été manqué par 
un .autre habile chirurgien » mais grâce à Daviel il 
recouvra la vue au point de pouvoir lire les caractè¬ 
res les plus fins avec unefaiblelpupe.il semble que ce 
brillant succès opératoire créa la réputation de Da¬ 
viel, mais fait à noter, ce n’est qu’en 1746 qu’il prati¬ 
qua la première opération de cataracte par extraction. 

Dans son éloge de Daveil, le D'' d’Apples se plaît à 
relater quelques-unes de ses plus brillantes cures et 
parlant du cas de M. de Forel, il dit ceci : « M. de 
Forel voit actuellement mieux de l’œil droit, qu’il n’en 
a vu de toute sa vie, qu’il jouît du spectacle de la 
nature, dont les beautés sont nouvelles pour lui, il 
seroit peut-être retourné cette année à Paris pour se 
faire opérer l’œil gauche, si la mort prématurée de 
M. Daviel n’avoit pas rompu ses mesures, ce pauvre 
homme, quoique fort et rigoureux, avoit déjà pen¬ 
dant que nous étions à Paris une sorte d’embarras 
dans la langue, qui génoit un peu la parole, laquelle 
gène il attribuoit à la viscosité de la salive, quoiqu’il 
aie employé bien des remèdes, peut-être assés mal à 
propos, méprisant en cela les conseils des médecins, 
le mal a fait des progrès si rapides pendant l’hiver, 
que déjà au mois de mars de cette année, il étoit 
tombé dans une complété aphonie, excedé de cet état, 
ne manquant ni par la tête, ni par les yeux, ni par la 
main, comme il le dit lui-même dans une Lêtre, il est 
sorti de Paris environ Pâques, soit pour faire quelques 
opérations utiles, soit aussi pour se procurer l’usage 
des eaux minérales, ou des bains chauds, il a voïagé 


(1) Acta Uelvclicu 1762, p. 169. 



— 43 — 


pendant tout l’Eté dans plusieurs Provinces du 
Roïaume de France, sa réputation la lait apeller à Ne- 
vers auprès d’un Seigneur de la prertiière cfualité ; 
enfin se trouvant à Lyon au commencement de sep¬ 
tembre l’habileté de l’aimable M. Tronchin, reconnüe 
dans toute l’Europe, l’a attiré à Genève, où toujours 
fixé dans son système et à l’inçu'de ce grand Médecin, 
il a pris un purgatif si violent, que son mal a empiré 
visiblement par une diarrhée colliquative avec fièvre 
devenue incurable, nous l’avons trouvé dans ce triste 
état, quand nous le sommes allés voir à Genève M. de 
Forel et moi, etendu dans son lit comme un cadavre 
sans voix et sans pouvoir presque avaler aucun liqui¬ 
de, que goûte à goûte, il a donné sa confession par 
écrit à M. Tronchin, par laquelle il avoue, que sa 
témérité dans l’abus des remèdes est la cause de sa 
mort qui n’a pas été différée, puisqu’il est expiré le 
30 sept. 1762. Le pauvre défunt ne connoissoit pas 
cette maxime invariable de nôtre grand Hippocrates, 
« qu'il est très difficile et par conséquent très dangereux 
de purger souvent les Corps robustes. Aph. Lib. IL ZI ». 

M. Trochin a fait ouvrir le cadavre en sa présence, 
par laquelle ouverture on a reconnu que toute la 
masse du sang étoit apauvrie, les muscles affectés de 
paralysie, M. Daviel étoit un parfaitement honnête 
homme et un bon Chrétien, plus sensible à la gloire, 
qu’à l’intérêt, il a témoigné par signes de grands sen¬ 
timents à la volonté de Dieu et une grande confiance 
en sa miséricorde, par le mérite de nôtre S. J. G. 
et quoi qu’il soit décédé dans une ville protestante, 
comme on y fait profession d’une grande Tollerance, 
l’Aumonier de Monsieur le Résident de France a eu 
toute liberté se lui administrer tous les sécours spi‘- 
rituels en usage dans l’Eglise Romaine, et il a été 
inhumé honorablement en terre Catholique à quel¬ 
ques lieuës de la ville (1). 

Voilà comme les grands hommes nous sont enlevés 
prématurément, regrettons une perte, qui sera diffi¬ 
cile à réparer. 

(1) A Grard-Saoonnox. 



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M. Daviel avoit une assés nombreuses Famille, 
sa Provençale l’avoit fait Père de trois fils et de quel¬ 
ques filles, l’ainé des Fils déjà très habile en Chirur¬ 
gie, avoit soutenu aux Ecoles de Saint Côme une 
Thèse de Cataracte, il est mort à Zell de fièvre ma¬ 
ligne, étant Chirurgien Major d^un Régiment de Ca¬ 
valerie dans l’armée de M. d'Etrées, qui faisoit la 
guerre dans le Pais de Hannovre, ce jeune homme a 
été regreté de toute l’armée ; les deux cadets sont 
encore jeunes, leur vivacité, leur application et sur 
tout l’exemple de leur Père fournissent quelque espé¬ 
rance de voir renaître en eux un nom qui nous est cher, 

Lausanne ce vendredy 3 déc. 1762, 

D’Apples D.M. a 

Aux renseignements que le médecin lausannois 
nous donne sur la famille Daviel, qu’il me soit permis 
en terminant d’en ajouter un touchant sa veuve. Il 
semblerait que l’illustre oculiste, malgré sa nom¬ 
breuse clientèle, n’amassa pas fortune. A la mort de 
son mari, obligée de subvenir à son entretien et à celui 
de ses enfants. Madame Daviel pensa trouver les res- 
sourcesnécessaires dans la vente de certaines prépara¬ 
tions pour les yeux, qui auraient fait leur preuve. 

Voici en effet le texte de l’annonce qu’elle publia 
dans les gazettes de l’époque : 

La réputation de feu M. Daviel, oculiste du Roi et le plus 
célèbre de l’Europe, recommande assez ses remèdes pour que 
l’on se dispense d'en spécifier l’efficace. 11 a laissé à sa veuve, 
rue des Moulins, près de la fontaine, rue Saint-Roch à Paris, 
le secret d’une eau verte qui fortifie la vue faible et fatiguée, 
en dissipe les ombres et-brouillards et la rétablit dans son 
état naturel, outre une eau blanche contre les ulcères, les bou¬ 
tons et la chassie des paupières. Chaque bouteille d’eau coûte 
six francs et le pot de pommade se vend le même prix (1). 

(1) Gazeiie de Hollande, n» du 1" août 1766. Cité par Franklin : La 
vie privée d'autrefois. Variétés chirurgicales, p. 213. 



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LA MÉDECINE DANS LES MÉMOIRES 

DU JANSÉNISTE THOMAS DU FOSSÉ 


!»««• Unrcel FOBSEirGUSL. 


Après avoir lu les Mémoires du janséniste Thomas 
du Fossé/parus eh quatre volumes dans les publica¬ 
tions de la Société de l’Histoire de Normandie, les 
soins tle M.F. Bouquet, Rouen, 1877-1879(1), M. Henri 
Brémond ne craint pas d’écrire : « le tiers de ces 
Mémoires est un appendice au Codex des bonnes fem¬ 
mes» (2), et il ajoute, en parlant de ce solitaii’e obsédé 
par la crainte des maladies : « il y a vraiment trop de 
camomille dans le jardin de Port-Royal.» Il nous a paru 
intéressant de relire à ce point de vue l’autobiogra¬ 
phie de Thomas du Fossé,et d’en extraire tout ce qui 
pouvait concerner l’histoire de la médecine. 

Né à Rouen (3) en 1634, mort à Paris le 4 novembre 
1698, Thomas du Fossé a laissé des Mémoires qui ne 
manquent ni de pittoresque ni de saveur, et où l’on 
pourrait étudier successivement l’enfant de la Nor¬ 
mandie, l’élève des Petites Ecoles de Port-Royal, l’ami 
des solitaires et des religieuses, l’écrivain hagiogra¬ 
phique, le châtelain du pays de Bray, le voyageur ; 
nous ne retiendrons de son existence de 64 ans que le 
maladé. 

C’est à seize ans que Thomas du Fossé est mis à 
l’épreuve pour la première fois par une maladie qui 

(1) Une première édition incomplète avait paru en 1739, éd. in-21. 
sous le titre de : Mémoires pour servir à l'hisloirc de Port-Royal. 

(2) Préface au livre du D' Le Charpentier sur Hamon, Paris,1925. 

(3) Il tirait son nom patronymique du chûteau du Fossé, canton de 
Forges. (Cf. l’abbé Decorde, Essai historique et archéologique sur le 
canton, de Forges-les-Eaux, 



— 46 — 

fut grave. Nous sommes en 1649, il était aloi’s aux 
Petites Ecoles de Port-Royal, cul-de-sac Saint-Domi¬ 
nique, au Faubourg Saint-Jacques ; son frère aîné 
avait été mis au collège de Dormans-Beauvais ; il 
devait mourir à vingt ans ; ses deux sœurs étaient 
entrées à Port-Royal. 

Thomas avait pour professeurs Lancelot, Nicole, 
Guiot, Goutel, sous la direction de Walon de Beau- 
puis. l-ie dimanche,il allait se promener dans les envi¬ 
rons, à Gentilly par exemple, assistait aux sermons 
de M. de Singlin ou du P. Desmares, à Port-Royal et 
à l’Oratoire, ou bien même prenait part aux batailles 
qui avaient lieu dans les terrains vagues derrière les 
Gharlreux ; artisans et écoliers du faubourg Saint- 
Jacques et du faubourg Saint-Germain s’y exerçaient 
à la fronde et au pistolet, prélude des barricades plus 
sérieuses de la Fronde ; mais écoutons-le ; 

« Pour moy, comme j’étois d’un tempérament fort 
chaud et fort vif, et que l’air de ce quartier où nous 
logions est des plus subtils de tout Paris, je tombay 
malade quelque temps après d’une fièvre chaude ac¬ 
compagnée d’un furieux transport au cerveau. Mon 
mal commença par un terrible dégoust de la viande, 
et surtout du mouton, à cause que l’on servit sur 
table un morceau d’un mouton gras de Beauvais, dans 
le temps même que je ressentais les premières ap¬ 
proches de la fièvre qui m’en donna de l’aversion pour 
près d’un an. » 

On le transporte dans une chambre à l’infirmerie. 
On qualifie sa maladie de transport au cerveau, la 
« frénésie » et l’angoisse se mêlant aux souffrances 
morales. Singlin vient le voir et ordonne une sai¬ 
gnée qui lui dégage le cerveau. 

L’un de ses gardiens était un certain maître Jacques 
qui avait été au service de M. d’Âumont, lieutenant- 
général des armées du roi, mort en 1644, et dont la 
veuve se retira à Port-Royal des Champs en 1646 ; il 
était le cuisinier de la maison, et avait retenu des 
secrets de médecine, faisant des cures miraculeuses 
là où les médecins avaient échoué : il avait guéri un 



— 47 — 


nommé Basile d'urie paralysie, en lui frottant d’un 
baume l’épine du dos, et la duchesse de Chevreuse, 
d’une horrible dartre lui couvrant tout le visage. 
Enfin il avait guéri avec des pommades, la mère de 
du Fossé de-crevasses qu’elle avait sous la plante des 
pieds et Thomas lui-même, d’une toux sèche qui 
l’empêchait de dormir. Ce dernier s’en tira cette fois 
aussi, crut-il, grâce à ses remèdes. 

Aussi n’est-il pas surprenant de voir du P’ossé pren¬ 
dre j)artà la défense des empiriques contre Guy Patin, 
qui n’avait pas craint d’écrire : « M® Plempius, pro¬ 
fesseur de médecine en Hollande est mort. Adieu la 
bonne doctrine en ce pays là ; Descartes et les chimis¬ 
tes ignorants tâchent de tout gâter, tant en philoso¬ 
phie qu’en bonne médecine. » On sait que Descartes 
donnait volontiers des consultations médicales. 

« Les médecins de Paris, note du Fossé, fort jaloux 
de leur autorité,ne souffrent pas aisément que de tels 
gens entreprennent sur leurs droits et s’engèrent de 
guérir ce qui souvent est incurable. 

« Il est vrai qu’il faut des règles et de la police dans 
les états, et qu’il n’est pas juste de donner la liberté 
à toutes sortes de gens d’exercer un art dont ils n'ont 
aucune science. Mais il semble aussi qu'il n’est pas 
tout à fait de la justice de priver tout le publié des 
secours qu’il recevraitde l’expérience qu’ont d’habiles 
gens de plusieurs remèdes inconnus de la médecine 
ordinaire, qui demeurent étouffés et hors de l’usage 
plus peut-être par un principe d’intérêt et de faux 
honneur que par un amour véritable de l’avantage du 
public. » 

Plus encore qu’une autobiographie les Mémoires 
du Fossé sont une histoire de Port-Royal, qu’il ne 
quitte jamais de vue, même lorsqu’il est aux Granges, 
à Vauraurier, à Magny-l’Essart. 

Le miracle de la Sainte Epine devait attirer parti¬ 
culièrement son attention. C’est le 24 mars 1656 
qu’il s’opéra sur Jacqueline ' Perrier, sœur sainte 
Euphémie, grâce au toucher de l'épine de la cou¬ 
ronne de Notre-Seigneur, envoyée aux religieuses 



— 48 — 

par M. de la Poterie, qualifié pat du Fossé d’ecclé¬ 
siastique de qualité. Cet épisode est trop connu dans 
l’histoire du jansénisme pour le relater longuement. 
La petite pensionnaire était atteinte de fistule lacry¬ 
male; au bout d’un quart d’heure elle était parfaite¬ 
ment guérie. « En effet, il n’y paraissait plus rien du 
tout, ni enflure, ni pus, ni pourriture. L’os qui avait 
été carié fut complètement rétabli, et, au lieu de cette 
puanteur insupportable qui avait obligé les médecins 
et les chirurgiens à ordonner qu’on la séparât d’avec 
ses compagnes, son haleine devint douce comme celle 
d’un enfant, l’odorat, qu’elle avait perdu, lui revint 
dans le môme instant. En un mot, jamais guérison 
ne fut plus complète, ni plus miraculeuse, dans 
toutes les circonstances ». Ce furent les médecins et 
non les religieuses, qui divulguèrent le miracle, 
bientôt connu de tout Paris, et qui eut sur Pascal 
l’influence que l’on sait (1). 

Nous renvoyons d’ailleurs pour cet épisode à l’ou¬ 
vrage de Saiute-Beuve (2), mais ce qu’il faut ajouter 
à ses renseignements, c’est la liste des autres mi¬ 
racles (3) que donne du Fossé et survenus tous à Port- 
Royal; notamment une religieuse de la Maison-Dieu de 
Vernon, Marguerite Carré de Merçay, est guérie d’une 
paralysie aux deux épaules; M'"«Durand,femme d’un 
procureur du Parlement, d’un vomissement conti¬ 
nuel ; guérie la fillette d’un procureur de la Gour- 
Portelot, « réduite depuis trois ans et demi à être cou¬ 
chée toute plate, ayant la tête plus basse que les pieds, 
à cause du retirement de deux vertèbres de l’épine 
du dos. et qui souffrait d’extrêmes douleurs » ; sans 
compter différentes religieuses, qu’il sei'ait trop long 

(1) Le certificat délivré à l’occasion de ce miracle portait les noms de 

Charles Bouvard, premier médecin du roi, Jean Hamon^ Isaac et Eusèbe 
Renaudot, médecins, Pierre Gressé, Martin Daicncé et Etienne Gail¬ 
lard, chirurgiens, et se trouve dans le Recueil d'Utrecht, ou supplément 
aux Mémoires de MM. Fontaine, Lancelot et du Fossé. On sait comment 
Guy Patin a discuté la valeur du témoignage de ses confrères, (Nou¬ 
velles lettres à Spon, 1718, t. Il, p. 216.) ' 

(2) Portnoyaf, t. m, 2» éd., p. 115-116. 

(3) Sur les portraits et tableaux faits à l'occasion de ces miracles, 
Voir t. II des Mémoires de du Fossé, App. IV, 


iiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinii 

M” PirXRRE:,.yTHpMAS 

;iil||j Seijyheur AuFoàfe" _ 

THOMAS DU FOSSÉ (1) (Gravure de Simonneau) 


(1) Extrait de l’ouvrage de M. A. Gazier; Port-Royal au xvii* siècle, Hachette, 1909, 







. . —— . 

d’énumérer, une Ursuline de Noyers, paralytique, une 
Ursuline de Pontoise, une religieuse de l’abbaye du 
Trésor, près des Andelys, une autre de Provins, 
hydropique. M. de Pontchâteau, que la mère Agnès 
appelait le greffier de la Sainte^^Epine avait compté 
jusqu’à quatre-vingts miracles et établi un dossier, 
aujourd’hui perdu. Le plus célèbre d’entre eux, après 
celui de la nièce dé Pascal, est celui d’une jeune pen¬ 
sionnaire de quinze ans, infirme, Claude Baudran (mai 
1657), commémoré par une toile célèbre de Philippe 
de Champaigne. 

Il n’est pas sans intérêt de suivre le récit de la mort, 
en 1658, A. Le Maître (1), dans une lettre que Tho¬ 
mas adressait à son père ; elle lui aurait été annoncée 
à Port-Royal, par des coups mystérieux; le jour des 
morts, son ami est pris d’un transport au cerveau et 
tombe dans une profonde léthargie.«Je lui parlais par 
des larmes, écrit-il, il me répondait par des rêve¬ 
ries... je me mourais avec lui, et il me semblait qu’en 
le perdant je perdais tout, car je n’étais pas encore 
accoutumé aux grandes afflictions » : Le Maître avait 
alors que cinquante ans. Il-avait été traité cinq ans 
auparavant par l’empirique attitré de Port-Royal, 
maître Jacques, qui l’avait alors guéri ; ses remèdes 
cette fois étaient impuissants. Aussi on alla trouver 
Hamon, le médecin de la maison, qui prescrivit une 
première saignée, puis une deuxième quatre heures 
après, et une troisième sur le milieu de la nuit, à la 
suite de quoi le jugement et la raison lui révinrènt., 
Sur les six heures du matin, M. de Saci eut juste le 
temps de le confesser et de lui donner le saint viati¬ 
que,car deux heures après, il retomba plus que jamais 
dans son assoupissement. • 

M. Singlin était,accouru de Paris sur ces entrefai¬ 
tes, avec deux médecins qui consultèrent Hamon ; on 
résolut de le ventousier, mais on s’arrêta devant 
l’agonie qui commençait. 

(1) La pierre tombale d'A.. Le Maître avec épitaphe en latin par Ha¬ 
mon est actuellement d l'hospice de la Maternité. 



— 51 — 


De ces détails, il importe de retenir le rôle de ce 
maître Jacques ; il avait la confiance de M. d’An- 
dilly et de M. de Saci, ce qui n'était pas sans ii’riter 
secrètement le doux et patient Hamon, appelé qu’au 
dernier moment, quand tout était perdu. 

Au printemps de 1665, le père de Thomas, sur le 
conseil des médecins, part aux eaux de Bourbon. 
Contrairement à une opinion trop répandue, les prati¬ 
ciens du XVII® siècle connaissaient fort bien toutes les 
ressources thermales de la France, ils ne se faisaient 
pas faute d’y envoyer leurs clients. M. le D® Gany 
nous en a donné des exemples pour trois médecins 
de Montpellier, Chirac, Barbeirac et Sidobre, d’après 
un manuscrit de la Faculté de médecine de Paris (1). 
Du Fossé ne caractérise pas autrement le mal de son 
père que colique d’estomac très violente. Ne vou¬ 
lant pas le laisser voyager seul, il l’accompagne jus¬ 
qu’à Bourbon-l’Archambault. Le site ne l’enchante 
guère. « Ce lieu est dans une situation désagréable 
et malsaine, et il faut assurément estre bien pressé 
de mal pour se résoudre d’y demeurer. Car c’est 
comme un trou, où l’on descent de tous costés, et un 
trou très resserré ». 11 est vrai qu’il ajoute une note 
qui serait consolante pour nous : « la nourriture des 
chevaux y est à fort bon marché, et celle des hommes 
un peu plus chère, mais à tout prendre, on n’y est 
point chèrement, » Après nous avons donné des ren¬ 
seignements sur les ressources du pays, il qualifie 
ainsi les eaux de Bourbon : Elles sont chaudes et tou¬ 
jours bouillantes comme celle d’une chaudière qui 
est sur le feu ; en sorte qu’on ne peut pas y tenir son 
doigt un moment. Elles ont néantmoins cette pro¬ 
priété singulière de brûler sans escorier et faire de 
playe. Car, quelque brûlantes qu’elles soient à la gor¬ 
ge, quand on les prend au sortir de la fontaine, jamais 
elles ne font elever la peau, ni ne causent la moin¬ 
dre cloche, comme la brûlure de l’eau commune. » 

(1) Df Cany. — Ordounaaceg et preecriptions des eaux minérales aux 
XvH' et xvilCsiècles. Bulletin de la- Soc. fr. d'histoire de la médecine,\9ilt. 
V. aussi D' Mao Auliffe, la Ihérapeutijue physique à travers les âges,lÿOh, 



— 52 - 


Quant au'traitement il était le suivant: « On en 
prend la première fois 3 ou 4 grands verres à diffé¬ 
rentes reprises. Et les jours suivants on augmente à 
proportion jusqu’à 12 ou 15. Ces eaux pour bien faire 
doivent se rendre par les urines et purger même une 
fois ou deux, on se tient très chaudement en les 
prenant; et on se promène, afin qu’elles passent plus 
facilement. 

Quand elles ne passent pas bien on prend un peu 
de sel végétal dans le premier verre. Il faut observer 
exactement de ne point dormir, pendant le jour, en 
prenant des eaux, et de souper peu et de bonne 
heure ». Elles guérissaient, croyait-on, la paralysie. 

Du Fossé nous explique aussi le système de la 
« Douje » comme on disait encore de son temps, 
mais, que Madame de Sévigné décrit déjà sous 
le terme moderne de douche ; il mérite d’être re¬ 
laté sous sa forme primitive : « Pour la prendre 
on se met nud dans une cuve couverte d’un drap, 
au-dessus de laquelle est un grand bacquet suspendu, 
que les hommes destinez à cet emploi, emplissent 
incessamment de l’eau chaude des fontaines, qu’on 
fait tomber du haut par un robinet sur la partie qui 
est malade. Cette eau, plus ou moins chaude selon 
qu’on a soin de la tempérer, pénètre à travers les 
pores d’une manière étonnante et met le malade en 
état de suer beaucoup, au sortir de la cuve lorsqu’é- 
tant couché aussitôt après'dans un lit il y est tout 
enveloppé de linges chauds et couvert à proportion», 
le personnel occupé à la « douje » se composait de 
vingt-quatre hommes robustes. 

Du Fossé nous parle aussi des jardins des Capu¬ 
cins qui étaient la promenade favorite des buveurs, 
comme à Forges, et de l’hôpital réservé aux indigents 
desservi par les soeurs de la Charité ; le médecin 
avait la qualité d’intendant des eaux, appointé par le 
roi. C’était alors Grifet, homme d’esprit, agréable et 
enjoué, qui vint, dit-il, prendre possession de nos 
corps aussitôt que nous fûmes arrivés, et régla tout 
notre régime; mais il faillit le faire mourir en intro- 



— 53 — 


duisant de la casse dans ses médecines, bien qu’il eut 
déclaré ne pouvoir la supporter, d’où cette réflexion 
judicieuse « qu’il est dangereux de ne pas faire 
exception quelquefois à la règle générale, et quelle 
faute c’est de n’écouter pas un malade lorsqu’il cite 
l’expériehce qu’il a de lui-même et de son tempéra¬ 
ment », Après Grifet, ce fut Charles de l’Orme, sieur 
de Beauregard, assez malmené par Tallemant des 
Réaux(l) ; il voulut attirer à Bourbon en 1676, M"*' de 
Sévigné, mais elle préféra Vichy. M. du Fossé père 
resta un mois à Bourbon, sans amélioration, et sans 
avoir pris part aux divertissements habituels des 
baigneurs (2). 

Ce dernier mourut la même année, 1665; Thomas 
en qualité d’aîné de la famille hérita de la seigneurie 
du Fossé, où, à sa sortie de la Bastille, il devait passer 
la plus grande partie de ses trois années d’exil ; il y 
revint tous les ans, pendant la belle saison. 

Thomas du Fossé n’était pas partisan de la saignée. 
En 1673, seize ans avant Molière, nous le voyons dis¬ 
cuter avec un ami de sa belle-sœur, « médecin d’une 
vivacité si extraordinaire qu’il semblait estre tout de 
feu et de salpêtre, et qui peut-être à cause de cela 
se sentant dévoré par un grand feu, et comme acca¬ 
blé par la multitude et par la vivacité des esprits, 
croyoit que l’évacuation étoit le secret infaillible pour 
décharger et soulager la nature ». 11 se faisait un jeu 
de discuter froidement avec lui non sans avantage(3). 

11 préconisait au contraire les remèdes qui apaisent 
l’irritation des esprits, comme la pierre de Butler, la 
racine d’ortie, d’autres encore. Il avait lu avec soin 
Van Helmont, non pour approuver tous ses principes, 
comme il a soin de nous en avertir, mais pour y 
apprendre la vraie manière de traiter les maladies 
par des remèdes spécifiques et naturels, 

(1) tiktorieties, CCXÏV (édit, in-8».) 

(2) H. Baquet, — La Société du temps passé auao bains de Bourbon- 
l’Archambault, 1923. Voir aussi sur ce sujet, li. Magne, Scarron et son 

(3) Voir aussi Louis CusAc ; Traité de la transpiration ou méthode de 
guérir les malades sans le triste secours de la. fréquente saignée, 1682. 



— 54 — 


11 en fit même deux extraits, l’un sur la connais¬ 
sance des maladies, l’autre sur les remèdes : « C’est 
là que j’ai appris, écrit-il, la tisane faite avec les 
cendres de tilleul qui m’est depuis trente ans d’un 
grand secours, dans mes rhumes, pour adoucir l’acre- 
té de l’humeur, qui se jetait ordinairement sur ma 
poitrine et sur ma gorge, et qui m’y causait de gran¬ 
des douleurs; c’est de là que j’ai tiré le soufre émi¬ 
nent d’antimoine. C’est là où j’ai vu la manière de 
préparer les tenestons(l),avec les crapauds, qui sont 
Vantidote le plus efficace contre la peste ; l’eau de 
bouleau qui est spécifique contre les douleurs delà 
pierre et de la néphrétique ; les esprits du vitriol qui 
sont d’une si grande pénétration, et d’une vertu si 
singulière contre les fièvres et autres maladies. » Il 
ne peut d’ailleurs s’empêcher de remarquer que si 
certains passages de son auteur sont fort clairs, 
d’autres sont assez mystérieux, et demandent un 
effort de compréhension (2). Vers le même temps il 
s’occupait à d’autres études, comme VExplication 
des Psaumes de David, continuant l’œuvre pieuse 
entreprise par M. de Saci. 

Bien que sa médecine fut, selon Fontaine,une théo¬ 
logie continuelle, Hamon contrairement à du Fossé, 
luttait contre les donneurs de pilules ; pour une 
personne qu’on croyait possédée, il ne craint pas de 
répondre à un ecclésiastique : 

« Je ne doute pas qu’il y ait des personnes qui 
trouveront étrange que, lorsqu’on demeure d’accord 
d’une cause qui n’est point naturelle on prétende la 
combattre par des remèdes naturels, et qu’au lieu 
qu’il est écrit que ces sortes de démons se chassent 
par la prière et le jeûne, on croit pouvoir les chasser 

(1) Dict. de Trévoux : « Zeneton, terme de philosophie hermétique. 
C’est un penlacule ou composition constellée, .propre contre la peste. » 

(2) On retrouve le même goût pour les préparations médicales, chez un 
antre châtelain de Normandie le sire de Gouberville, dont M. Bobil- 
lard do Beaurepaire a publié le Journal (1553-1562) dans les Mém.de la 
Soc. des Antiquaires de Normandie, t. XXXI, 1892, . et qui avait déjà 
attiré l'attention de M. Baudrillart {Revue des Deux Mondes, mai 1878). 

On en puiserait d’autres exemples, surtout pour le xvi° siècle, dans 
l’ouvrage de P. de Yaissière : Gentilshommes campagnards, 1903, 



— 55 — 


par de la casse. Mais si ces personnes prenaient la 
peine de considérer avec attention ce qu’on dit, elles 
n’y trouveraient rien que d’assez raisonnable. J’op¬ 
pose la piété à la malice du démon et les remèdes 
naturels au dérèglement de la nature » (1). 

Hamon ne fut pas, comme on l’a dit, un médecin 
mystique, mais, ce qui n'est pas la même chose, tout 
ensemble et mystique et médecin : « mystique à peu 
près tout le long du jour et de la nuit ; docteur, et 
rien que cela^ aux heures de la médecine », écrit très 
justement M. Brémond. 

Si Hamon se sépare nettement de l’engouement de 
du Fosséj ou deM. d’Andilly, pour les remèdes de 
bonne femme, tous deux sont d’accord,en bons jansé¬ 
nistes, et en excellents chrétiens^pour considérer que 
l’état de maladie est favorable au salut. Sainte-Beuve 
n’a pas oublié de citer dans son Port-Royal (liv. III 
ch.xvn) la lettre de Pline assurant que nous valons 
mieux quand nous sommes malades, et la pensée de 
Joubert qu’il y a « un degré de mauvaise santé qui 
rend heureux »,en ajoutant : ne voyez-vous pas d’ici 
tout un charmant traité de Valitudine qui pourrait se 
passer en dialogue auprès du chevet de Vauvenargues 
souffrant ? Au surplus n’est-ce pas le lieu de citer 
ici la phrase de Bossuet : « On est trop mauvais mé¬ 
decin si l’on ne connaît de maux aux hommes que 
ceux qu’ils sentent et qu’ils avouent ?». 

Assistons maintenant avec du Fossé aux derniers 
moments de la duchesse de Longueville, qui s’étei¬ 
gnit le 15 avril 1679, et dont la mort, ajoute-t-il, eut 
de terribles suites pour la maison même de Port- 
Royal. Tombée malade d’inanition, conséquence de 
ses austérités et de ses mortifications, on appelle 
auprès d’elle ce qu’il y a de plus habiles médecins, 
dans Paris ; parmi lesquels était Dodart. Mais la 
maladie augmentant toujours, a la faculté de méde- 

(1) Voir P. Renaudih, Amour sacré, amour profane, Paris, 1926, chap. 
sur le Poverello de Port-Royal ; et D' Ch. Grimbert, t!n médecin mysti¬ 
que au xrii' siècle, M. Hamon, Bulletin de la Société d’Histoive de la^ 
Médecine, f. XIX, 1926, 



— 56 - 


cine se trouva à bout ». Son frère, le prince de Con- 
dé, songe à l’abbé de Luçay, qui passait pour avoir 
« retiré plusieurs personnes des bras de la mort ». 
C’est duFossé qui sert d’intermédiaire, s’en va le trou¬ 
ver en pleine nuit, hors la porte St-Yictor; mais l’em¬ 
pirique se récuse ; c’est alors qu’il entre en scène lui- 
même et propose pour la princesse une pilule de l’or 
potable de Cornaro (1), or différent de ceux que plu¬ 
sieurs chimi-stes se vantaient d’avoir, non seulement 
simple teinture, ou résolution apparente de l’or,faites 
avec quelque dissolvant, mais « résolution radicale, 
dit-il, qui réduit l’or véritablement dans les premiers 
principes d’où il a été formé de sorte qu’il ne peut 
plus revenir en or que par la même opération que la 
nature a faite pour le produire ». 

On sait l’importance que l’or potable jouait encore 
au xvn® siècle comme remède secret ; on en trouve 
un écho dans le Médecin malgré lui ; le chancelier 
Seguier avait, paraît-il, offert à Cornaro 10.000 écus 
pour avoir le secret de ce remède dont il avaitéprouvé 
les heureux effets ; il en achetait une petite fiole jus¬ 
qu’à cinq louis d’oi*. 

Un autre italien, Caretti, vendait de l’huile d’or, 
remède mystérieux Tjui l’enrichit assez pour devéüir 
« grand seigneur » en 1698 à ce que nous apprend 
Saint-Simon (2). 

Du Fossé apporte donc la fiole désirée, mais les 
médecins traitants s’en réservent l’emploi; il ne la 
laisse qu’à contre-cœur, croyant, dit-il, que c’était 
rendre inutile un très excellent remède que de 
l’exposer à la discrétion de gens qui ne sauraient 
pas s'en servir. Ils la donnèrent entre deux émé¬ 
tiques, dont le rôle est d’agiter et de mettre tout en 

(1) Il s’agit de L. Cornaro, italien, né à Padoue en 1467, mort en 1566, 
auteur des DUcori délia vUa sobria, Padoue, 1538, où il a résumé des 
remarques sur ITij^giène. Sur l’or potable, voir E, Durmstadter, de Mu¬ 
nich : Per la Storia dol l’aurum potabile, in Archieio di Storia délia 
Scienza, sept. 1924. 

(2) Mém. t. 1, p. 156-57, éd. in-12. Voir aussi sur lui les lettres de 
Mme de Sévigné qui l’appelle Caretti, et les Caractères de la Bruyère 
qui en fait le portrait sous le nom do Cairo Carri dans le chap. « de quel¬ 
ques usages». 




— 57 — 


mouvement, alors que le sien était de calmer la na¬ 
ture et d’apaiser l’irritation des esprits. Aussi malgré 
l’octroi d’une deuxième flole,tout fut inutile: le prin¬ 
cipe de la vie était éteint dans un organisme épuisé. 
Le corps de la duchesse fut porté aux Carmélites et 
son cœur à Port-Royal des Champs ; depuis il fut 
ramené à Saint-Jacques du Haut-Pas. 

Du Fossé avait toujours en réserve quelques fioles 
de cet or de Cornaro, car nous le voyons en donner 
en 1680 à sa sœur en agonie, sans meilleur résultat. 

En 1684,il perd sa mère âgée de 78ans; cette sainte 
femme observait encore les jeûnes et les carêmes 
comme au temps de sa jeunesse et au détriment de 
sa santé; elle faisait de longues courses à pied ; 
un jour qu’elle était allée de son domicile rue Saint- 
Victor au faubourg Saint-Germain, elle revint com¬ 
plètement épuisée, d’une visite faite à Ledran, 
une empirique connue pour la guérison des plaies, et 
sœur du prédicateur Nicolas Feuillet. Bien entendu 
il se confie pour elle aux remèdes de l’abbé de Luçay, 
mais la gangrène se met dans la plaie, et tout secours 
humain devient inutile. 

Faisant partie du groupe des solitaires, que M. H. 
Brémond compare à un cercle de cléricaux de pro¬ 
vince, ou à des Chevaliers de Malte bourgeois, il était 
particulièrement attaché à Port-Royal. Aussi lors¬ 
qu’il fut expulsé avec son groupe d’amis, en 1662, 
il s’établit successivement au château de la Muette, 
à Saint-Remy, au château des Troux, toujours à peu 
de distance des lieux qui avaient fini par prendre tant 
d'attraits pour lui. Puis il est enfermé à la Bastille, 
où il avait « de violentes palpitations de cœur qui le 
mettaient souvent en danger de mort. 11 est consolé 
par les confrères de la charité chargés de l’assistance 
aux prisonniers, qui sont pour lui pleins de préve¬ 
nances touchantes (1). 

Au sortir de la Bastille, ses palpitations de cœur 


(1) Marcel Fosseykcx.-^ L’assistance auscpnsonniers à Paris,sous l'an¬ 
cien régime, 1925 (Bxt. dpa Mém. de la Soc. hist. de Paria). 



augmentent, et il songe sérieusement à se soigner. 
Il se confie d’abord aux médecins. On le saigna 
au pied ; on lui fit prendre des opiats et des eaux 
de cœur de cerf ; on lui appliqua sous le cœur des 
sachets de taffetas cramoisi, remplis de drogues, et 
matelassés. Tout cela ne fit qu’augmenter son mal; 
alors il fut, par l’entremise de Mlle de Mouchy,connue 
par sa charité dans sa province, présenté à M. Bou¬ 
chard (1) célèbre pour l’excellence de ses remèdes. 

« C’était un homme, dit-il, qui ne discourait.pas 
beaucoup et qui ne donnait pas lieu, ainsi que les mé¬ 
decins, d’admirer la profondeur de sa science. Après 
m’avoir assuré que les médecins avaient fort mal rai¬ 
sonné sur le sujet de mon mal, et appliqué des re¬ 
mèdes qui n’y étaient nullement propres, il me dit 
qu’il travaillait actuellement à un remède dont il espé¬ 
rait pouvoir nous guérir, s’il était assez heureux pour 
l’achever, et en attendant il m’ordonna certaines 
choses, qui pourraient me soulager». Quelques mois 
après, ne voyant rien venir, il retourne chez l’excel¬ 
lent M. Bouchard ; ce dernier lui apprit à préparer 
lui-même un remède qui arrêta ses palpitations ; c’é¬ 
tait aussi un spécifique pour la faiblesse d’estomac, 
il s’en servit pour guérir plusieurs femmes et filles 
de vapeurs fâcheuses qui allaient jusqu’à la folie. 
La formule, dont il serait trop long de citer le texte, 
est tout simplement tirée de Van Helmont. 

Ce M. Bouchard, riche de 40.000 livres de rente, 
exerçait la médecine par pure charité. Il employait 
entre autres remèdes la pierre de Butler (2) et le pré¬ 
cipité diaphorétique, remèdes chers et longs à pré¬ 
parer ; le dei’nier lui servit à guérir sa belle-sœur, 
Mme de Mosseville, d’un cancer & fameux», que les 
médecins de Paris avaient jugé incurable, et le pre¬ 
mier une attaque d’apoplexie survenue à la mère de 
du Fossé. 

(1) Nicolas Bouchard, seig-neur de Bois-le-Conté, 2® fils d’Alexandrin 
Bouchard, conseiller au Parlement de Rouen, mort le 7 mars 1634» et 
inhumé à Saint-Lâ. 

(2) Alohlmista. irlandais, 1534-1617, dont il est parlé dans les Tractatu 
dê morbis de Van Pelmonl, 



— 59 — 


Thomas retrouve en 1689 son domestique de Port- 
Royal le poitevin Pantiot, qui, revenu d’Angleterre 
après la mort de Charles II survenue le 6 lévrier 1685, 
végétait à Paris, sans avoir lait fortune, moins heu¬ 
reux que ses émules italiens ; il l’invite assez souvent 
à dîner, et cherche à lui tirer quelques nouveaux 
secrets thérapeutiques. Il nous parle notamment du 
zorn (axunge ?) et du mercure, spécifique bien connu, 
qui avait lait ses preuves en Angleterre. 

Dans un de ses voyages, de passage à Amboise, 
il entre en relations avec un certain Gaillard, 
qu’on appelle abbé, bien qu’il ne soit point dans 
les ordres et se contente de la tonsure et de l’ha¬ 
bit ecclésiastique. Il distribuait des remèdes et les 
évêques l’employaient à des missions charitables. 
(( Il établit ordinairement où il se trouve un petit 
hôpital de huit ou dix lits, il donne la direction à 
quelques dames d’une piété distinguée ou à quelque 
chirurgien qu’il amène; il y admet ceux des malades 
qui viennent de loin et qu’on ne peut guérir qu’en les 
traitant tous les jours. Quand la mission est terminée, 
on ferme l’hôpital et on donne le linge aux pauvres. » 

N.’oublions pas de mentionner les guérisons qui se 
produisirent,en 1690, le lendemain même de la mort 
de M. de Pontchâteau, son très cher ami, qui avait été 
soigné par Dodart, Save, et Hecquet. Une mère dont 
la fille avait une tumeur à la gorge, fait toucher le 
mal par deux fois au corps de cet humble serviteur 
de Dieu, et l’enfant est parfaitement guérie ; la nou¬ 
velle s’en répand ; la foule assaille la maison du mort, 
on ne permet que d’entrer 7 ou S personnes à la fois. 

« J’admirai, écrit du Fossé, la dévotion de ces bon¬ 
nes gens qui prenaient la peine de lever le plomb qui 
couvrait le cercueil et qu’on n’avait pas encore tout à 
fait soudé, afin de pouvoir au moins, toucher le corps 
qui avait été le Temple du Saint-Esprit.» 

Nous ne pouvons nous étendre ici sur les démêlés 
qu’il eut, en 1694, avec les sorciers de son pays, et 
qui feraient un chapitre qu’on pourrait intituler un 
drame au village ; mais il est intéressant d’en retenir 



— 60 — 


qu’on croyait encore fermement à cette époque 
à la réalité des maléfices jetés sur les bestiaux ; 
un arrêt de la haute justice de Gaillefontaine, con¬ 
firmé par arrêt du Parlement de Normandie du 17 
septembre 1694, condamna à mort quatre sorciers, 
trois moururent en prison, un fut pendu pour avoir 
ensorcelé une femme, donné la gale à un ménage et 
fait avorter des génisses. 

N’oublions pas non plus que cette année 1694 est 
une année de guerre universelle, où la France entre¬ 
tient des armées sur le Rhin, dans les Paj'^s-Bas, en 
Italie, en Espagne, et où l’on trouve aux abords de 
l’Hôtel-Dieu, à Paris, où les a certainement vus du 
Fossé, « deux ou trois rangs d’hommes et de femmes 
couchés sur le pavé, sur le visage desquels la mort 
était peinte tant ils étaient exténués et épuisés par la 
faim qui les dévorait, mais ce qu’il y avait de plus 
affligeant, c’est qu’on n’osait presque se hasarder de 
les assister, parce qu’au moment qu’on se mettait en 
devoir de faire l’aumône, on se voyait accablé par une 
-foule de demandeurs. » 

Les dernières années de du Fossé ne cessèrent 
d’être attristées par les progrès de sa paralysie. 

II refait en 1697, pour son compte, le voyage 
à Bourbon que trente-deux ans plus tôt il avait 
accompli avec son père, et sans beaucoup plus 
de succès (1). Il emploie alors les remèdes du mé¬ 
decin de Ghaudray, dont il n’est- rien moins que 
satisfait ; Racine, avec lequel il était en relations par 
l’intermédiaire de sa tante, la mère Agnès Racine, 
abbesse de Port-Royal-des-Ghamps,était venu le voir; 
il l’avait trouvé si mal en point, qu’il Pavait invité à 
adresser à Fagon un mémoire exact de tous les 
symptômes de sa maladie. 

Ces consultations à distance étaient fréquentes au 

(1) Comme complément des détails donnés par lui on peut consulter le 
Traité des eaux de Bourbon-VArchambaull selon les principes de la nou- 
Telle physique, par le sieur J. Pascal, doct. en méd. Paris, XXDCXCIX, 
in-12, contenant une vue des eaux de Bourbon gravée par Levesque. 
Ouvrage dédié h Fagon. 



- 61 — 


xvu" siècle. Fagon avait répondu par un écrit « fort 
ample»,et conseillé d’une manière pressante les eaux 
de Bourbon. 

Du Fossé part aussitôt après Pâques avec son frè¬ 
re. Il loge chez un apothicaire du lieu, et prend les 
eaux suivant les règles. Il avait, en passant à Montar- 
gis, consulté un médecin fort expérimenté qui lui 
avait conseillé de prendre la « douje » sur la nuque du 
cou, et de se gargariser la houche avec les eaux après 
dîner. 11 se trouve de plus en plus mal, mais ne veut 
pas faire venir de médecins sachant que les saignées 
lui sont mortelles, et que « ces messieurs ne connais¬ 
saient point d’autre remède pour la pleurésie », 

« J’usai tout d’ahord du jus de cerfeuil avec du 
sucre en poudre et du vin hlanc ; le tout faisant environ 
les deux tiers d’un vase que l’on avalle dans le même 
temps qu’on a appliqué sur le costé qui est malade, 
un cataplasme fait avec le blanc des poireaux coupez 
par rouelles, fricassés légèrement sur le feu dans la 
poésie, avec un peu de bon vin, et écrasez ensuite 
avec la cuillière. On le met sur des étouppes avec un 
linge par dessuz, tout le plus chaud que le malade les 
peut souffrir ; et on les laisse au moins douze heures. 
Puis on en remet, un autre fait de même, ce que l’on 
recommence jusqu’à quatre fois et plus, s’il est besoin 
prenant bien garde, lorsqu’on lève celuy qui a passé 
douze heures sur le costé^ que la vapeur ne vous 
vienne dans le nez, puisque vous gagneriez infailli¬ 
blement le mal. 

« Je me traittay donc ainsi pour l’extérieur. Et quant 
au dedans lorsque j’eus pris une ou deux fois du jus 
de cerfeuil, préparé comme je l’ai dit, j’usay tous les 
jours, soir et matin, des potions dé l’abbé de Luçay 
qui sont aussi très souveraines pour la pleurésie,’et 
qui consistent en une cullerée de syrop violait, une 
cullerée de jus d’orange aigre avec quelques zèsts, 
deux cullerées de bon vin, et le reste du verre d’eau 
d’orge un peu chaude, où l’on avait mis infuser une 
racine de scorsonnaire, couppée par rouëlles. 

«Dans la première cullerée de cette potion,on prend 



- 62 — 

sept ou huit grains de poudre de vipères seulement le 
matin. >) Après huit ou dix jours, il se sent mieux, 
après avoir pensé mourir : il fut dix jours à cracher 
le sang ou le pus. Son hôte fut si effrayé de l'effet 
de ces remèdes, sans le secours de la saignée, indis¬ 
pensable à son point de vue, qu’il eut peine à croire 
ce qu’il voyait, et lui demanda par écrit le détail de 
son régime. 

Du Fossé repartit de Bourbon le lendemain de la 
Pentecôte, toujours dans une faiblesse et un abatte¬ 
ment extrême. 

Nous en avons le témoignage dans deux lettres à 
la tante de Bacine, la mère Agnès de sainte Thècle, 
des 6 avril et 2 juillet 1697, où il relate son séjour 
et ses suites peu réconfortantes, en se recomman¬ 
dant à ses prières et à celles de la communauté. 

Les neuvaines succèdent aux neuvaines en faveur 
de sa guérison ; il a aussi une autre correspon¬ 
dante, qui lui est chère, mère Marie Angélique de 
sainte Thérèse Arnauld d’Andilly, la dernière des neuf 
enfants, d’Arnauld d’Andilly, l’aîné de tous les en¬ 
fants d’Antoine Arnauld, l’avocat; elle aussi est para¬ 
lysée, ce qui la gêne fort dans l’exercice de la chi¬ 
rurgie, où, dit le Supplément au nécrologe{^.22%) « elle 
acquit autant d’habileté qu’elle put pour rendre des 
services à ses sœurs dans leur corps ». C’est à elle 
qu’il écrit le 9 octobre 1697 (1) en lui demandant le 
secours de ses prières : « Je regarde, ma très chère 
sœur, le lieu où vous êtes, comme le berceau où j’ai 
commencé à prendre une vie nouvelle et à sucer le 
lait de la piété. Si saint Paul s'est comparé à une 
mère pleine de tendresse et qui souffre des douleurs 
de l’enfantement à l’égard des nouveaux fidèles qu’il 
enfantait à Jésus-Christ, j’ose dire que MM. Arnauld, 
de Saci, Le Maître, ont eu pour nous ces entrailles 
apostoliques qui forment Jésus Christ dans les âmes ». 

Il ne peut plus parler, mais il écrit encore à diver¬ 
ses communautés qui s’intéressent à lui, aux Carmé- 


(1) Voir Mém., t. IV, App. Lettres inédites. 



, — ^3 — 

lites de la rue Saint-Jacques, si chères à de hon- 
gueville, et si dévouées à Port-Royal et à ses amis ; 
puis à l’Oratoire, et au P. Moi-et, confesseur de 
de Grignan, qui lui a procuré du sang du cardinal de 
Bérulle, Il'porte sur lui la croix épiscopale de Pavil- 
don, évêque d’Alet. 

Sa résignation dans Ja souffrance ne l’empêche pas 
'de tenter tous les expédients en vue d’un soulage¬ 
ment éventuel. Il' a entendu parler d’une allemande, 
Mlle Vignole,-qui fait des guérisons miraculeuses ; il 
lui envoie son frère : ses remèdes le guérissent de 
ses palpitations, mais restent impuissants contre la 
paralysie. 

Il quitte son 'domicile de la rue neuve St-Etienne- 
du-Mout, pour aller passer l’été au Fossé ; il s’adresse 
à un curé dû voisinage, celui de Rouelle, réputé pour 
ses cures. Aucun succès de ce'côté. Enfin il retourne 
avec sa belle-sœur chez le curé de Ghaudray‘(l). Il 
le trouve dans sa chaumière, au fond d’une vallée 
« affreuse », mais ce dernier le regarde à peine et lui 
donne, sans presque raisonner, une poudre à prendre 
dans des potions, un onguent pour mettre à sa gorge, 
et la itecêtte d’une poudre à éternuer, composée de 
fleurs de muguet, de sucre candi, et d’iris de Flo¬ 
rence. Echec comfdet. . 

Il revient à Paris, en décembre 1697, et travaille 
avec d’autant plus d’acharnement à ses Mémoires 
sent progresser la paralysie. 

Il est grandement affecté de la mort rapide de son 
plus ancien et plus intime ami, le Nain de Tillemont, 
de'trois ans plus jeune que lui,et dont il fait un éloge 
.éna'Ui'Son émule. Fontaine, n’écrivait-il pas «les 
'anijtié.s saintes ne finissent point par la mort, non 
plus que les vertus, mais deviennent au contraire 
plus saintes et plus divines » ? (2). 

(1) Localité du département de l'Aube. Jean Bcrnier avait dédi.é uh 
.ouvrage anonyme au médecin de Cbaudray : Jugement et nouuélles 
observations sur les œuvres grecques et latines, toscanes et françaises de 
ruaistre François Rabelais D. M. ouïe véritable Rabelais réformé avec lit 
carte dit Ghinonoii. 109 7. 

(2) Mémoires pour servir à Vhistoire de Port-Royal, II, p. 216. 



— 64 — 


Il passe un si mauvais carême, au printemps de 
1698, qu'il est même obligé d’interrompre ses mémoi- 
re^,qu’il achèvera le 21 août, envoyant un premier tiers 
du manuscrit à M. LeMettayer, curé de Saint-Thomas 
d’Evreux. Il ne fait plus que languir jusqu’à sa mort 
le 4 novembre 1698 ; la dernière lettre, que nous 
ayons de lui, est du 4 septembre 1698, à M““ de Bos- 
roger, sa belle-sœur. Dans une autre lettre de M™® de 
Bosroger à M. de Pomponne, son parent, datée du 27 
octobre 1698,celle-ci parle de sa merveilleuse activité 
intellectuelle, qui persiste jusqu’aux abords de la 
mort qu’elle sent prochaine. 

Sainte Beuve qui publie cette dernière lettre au tome 
V de son Port-Royal, ajoute cette simple réflexion : 
« voilà où en étaient les anciens élèves de Port-Royal 
à l’expiration du siècle ». C’est en effet une fin toute 
pascaîienne, qui projette sur cette vie de solitaire 
comme un reflet d’éternité. 


L’ÉPIDÉMIE DE 1794 SUR LES PONTONS 
DÉ ROCHEPORT 


Par Jacques BÉRI8SAY. 


11 est osé, pour le modeste travailleur que je suis, 
dè prendre la parole dans une réunion comme la 
vôtre ; je ne m’y serais certainement point risqué si 
mon excellent ami, M. Laignel-Lavastine, n’avait affec¬ 
tueusement insisté et ne m’avait affirmé l’intérêt que 
pouvaient présenter pour vous quelques notes sur 
l’épidémie de 1794, qui décima des centaines de prê¬ 
tres internés à bord des « pontons » de Rochefort. Je 
me contenterai de vous exposer les faits, tels qu’ils 

Bul.Soc.BUl.Méd., t. XX, n" 1-2 (janT.-fëv. 1926) 



— 65 — 


ressortent des documents d’arcliives et je vous lais¬ 
serai en tirer leseOnclusions pathologiques. 

Par arrêté du 6 pluviôse an II (25 janvier 1794), le 
conseil exécutif avait ordonné de conduire à Bor¬ 
deaux et à Rochefortles ecclésiastiques insermentés 
condamnés à la déportation, en vertu de la loides29-30 
vendémiaire an II (20-21 octobre 1793). Aussitôt les 
routes de France furent sillonnées de lamentables 
convois où les prisonniers eurent à souffrir insultes, 
brutalités, fatigues sans nom ; Bordeaux reçut ceux 
du midi de la France, — près de 1500, Rochefort, 
ceux du nord, de l’ouest, de l’est et du centre — 900 
environ ; — les premiers connurent dans les cachots 
bordelais et à Blaye des heures douloureuses, mais 
les seconds, hommes de tous âges, depuis des jeunes 
de 25 ans jusqu’à des octogénaires, subirent, dans 
l’estuaire de la Charente, le plus effroyable des mar¬ 
tyres ; la |mort ne devait pas tarder à frapper impi¬ 
toyablement parmi eux. 

Arrivant déjà; exténués au terme de leur voyage, 
les condamnés étaient, au fur et à mesure, enfermés 
dans des bateaux hâtivement aménagés en prisons 
fllottantes qui devaient ultérieurement les transporter 
outre-mer et qui étaient, en fait, appelés à séjour¬ 
ner sans fin dans la rade de l’île d’Aix ; les Deux- 
Associés et le Washington furent les principaux de 
ces pontons. 

Les Deux-Associés, trois-mâts de 600 tonneaux, 
armé en flûte, pouvait embarquer 250 passagers, en 
plus de son équipage : près de 500 y furent enfer¬ 
més, 420 à la fois, d’avril à août 1794; le jour, on 
les parquait à l’avant du pont, sans abri, exposés au 
soleil comme à la pluie, sans un siège pour s’asseoir, 
et on les y nourrissait d’un peu de viande salée , de 
morue avariée, de fèvés de marais gâtées et mal cui¬ 
tes, de pain moisi, en rations si réduites qu’on 
semblait vouloir les faire mourir de faim ; pour boire, 
l’eau potable manquait généralement et on ne leur 
concédait qu’un peu de vin de pays, âcre, trouble, 
plein de lie... Dès que le soir tombait, on enfournait 



— 66 — 


ce troupeau humain dans la cale et les malheureux y 
devaient passer les longues heures de la nuit, dévo¬ 
rés de vermine, couchés les uns sur les autres, sans 
matelas, sans couvertures, sans même de paille, telle¬ 
ment serrés que, pour gagner les baquets où ils pou¬ 
vaient satisfaire leurs besoins naturels, ils devaient 
marcher sur les corps étendus de leurs compagnons... 
On peut imaginer l’infection de cette geôle, où la lu¬ 
mière ne pénétrait jamais, où l’air ne se renouvelait 
pas et qu’on prétendait désinfecter, chaque matin, en 
projetant des boulets chauffés au rouge dans des ba¬ 
quets debrai, dont la fumée asphyxiait les occupants. 

Le sort des passagers du Washington ne fut pas 
moins pitoyable, mais ceux-ci eurent la chance de 
n’être jamais aussi nombreux et ne connurent pas 
ainsi l’étouffement au fond de la cale; 350 seulement 
y furent enfermés, — 265 à la fois, — ce qui n’empê¬ 
chera pas l’épidémie d’y être proportionnellement 
aussi meurtrière. 

Dès les premiers jours de l’embarquement sur les 
Deux-Associés, à la fin d’avril 1794, quatre décès se 
produisent; en mai, onze se succèdent; en juin, il y 
en a 33; en juillet, le mal grandit et 100 déportés 
périssent, dont 88 à bord des Deux-Associés ; le mois 
d’août enfin, marquera le point culminant de l’épidé¬ 
mie, avec 163 morts dont 145 pour les Deux-Associés 
et 18 seulement pour le Washington. 

Au début, le service de santé ne s’inquiète guère, 
les médecins du bord seuls interviennent,,— l’aide- 
major Sorin pour les Deux-Associés et le chirurgien 
INadeau pour le Washington, piètres praticiens, si 
l’on en croit les survivants qui les traitent de « jeunes 
freluquets n’ayant peut-être jamais fait une saignée 
de leur vie ». 

Le mal empirant, on crée des hôpitaux-flottants, 
et ce sont deux chaloupes qui viennent s’ancrer auprès 
des pontons, sans qu’aucun aménagement ait été fait 
pour leur nouvelle destination ; chacune d’elles peut 
recevoir une cinquantaine de malades et elles ne tar¬ 
dent pas à être pleine: dans la cale nue, à peine éclai- 



— 67 — 


rée, le jour, par la lueur des sabords, totalement 
noire, la nuit, car aucune lumière n’est tolérée, mala¬ 
des et moribonds sont entassés à même le plancher, 
à peine vêtus de mauvais haillons, baignant dans leurs 
ordures et l’eau qui pénètre par les fentes ; là encore, 
les deux médecins des pontons, Sorin et Nadeau, 
viennent seuls donner des soins ; une fois par jour, 
d’ordinaire, ils passent une rapide visite et ordon¬ 
nent du jalap, de l’émétique, de la crème de tartre, 
de la tisane de chiendent, seuls remèdes que possède 
l’apothicairerie. 

De tels traitements n'arrêtent guère le fléau ; à 
Rochefort, au milieu de juillet, quand on voit annon¬ 
cer des 8 et 10 décès par jour, on commence à s’in¬ 
quiéter, on craint la « peste », on redoute de voir la 
contagion s’étendre aux autres batiments du port; le 
ministre de la Marine, Dalbarade, est prévenu et 
celui-ci donne alors l’ordre au conseil de santé d’ins¬ 
tituer une commission pour visiter les bateaux sta¬ 
tionnés en rade de l’île d’Aix ; le 26 messidor an II 
(14 juillet 1794), deux chirurgiens-majors, les citoyens 
Béraud et Laforest, montent, dès l’aube, à bord des 
Deux-Associés et veulent visiter l’entrepont : si l’on 
en croit les témoignages concordants des survivants, 
ils n'eurent pas le courage d’en affronter la puanteur 
et l’un d’eux ne put s’empêcher de s’exclamer : « Ce 
n’est pas ainsi que l’on traite des hommes !.. Si, le 
soir, on mettait quatre cents chiens, dans cet endroit- 
là, ils seraient tous crevés le lendemain ou ils seraient 
devenus enragés... » 

Qu’ils aient ou non prononcé cette parole, leur 
rapport officiel existe du moins, aux archives du port 
de Rochefort, et ce rapport ne dissimule pas les rava¬ 
ges de l’épidémie... Le médecin parle « d’une maladie 
putride, compliquée avec scorbut » ; les hôpitaux 
flottants, dit-il, « ne peuvent suffire à recevoir les 
malades... Je doute beaucoup que, daès cette saison, 
l’on puisse détruire ou corriger les tendances des 
fluides à la putréfac|ion, dans un bâtiment où l’on ne 
peut éviter la contagion de l’air qui y règne.. » 



— -68 — 


De son côté, le comité de Salubrité navale, — qui 
comprend les grands chefs du service médical de la 
marine, Bobe-Moreau, Poché-Lafond, Cochon, Millet 
et Mathieu, — ce comité s’émeut des constatations 
des commissaires Béraud et Lalbrest et veut appro¬ 
fondir les choses ; il ne peut croire à la vérité d’un 
tel tableau et il envoie en rade un chirurgien de 
B'’ classe, chargé de tout voir par lui-même et d’exa¬ 
miner les mesures à prendi’e. 

Le nom de ce chirurgien n’est point venu jusqu’à 
nous, mais son rapport est lui aussi conservé aux 
archives de Rochefort et il fait une peinture affreuse 
de ce qu’il a constaté ; le Washington serait à peu 
près satisfaisant comme aménagements et propreté, 
mais, a il est impossible que ce navire entreprenne 
une longue traversée avec un si grand nombre de 
passagers, sans avoir à redouter le développement 
d’une contagion, dont l’équipage serait nécessaire¬ 
ment victime » ; pour les Deux-Associés, en revan¬ 
che, la situation est inacceptable ; ses « localités », 
son administration, sont des plus vicieuses, les dépor¬ 
tés y sont beaucoup trop nombreux, la sévérité y est 
trop grande, car « l’âme toui’mentée par des affections 
tristes dispose le physique à l’action des maladies » . 
Et le chirurgien conclut en ces termes: « Afin de 
juger par moi-même de la situation des hommes 
ainsi entassés, nous avons demandé qu’ils fussent 
remis à leur poste, comme.ils sont pendant la nuit... 
Par suite de l’air épais, stagnant, méphitique de ce 
lieu, du défaut d’exercice, empêché par le manque 
d’espace pour un aussi grand nombre de détenus, 
de suppressions fréquentes de transpiration qu’éprou¬ 
vent ces hommes, en sortant tout à coup, le matin, 
le corps encore couvert de sueur, nous avons trouvé 
un bon nombre atteint d’érysipèles, d’ecchymoses, 
de pétéchies sforbutiques, d’infiltration des membres, 
ce qui annonce une dissolution prochaine delà masse 
des humeurs... » 

Le libellé de cette « observation » pourrait prêter 
à sourire, — mais, en l’éalité, à cette date, les décès 




s’accroissent dans des proportions terribles, montant 
à dix, douze, jusqu’à treize par jour... Les équipages 
eux-mêmes sont frappés et, quotidiennement, des 
matelots doivent être évacués sur l’hôpital de Roche- 
fort, où plusieurs meurent. On décide alors de pren¬ 
dre des mesures énergiques : un autre navire, l'Indien^ 
recueillera les prisonniers valides ; en même temps, 
des tentes seront édifiées sur l’île Madame, — la 
petite île qui ferme au midi l’estuaire de la Charente, 
— et on y évacuera les malades des pontons qui, une 
fois vides, pourront être aérés, grattés, désinfectés... 

Vers le 18 août 1794, l’/ficfiefi vient s’ancrer, en rade, 
à côté des Deux-Associés et du Washington et les 
heureux qui y passent y trouvent aussitôt, grâce à un 
capitaine et à un équipage bienveillants, un régime 
d’adoucissement qui les remplit de joie et ne tarde 
pas à influer heureusement sur leur santé ; le même 
jour, le débarquement à l’île Madame commence, 
mais les tentes sont à peine finies de dresser, aucun 
lit n’est arrivé, on n’y a même pas de hamacs, ni de 
couvertures, et les moribonds doivent être posés sur 
le sable, sans rien pour les protéger... Peu à peu seu¬ 
lement, les approvisionnements arriveront de Roche- 
fort et des soins meilleurs seront donnés... Malgré 
tout, l’état sanitaire restera longtemps encore bien 
précaire, d’autant que la température elle-même s’en 
mêle, restant venteuse, froide, pluvieuse : 115 dépor¬ 
tés succomberont encore en septembre ; dans le même 
temps, les équipages continuentd’être durement frap¬ 
pés : 37 hommes Abb Deux-Associés, 92 du Washing¬ 
ton, 21 de l'Indien doivent être évacués sur rhôpital 
de Rochefort. 

Avec l’automne cependantj l’épidémie se ralentit et 
le commandant des armes peut écrire, le 4 vendémiaire 
an III (25 septembre), au ministre de la Marine « que 
le germe paraît entièrement détruit et que le genre de 
maladie n’est plus le même... ». Cela n’empêche pas 
que 64 prêtres disparaissent encore pendant le mois 
d’octobre, presque tous du Washington. Après seu¬ 
lement, le mal sera enrayé, et il n’y aura plus que 14 



70 — 


décès en novembre... A cette date, les prisonniers 
auront réintégré les pontons, sur lesquels ils passe¬ 
ront l’hiver, stationnés devant le village de Port-des- 
Barques— en attendant d’être emmenés, au printemps 
de 1765, à Saintes, où leur délivrance ne .tardera 
guère. 

Quelle fut au juste cette maladie qui fit tant de ra¬ 
vages ?... C’est à vous, Messieurs, de le dire et mon 
rôle, à moi qui ne suis pas médecin, ne peut-être que 
de vous donner, en terminant, quelques indications 
prises dans les pièces officielles et les récits qui 
m’ont servi à évoquer ce drame de la Terreur... 

On a généralement dit qu’il s’agissait du typhus. 
Il est certain que celui-ci existait à Rochefort en 
1794, sur des pontons où étaient détenus des pri¬ 
sonniers de guerre anglais et espagnols ; à l’hôpi¬ 
tal maritime même, plusieurs religieuses, des offi¬ 
ciers de.santé, le chirurgien en chef Vivier succom¬ 
bèrent... Enfermés à leur tour sur le Borée et le Bo/i- 
homme-Richard, deux de ces pontons qu’on n’avait 
pas songé à désinfecter, les prêtres y auraient pris le 
germe de la terrible affection qu’ils emportèrent avec 
eux en passantsur les et le Washington, 

où le défaut d’hygiène devait faire de leurs organis¬ 
mes anémiés, épuisés parla fatigue et les privations, 
un terrain très propice au développement d’une pa¬ 
reille épidémie. 

Quoi qu’il en soit, les témoins dans leurs relations, 
les médecins dans leurs rapports, ne prononcent pas 
le nom de « typhus », mais d’une « fièvre lente », 
d’une « fièvre putride », qui minait les patients, les 
épuisait et s’accompagnait, à la fin, d’une enflure des 
jambes, du visage et des mains. Une note, adressée 
au ministre de la Marine, ajoute, en ce qui concerne 
les matelots décédés, qu’à peine avaient-ils rendu le 
dernier soupir, leur corps se trouvait couvert « d’une 
espèce de pourpre »... 

A côté de cette épidémie, principale cause de tant 
de morts, d’autres maladies se répandirent; nous 
avons déjà parlé des érysipèles, du scorbut surtout 



— 71 — 


dont bon nombre eurent à souffrir. Il y en eut cer¬ 
tains qui furent atteints de la gale, par suite du 
séjour de plusieurs d’entre eux à bord du Borée, qui 
servait d’hôpital pour les soldats souffrant de ce 
mal. 

Voici maintenant d’autres cas dont les mémorialis¬ 
tes nous ont laissé le souvenir. 

Les affections pulmonaires furent fréquentes ; plus 
d’un était déjà frappé avant de partir et s’il y en eut, 
comme M. Lecointe, prêtre- du Cher, qui, « athsmati- 
que, rendant des crachats sanguinolents et puru¬ 
lents », fut écarté de la déportation, d’autres, tels 
M. Dardant, vicaire de Bénévent, dans la Creuse, 
partirent pour Rochefort, quoique frappés d’hémop¬ 
tysie ; le cas de celui-ci avait été jugé peu dangereux, 
mais, en fait, s’il ne succomba pas à bord des Deux- 
Associés, il ne survécut que peu de temps à ce séjour 
et s’éteignit à 31 ans, en 1798. Son confrère, M. Bru- 
lard, carme du collège de Chartres, mourut, lui, sur 
les pontons, succombant, dit son compagnon, M. La¬ 
biche de Reignefort, à une « pulmonie étisie » : on ne 
croiraitjamais, ajoute le narrateur, « qu’un corps vivant 
put en venir au point inconcevable de maigreur où je 
l’ai vu réduit ». Il en fut de même de M. Lombardie, 
curé de Saint-Hilaire-de-Foissac, dans la Corrèze, 
qui était arrivé, — je cite les termes de la Relation — 
à <f n’avoir absolument que la peau collée sur les os ». 

D’autres souffrirent atrocement de plaies qui, mal 
soignées, étaient devenues purulentes et servaient de 
refuge aux innombrables parasites qui pullulaient dans 
ces entreponts ; M. Dumonet, principal du collège de 
Mâcon, mourut, raconte encore M. Labiche de Rei¬ 
gnefort, « rongé de poux auxquels il avait fini par se 
livrer absolument en proie, voyant qu’il ne pouvait 
réussir à les extirper » ; M. Legry, chanoine de Vèze- 
lay, eut, écrit son confrère M. Soudais, « le menton 
mangé par la vermine » ; M. Ménestrel, chanoine de 
Remiremont, était « littéralement dévoré vivant par 
les vers » et, des amis cherchant à nettoyer ses plaies 
avec un morceau de bois, il leur disait : « Laissez les 



— 12 — 


achever, car, en les éloignant, vous ne faites que 
prolonger mon martyre... » Le cas deM. Montjournal, 
chanoine de Moulins, ne fut pas moins atroce, si l’on 
en croit cette « observation » qui le concerne : « Il fi¬ 
nit par une maladie pédiculaire telle que la vermine 
semblait naître sous sa peau, à peu près comme les vers 
s’engendrent en des chairs corrompues... Il fallut le 
reléguer sous une écoutille, comme un lépreux... » 
Les affections mentales enfin firent plus d’une vic¬ 
time et les survivants, là encore, nous donnent quel¬ 
ques précisions : M. Guignard, minime de Mâcon, 
souffrit « d’une fièvre qui, de doux et calme, le trans¬ 
portait de frénésie » ; M. Proust, un jeune vicaire de 
Tours, fut atteint de « folie furieuse » ; M. Betz de la 
Crouzille, chanoine de Lombez, tomba « dans les plus 
étranges convulsions » ; M. Meilhac, chanoine d’Ey- 
moutiers, eut de « tels accès qu’il fallut plusieurs fois 
le lier sur son lit » ; M. Coudert, un carme d’Angou- 
lême, homme toujours paisible, devint brusquement 
aliéné : un jour qu’un de ses amis cherchait à le cal¬ 
mer, il lesaisit d’une main de fer, en s’écriant ; « Que 
ne puis-je te mordre... » et l’autre eut grand peine à 
s’échapper de cet étau; M. Bourdon, un capucin de 
Sotteville-les-Ronen, subit des crises plus graves en¬ 
core : un jour, on le vit bondir de l’écoutille, l’écume 
aux lèvres, les yeux hagards, proférant des hurle¬ 
ments inintelligibles et on eut grand peine à le ter¬ 
rasser ; l’émoi fut tel que le capitaine crut à un signal 
de révolte et parla de le faire fusiller ; on le mit aux 
fers et l’aide-raajor Sorin refusa de le reconnaître 
malade; quelques jours après seulement, un autre 
chirurgien, venu de la bombarde le Sphinx, diagnos¬ 
tiqua le « delirium tremens » qui emporta en effet le 
malheureux, le 6 fructidor an II (23 août 1794), au 
cours d’une crise suprême... Et je vous citerai encore 
M. Niort, un curé creusois qui, soigné à l’île Ma¬ 
dame, sentant l’accès venir, supplia les infirmiers de 
l’attacher pour la nuit ; faute de cordes, on se servit 
de mouchoirs : le moribond se délivra, erra dans les 
tentes, put fuir sans qu’on s’en aperçut et courut se 



— 73 — 

jeter dans la mer : le (lux ramena son cadavre le len¬ 
demain matin... 

La déportation de 1794 laissa ainsi, dans l’estuaire 
de la Charente, les corps de 598 prêtres identifiés (1). 


DOCUMENTS 


Comment Bourdet Etienne vendit à Dubois-Foucon 
sa charge de chirurgien-dentiste 
de Louis XVI. 

Boui’det, Nicolas ou Etienne, qu’il ne faut pas confondre 
avec Etienne Bourdet, son frère cadet, chirurgien-dentiste du 
Duc d’Orléans et lithotomiste de Louis XVI, avait été dentiste 
de Louis XV. De 1759 à 1761, il avait demeuré rue de 
l’Arbre-Sec. Il fut dentiste de Louis XVI, de la Maison du 
Comte de Provence et du Comte d’Artois. Il demeura, pen¬ 
dant la plus grande partie de sa charge, rue Croix-des-Petits- 
Champs, en face la rue Coquillère, à côté de l’Hôtel de Tou¬ 
louse, dans la même maison que La Forest, pédicure du Roi. 

Nous ne retracerons pas ici la vie de ce dentiste ; les nom¬ 
breux documents que nous avons pu réunir à ce sujet pren¬ 
dront place dans un ouvrage en préparation ; Eludes- et 
recherches sur les dentistes parisiens pendant la Révolution 
française. 

Nous détachons de ces documents une pièce curieuse tirée 
des Archives de Maître Constantin, notaire à Paris, détenteur 
des actes du notaire Fieffé : 

« Le 23 mars 1783, Bourdet, écuyer, chirurgien-dentiste 
du Roi et des Princes de la Famille royale, demeurant à 
Paris, rue des Petits-Champs, cède sa démission, à titre de 
survivance, à Jean-Joseph Dubois, chirurgien-dentiste, demeu- 

(1) Pour le détail complet de cette déportation, voir notre livre 
récemment paru à la librairie académique Perrin, les Pontons de Roche- 
fort, 1792-1795, un vol. in-8. 



_ 74 — 

rant à Paris, rue Sainte-Marguerite, ceci avec l’agrément du 
Roi de Monsieur et de Monsieur le Comte d’Artois, pour la 
somme de 150.000 livres. 

« Soit 60.000 livres de suite. 

« 60.000 livres le premier mai 1788 ou avant par démission 
ou décès de Bourdet. 

« 30.000 livres dans l’année où Dubois prendrait posses¬ 
sion de sa charge ou dans le cas de décès de Bourdet. 

« Dans le cas de décès de Dubois, avant que ce dernier 
rentre en charge, avant le !"■ mai 1788, Bourdet gardera 
30.000 livres sur les 60.000. 

« Il ne rendra que 30.000 livres dans l’année du décès 
de Dubois. 

« Si Dubois décède après ledit jour de l’année 1788, Bour¬ 
det gardera la somme entière. 

« Bourdet conservera toute sa vie les émoluments de sa 
charge en cour, mais il laissera à Dubois, en cas de survi¬ 
vance, les gratifications et récompenses extraordinaires de la 
charge. 

« Pour faire connaître Dubois et inspirer la confiance qu’il 
mérite, et lui faciliter les moyens de s’associer, jusqu’à la fin 
de 1788, les gains faits l’un par l’autre dans Paris seront par¬ 
tagés en deux parts, chacunes remises de la main à la main 
avec contrôle et à certaine époque. 

« Dubois sera nourri à la table de Bourdçt ; il ne paiera 
que le loyer des chambres de l’appartement qu’il occupera 
chez Bourdet. 

« Au commencement de 1789, Bourdet quittera le service 
à Paris. 

«. Il est excepté de tout cela la charge à la Maison d’Or¬ 
léans, à la Maison de Penthiêvre et à l’Ecole militaire. 

« A cet acte était présent Vincent Foucou, chirurgien-den¬ 
tiste, demeurant à Paris, rue Sainte-Marguerite, lequel se 
porte caution de son neveu Dubois. 

K Les 60.000 livres sont-payées le 20 mai 1783 ; les 60.000 
autres le sont le 3 mai 1788. » 

La somme de 150.000 livres peut paraître énorme en regard 
des émoluments et gratifications que touchaient le chirurgien- 
dentiste du Roi. Sous Louis XV, le dentiste du roi touchait: 
600 livres de gages, 600 de récompense et 1095'pour son ordi¬ 
naire ; soit 1295. 

Mais il ne faut pas oublier que grâce au titre de chirurgien- 
dentiste du roi, la meilleure clientèle s’empressait de récla- 



mer les soins 'de ce praticien. 

Ce Dubois qui acheta la charge fut un chirurgien-dentiste 
célèbre sous le nom de Dubois-Foucou. La pièce que nous 
venons de lire nous a permis de constater l'existence de son 
oncle Foucou, également dentiste, que nous ne connaissions 
pas lors de l’impression de notre : Dictionnaire Biographique 
des anciens dentistes parisiens. 

Nous ne nous occuperons pas, pour le moment, de la vie 
de ce dentiste. Les documents sur l’emprisonnement de 
Louis XVI au Temple nous ont fourni plusieurs demandes de 
ce roi pour obtenir les soins de Dubois. On a prétendu qu’il 
ne fut jamais accédé aux désirs de Gapet. Nous espérons kre 
en mesure, plus tard, de prouver le contraire. 

Bourdet, quelques jôurs après le décès de son souverain, 
demanda la liquidation de sa charge et le paiement de ce qui 
lui était dû. Cette demande fut renvoyée à la Commission de 
Liquidation, Nous ignorons encore ce qu'il advint. 

Mais, nous savons d’autre part que Dubois comparut au 
Tribunal du 2« arrondissement le 12 mai 1794, contre la veuve 
et héritiers de Bourdet. Attendu que le traité fait entre 
Dubois et le feu citoyen Bourdet n’avait pu avoir d’exécution, 
en raison de ce que la charge de chirurgien-deiitiste du ci- 
devant roi qui faisait la clause dudit traité avait été supprimé 
avant le décès de Bourdet et avant l’époque à laquelle Dubois 
devait entrer en possession de ladite charge, la veuve Bourdet 
et héritiers furent condamnés à restituer à Dubois la somme 
de 120.000 livres. 

Une procédure s’ensuivit le 13 juillet et le 12 août 1794 ; 
enfin le 2 novembre 1794, le Tribunal du 1®'' arrondissement sta¬ 
tua que ; Attendu que l'acte de vente avait été effectué par les 
provisions obtenues, que les conventions contenaient tout à 
la fois une vente-charge, et une Société constituée pour faire 
connaître l’acquéreur, la veuve Bourdet fut déchargée des 
condamnations prononcées. Elle garda donc les sommes tou¬ 
chées. Dubois put se consoler aisément, car il fut ensuite 
dentiste de Napoléon, de Louis XVIII et de Charles X. 

(Communication de M. le D'’ Digen.j 



BIBLIOGRAPHIE 


C3 O BÆ I^TTE! s - I=l E! IV13 TJ s 


D' P. Delaunaÿ. — L’aventüreuse existence de Piebre 
Belon, du Mans. Paris, Champion, 1925, XII-175 p., 11 pl. 
et gravures in-8. 

Présentation artistique, érudition parfaite, texte ordonné et 
précis ; c’est l’éloge mérité du nouveau livre du D'' Delaunaÿ. 

Par un souvenir, une suggestion, une ironie, à travers le 
savant, on trouve au détour d’une page, ou d’un chapitre, l’au¬ 
teur. On se réjouit soi-même du plaisir délicat qu’il a pris à 
tant de recherches désintéressées. 

Il a erré lui-même avec son héros voyageur « en pays 
eslranges ». Il nous' le présente, sous ses divers aspects, 
de savant universel, lithologiste, géologue, botaniste, mamma- 
logiste, ornithologiste, erpétologiste, naturaliste. De tant de 
goûts divers qui ont mené sur tant de routés ce curieux de la 
nature, il se dégage un portrait d’ensémble vigoureusement 
brossé. C’est une étude d’intérêt général, contribution remar¬ 
quable à l’histoire de ce xvi» siècle si fécond en œuvres et en 
hommes. 

La Bretagne, l’Auvergne, la Flandre, l’Angleterre, Paris, 
la Suisse, l’Allemagne, Genève, la Provence, l’Italie, l’Orient, 
l’Egypte," sans oublier le mont Athos et le Sina'l, déBlent au 
milieu de multiples péripéties, vie aventureuse et merveilleuse 
qui se termine, en 1564, par un vulgaire assassinat au Bois de 
Boulogne, près de la résidence de Madrid. 

M. le D'^ P. Delaunaÿ a consacré au rôle de Belon dans 
l’acclimatation végétale en France tout un chapitre qui est 
des plus neufs et des plus curieux pour la géographie humaine 
et la vie sociale. 

Quant au médecin et à l’hygiéniste, qui nous appartient plus 
particulièrement, il n’est pas oublié : son rôle et ses idées 
sont commentés avec la science et la finesse qui donnent aux 
travaux de l’auteur une valeur unanimement appréciée. 

Marcel Fossbyeijx. 


J. Chevron. — Martin Akakia, médecin de François !*“■, 
Châlons-sur-Marne, 1925 (Imprimerie àxi J<furnal de la Marne). 

Cette plaquette de 22 pages contient des détails peu connus 
sur le premier des Akakia. On admet généralement que son 
véritable nom était Sans Malice, et ce sobriquet semble indiquer 
qu’il était de modeste extradition. Le Musée de Cbâlons pos¬ 
sède un portrait d’Akakia ; c’est une peinturé à l’huile, non 
signée, probablement une copie; et la Bibliothèque de cette 
ville a une édition rarissime de la traduction du De ratione 
curandi de Galien, datée de 1547. L.B. 

Prof. Çuioo.— Guerrini notizie storiche e statistiche 
SULLA PESTE, Siena ; Typ. S. Bernardino, 1925. 

Sous ce titre, le savant directeur de l’Institut de Pathologie 
comparée de Milan vient de publier un .travail fort intéressant 
dans la Revue d’histoire des sciences médicales et naturelles. 

L’auteur commence par décrire les premières épidémies'qui 
depuis l'époque biblique ravagèrent ^e monde. Mais, comme 
il le fait très justement remarquer, il est assez difficile de 
savoir si ces épidémies furent vraiment de la peste. 

Après la peste de Justinien au vP siècle qui fit tant de vic¬ 
times, il y eut une longue période de répit pendant laquelle il 
n’y eût que quelques cas disséminés en Orient, en Perse et en 
Mésopotamie. Mais vers le viiP siècle une nouvelle épidémie 
dévasta la Calabre et la Sicile, au xi“ siècle, la peste ayant pris 
son origine dans l'Inde se répandit en Perse, en Mésopotamie, 
en Asie Mineure, puis en Allemagne, en Pologne et en Italie. 

Tout le monde connaît la fameuse épidémie de 1397 qui, 
dévasta Constantinople et qui fut si bien décrite par Giovanni 
Cantacuzéno. A la même époque, l’Italie et la France fureiit 
atteintes à leur tour. 

En quelques semaines 30.000 personnes périrent à Nar¬ 
bonne, a Avignon il y eût 1.800 victimes en trois jours. 

De 1360 à 1363 Milan perdit 77,000 habitants. 

Ces chiffres montrent dans leur terrible éloquence la gravité 
de ces épidémies. 

Plus lard, les années les plus sombres furent celles de 1405 
à 1493 et de 1501 à 1599, c’est-à-dire presque deux siècles — 
pendant lesquels la peste sévit à l’état endémique dans toute 
l’Italie — Naples à elle seule compte 65.000 morts. 

L’épidémie de Milan célèbre par la piété de Saint Charles Bor- 
romée est connue de tous, au xvn' siècle l’Italie fut encore 
ravagée par le fléau. 

De 1769 à 1771 la Turquie et l’Égypte furent atteintés, aq 



78 — 


début du xix“ siècle^ la Moldavie, la Transylvanie, la Russie, 
TAutriche, Malle, l’Égypte et l’Italie. 

L’épidémie,de 1815 ravagea Naples à nouveau. 

Le travail donne un aperçu de l’état sanitaire durant ces 
dernières années. 

Il faut savoir gré à M. Guido-Guérini d’avoir, en si peu de 
pages, exposé, aussi clairement la marche des épidémies de 
peste depuis l’antiquité à nos jours. D’’ Raymond Neveu. 

Paul L’Huillier. — Le typhus de 1813-14 a Strasbourg, 
Strasbourg, Éditions universitaires, 1925,in-8“, 180 p. Thèse. 

Le typhus exanthématique paraît avoir existé à Strasbourg 
à l’état endémique depuis la Révolution. En novembre 1813 il 
s’y manifesta soüs la forme d’une violente épidémie, due à 
l’arrivée des soldats en retraite de la Grande Armée. 

Notre jeune confrère, dont la bibliographie est très complète 
et qui n’a pas négligé non plus les recherches dans les dépôts 
d’archives, a fait une étude fouillée de cette épidémie et des 
moyens qui furent employés pour la combattre par les auto¬ 
rités, conseillées par la Faculté de médecine. Un épisode 
curieux de cette histoire est l’épizootie très meurtrière qui se 
déclara parmi le bétail rassemblé à Strasbourg lors de l’éta¬ 
blissement du blocus en janvier 1814. 

Une double coquille dans la préface : il y est dit (p. 6) que 
le typhus pénétra vers la fin de l’année 1814 à Strasbourg et 
que l’épidémie prit fin en été 1815 ; c’est «1813» et «1814» 
qu’il faut lire. D'' Ernest Wickbrsheimer. 

Maurice Héein. — La Clef des songes, fac-similés, notes 
BT LISTE DBS ÉDITIONS INCUNABLES. Paris, E. Droz et E. Nourry, 
1925, in-4», 99 p. 

Les « Documents scientifiques du xv® siècle », si heureuse¬ 
ment inaugurés il y a.quelques mois par les k Remèdes contre 
la peste » de A.-C. Klebs etE. Droz (Gf.ÆaWetm, XIX (1925), 
,p. 315), viennent de s’enrichir d’un deuxième volume auquel 
on peut prédire Un pareil succès. 

Par ces temps de Freudisme, la Clef des Songes est d’actua¬ 
lité. Voici les fac-similés des « Somnia Danielis », imprimés 
vers 1482 par E. Fromolt à Vienne en Dauphiné, des « Songes 
Daniel prophète, translatez de latin en françoys », imprimés à 
Paris par Jean Trepperel et l’édition allemande, imprimée 
vers 1600 à Strasbourg par Matthias HupfufF; y sont joints, à 
titre d’échantillons, des reproductions dé frontispices, de pages 
de départ et dé colophons de diverses autres éditions. 



— 79 — 


Puis vient une étude de l’onirocritique depuis Astrampsychos 
(v" siècle de notre ère) jusqu’à nos jours, étude pour laquelle 
M. Maurice Hélin n’a pas négligé les sources manuscrites. 

L’imprimerie a joué le rôle principal dans la diffusion de ces 
croyances qui, au xx® siècle, sont plus vivaces que jamais. En 
effet « la traduction manuscrite a pu suffire à influencer des 
œuvres littéraires d’inspiration savante », mais « il a fallu les 
livres imprimés pour que s’implantent dans nos folklores des 
croyances importées de Byzance et originaires de la lointaine 
Ghaldée ». 

L’élégant volume se termine par une table dressée par 
M“® E. Droz des 36 éditions des « Spmnia Danielis », 28 latines, 
3 allemandes, 2 françaises et 3 italiennes. 

D® Ernest WiCKEnsHEiMER. 


Relevé bibliographique des travaux médico-historiques 
parus récemment dans les publications périodiques 

E. Bldm. Thérapeutique de jadis, d'hier et d'aujourd’hui, la 
métallothérapie. Courrier médical, n" 36, 27 septembre 1925, 
p, 423-426, — L'emploi des métaux en thérapeutique externe 
ou interne est fort ancien ; Pline vante leurs vertus; Marcel- 
lus Empirièus préconise l’or comme analgésique ; le règne 
minéral fournissait aux superstitions populaires ou médicales 
d’innombrables amulettes. Enfin, au début du xtx“ siècle, 
l’Américain Perkins tâche de fonder la métallothérapie scien¬ 
tifique, et promène sur la peau, dans un but analgésique, des 
aiguilles de fer, de laiton, etc. Le Perkinisme fut perfectionné 
en Danemark par Hérold et Rafne, de Copenhague, qui flrént 
usage d’aiguilles d’argent, de zinc, de cuivre, de plomb, de 
-bismuth. Ces travaux étaient tombés dans l’oubli, lorsqu’on 
1850 Burq communiqua à l’Académie des Sciences un mémoire 
relatif à l’influence des métaux sur les anesthésies. En 1876, 
Dumontpallier en fit un rapport à la Société de biologie, et de 
curieuses expériences sur le transfert des anesthésies furent, 
dès lors, entreprises dans son service et dans celui de Char¬ 
cot; en Suisse, Schiff ; en Allemagne, Eulenburg et Wesl- 
phal : en Italie, Marîgliano et Saummona les imitèrent. Mais 
Burq estimait que la métallothérapie doit se doubler d’un traite¬ 
ment interne : lorsque les applications externes avaient décelé 
le métal auquel le patient se trouve sensible, on l’adrninisiràit 
à l’intérieur (or en feuilles, chlorure d’or, zinc, cuivre, fer, 



nitrate d’argent), Après une grande vogue, le Burquinisme, 
comme le Perkinisme, tomba ; il fut avéré que les effets de la 
métallothérapie externe tenaient seulement à la suggestion. 
Mais la métallothérapie, transformée, a survécu : Gaube du 
Gers eut le mérite de montrer les indéniables vertus anti¬ 
cancéreuses du cuivre ; à sa vieille Cuprase, nous substituons 
aujourd’hui l’électro-cuprol, ou l’électrosélénium ; et la 
méthode des injections hypodermiques ou intra-veineuses de 
métaux élèctro-colloïdaux a pris le développement que l’on 
sait. Les auteurs danois ont récemment préconisé, pour la 
chimio-thérapie de la tuberculose la sanocrisine, qui est un 
thio-sulfate d’or et de sodium. Enfin, ori a ressuscité l’usage 
des crayons métalliques dans le traitement des plaies atones. 
MuUa renascuntur quæ Jam cecidere .. 

D. Giohdano, Sulla pozitione inversa in chirurgia, Rivista di 
Storia delle Scienze mediche e naturali, 15® année, 3® S., 
n®' 7-8 juillet-août 1925, et Sienne, Typ. S. Bernardino, 1925, 
6 p. in-8“. —^ La position renversée dite de Trendelenburg, 
sans doute parce qu’elle fut reprise par Delagénière, après 
avoir été recommandée théoriquement par Rousset (1530) et 
utilisée pratiqument par Morand (1723), était en réalité d’un 
usage beaucoup plus ancien que ne l'a récemment prétendu le 
Dr L. Boulanger dans la Chronique médicale de mai 1925. 
Gelse déjà la recommande au ehap. XIX de son 7° livre. Elle 
est très nettement décrite en son Libellas de Cyrurgia 
(13, XXXII), par Maître Roland de Parme qui exerçait à 
Salerne au xin® s., et une miniature du manuscrit de cet 
ouvràge, reproduite par Giordano, ne laisse aucun doute à cet 
égard. On la trouve encore préconisée dans la Pratica uni¬ 
versale in chirurgia (Venise, 1576), de Giovanni di Vico 
Genovese, D' Paul Delaunay. 


Le Secrétaire général. Gérant^ 
Marcel Fosseyeux. 




CHRONIQUE DE LA SOCIÉTÉ 


Séance du 6 Mars 1926. 


Présidence de M. le D'' Laignel-Lavastine. 

Etaient présents: MM.Avalon, Basmadjian, Barbé, 
Boulanger, Brodier, Dorveaux, Dardel, Delaunay, 
Fosseyeux, Guelliot, Grimbert, Hervé, Jeatiselme, 
Ménetrier, Mpusson-Lanauze, Nathan, Neveu, Rou- 
villois, Olivier, Sévilla, Sieur, Variot, Vinchon, 
Weisgerbeer. 

Candidat présenté'. M. Kœrbleb'(D'' Georges), Ulica, 
c. 17, Zagreb (Yougoslavie), par MM.Laignel-Lavas- , 
tine el Fosseyeux. 

Musée. — M. le P’’ Menetrier offre au Musée de la 
part de M. Henriot une série de documents origi¬ 
naux concernant Magendie, en particulier une collec¬ 
tion de diplômes dont la liste est ci-après. 

Il y ajoute diverses pièces et un manuscrit de M. le 
D"'Vercoustre, ancien médecin'militaire, décédé en 
1924, sur l’origine de la machine à décapiter. 

Communications'. 

M. lé D'' Vinchon, lit le travail fait en collaboration 
avec M. le D' Laignel-Lavastine sur VHistoire des 
tempéraments bilieux et mélancoliques xpxi donne lieu 
à diversesremarques de MM. Régnault et Jeansermé, 
d’où il ressort, conformément à la conclusion des : 
auteurs, que la disparition de l’étude des tempéra¬ 
ments date de l’ère pastorienne. 




82 


M. Fosseyeüx résume un travail sur Zrt médecine 
dans les Mémoires du janséniste Thomas du Fossé, 
contribution à l’histoire des mœurs du grand siècle. 
La séance est levée à 6 heures. 


LISTE DBS DIPLOMES DE MAGENDIE OFFETS PAR M. HENRIOT. 


1“ Un diplôme dé la Société Philoinaiique de Paris, qui a reçu le 20 
avril 1813, M. Magendie au nombre de ses membres. 

2” La Philosopkiçal Society of London (diplôme du 3 avril 1816), avec 
les signatures du duc de Kent et du duc de Susses, patrons de la Société, 
de Joseph Adams, président ; John Miers, secrétaire et Joseph Pettigree, 
trésorier. A noter lu gravure qui représente la Science dévoilée par 
Minerve et qui apparaît douée tfe polymentie vraiment tératologique. 

* 3” Socielas medicorum Vilnenais, sous la protection de l’empereur 

Alexandre, diplôme du 12 décembre 1816, avec la signature de Ferdi¬ 
nand Spitznagel, président, et lé sceau de la Société avec l’aigle à deux 

4” VAcudémie des Sciences, arts et belles-lettres de la fille de Caen, 
10 mars 1817. 

5» Die Wetteranische Gesellschafft fur die Gesamente Naturkunde, 
Hanau, 1817, signature de G. Gaertuer et B. Meyer directeur, Kopp et 
L. Gaertner secrétaires. 

6“ Societaa mediea Philadelphiensis, fondée en 1789, diplôme du 10 fé¬ 
vrier 1817, M. Chapman, président. « 

7“ Socielas Scientiarutn physicarum et medicarum ad Rhenum inferio- 
tem, diplôme décerné à : Virum illustrum experientissimum Doctorem 
Magendie, professorem med. Parisiensem, le 20 février 1821, Bonn, direc- 
tenrs, Harless et Nœggeratp. 

S“ Société Linnéenne du Calrados, 6 décembre 1823, secrétaire: de 
Gaumont. 

9' Societaa regia mediea Edinburgena, fondée en 1737, diplôme du 
18 avril 1823, avec de nombreuses signatures : Guglielmus Thomas 
■Williams, président ; Jacobus Bandaley, Astley Cooper, surgeon to the 
Kiug; Thomas Hodgkin, Benjamin Travers, Kent, George Martonj Gui. 

A noter la signature de Guglielmus Bell, le frère de Charles BeU qui à 
cette date était précisément en polémiqne avec Magendie à l’occasion de 
la découverte des propriétés motrices et sensitive des racines des nerfs 
, spinaux. 

10” Societaa mediea Leningtoniensis, diplôme du 14 niara 1825. 

11” La Facultad central de medicina de la capital de Colombia, 1527. 

12” Scientiarum, litlerarum et artium Cæsareæ UnifcrsUas et Academia 
Vilnensis, juin 1828, dans une lettre d’envoi du recteur Pelikan annon- 
Sant que le diplôme sera porté parle D’ Galezowski. 

13” Regia Taurinensis Academia, 1828. 

14“ Société de médecine rfe Parts, fondée le 22 mars 1796, diplôme du 
16 février 1828. C’est In, plus ancienne de nos Sociétés médioales de 
Paris, encore actuellement existante. Elle était alors présidée par de Lens 
le grand père de notre généreux donateur M. Henriot, et du regretté 
chirurgien, mon maître Ûoleus, qui avait adopté une signature.diffé¬ 
rente de celle de son ancêtre, mais que le dernier numéro d'Esciilape, 






• — 83 — . 

nous a appris avoir été reprise par son ancienne petite-fille, l’auteur des 
impressions marocaines que nous avons lues avec intérêt dans cette revue. 
L’archiviste était Lejumeau de Kergaradec, qui fit l’application du sté¬ 
thoscope de'Laennec au'diagnostic de la grossesse. 

15“ Société Royale de médecine, chirurgie et pharmacie de Toulouse, 
25 may 1829. 

16° Lettre du secrétaire de la Société de médecine de Bruxelles, annon" 
çant à Magendie qu'il a été nommé.membre correspondant dans la séance 
du 2 novembre 1829. 

17° Lettre de J. H. Barlels au nom du Sénat de Hambourg, à « Viro 
amplissimo celeberrimo Magendie » l’invitant a la Société (conventum 
physicorum Germanorumj du mois de septembre 1830. 

18° Regia Scientiarum Academia luecica), mars 1831, avec la signature 
de Jan Berzelius, secrétaire perpétuel, 

19° Societas medico chirurgien Berolinensis, en decrelo regio Hufe- 
landiana dicta, diplôme de correspondant du 7 décembre 18.34, avec la 
signature de Hufeland, président. 

20° La Academia de médicina de Megico, 16 décembre 1839. 

' 21° Societas regia medico-chirurgica Londinensis, 20 avril 1841, prési¬ 
dent,'Robert Williams. 

22° Université de Prague. Nos rector et Soàatus Academicus almœ et 
antiquissimæ. Gœ.=. reg. Garolo. Ferdinandæ Universitatis Pragenœ, 
nomination de membre-adjoint, 28 août 1848. 

A noter, le cachet de cire admirablement conserve et représentant 
une scène d’hommage féodale. 

23° Société d’hydrologie médicale de Paris, 27 janvier 1854. 


Séance du 17 AA>ril 1926. 


Présidence de M. Laignel-Lavastine. 

Etaient présents: MM. Avalon, Basmadjian, Bro- 
dier, Colin, Dagen, Dorveaux, Finot, Fosseyeux, 
Grunberg, Mauclaire, Neveu, Sieur, Thibierge, Tor- 
komian, Yariot, Vinchon. 

Don. — M. le D'' Torkomian offre' pour le Musée 
une boîte de barbier ayant appartenu à son père. 

Communications : 

M. le D" K. J. Basmadjian présente une note sur le 
système quadrilataire et l’opothérapie chez Am;ir- 
dovlat, système employé dans la médecine grecque, 
persane et surtout arabe. 






— 84 — 


M. le D' Laignel-Lavastine lit l’étude de notre 
nouveau collègue M. le D’’ G. Kœrbler, de Zagreb 
(Yougoslavie) sur une controverse au xviii® siècle^ 
d’après les lettres d’un, médecin de Raguse. 

M. le Secrétaire Général résume les deux impor¬ 
tants travaux de MM. les D" Goulard et Sérieux sur 
le Service médical à la Bastille, et le Personnel mé¬ 
dical de la Bastille, S’appuyant sur les documents 
conservés à la Bibliothèque de l’Arsenal, les auteurs 
arrivent aune conclusion opposée à celle de Bournon 
dans son Histoire de la Bastille, parue en 1894, à 
savoir que, sans aucune exception, et, surtout sans 
aucune considération de classe, les prisonniers mala¬ 
des recevaient moralement et matériellement les 
secours que nécessitait leur état. 

La séance est levée à 5 h. 3/4. 


Une erreur s’est glissée dans le Procès-verbal de 
la séance de décembre 1925, sur l’état civil du D"" 
Marie-Hector Landouzy, qui est né, non pas en 1812, 
mais le 8 Janvier 1808, à Epernay. 



— 85 


LES GISANTS MACABRES 

de Boussu, Bruxelles, Vilvorde, Strasbourg, Beaune, 
Troyes, Enkbuyzen. 

I‘ar le Docteur XRICOX-ROYED 


Nous donnons au terme gisant la signification de 
monument funéraire où figure la représentation cou¬ 
chée du défunt. Nous en distinguons immédiatement 
deux groupes : les gisants vifs, apparaissant dans 
une pose de repos conventionnel, soit en prières à 
l’état de veille, soit à l’état de sommeil. Ils ne nous 
intéressent pas ici. Viennent ensuite les gisants tré¬ 
passés, où l’on reconnaît le défunt tel que l’artiste le 
conçoit avec les outragés que la mort lui inflige. 

Selon le degré des altérations subies, trois subdi¬ 
visions paraissent s’imposer : les gisants momifiés, 
les gisants simplement décharnés et les gisants ron¬ 
gés de vers. Je ne compte pas à leur propos redire les 
considérations historiques, philosophiques et artis¬ 
tiques qu’ont émises sur ce sujet et avec tant de talent 
nombre d’auteurs comme Paul Riclîer, Emile Mâle, 
Henri Meige et Jules Guiart. Ma communication se 
borne à fournir une simple cpntribution à ces remar¬ 
quables études. 

J Le Gisant de Boussu. 

Il fait le principal ornement de ce qu’on appelle ' 
la Chapelle desi. Seigneurs^ : joli sanctuaire gothique^ 
qui semble former un chevet jumeau avec le chœur 
de l’église de Boussu, dont le sépare un troisième 
chevet plus étroit et qui contient l’oratoire, d’où le» 



anciens gentilshommes et leur maison enten'daient 
les offices .de la paroisse. La chapelle est bâtie sur le 
caveau des comtes de Hennin-Liétard et de leurs 
descendants,les princes de Hennin d’Alsace. Le long 
des parois de la chapelle,on admire plusieurs monu¬ 
ments funéraires dont le plus ancien est le mausolée 
de Jean, premier comte de Boussu, et de sa lemme 
Anne de Bourgogne, comme l’indique l’épitaphe : « Ici 
repose le corps de très puissant seigneur Jean I®'' 
comte de Boussu, baron de Raikem, 'seigneur de 
Bleaugies, Oisticè, Gamérages, Haussy, Lambuissart, 
Bovery, Chocques la Fou, etc. ; chevalier de la Toison 
d’Or, capitaine général de diverses armées de S. M. 
l’empereur Charles V, son grand et premier escuyer, 
capitaine d’une compagnie d’hommes d,’armes, Grand 
Bailly des Bois de Haynault, prévost du Comté dé Val¬ 
lin, lequel trépassa en son château du dit Boussu l’an 
XV®LXII le 12 Fébur, auprès duquel gist aussi Haute 
Noble et Puissante Dame Madame Anne de Bourgogne, 
son espouse laquelle trespassa au dit lieu FanXY®Ll 
le XXV mars. » 

Deux colonnes de marbré supporteht les statues 
des époux placés en vis-à-vis, et tenant en main un 
écusson à leurs armes. Un arc de marbre blanc réunit 
les deux fûts et ferme en haut le rétable,dont la partie 
inférieure se complète par un sarcophage de por¬ 
phyre, sur lequel on retrouve les deux époux age¬ 
nouillés et en costume de grand apparat. Ils sont 
entourés de leur quatre enfants, dont l’un, le fils aîné 
verse des larmes amères. 

Sous le sarcophage gît un homme mort récemment 
et traité avec une telle maîtrise qu’on l’a souvent 
attribué au ciseau de Jean Goujon ; quoiqu’il soit 
sans doute de la main, de Luc Petit de Valenciennes, 
auteur de l’ensemble. ’ 

Mais peut-être ce cadavre à l’impression calme et 
^sereine ne donnait-il pas satisfactidn au comte de 
Boussu. Son âme tourmentée désirait vraisembla¬ 
blement faire montre de plus d’humilité, de plus de 
'’clétachement,des choses d’ici-bas. Ainsi s’expliquerait 



87 — 


la présence dii second gisant relégué dans un angle 
obscur de la pièce, oü il attend depuis près de quatre 
siècles,de mome’nt où on lui rendra les honneurs 
auxquels il à d’ailléuirs tous les droits, comme je vais 
tenter de le prouver.: 

Le gisant dénommé le squelette de Boussu mesure 
du sommet de la tête à la pointe des pieds 1 m. 76. Il 
repose sur une natte de 1 m. 60. Celle-ci s’enroule en 
un gros bourrelet de 13 centimètres de diamètre qui 
sert de support à la nuque. Ainsi la tête du cadavre, 
balance-t-elle dans le vide,et les cheveux obéissant de 
même aux lois de la pesanteur remplissent-ils l’espace 
entre la tête et le plancher de la niche. 

Le front, le sommet de la tête et les tempes sont 
chauves. Une jpartie du cuir chevelu a disparu créant 
ainsi une ouverture de 5 centimètres sur 3 qui met à 
nu les os du crâne. 

Le front est peu élevé,; une ride profonde jr souligne 
la bosse frontale placée très bas et ronde comme une 
bille. Les grcades sourcillières sont très prononcées. 
Le globe oculaire profondément descendu est cou¬ 
vert par les paupières qui sémblent le mouler com- " 
plètement. 

Le nez, coupé au* niveau des parties osseuses, est 
encore couvert de la peau quj se tend au point de 
paraître trop courte ; cela donne au faciès un aspect à 
la fois terrifiant et grotesque. 

La bouche, par l’effet de la tension du cou sur le 
bourrelet s’ouvre largement et permet la vue d’une 
denture fort incomplète. Les lèvres dont les bords 
rongéè sont amincis, s’appliquent sur les dents res¬ 
tantes. La voûte palatine et le palais sont intacts, 
mais la langue a disparu. Les pommettes sont très 
nettes sous la peau. L’articulation temporo-maxillaire 
se perçoit aisément. A l’angle de la branche montante 
du maxillaire inférieur la putréfaction s’ést .ouvert 
une fenêtre dans la joue. L’oreille droite est intacte ; 
de dessous son lobule part un muscle sterno-cleido- ' 
mastoïdien admirablement disséqué. ^ 

La peau éclatée sous le menton découvre de laTynXi:/ 



le commencement de 
la trachée et une par¬ 
tie de la clavicule. Sur 
la table sternale un 
lambeau de peau s’est' 
arrêté, mais pas suffi¬ 
samment pour mas¬ 
quer les articulations 
sterno-costales. Sur 
les côtés, la peau s’est 
retirée sur une dis¬ 
tance variant de 2 à 10 
centimètres du ster¬ 
num, créant ainsi une 
cage dont les barreaux 
sont les .côtes et dans 
laquelle on distingue 
le cœur et un autre 
visbère méconnaissa¬ 
ble. 

Sous le^ côtes, se 
creuse la cavité abdo¬ 
minale en une large 
ouverture pentagona¬ 
le, limitée en haut par 
la pointe du sternum 
et les côtes, sur le 
côté par les côtes vo¬ 
lantes et les liions, en 
bas parles o§ pubiens 
sur lesquels la verge 
s’étale aplatie et dé¬ 
pouillée de ses tégu¬ 
ments. 

La masse intestina¬ 
le et les viscères ont 
complètement dispa¬ 
ru, et le regai'd tombe 
I d’emblée sur le sa- 
i crum que surmontent 



quaire corps de vertèbres. Dans la cavité une grosse 
anguille se livre à de joyeux ébats. 

L’articulation coxo-fémorale se détaille clairement, 
et l’on peut suivre l’engagement de la tête du fémur 
dans la cavité cotyloïde. La moitié du col est apparente. 
Les trochanters se perçoivent sous la peau amincie. 
Au tiers inférieur de la cuisse le fémur réapparaît et 
l'on peut étudier les détails rigoureusement exacts 
de l’extrémité inlérieure de l’os. La rotule esta nu. Le 
tibia, ses plateaux, protubérances et crêtes sont frap¬ 
pants de vérité. Entre le tibia et le péroné, preste¬ 
ment une anguille se faufile. Tous les os du tarse sont 
visibles, certains exte'hseurs existent encore. Les 
orteils ont été presque entièrement respectés, quoi¬ 
qu’il n’y ait d’ongle qu’au gros orteil. 

Les jambes du cadavre sont infléchies* de manière 
à créer, du creux poplité au sol, une lumière de 15 cen¬ 
timètres , circonstance qui donnerait à l’homme debout 
une belle prestance, surtout si nous considérons que 
malgré son état de consomption le cadavre donne 
encore, dans l’ensemble, l’impression d’une robus¬ 
tesse peu commune. 

La perfection anatomique des bras est tout aussi 
remarquable ; l’articulation scapulo-humérale qui se 
devine ; celle du coude qui se montre presque à nu ; 
la main en pronation avec, à ciel ouvert, le carpe et le 
métacarpe. Quant aux doigts repliés, ils sont intacts. 

Mais partout grouillent les reptiles. Les uns courts, 
fusiformes, aplatis et flasques ressemblent à des sang¬ 
sues. Les autres, d’une longuenr de 35centimètres sur 
un diamètre d’environ 2 cm. 1/2, sont frétillants et 
agiles comme des anguilles dont rien ne les distingue. 
Ceux-ci, d’une jambe à l’autre, font des grâces en guir¬ 
landes ou en huit de chiffre ; ils s’agitent en tout sens 
pénétrant avec ténacité dans les espaces intermuscu- 
laires. Pour réaliser pe prodige de réalisme j’ai l’idée 
que l’auteur a dû jeter une portion d^anguilles dans la 
carcasse d’un animal quelconque en putréfaction. Un 
commentateur a dit de ce gisant. « Le squelette en 
stuc est une œuvre parfaite de précision anatomique 



— 90 — 


et d’eÉPrayante vérité. L’art et la science moderne ne 
pourraient faire mieux ni plus parfait. » Nous en con¬ 
venons volontiers. 


Les Gisants de Notre-Dame du Sablon a Bruxelles. 


Lorsqu’on pénètre dans ce sanctuaire par le porche 
d’honneur, immédiatement à droite, s'ouvre dans la 
petite nef, la chapelle des saints Eloy et Guidon. 
Entrant dans cette chapelle, nous trouvons, redressée 
contre le mur et scellée dans celui-ci, la pierre- 
couvercle d’un tombeau formant jadis catafalque. 
Gette dalle admirablement sculptée est soutenue par 
une des parois du susdit catafalque ; elle en est sépa¬ 
rée par une*partie en talus très étroite, qui ne fait 
d’ailleurs qu’un avec elle et indique Son épaisseur. 

La table même mesure 1“83 sur l'“04., et porte, 
gisant côte à côte, et minutieusement fouillées, les 
statues de Claude Bouton et Jacqueline de Lannoy,sa 
femme. La pierre est d’un bleu velouté et douce au 
toucher. 

La partie intermédiaire mesure 0"15 et porte l’épi¬ 
taphe suivante 1 

Gy gist Claude Bouton Chevalier S' de Corbaron 
et de Saint-Beurry, 

Conseillé et Chambellan de Lerapereur Charles Le Grand 
grant et pmier maistre dostel de monsieur Larchiduc son fre, 
roy de Bohesme et Jaqline de Lannoy son espouse. 
qui trépassèrent. 

Assavoir ledit Claude le xxii jour de juyn l’an M v ' 1 vi. 
et LaqUne dessus dicte le 27 de juyn l’an M v * xvii. 

La dalle inférieure mesure 39 centimètres jusqu’au 
pavement dans lequel elle disparaît, enfouissant avec 
elle les trois derniers vers de chacune des trois stro¬ 
phes alignées en trois colonnes sur cette partie du 
üionument. 

Voici comment Claude Bouton exhorte le prochain 
à récipiscence : . 



— 91 — 


0 Vous Seigneurs qui ay'raez tant chevance 
Office, honneur, auctorité, puissance 
Grant Renomée et grant adyancement 
Mirez-vous cy et ayez cognoissance 
Que vre fin de jour en jour s’avance 
L'heure on ne scet où sera ne comment 
La notez bien que pô tout parement 
N’Emporterez quung linceul seulement 
Sept pietz de terre aurez en souflisance 
Pense chascun en son gouvernement... 

Ca^ bienz et maulx se trouveront vrayment. 

Et sera mis en bien iuste balance. 

Regardez cy nos figure et semblance, 

O curieux tant plains doutrecuidance 

Ung cler miroir avez présentement 

Hélas, qüe vault grant orgueil et bonbance 

Riches habits, maisons et grant finance 

Tout, fault laisser et prendre finement 

Mais quoy si brief que tout le plus souvent, • ' 

On na pas temps de bien souffisamment 

Recourre à Dieu par bonne repentance. 

Ce temps qu’avez pour vostre arfimendement 
Et touz voz faits, vos diz et pensement 
Sera pesez à moult iuste balance. 

Je fus en court veez cy ma remembrance 
Aiant honneurs et estats sans doubtance 
Et des meilleurs plus que souffisamment 
Si jay mal fait las je suis en souffrance 
Je prie à Dieu m’en donner pénitence 
En purgatoire sans plus de grans tourments 
Et tous vous autres priez dévotement 
Qua vous et moÿ il fasse allégement 
De tout pardon et bonne délivrance 
Et qu'à la fin pour nous tous mesmement 
Puissions aller à ce grand'jugement 
Sans qu'il nous poise à si iuste balance. 

Et le détuüt n’a pas tort i la vue des deux époux 
ainsi traités ne peut inspirerque de salutaires pensées. 
Ils sont étendus dévêtus, chacun sur une natte étroite 
formée de tresses longitudinales accolées, et s’enrou¬ 
lant en bourrelet pour surélever la tête. Un sùaire 



— 92 — 

s’interpose entre les corps et la paille. Une autre 
pièce de toile passe sous le siège et voile le bas de 
l’abdomen et le haut des cuisses. Les deux cadavres 
sont séparés par une colonne très ouvragée qui sou¬ 
tient une double arcade, sous laquelle se déroule une 
banderolle portant la devise : Souvenir tue! 

Les personnages paraissent donc couchés dans 
une niche d’un aspect monumental gracieux. A la 
colonne s’attachent l’écusson des Bouton : de gueules 
à la fasce ,d'or, écartelé d'or à la fasce de gueules^ 
sur le tout de gueules à Vaigle d'ot\ et les armoiries 
■jumelles de Bouton et Lannoy ; par dessus le double 
arc, à son intersection, règne un luxueux casque de 
chevalier, d’où isse un guerrier tenant l’épée de la 
main senestre,tandis que la dextre agite un faisceau 
de foudres. 

Le noble couple est effrayant à voir. Les yeux sont 
de petites sphères sur lesquelles se collent intimemént 
les paupières qu’entr’ouvre une fente étroite et nette. 
Le nez est coupé en biseau comme d’un coup de sabre. 
Les cheveux de Jacqueline, très longs, sont épars. Le 
larynx et les muscles sterno-cle'ido-mastoïdiens don¬ 
nent des reliefs précis. Au thorax apparaissent huit 
côtes paralèles sous une clavicule plus saillante. La 
paroi de l’abdomen s’est profondément retirée, mais 
sans déchirure. 

Le bras montre les muscles sous la peau, tandis que 
l’avant-bras ne laisse plus deviner que les os. J^es 
mains se croisent sur le pubis. 

Les muscles de la cuisse paraissent indépendants, 
on les dirait disséqués sous la peau. Les rotules et les 
tibias forment des crêtes coupantes. Les pieds s’apla¬ 
tissent en palmes divergentes dont les extenseurs 
achèvent le dessin. Les ongles sont conservés aux 
mains comme aux pieds. 

L’histoire nous apprend que Claude Bouton, tout 
comme son compère le comte de Boussu, était un des 
brillants familiers de la Cour de Charles-Quint, qui 
avait d’ailleurs tenu l’un de ses fils sur les fonts 
baptismaux. Il a joué un rôle de premier plan comme 



— 93 — 


homme de guerre et comme agent diplomatique. Son 
épitaphe riinée montre un aimable talent de poète ; 
nous savons d’ailleurs que la reine Marie de Hongrie 
ne dédaignait pas d’échanger, avec ce brillant capi¬ 
taine, des bbuts rimés pas toujours très clairs mais 
souvent gracieux. Claude Bouton passe, à bon droit 
pensons-nous, pour l’auteur du Mirouer des Dames, 
long poème en l’honneur des femmes célèbres, et 
dont voici la fin où il se décrit suffisamment lui- 
même. 

Si fais fin et conclusion 

Pour mains tanner la compaignie 

J’ai fait en bonne intention 

Cette histoire bien abrégie 

Priant à la Vierge Marie 

Qu’elle att le cueur, le-corps et l’âme 

Du Bouton qu’est à Nostre-Dame. 

Ce livret à l’onneur des famés 
Et qui ne parle d’aultre chose 
Est nommes le Mirouer des Dames. 

Bouton pour amour de la rose 
A fait et la rime et la prose 
Et envoyé par chasteaulx et villes 
Les neufs preuses et les Sibilles. 

Si bien nous mirons pou rirons, 

Cognoissans que nous pourrirons 
Et ne savons où nous yrons. 

Puisque rayson veult que pou rie 
La char qui doit estre pourrie, 

Prions donc la Vierge Marie 
Que nulle âme ne soit marrie 
Et que en paradis chacun rie 
Amen 

Ses accordaillès avec Jacqueline nous valent cette 
amusante déclaration : • 

Aujourd’hui mettrai mon enseigne 
Dedans le pais du Haynault 
En ce quartier je trouveraij^ 

Une tant jolie fillotte, 

Où qu’elle soit je' l’aymeray. 



— 94 — 


Vous trouverez une vilette 
Qui de Gondé porte le nom 
Dont est partie une garssette 
Du tout me plaist bien sa fasson. 

Pour l’amour d’elle j’aymeray 
La vilette et tous les vilains 

Mais, hélas, Bouton eut le malheur de perdre tôt la 
susdite garsette, après qu’elle lui eut donné deux fils. 
Il en conçut le vif chagrin qui lui dicta la devise : Sou¬ 
venir tue. Contre son attente donc, il vécut encore 
trente-neuf ans, dans le veuvage certes, mais non 
dans la continence,affirme son chroniqueur. 

Or, si Claude troussait si galamment une strophe 
c’est qu’il avait de qui tenir, étant fils de ce Philippe 
Bouton, filleul du duc de Bourgogne et grand ami du 
Bâtard Antoine dont il partagea les armes, les plaisirs 
et le goût des belles-lettres. 

M. Piaget a récemment publié le poème des gouges 
où prince et chevalier, tour à tour rimant, expriment 
une opinion des plus compétentes sur les treize 
espèces de courtisanes qu’ils ont connues. 

Philippe Bouton, souvent trivial et parfois grossiè¬ 
rement obscène^a écrit pour Charles de Groy, prince 
de Ghimay, un régime de santé dont voici les pres¬ 
criptions principales : 

« Régime pour loûguement vivre envoyé de Bour- 
gongne par messire Philippe Bouton, chevalier, sei¬ 
gneur de Corberon,àmonseigneur le prince de Ghimay. 
Brief régime expérimenté 
Qui entretient Bouton en santé, 

Peu boir(e) et marigier sobrement 
Fait vivre l’homme longuement. 

, Mais, pour santé, à la grant aulne, 

Prensjonr étnuyt, sirop de Beaulne. 

A tpn’retrait va sans presser, 

Droit de nuit souvent doit pisser 
Ne fais pas les nopces souvent, 

Mieulx vaiîlt donner à ton cul vent. 

Descherge fortrartyllerié 
Ou du moins joue de'la ves.sie. 



Suis belle et bonne Compaignye, 
Sans penser à mélancolie 
Il ne fault point qu’on se soussye. 
Qui ne voell abregier sa vye. 
Prends exercite et pass.e-temps. 
Sans travail et selon le jtemps.. 


Fait en l’an mil chincq cens et sept 
(Assez scet qui bien vivre scet), 

Et en l’an mil V“ et huit, . 

. (Tiens l’estomac plus plain que vult), 

11 m’a dit que je vous escripve 
Qu’il ne mora partant qu’il vive. » (1) 

Dans cette citation j’ai omis certaines recomman¬ 
dations d’ordre intime où les limites de la bienséance 
sont trop effrontément transgressées. Mais n’allez 
pas croire que ce vieil épicurien aux mœurs relâchées 
soit mort dans l’impénitence finale ; pour réhabiliter 
sa mémoire, ma conscience m’ordonne de vous lire 
l’épitaphe qu’il s’est faite à lui-même et qui contient 
son testament. Vous verrez par là même occasion 
que si l’apôtre se permet de diriger l’hygiène du 
prince de Ghimay, c’est que l’expérience l’avait admi¬ 
rablement servi, puisqu’il atteignit 96 ans sans avoir 
jamais été médicinez : 

Je fustz de Gorbéron Seigneur, 

■> De Yillers-la-Faye combacteur, 

Gy gist le chevalier Boulon, 

Non sentant Rose ne Bouton. 

Et ma compaigne Katherine, 

De Dio nommée Palatine.* 

Nous gisons cy-dessoiibs ces lames- 
Dieu nostre Sire ait nos âmes 
Geste Ghappelle avons fondée, : ' 

De deux Ghappéllains ordonnée 
Dire la Messe tous les iours. 

Et le samedy à lousiours.- 

(1) Uibliothèque de Vienne, manuscrit SS!)'!, folio 510 v“. Ce poème 
figure dans À, Piaciît. ies Princes de Georges Cnastclam in Jiomania. 
-Paris. 1921, p. 177-178. 




— 96 


L’on doit chanter à haute game, 

Et les Festes Nostre-Dame, 

Avec le Salve Regina^ 

D’autre oroisons y l’ya. 

Le Dimanche, aussi sont fondées, 
Deux messes qui sont célébrées, 
L’une on dit du Saint-Esperit 
Le tout bien signez et escript, 

Et l’autre de la Trinité. 

Ung vrai seul Dieu en unité. 

Le Lundi deux des trespassez, 

Et des vivans non point passez. 

Es hautes messes qu’on dira, 

O. Salutaris Hostia 
A la Perroiche et aux Ghappelles, 

Et sont noz fondacions telles. 

La lampe ardante nuit et iour. 

Devant le corps Nostre Seignour. 
Sans nul ayde que de Dieu, 

Fait avons ce Chasteaul et lieu, 

Affin de au monde honneur acquerra, 
Je passai la mer et la terre, 

Pour combattre et armes faire. 
Contre ung mien mortel adversaire. 
Qui portoit tousiours à la guerre, 

La grant Bennière d’Engleterre, 
Nommez le Seigneur de la Lande, 
Et citoil telle sa demande. 

Que pour quelque sens ou folie. 

Nous combatisme pour la vie. 

Quinze cource à fer esmoulu. 

De Laiice «d’acier bien moulu, 

Pour mourir ou l’ung ou les deux. 
Sans nully venir entre deux, . 

Et pour vous dire le surplus. 

J’ai quatre-vingt-seize ans et plus. 

En -ma bouche ay mes dents entières. 
Toutes bonnes, fortes et Hères, 

A rainuict voille de toussaintz, 

Je naquis comme tous les Saintz. 
Car des l’eure que je fusts néz 
Jamais ne fusts medecinez. 



— 97 — 


J’ai esté trois fois prisonnier 
Pour la vie et pour le denier : 

Et n’ay ceci mis ne escript. 

Que pour recueillir Fesperit, 

Des myens qui viendront après moy, 

Affin qui facent mieux que moy, 

O vous tous qui lises mes vers* 

Je couche ici mangier de vers, • 

Phélippe Bouton appelez, 

Dieu doint que-je soye rappeliez 
^ Appres tous-mès faits et mes dits, 

'Au Royaume de Paradis. 

A'men(l) 

Nous avons vu que Jacqueline de- Launoy avait 
donné deux fils à Claude Bouton. L’un d’eux mourut 
au berceau. L’autre, un jouvenceau menant joyeuse 
vie, se trouvant une nuit ‘avec deux compagnons de 
débauche dans une chambre de l’hôtel du Pourceau 
à Lyon, fut écrasé par l’effondrement du toit de Tau- 
berge. De mauvais plaisants tournèrent l’accident en 
dérision et décochèrent cette curieuse épigramme : 
Dedans^ le corps d’un Lyon merveilleux 
Trois admis un Pourceau périlleux 
Tua sans dents et sans les avoir mords 
Qui enterrez furent plus tost que morts. 

Êt ainsi, comme ses pères, le dernier Bouton eut 
son épitaphe en vers. ^ 

Lé Gisant de Vilyorde (Philippe de Dongelberg). 

L’église de Vilvorde est une des plus jolies de la ' 
province de Brapant. Lorsqu’on y entre parle porche 
qui donne accès au bras droit du transept, immédia¬ 
tement à gauche on rémarqtie, redressée contre la ! 
paroi et scellée dans le mur, la pierre tumulaire'qui ; 

(1) Gravé sur une. grande-lame d’airain avec une moulure de laiton ", 
autour qui lui sert de cadre (4 pieds de haut sur 3 de large),dans la Cha¬ 
pelle N. D. de l'église paroissiale de Saint-Hilaire, à Corbei'on {Paillot ), 
J'adresse u,n vit merci à *Mlle Eugénie Droz qui, très aimablement, • 
m’a aiguillé sur la trace du Seigneur Philippe., 




[-ECT()R.AVÈ,lllC iACGOM DOXGKEBGfiRK l'HlüPRVf». 
0\'E3I (rEiNKllJSf{l>LEXD01l,l‘\3IÆ,(J\'EMGIi)IilA ClNXfT. 
h’FOJl,UËM,CV.\CT[SQ,PARÈiI JfOitji 31K 3IO!)ü I‘li\AlT 
yvisuvrS'Ai)Es,i>iM':iiAXi>A tidi.^xw fivm heliora 
SV3I gvoi) inilP OVOJ) ES.IPSl!: FVI I'HOME PIIECOR ülî A 


De DoxdiiLiiEitŒ: 


BüIUAA’T 


Gisant de Vilvosde 
I-LE DE DONÜELBERG. 











•— 99 — 

constitue sa principale curiosité. Le personnage, 
qu’on y voit sculpté en un vigoureux bas-relief, est 
Philippe lY de Dongelberg, descendant fameux d’un 
bâtard des ducs de Brabant. 

Etendu sur une natte, qui, selon la formule coutu¬ 
mière, s’enroule à une extrémité en un gros cylindre 
mou pour soutenir la tête, le cadavre a gardé des 
formes athlétiques malgré les ravages de la mort : le, 
chef seul, complètement décharné donne l’illusion 
d’un crâne de squelette ; les yeux sont vides et un 
ver fouille l’orbite gauche. La .paroi antérieure de la 
cage thoracique s’est affaissée faisant place à une 
ouverture en forme d’as de pique, la paroi abdomi¬ 
nale s’est comportée de même, créant un large creux 
en losange ; des vers immondes pareils à de gros 
lombrics grouillent à l’intérieur, se prélassant sur un 
magma informe. Les bras et les jambes présentent, 
de-ci, de-là, des espaces où la peau consumée met à 
nu .les muscles et les tendons, dont le trajet peut 
d’ailleurs être suivi sur toute la surface du cadavre, 
à travers la peau très amincie. 

Sous le bras gauche, Philippe tient sa grande épée, 
de combat et un large baudrier auquel est appendu 
son écu : De Brabant à la bande de gueules chargée 
de neuf losanges d'or. Parmi les quartiers annoncés 
figure la maison de Bourgognë portant en abîme le 
lion d’or de Brabant. , 

Au-dessus du chef du défunt, un court poème latin 
arrête le fidèle au passage, lui réclanîe une prière pro¬ 
pitiatoire et rappelle qu’un sort identique est réservé 
à quiconque : 

Lector, ave, hic jaceo de Dongelberge Philippus, 
Quem generis splendor, faraae, quem gloria cinxit 
Informera, cunctisq. parera raors me modo pinxit 
Quisquis ades, sperahda tibi non sunt raeliora 
Sum quod eris, quod es ipse fui, pro me precor ora. 


(A suivre) 



— 100 — 


LES STATUTS DU COLLEGE DE LA CHIRURGIE 
à la fin de Tanoien régime 
et l’état de la Corporation des Chirurgiens-Barbiers 
à Anvers eh 1784. 

I*»!- le Dr Van SCHBVENSXÊKRI, 

Médecin en chef 

do l’Inetltut Ophtalmique de in Ville. 


La date exacte de la fondation de la corporation des 
chirurgiens et barbiers est inconnue ; dans les minu¬ 
tes datées du 3 octobre 1640 et destinées à la discus¬ 
sion de la réforme des études chirurgicales il est fait 
mention d’une ordonnance du 11 août 1435 (1). Chst 
le document le plus ancien y faisant allusion. La fin 
du XIV® siècle, vit l’éclosion des groupements corpo¬ 
ratifs, On connaît relativement peu de l’organisation 
de la corporation des chirurgiens-barbiers en ces 
temps surtout au point de vue dé l’enseignement pro¬ 
fessionnel, il faut arriver vers le milieu du xyi® siè¬ 
cle pour assister à la création du collège chirurgical 
où l’enseignemetit se fera d’une façon régulière. On 
ne possède pas plus la date exacte de cette fondation : 
j’ai été assez heureux de pouvoir la fixer avec une 
approximation assez grande : une requête émanant 
des délégués et compagnons ordinaires du collège de 
la chirurgie du 2i octobre 1560 (2), apprend que pour 
favoriser l’enseignement et l’étude de la chirurgie 

(1) D' Van Schevensteen. Het Archief vân het Chirurgijns en Bar^ 
biera Araha.c\iï. Antwerpsch Archicvenblad, tome XXXI, 1926. {Répertoire 
des Archtees de la Corporation des Cliirurgiens-Barbièrs de la eille d’An¬ 
vers). Registre N* 4077, série I, N” 10. 

(2) Archives communales d’Anvers, Livre des Requêtes [Requestboek), 
1560-1562. F" 116. 



- 101 — 


eux ou leurs prédécesseurs avaient établi avec le 
consentement du magistrat « il y dix-Tiuit ans », un 
collège de la chirurgie. 

Une autre requête du 7 décembre 1568 (1), adres¬ 
sée au Magistrat par les doyens, jurés, anciens 
doyens, maîtres et compagnons de l’ancien collège 
des, chirurgiens, rappelle que « trente ans aupara¬ 
vant »... les autorités avaient donné leur consente¬ 
ment à la fondation du collège... 

Ce serait ainsi entre les années 1538 et 1542 que 
l’on devrait placer la création de cette institution 
d’enseignement qui subsista jusqu’à la fin de l’ancien 
régime. 

Les statuts originaux du collège de la chirurgie tel 
qu’il avait été fondé aux environs de 1540 ne nous, 
sont pas parvenus dans lëur intégrité. La requête déjà 
mentionnée du 21 octobre 1560 en donne les points 
principaux. Ce furent ces statuts qui réglementèrent 
l’enseignement de là chirurgie pendant une centaine 
d’années ; certains appointements collégiaux y avaient 
apportés des modifications et augmentations. Mais les 
législateurs se préoccupaient davantage des mesures 
à prendre pour protéger la chirurgie et en réprimer 
l’exercice illégal. Dans toutes les ordonnances édic¬ 
tées pendant cette époque, on parle à tout propos des 
examens à subir devant le prélecteur et les doyens, du 
collège de la chirurgie pas un mot : ce n’est que le 
13 juillet 1648: que ses règlements furent renouvelés 
à l’initiative du prélecteur Jean van Buy ten ; là minute 
en est conservée aux Archives communales d’An¬ 
vers (2). Le secrétaire du conseil Philippe van Val- 
ckenissen y apporta en séance des changements nom- . 
breux, il en retrancha des articles qui dépeignaient 
d’une façon trop belliqueuse nos ancêtres chirurgi¬ 
caux... ainsi remaniée l’ordonnance lut proclamée 
par le Magistrat, une copie collationnée en fut insé¬ 
rée dans le quatrième Livre des Métiers 1642-1712, 

, (1) Ibid., ibid.^ 15C8-69, F» 79. 

(2) Répertoire {op. cit.), rcg. N" 4077, série I. N" 20. 



102 — 


f* 150. Ainsi elle figure dans une communication du 
D'' Demets (1).’ 

Dans la suite des temps ces règlements furent 
révisés ou augmentés notamment par l’ordonnance 
du 5 août 1681, mais par les années, des relâchements 
de la discipline, des contestations financières, sans 
compter les exigences nouvelles de la science devaient 
lentement ébranler les règlements élaborés par van 
Buyten en 1648, une bonne centaine d'années après, 
soit le 30 juin 1755 le magistrat résolut de revérifier 
les ordonnances précédentes et de les moderniser. 

Je fais suivre ici la traduction littérale de cette 
ordonnance : 

Ordonné et proclamé par Messieurs le Sous-Ecoutète, Bourg¬ 
mestres Echevins et Conseil de la Ville d'Anvers le 30 juin 
1755 (2). 

Gomme jusqu’à présent il n’était statué par aucune Ordon¬ 
nance combien devrait être payé par ceux qui voulaient faire 
leur examen et leur Epreuve pour être amis à la Maîtrise dans 
la Corporation des Chirurgiens et Barbiers en cette ville, 
ainsi que la façon dont les deniers versés à cette occasion 
devraient être repartis, ce qui a entraîné souvent des disputes 
et des démêlés, au grand dommage de la Corporation toute 
entière 

, Ainsi il est, que les Messieurs prédits, afin d’aviser si pos¬ 
sible à tous ces inconvénients, ont ordonné et statué, comme 
ils l’ordonnent et statuent par la présente, qu’un Aspirant- 
Maître payera dans le futur comme il sera dit dans la suite : 

Florins. 


D’abord au profit de la Corporation la somme de . 160 » 

Au Prélecteur pour l’examen. 10 » 

Au Doyen pour l’inscription au Livre.. 4 16 

Pour le Tronc des Pauvres de la Corporation.... 6 » 

Pour les Confrères... 2 16 

Pour le Valet.... 2 16 

Pour la Vacation des Doyens, anciens Doyens et 
autres ayant assisté à l’examen, ensemble. 30 » 


(1) D' Tricot-Royer et .Df Van Schevensteen. — Liber Memorialis du 
premier Congrès de l’Histoire de l'art de Guérir, Anvers 1921, pages 210 
et passira. 

(2) Archives communales d’Anvers. — Livre des Ordonnances (Gebod- 
éoeA.) N, F» 289» et Politique Ordonna/Kicn,-1747-1767. 








— 103 — 


A chacune de personnes qui a été saignée, un 

Pattacon, soit ensemble.. 11 4 

Pour les ligatures de saignée. 0 15 

Pour le Valet. 4 » 

Pour le Prélecteur.. 45 » 

Pour la Caisse de l’anatomie . 70 » 

Pour les vacations des Doyens et de ceux qui ont ' 

assisté à l’Epreuve,; Ensemble. 50 s 

A Monsieur l’Ecoutète pour recevoir le serment de 

l’Aspirant-Maître....... 2 16 

Au total donc de la somme de quatre cent florins, trois 
sous, argent courant. 

Toutefois, les fils de Maîtres ne payeront que ce qui suit : 

Au profit de la Corporation... 90 » 

Au Prélecteur pour l’examen. 7 10 

Au Doyen pour l’inscription au Livre..... 2 08 

Pour le Tronc des Pauvres de la Corporation.... 4 00 

Pour les Confrères.... : . 2 16 

Pour le Valet. 2 16 

Pour les vacations des Doyens, anciens Doyens et 

autres ayant assisté à l’examen, ensemble....'. 17 » 

A chacune des personnes qui a été saignée, un Pat¬ 
tacon, soit ensemble.... 11 04 

Pour les ligatures de saignée. 0 15 

Pour le Valet... 4 00 

Pour le Prélecteur..•... 35 00 

Pour la Caisse de l’Anatomie... 70 » 

Pour les vacations des Doyens et de ceux qui ont 

assisté à l’Epreuve, Ensemble.. 50 » 

A Monsieur l’Ecoutète pour recevoir le serment de 
PAspirant-Maître. 2 16 


Au total pour un fils .de Maître la somme de trois cent 
florins, quinze sous, argent courant. 

Moyennant quoi, viennent à cesser toutes les formalités en 
usage jusqu’à présent pour l’inspection des Lancettes servant 
à l’Epreuve, et les frais à.charge de l’Aspirant-Maître, celui-ci 
étant autorisé pour son Epreuve à employer telles lancettes 
que bon lui semblera. 

Etant tout expressément défendu, à tous ceux qui dans la 
suite feront leur Epreuve, de donner ou payer n’importe quoi 
au-dessus des sommes prédites, et ce, sous quelque prétexte 
que ce soit, tant directement qu’indirectement, sous la peine 
que tous ceux qui auraient bénéficié de quelque chose, tout 























— i04 — 

comme l’Aspirant-Maître seraient passibles d’une amende de 
50 florins. De plus il sera interdit à î’Aspirant-Maître d’ouvrir 
sa boutique pendant une année. 

Ensuite, comme pour l’instruction des apprentis, il convient 
que de temps en temps soit faite une- anatomie ou dissection, 
il a été décidé, aux fins de couvrir les frais entraînés par 
celle-ci qu’une caisse séparée serait créée. Tout ce qui sera 
donné ou perçu à l’occasion de cette anatomie, sera versé à 
celte caisse, notamment les deniers payés par ceux qui vou¬ 
draient y assister, bien entendu les apprentis, servant chez un 
, franc-Maître, ne devront rien donner ou payer, mais ils 
seront admis gratis à voir la dite anatomie. 

La caisse susdite, séra sous la direction du Doyen sortant, 
celui-ci payera de la caisse tous les frais de l’anatomie, il sera 
tenu de produire annuellement son compte et justification 
devant les Commissaires de la Loi, à côté des comptes de la 
Corporation. 

Il faut que chaque année^ si possible, un corps soit anato- 
misé ; pour l'exécution de la dite arratomie, il sera payé de la 
prédite caisse au Prélecteur, la somme de trente-cinq florins, 
argent courant. 

Toutefois, si l’occasion se présenté, on pourra faire plus 
d'une anatomie par an, à condition de l’autorisation préalable 
de Messieurs les Commissaires, commis à l’examen du dernier 
compte de la Caisse prédite. 

Les Doyens servants sont chargés de fournir au Prélecteur 
une assistance suffisante et à son choix pour l’aider dans cette 
anatomie ; ceci cependant sans que la. Caisse de l’Anatomie 
soit grevée de consommations inconsidérées, car en ce ca* le 
Directeur de la même caisse serait tenu comme personnelle¬ 
ment responsable. 

Actum in collegio,, à la réunion du Conseil du Lundi tenue 
le 30 juin 1755 . Cornelissen vidit. De Baltin. 

Ces innovations ne furent pas du goût des dirigeants 
de la corporation et dès le 7 juillet ils présentèrent 
une requête au Magistrat, où tous les postes prévus 
dans l’ordonnance furent mis en discussion (1), 

« Ils s’étonnent que trente florins seulement soient 
alloués au groupe des doyens, anciens doyens et 
autres assistants à l’examen (13 à 15 personnes en 

(1) IsiD, — Uvre des Rejuéles, 17.54-1756. F* 119. 



— 105 — 


tout); ce qui ne fait pas encore 2 florins par tête. Le 
valeL un simple salarié de la corporation, touche 
2 florins 16 sous. Le prélecteur, pour l’interroga¬ 
toire de la théorie, perçoit 10 florins., Eux-mêmes 
doivent assister à l’examen sous peine d’une amende 
d’un pattacon. Ils doivent interroger les candidats 
sur la pratique de tout ce que le prélecteur enseigne 
en théorie. Quant à l’épreuve : les 45 florins alloués 
au prélecteur, sont exhorbitants : la présence de ce 
Monsieur n’a jamais été nécessaire, au contraire, elle 
a toujours été superflue. L’examen consiste en une. 
épreuve sur l’art de la chirurgie qui est totalement 
difiFérente de la médecine... Ce sont des chirurgiens* 
qui doivent interroger à l’épreuve car tel est leur mé¬ 
tier... Pour avoir l'éellement droit à sa rémunération 
le prélecteur devrait être un chirurgien-praticien: 
aussi ces 45 florins ne lui doivent pas être alloués... 

a Les dirigeants avai^t tout simplement rayé du 
programme les fameuses agapes de clôture « le.joyeux 
repas » (blyde maeltyd), malgré l’appointement collé¬ 
gial du 6 mars 1626 qui avait spécifié que les sommes: 
dépensées à cette occasion ne pourraient dépasser 
les 15 livres flarùandes... (1) 

« Ils demandent en conséquence : le rétablisseinent 
des agapes, la suppression de l’allocation de 45 florins, 
au prélecteur pour son assistance à l’épreuve et l’aug¬ 
mentation de leurs honoraires de 30 à 60 florins, sauf 
pour l’examen des fils de maîtres..» ^ 

« Après avoir entendu le rapport des commis¬ 
saires, Jacques Joseph Gomez échevin et François 
Maximilien de Baltia secrétaire de la ville, le Ma^ 
gistrat rejeta par appointement collégial du 22 dé-; 
cembre 1755 ces réclamations : «, les chirurgiens 
auront à se conformer l'ordonnance du 30 juin 
passé ; un point c’est tout. » 

Cette décision scabinale, lésant leur besace et leur 
ventre n’eût pas l’avantage de plaire aux chirurgiens ; 


(I)'Ibib. — lùid. 1625-1626. Fo 130. {Kequête du 30 décembre 1625, ' 
appointement collégial du 6 mars 1626.) 



, — 106 — 


ils s’adressèrent à Marie-Thérèse, en son conseil 
de Brabant pour la réforme de l’ordonnance qui les 
contrecarrait. Le 23 janvier 1756 par une ordonnan¬ 
ce de la souveraine, le Magistrat d’Anvers est cité 
devant le Conseil de Brabant... Les documents de 
ce procès, qu’il ne convient pas d’analysër dans la 
présente communication, constituent la partie prin¬ 
cipale du registre N® 4077 de nos archives. En 
28 pièces, minutes et autres mémoires de procédure 
allant du 23 janvier 1756 au 19 janvier 1757 les griefs 
des deux parties sont accumulés avec superfétation... 
certains documents exhibent une centaine d’articles. 
Le 2 décembre 1756 les dayèns furent condamnés. 
Le 19 janvier 1757 Thuissiér leur présenta la note 
des dépenses du Magistrat soit 89. florins 16 sous 
et 3 liards (1). 

A la fin de l’ancien régimp la vie corporative était 
tombée en défaveur auprès des économistes et des di¬ 
rigeants ; afin de se rendre un compte exact de la situa¬ 
tion, le Conseil Privé s’adressa au Magistrat des villes, 
pour obtenir les précisions requises sur tout ce qui 
concernait les corporations. Le Magistrat remit un 
questionnaire uniforme à chaque corporation: comme 
cet exposé résume à nos yeux la situation exacte de la 
corporation des chirurgiens-barbiers à cette date je 
fais suivre ici la traduction fidèle du document tel 
que je l’ai trouvé aux Archives de la ville (2). 

Réponse par articles pour les Doyens et Préposés de la Corpo¬ 
ration des Chirurgiens et Barbiers de la ville d’Anvers, pour 
• satisfaire à l'ordonnance du Magistrat de la dite ville en date 
du 14 octobre 1784, en conformité des ordres de Leurs Altes¬ 
ses Royales du 30 septembre 1784 conçus comme suit : 

1° Par qui chaque Corporation a été établie ? 

Les soussignés ne peuvent établir l’institution j^e leur Cor¬ 
poration par suite de la disparition de leurs archives et pri- 

(1) Répertoire {op. cit]. Registre N” 4077. Série IV, 

(2) D' Fl. Prims. — Inventaru op het Archief van Gildcn in Ambach- 
len. Anvers 1925, p. 34, N« 4008 (Toestand in 1784). 



— 107 — 


vilèges lors d’un ' incendie qui détruisit la chambre de la 
Corporation sise au Clapdorp, entre les années 1400 et 1500. 

2° Par qui furent consentis les privilèges possédés 

ACTUELLEMENT PAR LA CORPORATION ? 

Les privilèges et ordonnances que la Corporation précitée 
possède actuellement ont été consentis .et accordés par le 
Magistrat de cette Ville. 

3“ En quoi consistent ces privilèges? 

Ceci est à voir dans le Livre des Ordonnances de la Corpo^. 
ration précitée, auquel livre il est référé,brevitatis causa, et qui 
a été transmis avec la présente à Monsieur le Commissaire. 

4° Quelles formalités sont oeservées pour être admt.s 
DANS LEUR CORPORATION TANT COMME ApPRBNTI QUE COMME 
Maître ? 

Pour être reçu dans la Corporation des _ Chirurgiens et 
Barbiers, le Candidat (présentant) doit d'abord se faire inscrire 
et payer le droit d’inscription habituel. 

Alors il doit pendant deux années entières habiter comme 
Apprenti (ieergast) chez un franc Maître [vry Meester), ety 
apprendre le dit Métier. 

Pendant ces deux années, l'apprenti ne pourra quitter son 
Maître sans motifs légaux, et sans connaissance et permission 
de la Chambre, 

Quand les années ci-mentionnées sont passées, l’Apprenti 
devra habiter pendant trois années consécutiyes chez l'un ou 
l’autre franc Maître, chaque fois pour un terme d’un an au 
moins, et y exercer le Métier prédit. 

En outre le dit Apprenti doit fréquenter pendant deux années 
consécutives les leçons du Collège, ce qu’il peut faire pendant 
les deux ou trois années prescrites, suivant son désir. En 
commençant les années de Collège, il paye les droits afférents. 

Les prescriptions susdites étant suivies, l’Apprenti peut se 
présenter pour la Maîtrise, en faisant au préalable l’Examen 
et l’Epreuve qui sont requis pour cette Admission. Ceux-ci 
se font devant Monsieur le Prélecteur, les Doyens servants et 
les anciens Doyens, le Trésorier (lÏKSffiefisie/’) et le Maître de 
Chapelle {Cappelmeester] en fonctions à ce moment. Lorsque 
le dit Apprenti est jugé capable, il peut devenir franc-Maître 
et faisant le serment habituel et en étant citoyen de cette Ville. 

D’après les réponses données par le prédit admis, lors de 
son examen il lui sera imposé de fréquenter le Collège pendant 
un certain nombre d’années, au moins pendant deux années, 
ce qui suivant son aptitude peut être porté à dix années. 



, — 108 — 

Lorsque le Candidat, en présentant son examen, est trouvé 
absolument incapable à l’exercice du dit Métier, il est écarté 
pour un certain temps jusqu’au moment qu’il ait acquis la 
capacité suffisante. S’il est'autorisé dans ce cas à .se représen¬ 
ter, il paye pour cet examen la somme de quarante florins. 

5“ Quels dhoits'sont a. payer lors de chacune de ces 

ADMISSIONS? 

Un Apprenti doit payer comme droit d’inscription 10 florins 
et 4 sous : à savoir 10 florins pour la Corporation, et 
4 sous pour le Doyen po.ur l’inscription. 

Plus tard quand il commence ses années de Collège, il doit 
payer encore 10 florins et 2 sous : dont 6 florins pour M. le 
Prélecteur et le restant pour le Comptable el le Valet {knaep). 

Au moment de devenir franc Maître, et avant de faire 
l’Epreuve prescrite, il doit,payer entre les mains du Doyen 
actuel en fonctions,. la somme de 400 florins et 3 sous ; les 
fils de francs Maîtres 300 florins et 15 sous, ceci en vertu 
de certaine Ordonnancé du 30 juin 1755. 

6° Quelles sont les contributions annuelles? Pourquoi 

ONT-ELLES ÉTÉ ÉTABLIES ? 

Chaque franc Maître ou sa Veuve doivent payer chaque ' 
année à la Corporation un■ florin à savoir ; 16 sous pour la 
Corporation et 4 sous pour le Tronc des. Pauvres de la. Cor¬ 
poration. . 

Ensuite les deux plus jeunes Maîtres payent comme contri¬ 
bution forcée {Forsgelden), chacun annuellement deux florins 
et 10 sous ; et le plus jeune de tous les compagnons doit 
donner mensuellement un florin : les 16 sous mentionnés 
servant à payer les intérêts des rentes qui sont à charge de 
la Corporation et autres. 

7® A QUELLE SOMME S’ÉLÈVENT LES CAPITAUX A CHARGE DE 
qHAQUE Corporation? 

La Corporation prémentionnée est grèvée toüt d’abord 
d'une Rente de 52 florins et d’une de 12 florins, les deux au 
profit du Tronc des Pauvres de cette Corporation : la pre¬ 
mière en Capital (sic),., et la seconde (sic)... ; ensuite d’une 
rente capitale de 350 florins, argent de change, à trois et 
demi pour cent, argent de change, au profit de Maître Ver- 
bruggen de cette ville. Enfin de 25 florins pour le Chapelain, 
et de 28 florins pour le Valet. • , , 

8* Par qui sont nojmmés les préposés de chaque Corpo¬ 
ration. 



—• 109 ~ 


Le Doyen servant en chef devient au changement de Con¬ 
sulat, Directeur de la Caisse de l’Anatomie, en sa place de 
Doyen vient alors le sous-Doyen. Alors trois personnes sont 
présentées au Magistrat de la Ville par les Doyens servants 
et anciens Doyens de la Corporation : parmi elles le dit Ma¬ 
gistrat choisit un sous-Doyen. Ensuite trois personnes éont 
proposées comme Trésorier, à savoir deux par les Doyens 
susdits, et une par les Suppôts. "Une de ces personnes est 
élue par le-Magistrat. Les autres préposés de la susdite Cor¬ 
poration sont installés par les Doyens servants et les anciens 
Doyens. 

9" A QUI ET QUAND REKDENT-ILS LES COMPTES DE LEUR ADMI¬ 
NISTRATION? * 

Les comptes de cette Corporation, du Tronc des Pauvres et 
delà Caisse de l’Anatomie élaborés par les préposés ^ont 
présentés à Monsieur le Bourgmestre de l’intérieur [binnen 
borgemeester) et à un Sr Sérrétaire du Conseil de cette Ville, 
chaque fois lors du changement du dit Consulat, et ceci con¬ 
tradictoirement avec les Suppôts de la dite Corporation. 

Actum à Anvers, ce' Vingt-sept novembre mille-sept-centv 
quatre-vingt-quatre. 

(Signé) : Francis Bilkin, doyen et conseiller. 

J. Fr. Deckers, sous-doyen.. 

P. Fr, Verbruggen, directeur de la Caisse de 
l’Anatomie. 

; N. T. Roelans,* ouderman (Juré ou ancieny; 

F. C. Snoeckx, ancién doyen. 

Antonius de JoDE, trésorier. 

J. M. Dumoulin, comme Maître de Chapelle. 

.Les règlements édictés en 1765 régirent la corpora¬ 
tion et le collège de la chirurgie, êon annexe scienti^- 
fique, pendant une trentaine d’années. Les progrès de 
l’art de guérir, marchant de pair avec les justes exi¬ 
gences du public amenèrent leur refonte. Il est à sup¬ 
poser que le D*' H. Matthey, prélecteur des chi*- 
rurgiens à cette époque ne doit pas avoir été étranger 
à leur rédaction. Ils restèrent en tdgueur jusqu’à la 
suppression de l’école de chirurgie. 

Contrairement à l’assertion deBroeckx (1) les deux 

(11 Broeckx. Histoire du Collegium Medicum Anteerpiensc. 

18B8,, pg. 297. ' ' 



— 110 '— 


premiers professeurs nommés à la suite de l’ordon¬ 
nance du 7 mars 1786 ne furent pas les D' Matthey et 
Leroy, mais bien Icjs D" P. E. Kok et J. H. Matthey. 
Ce sont ces deux noms qui figurent dans les docu¬ 
ments officiels (1), à la date du vendredi 24 mars 1786. 
Il est spécifié a qu’en suite de l’ordonnance du 7 mars 
la place de professeur d’Anatomie est accordée à 
Pierre Etienne Kok médecin praticien en cette ville. 
Après avoir prêté le serment requis, le prénommé 
jouira à commencer du !«'' mai d’un traitement annuel 
de troispents florins en plus des avantages, profits et 
émoluments prévus à l’ordonnance susdite, sans plus. 
Il lui est interdit de donner n’importe quel festin ou 
régalade à aucun des membres de la corporation des 
Chirurgiens et Barbiers ; il lui est défendu de donner 
des leçons secrètes ou privées à ceux qui se présen¬ 
teraient pour devenir chirurgiens. Quant à ses leçons, 
il est prié de les rédiger par écrit avant de les pré¬ 
senter verbalement au public, afin qu’il soit possible 
d’en prendre connaissance si nécessaire. Pour ses 
fonctions il sera tenu, pour le restant, â se régler 
suivant les ordonnances et les instructions de Mes¬ 
sieurs, tant pour le présent que pour l’avenir. (Actum 
inpl'eilo,collegiojle 24 mars 1786, était paraphéDella- 
faille, Vt) ». 

L’acte de nomination du D' Jean Henri MattSey suit 
dans le livre des résolutions collégiales, celui du 
!> Kok : les conditions stipulées sont les mêmes que 
pour son collègue,- le Matthey est désigné pour la 
place de Professeur de Pathologie Chirurgicale, l’acte 
mentionne en outre : « par la présente résolution vient 
à’ être abrogé l’acte d’installation édicté pai; l’apos¬ 
tille du 27 septembre 1783 donnée ensuite de cei^taine 
Requête présentée par le prénommé D'' Matthey. » 
(C’était la requête où le D’’ Matthey demandait la place 
dé prélecteur après le départ de Jeand’01islager) (2). 

(A suivre) 

(1) Ahciiives noMMUNA-LES d’Anvers. —^ Livre des RésoUtUons Collé¬ 
giales. [CoUegiacl ResotuÜoboeh.) inSr-X-}m. E» 195 et 195». 

(2) IBIIK iMre des RefiUtt», 1783-1», t-IM. 



— 111 


EXTRAITS ET RÉSUMÉS DES PIECES 

CONCERKAHT 

LA PESTE DE , 1721-1722 DANS LE'ftÉVAUDAN. 

CONTENÜES DANS UNE COLLECTION DE MÉMOIRES DE 1649 à 1722 
(Archives Départementales des Hautes-Alpes). 

I»ni* Jacques VIÉ, externe des Hôpitaux do I*arl8. 


. Celte collection non encore cataloguée (en août 
1925), nous a été communiquée par l’obligeance de 
M. l’archiviste des Hautes-Alpes. Elle contient en 
particulier une série d’ordonnances et d’instructions 
concernant là peste de 1721-22 dans le Gévaudan, 
publiées pour la plupart par le duc de Roquelaure, 
commandant en chef du Languedoc, et par Lamotte 
de la Pérouze, commandant du Puy et du Velay. 
L’histoire détaillée de ce dernier, originaire de Gap, 
et du rôle personnel qu’il joua dans l’organisation de 
la lutte contre la peste a été écritè en i842, par Jules 
Ghérias, juge suppléant au tribunal de Gap. 

Nous avons noté ci-dessous la liste des principales 
pièces de ce recueil, disposé par ordre chronolo¬ 
gique, ainsi que les grands traits de leur contenu. 

A. — Ordonnance du Roy, publiée à Montpellier, 
■par le duc de Roquelaure, commandant en chef du 
Languedoc, concernant le pays dé Gévaudan, le 20 
septembre 1721. 

C’est la pièce fondamentale du recueil ; elle com¬ 
prend dix articles. 

I. Interdiction de tout commerce avec le pays de 
Gévaudan. 

' Ûui:Soc.fr.d'HUl.MM., t.XX, n"3-4(mars-avril 1926) 



~ 112 — 


II. « Les lettres qui seront écrites dans les lieux 
compris dans l’étendue dudit pays de Gévaudan seront 
portées aux Barrières qui seront marquées à cet effet 
par le Sieur Duc dé Roquelaure, ou par les officiers 

.qui commandent sous ses ordres dans le G.ëvaudan. 
Et ceux qui seront chargés des dites lettres seront 
tenus de les jeter à trente pas de distance des dites 
Barrières, où l’officier qui y commandera les fera 
prendre avec des pincettes trempées dans du vinaire 
et parfumer ensuite chaque lettre en la manière accou¬ 
tumée en pareil cas pour après les avoir fait sécher et 
avoir donné au Porteur la décharge de son paquet, les 
envoyer au plus proche bureau de la Poste où il en 
sera fait décharge ». ^ 

III. Permission de transporter toutes marchan¬ 
dises aux barrières du Gévaudan. 

IV. Création de bureaux de santé composés « des 
officiers municipaux et autres principaux habitants ». 

V. Etablissement de gardes aux portes des villes, 

et aux barrières. , • 

VL Etablissement de certificatsjde santé à produire 
dans les Hôtelleries. 

VII. Défense aux lermiers et habitants des mai¬ 
sons isolées d’abriter les passants. 

VIII. Déclaration obligatoire de la maladie: «Tous 
les méd.ecins, chirurgiens, apothicaires et autres per¬ 
sonnes servant les malades qui s’apercevront de quel¬ 
ques signes du mal contagieux sonttenus, à peine de 
la vie de l’aller déclarer dans le moment mesme aux 
Maires, Echevins, Consuls ou autres officiers muni¬ 
cipaux ou à leur deffaut aux officiers de justice des 
villes, bourgs et villages des provinces et généralités 
marquées dans l’article IV, mesme de leur remettre' 
au moins'deux fois chaque semaine quand mesme ils 
n’auraient aucun soupçon du mal contagieux un estât 
signé d’eux et certifié vérit,able du nombre des 
malades et morts qu’ils auront visités, contenant la 
nature et les principaux accidens de la maladie,. » 

IX. Défense de rien laisser sortir de.s hardes, 
linges, meubles, etc., des Infirmeries. 



X. Mandé ét ordonné, etc. 

B. — Cette ordonnance, qui énonce les'mesures 
d’ensemble est complétée par une instruction non 
signée, ni datée, véritable commentaire d’application 
semblable aux circulaires qui de nos jours accom¬ 
pagnent à l’usage des services administratifs le texte 
des règlements publics. 

Elle.contient diverses considérations où se révèlent 
dans le fond comme dans la forme, quelquefois assez 
naïvement, l’esprit déjà philosophique du xvm» siècle, 
avec son souci de l’utilité publique souvent en lutte 
contre les tendances égoïstes des individus. 

« Sur les Précautions qui doivent être observées 
dans les Provinces où il y a des lieux attaqués de la 
Maladie contagieuse et- dansdes Provinces voisines ». 

Nous en extrayons les passages suivants : 

... Comme il y a peu d’endroits où ceux qui se sentent blo¬ 
qués ne tâchent par force de se faire des ouvertures pour avoir 
leur liberté, il faut marcher avec la troupe la plus leste,la bayon- 
nette au bout du fusil en veue du lieu bloqué, menaçant les 
habitants de les brûler, et de les passer tous au fil dé l'épée 
s’ils s’auisaient de faire une autre fois pareille manœuvre . . 

_On doit faire tuer tous les chiens et tous les chats, tant 

au dedans qu’au dehors du blocus à une lieue au moins,attendu 
les exemples par lesquels on a reconnu que quoique ces ani¬ 
maux ne prennent pas le mal, ils le communiquent très souvent, 

. ... A mesure qu’on transporte les malades dans l’Infir¬ 
merie, faire parfumer leurs maisons d’un fort parfum, ouvrir 
ensuite les fenêtres, tenir la porte murée pendant quarante 
jours, après lesquels on désinfectera en manière ordinaire 
avant que de permettre qu’on y habite. 

... Gomme les Médecins et Chirurgiens se sauvent sou¬ 
vent ou ne veulent point servir les malades, si l’on ne peut les 
rappeller à leur devoir par les sentiments de Religion, d’hon¬ 
neur, ou par la promesse d’une honneste récompense, il faudra 
les y,contraindre, en cas de nécessité, par la crainte d’une 
mort plus sûre et plus prompte que Celle qu’ils veulent éviter.. 

G. — « Règlemens généraux pour les Bureaux de 
Santé établis dans les villes et Bourgs des. Provinces 
du Lyonnois, Fçrests ét Beaujollois ». 



— 114 — 

Edictés par le Conseil de Santé tenu à l’Hôtelde 
Ville de Lyon, le 20 octobre 1721, sous la présidence 
de l’Archevêque de Lyon, ces règlements précisent 
les modalités d’application de l’art. IV de l’ordon¬ 
nance. 

D. — Instruction du duc de Rocjuelaure, faite à 
Montpellier, le 2 décembre 1721, renouvelant les 
prescriptions de l’ordonnance du 20 septembre. 

E. — Avis aux marchands et négociants, fixant 
les barrières du Puy ; donné par Lamotte de la Pey- 
rouse, le 6 mars 1722. 

F. — Laisser passer en blanc, signé de Lamotte de 
laPeyrouze « Brigadier des Armées du Roi,mestrede 
camp du régiment de Blaisois,-commandant au Puy, 
pais de Velay, et la nouvelle ligne formée de la 
Rivière d’Allier au Rône, près de Tournon, sous les 
ordres de M. le Maréchal de BerAvik et de.M. le Duc 
de Roquelaure ». 

La signature L.de L.P., à l’encre, a été rayée par lui. 

G. — Avis aux voituriers qui vont de Montpellier 
au Puy ». 

Cet avis leur donne à suivre un itinéraire qui leur 
fasse éviter le Gévaudan (Lunel, Nimes, Bagnols, 
Saint-Lazaire, Bourg Saint-Andéol, le Teil, Pont- 
d’Aubenas, Vais, Entraigues, le Puy). 

H. — Certificat autorisant un départ du Puy, en 
blanc, daté 1722. 

Nous consuls de la ville du Puy, nommés par le Roy, 
pour l’année présente et juges de Police dp ladite ville. 

Certifions que.... 

âgé de. 

taille,..... 

cheveux. 

doit partir... de ladite ville où grâces à Dieu 

il y a bonne santé sans aucun soupçoft de Peste ny autre 
maladie contagieuse, pour aller à. 


1722. 








I. — Ordonnance de Lamotte de la Peyrouse (le 
Puy, 21 mars 1722), instituant un contrôle du com¬ 
merce des étoffes ; plombage et apposition du sceau 
de la ville sur toutes les pièces d’étoffe. 

J. — Instruction de M. de Bernage, Intendant 
de Justice du Languedoc, d’api'ès les décisions du 
conseil tenu à Montpellier, le 30 mai's 1722, et concer* 
nanties précautions à prendre vis-à-vis des marchan¬ 
dises importées des régions suspectes: les draps, 
toiles, cordes devaient être « éventés » dix jours et 
traités par les parfums; les savons flambés après 
«évent » de dix jours; les emballages détruits, ou 
passés à Peau bouillante, à l’alun ou à la Heur de 
soufre; les poissons salés n’étaient pas considérés 
comme susceptibles de porter la contagion. 

L. — Ordonnance du. Roi, le 19 novembre 1722,. 
supprimant les lignes de protection contre la peste. 

La lecture de ces vieux documents appelle des 
remarques de divers ordres. 

D’abord, c’est le degré de perfection de cet ensem¬ 
ble de mesures, les hygiénistes de l’époque ignoraient 
la nature du germe morbide, mais ils concevaient bien 
les divers modes de contagion directe et indirecte. 
Ils isolaient les malades dans des infirmeries, les 
localités suspectes dans un système de barrières. Ils 
avaientsoucide désinfecter les lieux, les objets mobi¬ 
liers, les marchandises et les lettres; ils soupçon¬ 
naient les chiens et chats d’être vecteurs indirects de 
la maladie. Ils contrôlaient les voyageurs. Malgré cette 
compréhension du problème conforme à nos vues 
actuelles, ils né devaient obtenir que des résultats 
très limités, à la fois par l’imprécision de leur dia¬ 
gnostic clinique, et l’insuffisance de [leurs moyens 
techniques de désinfection.' 

Mais ce qui frappe beaucoup, c’est aussi bien dans 
l’élaboration des mesures que dans leur application, 
de môme que dans la constitution des conseils de 



- 116 — 


santé, l’absence des médecins. On ne les consulte 
pas officiellement, on tient un compte égal de leurs 
témoignages et de ceux « des autres personnes » qui 
servent les malades; l’hygiène, de laquelle relèvent 
toutes les mesures prophylactiques, apparaît l’apa¬ 
nage de l’autorité administrative, civile, militaire et 
judiciaire, le médecin, entouré de ses drogues ne 
semble jouer qu’un rôle secondaire. 

Et encore se trouve-t-ori obligé de le contraindre 
parfois à accomplir son devoir! L’étrange formule, si 
savamment, si admirablement graduée dans la psycho¬ 
logie de ses moyens de persuasion, que contient 
l’Instruction B, semble considérer cette abstention, 
cette fuite du médecin comme un acte assez courant 
à l’époque. Sydenham lui-même n’avait-il pas quitté 
Londres lors de la peste de 1664. 

De même, on voit que sous l’influence de la crainte 
inspirée parle fléau, l’observation du secret médical 
n’était pas aussi absolue qu’elle l’est de nos jours. 
La question de sa violation légale se posait, et même 
s’imposait dùrement, puisqu’il y avait « peine delà 
vie» et quelle violation détaillée et circonstanciée, 
qûi exigeait jusqu’aux symptômes présentés par les 
clients du médecin, comme si seul le pouvoir civil 
avait qualité de décider en dernier ressort du dia¬ 
gnostic médical. 

Cette défiance, cette piètre opinion que le médecin 
inspirait et qu’il légitimerait peut être parfois, ne 
venait-elle pas de l’incertitude de ses moyens, de 
l’inconstance de ses. résultats, de l’incohérence de 
ses doctrines? la médecine scientifique avec ses 
méthodes logiques, son efilort souvent couronné de 
succès, ses progrès continus ne constitue-t-elle 
pas la meilleure base de la situation sociale et de la 
conscience morale du médecin ? 



— 117 — 


LE SERVICE MÉDICAL DE LA BASTILLE. 


Par les Oocteurs Paul SÉRIEUX et Roger UOUL,XRD. 


L’organisation du service médical, à la Bastille, 
est restée à peu près ignorée, jusqu’à ce jour. - 

Nous allons l’étudier aussi complètement que pos¬ 
sible. Nous montrerons, pièces d’archives en main, 
que jamais prisonniers ne furent mieux soignés que 
l'étaient les malades de la Bastille. 

Notre documentation est considérable; nous avons 
examiné une massé énorme de dossiers. Toujours et 
partout, nous avons constaté que, sans aucune excep¬ 
tion et surtout, sans aucune considération de classe, 
les prisonniers malades recevaient, moralement et 
matériellement, tous les secours que nécessitait leur 
état. Aucune contradiction ne peut être opposée à 
cette affirmation aussi sincère que' formelle. 

Pourtant, un anonyme quia fait paraître, à Londres, 
en 1789, un opuscule intitulé : Remarques historiques 
sur la Bastille, a parlé de la lenteur avec laquelle 
étaient convoqués médecin et chirurgien et a insinué 
que, quand un prisonnier était malade, le médecin, 
qui habitait plus ou moins loin de la Bastille, trouvait 
toujours que ce était rien pour ne pas avoir à se 
déranger trop souvent. 

Fernand Bournon,'dans son histoire de « La Bas¬ 
tille » ( 1 ), a formulé d’autres accusations, tout aussi 
injustifiées. C’est ainsi qu’il a écrit : «Lesalut spiri¬ 
tuel était mieux assuré que celui du corps », et un 
peu plus loin ; « Il serait possible de citer plusieurs 

(1) F, Bournon» — La Bastille, {Bistoire, descripiioriy adminisiralioTÙ 
Paris, 1894, in-4o, Xiy, 364 pages. ; ^ 

t. XX, n** 3-4 (mars-avril 1926) 



1-18 — . ■ 

exemples de prisonniers morts, au matin, dans leur 
cellule, et encore; « Pour les prisonniers de marque, 
il n’est pas douteux qu’on avait des attentions particu¬ 
lières. » 

Nous nous élevons contre ces trois affirmations. Les 
malades de la Bastille étaient aussi bien soignés maté¬ 
riellement que moralement. D’autre part, les prison¬ 
niers trouvés morts dans leur cellule étaient des 
gens qui s’étaient suicidés, sans qu’on eût pu prévoir 
leur détermination. Enfin, les roturiers qui formaient 
d’ailleurs une toute petite partie des hôtes forcés de 
la Bastille recevaient, exactement, les mêmes soins 
que les plus grands seigneurs. 

On verra plus loin ce qu’il faut penser des affirma¬ 
tions de Fernand Bournon, lequel n’a que très super¬ 
ficiellement consulté, du moins sur le sujet que nous 
traitons, les archives de la prison. 

D’un autre côté, certains prisonniers dans les 
« Mémoires » qu’ils ont laissés, ont protesté contre la 
façôn dont ils avaient été soignés. 

Bussy-Rabutin, par exemple, parlant du médecin 
dè la Bastille, fait allusion à- « la dureté naturelle de 
sa profession » et à .« l’inhumanité qu’on acquiert 
dans le commerce des prisonniers (1) ». 

Rennneville, dans son livre intitulé «i L’inquisition 
française ou histoire de la Bastille » raconté plusieurs 
faits, où lë dévouement et la science du médecin et 
du chirurgien sont mis en cause. Il va même jusqu’à 
accuser le chirurgien d’avoir voulu l’empoisonner 
avec des pilules. Mais, il ne fàut,pas oublier que, 
chaque’fois qu’on a pu contrôler les affirmations de 
Renneville, qui était la pire des canailles, on les a 
trouvées fausses ou très exagérées. 

En 1760, un autre prisonnier, d’Allègre, écrivit au 
lieutenant dé police que le chirurgien le négligeait, 
que cette négligence augmentait ses maux, etc. Une 
enquête fut faite, et le gouverneur répondit à Sartine : 
« Les plaintes de d’Àllègre contre le chirurgien-major 

(17 Mémairei, II, 330. . 



— U9 — 

ne me paraissent pas du tout fondées. Celui-ci lui 
donne bien des douceurs...(1) ». 

Hennequin, embastillé de 1765 à 1767, dans ses 
Souÿenirs^ dit que le médecin ne prend même pas le 
temps d’examiner ses malades. 

Enfin, deux prisonniers, trop célèbres, Linguet et 
Latude, ont joint leurs griefs aux autres : 

Linguet dit que l’on peut mourir dans sa chambre 
sans être secouru, que le médecin et le chirurgien 
accueillent avec des rires, les plaintes des malades, 
que les garde-malades sont grossiers et brutaux(2). 

Latude récrimine, sans cesse, contre les soins qui' 
lui sont prodigués, se pose en victime véritable du 
médecin et du chirurgien. Mais; on sait que, malgré 
tant de maladies si mal soignées et malgré trente- 
cinq années de captivité bien méritée, il vécut jusqu’à 
qüatre-vingt-cinq ans. 

On comprend aisément que, dans certains cas, en 
présence de ,quelques-uns des criminels de droit 
commun qui lormaient — il ne faut jamais l’oublier 
—' la majorité des prisonniers de la Bastille, les offi¬ 
ciers de l’Etat-major et le personnel médical aient pu 
montrer quelque méfiance, pour ne pas être les dupes 
de simulateurs. Contentons-nous de citer quelques 
exemples de cette sorte de surpercherie, 

En 1669, un sieur Roux se plaint d’une rétention 
d’urine, et le chirurgien jnandé «ne voit 'aucune 
apparence du mal » (3). 

En 1759, Morlot dit qu’il a une colique effroyable 
avec fièvre. Le chirurgien, puis le médecin, consta¬ 
tent qu’il n’a rien (4). 

En 1759, également, Latude simule une fluxion den¬ 
taire pour avoir une pipe et du tabac, -r- et en 1763, 

(1) Bibl. Arsenal, 11729.., ' 

(2) Mcmoina, p. 113-117. . . - ' ^ 

(3) Ray. VII. 320. . 

(4) RaT. XVn, 260. Noua'désignerons, par l’abréviation R»v. les 

19 volumes, que François, Ravaisson et Ravaisson-Mollien ont; publiés 
sous le titre .de : Archives de la Bastille, et qui constituent une des 
sburces les plus précieuses de renseignements authentiques sur ,ln 
laméuse prison. ^ 



— i2D — 


une affection des yeux, pour obtenir une longue-vue. 

Il est ün fait qui prouverait, presque à lui seul, que 
l’organisation du service médical à la Bastille était 
loin de laisser à désirer, c’est le transfèrement, qui 
était fréquent, d’un individu malade, d’une autre 
prison à la Bastille, pour y être mieux soigné. 
Ainsi, en 1726, Madame de Tencin est conduite du 
Châtelet à la Bastille, d’ordre du Roi, parce que « sa 
santé délicate et l’incommodité dont elle est atteinte 
ne lui permettent pas de rester sans secours » (1). 

En 1761, un prisonnier du donjon de Yincennes, 
Génard, dont la tête est « échauffée » demande 
« comme une grâce » de retourner à la Bastille ; trois 
jours après, l’ordre de transfèrement est accordé (2). 

En 1775, le lieutenant de police propose au ministre 
de faire transporter de For-l’Evêque à la Bastille, le 
nommé Poirot, U( parce qu’il continue ses folies et 
qu’il a besoin de remèdes. »(3). 

En dehors des soins matériels' que recevaient les 
prisonniers malades, et sur lesquels nous reviendrons, 
grande était la sollicitude dont ils étaient l’objet de 
la part des officiers de l’Etat-inàjor, du lieutenant 
général de police, du ministre de la Maison du Roi, 
et enfin du Roi lui-même. 

Le .gouverneur devait veiller à ce que les malades 
fussent bien nourris et traités avec doucéur ; il était 
tenu d’avoir pour certains aliénés, plus gravement 
atteints que d’auires, des attentions spèciales, de leur 
adodcir leur peine autant que possible. Il visitait 
certains malades, tous les jours, ou, s’il ne pouvait, 
se faisait remplacer par un officier. Il envoyait de 
nombreux rapports au lieutenant de police et au 
ministre de la Maison du Roi pour des cas souvent 
insignifiants ; obligatoirement, il devait les aviser 
quand l’état d'un malade était inquiétant. 

liC lieutenant de Roi, qui était placé aussitôt après 

(1) DEtOKT. — Histoire de la, détention des philosophes et des gens de 
lettres à la Bastille, II, ,131. 

(2) Rar. XII, 463. 

(3) Ars, 12443, 



— 121 — 


le gouverneur dans l’Etat-major de la Bastille, avait 
des fonctions très lourdes. Du Junca, lieutenant de 
Roi de 1690 à 1705, en a donné un aperçu dans, son 
fameux « Journal ». 

« A tous les prisonniers malades, il faut aller les visiter 
souvent et en prendre du soin ; à ceux qui ont besoin du 
médecin et de l’apothicaire, il faut les aller mener où les- 
malades sont, pour être plus assuré de ce qui s’y passe et des 
remèdes qu’on leur ordonne de prendre ; il faut être présent 
quand on leur,apporte des remèdes; le prisonnier qui se 
trouve fort mal et en danger de mort, il faut redoubler tous 
ses soins... (1)» 

Mais dé tous les officiers de la Bastille, c’était le 
major qui jouait le rôle le plus important, en ce qui 
touchait les malades. Il vivait en contact, pour ainsi 
dire intimé, avec «ux, âssistait aux visites du médecin 
et du chirurgien qu’il avait demandés, visitait les va¬ 
létudinaires tous les jours, souvent plusieurs fois par 
jour, restant quelquefois de longues heures avec'eux. 
Il adressait au lieutenant de police un rapport quoti¬ 
dien et détaillé sur l’état des malades. Voici trois de 
ces rapports. ' 

D'Anquetil à Hérault. 

7 avril 1727. 

J’ai l’honneur de vous informer qu’hier, M. l’abbé Dilhe 
sentit une douleur entre les deux épaules, Cette douleur s’est 
étendue, cette nuit, par devant sur la poitrine, ce qui lui a causé 
la fièvre, toute la nuit, dont il a beaucoup souffert. Il a été sai¬ 
gné ; il a toujours été en sueur. 

M. Herment, notre médecin, est venu le voir, qui lui a or¬ 
donné les remèdes, qu’on lui a donnés pendant le cours de la 
journée, très exactement. 

Il sort d’ici, présentement (huit heures du soir). Il a trouvé 
’abbé mieux que ce matin ; il l’a seulement trouvé très accablé 
et son pouls assez doux (2). 

De Chevalier à Sartine. 

12 décembre 1760. 

M. Boyer, notre médecin, a vu, ce soir. Cornet. Ce prison- 

(1) Àrs. 5134. 

(2) Rav. XlV-76. • • 



— 122 


nier paraît .assez bien ; il n’y arien à craindre, Il lui a ordon¬ 
né une tisane pour boisson et une médecine dans trois ou quatre 
jours. Ces grands étourdissements, que le prisonnier avait, sont 
dissipés (1). 

De Losme à de Crosne. 

12 avril 1787., 

Le sieur La Corrège, qui a déjà eu plusieurs frayeurs de 
poison est, depuis hier, dans l’idée que tous les aliments qu’on 
lui sert, même son eau qu’il va chercher lui-même, sont em¬ 
poisonnés par du mercure. Nous ne pouvons arriver à le dis¬ 
suader de cette frénétique idée (2); 

Deux des majors de la Bastille, Chevalier, de 1749 
à 1787, et de Losme, de 17,8J à 1789 (3), laissèrent 
dans lâ'mémoire des prisonniers, et en particulier 
des malades, le souvenir ineffaçable de leur bonté. 
On comfirend sans peiné pareille reconnaissance, 
aussi sincère que profonde, quand aujourd’hui on lit 
les innombrables rapports sur l’état des maladeè, 
qu’ont rédigés ces officiers. Toujours l’accent d’uüe 
délicate et touchante compassion résonne dans ces 
notes écrites au jour le jour, où reviennent, sans cesse, 
les mots les plus doux. Jamais, on ne peut y trouver, 
non pas seulement la preuve d’une sécheresse de 
-cœur, mais même une simple marque d’indifférence, 
si humble qu’ait été la condition des prisonniers. 

De son côté, le lieutenant général de police ne té¬ 
moignait pas une moindre sollicitude pour les'malades. 
Bertin, Berryer, Sartine, Lenoir, de Crosne écrivent 
au gouverneur, au lieutenant de Roi, au major, pour 
que tel malade reçoive « tous les adoucissements pos-' 
sibles >) ; pour qu’on prenne de tel autrô « un soin par¬ 
ticulier et qu’il reçoive tous les secours qu’on pourra 
du éôté de là médecine », pour qu’ « on ait grand soin » 
de celui-ci, et qu’« on console » celui-là. 

Le ministre de la Maison du Roi avaithabituellem'eht, 
dans ses attributions, le contrôle de la Bastille. Nous 
avons trouvé, de nombreuses lettres par lesquelles le 

(1) RaV. XVin-48, ' ' 

(2) Arch. prêt!»police. Carton-8. *. 

(3) De Losme lut lâchement assassiné, le 14 juillet 1789. 



123 — 

titulaire de ces hâutes fonctions recommandait au gou¬ 
verneur « d’avoir grand soin » de ses malades, de leur 
« donner tous les secours » dont ils auraient besoin, 
de les traiter « avec charité ». 

Enfin, le Roi lui-même intervenait quelquefois, en 
faveur des malades de la Bastille. Citons ces deux 
lettres typiques : ' 

• De Seignelay au Gouverneur. • 

5 décembre 1684. 

Sa Majesté m’ordonne de vous dire de donner à l’abbé Fer- 
rier toutes sortes de secours pour sa santé (1). 

De Louis XV au Gouverneur. 

19 décembre 1730. 

Etant informé du mauvais état (de santé) du sieur Tissier, 
Je vous écrit cette lettjre pour vous dire que vous ayez à le lais¬ 
ser manger à votre table et à le laisser promener dans les 
cours (2). 

N’avions-nous pas raisoh d’affirmer tout à l’heure 
que jamais prisonniers malades, pas même ceux 
d'aujourd’hui, ne furent l’objet d’autant de sollicitude 
que l’étaient ceux de la Bastille ? —La cause est jugée. 

■Voyons maintenant comment était organisé le ser¬ 
vice médical. 

Il y avait à" la Bastille, un chirurgien-major et uni 
apothicaire, qui y étaient logés, et un médecin qu’ori 
faisait venir quand c’était nécessaire (3). - 

Lorsqu’un prisonnier tombait malade, il écrivait, 
dans quelques cas d’àilleurs rares, directement au 
lieutenant général de police ou au ministre de la Mai¬ 
son du Roi, pour demander la visite dü médecin ou 
du chirurgien. Nâtürellement, nous n’avons retrouvé 
aucune de ces lettres, puisqu’elles n’étaient pas con¬ 
servées dans les Archives de la Bastille. Mais, hduSi 
ayons les réponses qui y étaient faites. Voici des 
extraits de deux de ces réponses : 

, (1) Ars. 12474.' 

(2) Renneville. — O/j. cti., III, 363. 

(3) Nous publierons ultérieurcmént, lo résuljnt do nos .longues re- 

cherche.s sur le personnel médical de la Bastille. (Médecinj chirurgiep, 
apothicaire, sage-femme.) . ' ' ; ^ . 



— 124 — 

De Sartine au Major. 

31 décembre 1762. 

M. Challan ,me mande que, depuis deux jours', il crache le 
sang. Je vous prie de dire au chirurgien dé le voir. Si sa ma¬ 
ladie exigeait qu’il vît M. Boyer, le médecin, il faudrait le 
faire avertir (1). 

' Du même au même. 

3 décembre 1766. 

Drouhart m’écritqu’il est sujet à des insomnies ; il faut con¬ 
sulter M. Boyer à ce sujet (2). 

Dans la très grande majorité des cas, le malade 
demandait à son porte-clefs de prévenir de son état 
les officiers de la Bastille. Les quatre porte-clefs de la 
prison jouaient un grand rôle. « C’étaient, dit Bour- 
non, les hommes les plus sûrs et les plus scupuleux 
qu’on pût trouver. » Ils portaient à manger aux pri¬ 
sonniers, à sept heures, à onze heures du matin, et à 
sept heures du soir. Ils pouvaient donc savoir, trois 
fois par jour au moins, ce qui se passait dans les 
, chambres. 

De Chevalier au lieutenant de police. 

30 mai 1753. 

Le nommé Bourguignon, porte-clefs, est entré,.ce matin, 
dans ma chambre, en me disant que le père Godefrin se mou¬ 
rait. Je me suis porté immédiatement à sa chambre (3). 

Du même au même. 

29 septembre 1759. 

La dame Ferrand vient" de m’envoyer son porte-clefs pour 
me dire qu’il y a longtemps qu’elle a un sein coupé. — qu'il 
fallait qu’elle fut pansée deux fois par jour (4). 

Ainsi avisé, le major appelait, ordinairement, de sa 
propre autorité, le médecin ou chirurgien. 

De Chevalier à Sartine. 

3 février 1762, 

Ce matin,J’ai vu M. Bigot qui se plaint d’être menacé de 

(1) Rav, XVin ^l43. 

(2) Râr. XIX-210. . - 

(3) Ars. 12495. 

(4) Acb. 12499. ' 



125 — 


paralysie. J’y ait conduit le chirurgien-major qui m’a dit que 
ce n’était point cette maladi.e, mais bien un rhumatisme (1). 

Du même au même. 

.16 avril 1750. 

M. Leroy dé Fontigny se plaint beaucoup de la poitrine, des 
reins et d’un grand mal de tête.. Je viens d’écrire dans la 
minute à M. Hermand, médecin, pour voir ce que c’est (2). 

Quelquefois, quand rien ne pressait, le major 
demandait au lieutenant de police, l’autorisàtion de 
faire visiter le malade ; 

De Chevalier à Sartine. 

11 février 1763. 

J’ai écrit, ce matin, à M. Boyer,pour qu'il vienne voir un. 
prisonnier, conformément à votre ordre du 10 de ce mois (3). 

Exceptionnellement, c’était du gouverneur que le 
major sollicitait l’autorisation d’appeler le médecin ou 
le chirurgien. 

De Chevalier à Sartine. 

25 juin 1769, 

Nos derniers prisonniers demandent à' voir le chirurgien, 
disant qu’ils ont besoin de se purger. M. le gouverneur a 
permis que M. Lecoq les voie (4). 

Toujours, sans exception aucune, le lieutenant de 
police accordait, immédiatement, l’autorisation qui 
lui avait été dfemandée. 

De Sartine à Chevalier. 

10 février 1763. 

Je consens que M. BoyerVoie M. de Lally et son yalet de 
chambre, qui sont tous deux incommodés. Ainsi, vous pouvez 
le faire avertir (5). 

Du même au même. ‘ 

, ' 3 avril 1769. 

Il n'y a pas d'inconvénients à faire voir M. de Valcroissant 

(1) ftav. xvni, 282. ■ , , 

(2) Rav. Xll, 344. 

(3) Ars. 1260G. 

(4) Rav. XIX, 450. 

(6) Ars. 12504. ; . 



-- 126 


â M. -de Lassaigné, pour qu'il lui donne quelques remèdes 
convenables à son état (1). - 

;— A la Bastille, on peut distinguer deux grandes 
catégories de malades ;,il y avait, d’abord, les pri¬ 
sonniers qui tombaient malsdes ; il y avait aussi les 
aliénés et les anormaux psychiques constitutionnels 
qu’on internait en raison dé leurs troubles mentaux. 

A. — Les soins aux prisonniers MALAbEs. 

Toutes les affections, médicales ou chirurgicales, 
qu’un praticien peut observer dans sa carrière étaient 
. soignées à la Bastille. Citons au hasard ; asthme, 
enrouement, bronchite, crachement de sang, scorbut, 
embarras gastrique (très fréquent, à cause de la 
bonne chère), coliques intestinales, goutte,, rhuma¬ 
tisme, hydropisie, etc., etc. Citons encore: panaris, 
ftironcle,' hernies, hémorrhoïdés, tuméurs, rétention 
d’urine,' blessures par chute ou par tentative de 
suicide, métrorrhagies, etc, etc. 

Le château de la Bastille comprenait, réparties dans 
Tes huit tours, quarante-deux chambres de prison¬ 
niers, qui avaient environ quatre mètres en tous sens, 
et étaient éclairées par une fenêtre grillée. 

Le plus souvent, le malade était soigné dahà sa 
chambre. Mais, en 1761, un bâtimeûtfut construit 
entre la grande cour et la cour du Puits, où certaines 
chambrés, qu’on appela « les appartements » furent 
réservées â quelques malad@s plus gravement atteints 
que d’autres. D’où cette le'ttre, de Chevalier à Sar- 
tine : _ 

• 7 janvier 1773. 

Mademoiselle Dufossé, occupé un appartement, que nous lui 
( avons fait arranger du mieux que nous ayons pu. J’espère qufr 
les coliques qu’elle a se dissiperont incessamnient, parçeque 
la chambre qu’elle occupe est très saine et fort chaude (2). 

Si la chambre du malade n’avait pas de cheminée, 

' (1) Ruv XIX, 430. 

^2).Ars. 12315... - 



—' 127' — ■ 

on le^transportait dans une autre (1), et, quelle que fut’ 
la saison, on chauffait cette chambre. 

Par exemple, le 9 octobre 1764, le lieutenant 
général de police écrit au gouverneur : 

Le sieur de.Ferre m’a écrit que ses douleurs de rhüma- 
tisme l’ayant repris, il me prie de lui faire donner par extraor¬ 
dinaire du bois pour se chauffer. Je vous prie de me dire si 
le sieur de Ferre est dans le cas qu’on avance pour lui le temps 
où il est d’usage de donner du bois aux prisonniers (2). ' 

Quand la maladie avait eu un caractère contagieux, 
on désinfectait, après la guérison, la chambre, avec 
tous^les moyens alors en usage. En octobre 1711, M: 
de Fronsac est guéri de la variole. On fait brûler,dans 
sa chambre de la poudre à canon « et toutes sortes 
de choses ». Puis, on aère largement la chambre (3). 

11 y avait à la Bastille, nous l’avons déjà dit, un 
apothicaire résidant et une pharmacie bien approvH 
sionnée. Le service pharmaceutique paraît y avoir 
fonctionné régulièrement. Pourtant, des plaintes que 
nous allons reproduire,ont été élevées à ce sujet. 

Renneville (4), dont les affirmations sont toujours 
suspectes, a écrit : « Depuis que Bernaville (gouver¬ 
neur) eût acheté l’office d’apothicaire sous le nom de 
Reilhe, les prisonniers sont privés de tout, et le 
registre et les parties d’apothicaire n’en sont pas 
moins chargés aux'dépens du Roy, au profit du pauvre 
gouverneur et au détriment de la santé des prison¬ 
niers. », ■ „ ' 

Hennequin, un autre embastillé, s’est plaint (5) 
qu’on ne pouvait- « avoir les remèdes et les bouillons' 
chauds aux heures où le médecin leS avait ordonnés, 
à .cause du temps que l’apothicaire perdait à chercher 

(1) Ars. 12494. . ' , - 

‘(2) Am. 12507. , ' ' ‘ , 

(3J Rav. XII, 82.— Nojlons que; pendant sa variole, M.‘.de Fronsac 
tut isolé et ne reçut la visite que de] gens ayant déjà eu la maladie. 
Un has-otficler et son valet' restèrent seiils, èt sans pouvoir le quitter, 
auprès de lui. ' 

(4) Renneville. — 0/». ciC, II, 28. ' , ' ' _ ; 

(B) Hennequin.,— Souvenirs d'un ancien prisonnier de la JSaalitle,-in 
Revue rélrospcctivc (1888). , , , 



— 128 — 


le porte-clefs, pour lui ouvrir la porte des chanibres. » 

De nos jours, Fernand Bournon (1) a prétendu 
faute d’une documentation suffisante, qu’en effet, les 
médicaments étaient parcimonieusement, et comme 
à regret, distribués aux prisonniers malades. Il cite, 
à l’appui de cette opinion, une lettre, datée du 25 
janvier 1781, qui fut adressée par le ministre de la 
maison du Roi au gouverneur de la Bastille. 

Dans cette lettre, il est question d’un « relevé des 
mémoires de médicaments fournis pendant les années 
1778 et 1779 et les six premiers mois de 1780 ». 

« Je vous avoue, dit le baron de Breteuil, que cette 
dépense me paraît excessive, eu égard au petit nom¬ 
bre de prisonniers qu’il y a eu dahs ce château, et je 
ne puis me persuader qu’il n’y ait eu quelques abus 
dans cette partie. Je vous prie de vouloir bien tâcher 
de découvrir par quels moyens on pourrait s’assurer 
par la suite de ce qui aura été véritablement fourni (2)». 

Que trouve-t-on dans cette lettre? Avant tout, une 
hypothèse émise sur des dépenses inutiles. Cet abus 
devait exister, en effet, et provenir, en partie, de ce 
que le chirurgien, qui fut en même temps pendant 
plusieurs années apothicaire, prescrivait le plus pos¬ 
sible de médicaments, pour, augmenter notablement 
ses ressources. 

Un passage de Renneville est à citer ici : 

Braillard (son compagnon de chambre) faisait le malade pour 
se faire apporter toutes les drogues de l’appthicaire. 11 en avait 
toujours de quoi former une petite boutique, car, en ce temps- 
là, l’apothicaire, qui était payé par lé Roy, donnait largement 
aux prisonniers tout ce qu’ils lui demandaient (3). 

D’autre part, la lettre du-ministre laisse entendre 
que tous les médicaments portés sur les mémoires de 
l’apothicaire n’avaient pas été réellement donnés aux 
malades. Alors, le gouvernement avait quelque raison 
de penser qu’on le volait, 

(1) Op. cit., p. 1&3. . . 

(2) Arch. net.. 01 492. 

(3) Op. cil., II 28. 



— 129 — 

Une lettre de Seignelay au gouverneur de la Bastille 
montre que l’apothicaire faisait quelquefois payer aux 
malades les.médicaments qu’il portait ensuite sur les 
mémoires dont il demandait le règlement. 

La veuve Durand ayant présenté au Roy un placet par lequel 
elle se plaint des poursuites qui lui sont faites par l’apothi¬ 
caire de la Bastille pour paiement des remèdes donnés à son 
mari pendant sa détention, Sa Majesté a fait expédier un arrêt 
pour l’en décharger. Son intention est que vous empêchiez 
que pareille chose n’arrive à l’avenir, en tenant la main à ce 
que le fonds qui est destiné pour le paiement des médicaments 
des prisonniers soit utilement employé (1). 

Dans ces conditions, ce n’est sans doute pas à tort 
que Hennequin (2) a pu écrire : « L’apothicaire vend 
cher ses drogues ; il a eu près de cent livres de mon 
argent ». 

Puisqu’il semble bien qu’il en était ainsi, on com¬ 
prend cette phrase de l’auteur anonyme des Remar¬ 
ques sur la Bastille. (Londres, 1789 in-S".) « Le chi¬ 
rurgien fait des profits immenses sur les remèdos 
qu’il fournit et dont le Roy lait les frais ». 

Pour celui qui a consulté les archives de la Bastille, 
il apparaît incontestable que rien n’était refusé aux 
malades. Une lettre de Sartine à Chevalier, prise 
entre beaucoup d’autres, suffirait à le prouver. 

D’après qc que vous me marquez de l’état et de la nature de la 
maladie du sieur Pasdeloup, il est nécessaire que vous disiez 
à M. Lecocq de le traiter et de lui donner tous les remèdes 
dont il a besoin jusqu’à parfaite guérison (3), 

D’ailleurs, nous sommes très-bien renseignés sur 
les sommes que le gouvernement du Roi payait pour 
lës méijicaments fournis aux malades. 

Dans une lettre du ministre au lieutenant de police, 
datée du 16 juillet 1781, il est dit : 

levais rendre les ordonnances nécessaires pour paiement 
des médicaments des'années 1778, 1779 et 1780 sur le pied de 


(1) 30 n 

(2) Op. 

(3) 5 féi 


aovembre 1685, Arfl., 12474. 
cil., p. 31. 

vrier 1768, Ara., 12610.' 



— 130 — 


2600 livres par an pour le chirurgien de la Bastille. Je vous 
prie d’observer au chirurgien que son ordonnance pour 1778 
n’est que de 940 livres, attendu qu’il a reçu ou dû recevoir 
1660 livres dans l’ordonnance à lui expédiée pour les trois 
premiers mois de la même année (1). 

D’autre part, nous' avons plusieurs « Etats des 
médicaments fournis pour le château de la Bastille ». 
On y voit que, pour une seule semaine d’octobre 1781, 
et pour seize prisonniers, il a été préparé trente-six 
potions et tisanes. 

En 1782, pour treize prisonniers et toujours pour 
une semaine, quarante-huit potions (2). 

Le mémoire des médicaments fournis du 1®'juin 
1783 au 1" juillet 1784 se monte à 276 livres 15 sols (3). 

Celui qui se rapporte au premier trimestre de 1785 
s’élève à 136 livres 5 sols (4) ; celui du quatrième 
trimestre de la même année à '79 livres 19 sols (5). 

Pour le premier trimestre de 1786, la dépense fut 
de 138 livres (6) et enfin pour le troisième trimestre 
de 1787, de 229 livres (7). 

Sur ces mémoires, toutes les drogues, toutes les 
plantes alors en usage, se trouvent^ inscrites : émé¬ 
tique, sirop antiscorbutique, sel de Duobus, séné, 
valériane, rhubarbe, thériaque, etc., etc. 

Quand, par hasard, le médicament prescrit man¬ 
quait à la pharmacie de la Bastille, on l’envoyait cher¬ 
cher au dehors. D’où ce bon: 

Pour la veuve Méquignon : 

Une bouteille d’eau de mélisse. 

Une bouteille d’eau d’anis (8). 

A la fin de chaque trimestre, l’apothicaire établis¬ 
sait le « Mémoire des médicaments fournis ^jour le 
château de la Bastille ». 

(1; Arch. nat., 0‘ 492. 

(2) Ars., 1259t. 

(3) Ars., 12517. . 

(4i Arch, préf. police. Carton 8, fol. 187, 

[S) Ara., 12610, 

. (6) Ara,, 12610. ; 

(7) Ara., 12591, 

(8) Ara., 12514. 



rr^ 131 -rr 


Voici un extrait de celui qui se rapporte au premier 
trimestre de 1786 et qui fut rédigé par Laborie, maî¬ 
tre en pharmacie. 

Janvier 4. Pour 2® Comté une potion antispasmodique com¬ 


posée selon l’ordonnance visée et cotée n” 1_; 2 livres. 

Janvier 6. Pour 3" du Puits, une médecine composée selon 
l’ordonnance cotée n" 2 !...... 2 livres. 


Le médecin de la Bastille examinait le mémoire, 
et, s’il le trouvait exact, il le signait. Au mémoire, 
l’apothicaire joignait les ordonnances du médecin et 
du chirurgien, dont voici l’une : 

La 3® du Puits ne doit pas être saigné. On luy donnera, le 
soir, une potion composée avec 4 onces d’une émulsion faite 
avec une demi-once de quatre semences froides dans laquelle 
on mettra une demi-once de- sirop-de nymphœa. 

Ce 12 Octobre 1785. . Signé ; Lassaignk, médecin. 

Vu : bon. âSi^reé : Launey, gouverneur. 

Quant au mode de règlement des mémoires, il varia 
suivant les époques. Pendant" longtemps, l’apothi¬ 
caire fut payé par le gouverneur ,« sur le fonds qui 
était destiné pour les médicamens des prison¬ 
niers » (1). ' , 

MaiSj à la suite d’abus'relevés dans la prescription 
des médicaments, le ministre de la Maison du Roi 
écrivit, le 1®'^ juillet 1781, au lieutenant de police que, 
dorénavant, les mémoires de l’apothicaire seraient 
remis à ce dernier qui les réglerait (2). 

En 1784, on modifia encore le mode de paiement. 
La fourniture des médicaments fut « employée dans 
les états de la Bastille,, à la fin de chaque quartier (3). 

Tous les « petits soins » possibles, ces ' petits 
soins fqui font, pour le rétablissement de la santé, 
souvent plus que les meilleurs remèdes, étaient pro¬ 
digués aux malades. . ' 

-C’était, d’abord, la promenade qui était accordée 

(1) Ai's. 12474. 

(2) Arch. nat. 0»492. 

(3) Ars. 12517. 




— 132 — 


très libéralement. Ainsi, le lieutenant de police 
mande au major : 

Il n’y a point d’inconvénient à accorder au sieur Poncet de¬ 
là Rivière la demande q^u’il a faite de se promener tous les 
jours, pendant deux heures, pour rétablir sa santé (1). 

C’étaient les visites des parents. Louvois, par 
exemple, écrit au gouverneur : 

A l'égard du sieur Catelan, Sa Majesté trouve bon que vous 
permettiez à sa femme et à son enfant de le voir'tous les jours, 
à cause de son indisposition (2). 

C’étaient la lecture et la correspondance. Le lieu¬ 
tenant de police avise le major que « pour contribuer 
au rétablissement de la santé du sieur Lombart » on 
pourrait « lui donner des livres » (3). 

Ou encore, il écrit au même : 

Vous pourriez donner au sieur Dhancy du papier et de 
l'encre, comme sa femme le demande, craignant que l’inaction 
né dérange sa tête (4). , 

C’était un régime alimentaire choisi : café, lait de’ 
vachè, petit-lait, poisson léger, poulet, thé, eau-de- 
vie, miel, fruits, confitures, etc. 

Des bains étaiént pris par les malades. Nous 
savons, par exemple;'que, pendant le troisième tri- 
niestre de 1787, pour un effectif de 20 prisonniers 
seulement, il fut donné 55 bains, dans la salle que le 
gouverneur de Launéy, avait fait aménager à cet effet. 

Nous avons à parler, maintenant, de l’organisation 
d’un service de garde auprès des malades. * 

Lorsqu’il y a un prisonnier malade dans les tours, .qui a , 
besoin d’un garde auprès de lui pour en avoir soin, M^le gou¬ 
verneur en donne avis au magistrat (le lieutenant de police). 

(1) Ara. 12510. , 

(2) Ara. 12474. • 

(3) Ibidem. Il j avait à la Bastille, une bibliothèque où se trouvaient , 
des romans, des oeuvres de science, de philosophie, de piété, et même 
sous Louis XVI, des gazettes. Dans certains cas, on achetait, pour les 
malades, les livres qu'ils demandaient. 

(4) Ars. '12488. 



— 133 — 


Ainsi, s’exprinie le « Règlement pour les gardes » 
qui est postérieur à 1774 (1). Ordinairement, le garde 
était un des bas officiers de la garnison de la Bastille, 

Je viens de placer le nommé Le Roi, bas officier, près du 
sieur de la Chaise, pour le servir, étant malade (2). 

Quelquefois, le garde était un autre prisonnier. 
C’est ainsi que, le 20 juin 1772, le lieutenant de 
. police écrit au major : 

Je consens que vous mettiez auprès du sieur Simonot, dans 
la même chambre, le nommé Moret, autre prisonnier, en.sup¬ 
posant que cela convienne à l’un et à l’autre (3). 

Exceptionnellement, le garde était un porte-clefs, 
car le service des porte-clefs était déjà fort chargé. 

« La dame Gailleau va moins mal ; nous la ferons 
veiller, cette nuit, par deux porte-clefs. (4). 

Dans de nombreux cas, c’était une personne étran¬ 
gère à la Bastille, qui était placée auprès du malade. 

En 1684, la femme Durand fut admise à « secourir 
et servir son mari, pendant sa maladie » (5)1 

En 1694, la veuve Callouélut soignée par sa propre 
fille (6). 

En 1760, la dame Ferrand « qui avait eu un sein 
coupé » fut pansée, deux fois par jour, par sa femme , 
de chambre (7). • 

M, de Lally-Tollendal, en 1763, fut soigné par son 
valet de chambre (8). 

Quelquefois, le garde était placé d’urgence auprès 
du malade; le major mande au lieutenant de police: 

Moron de Boissenay est incommodé d'un rhumatisme gout¬ 
teux. Nous avons cru qu’il était nécessaire de mettre un garde 
auprès de lui (9), - . 

fl) Ars. 12602. . , ' 

(2) Du major au lieutenant de police, 5 octobre 1769. Ars. 12512. 

(3 Ars. 12614. , - 

(4) ’Ars. 12499.' . 

(5) Ars. 12474. - 

(6) Ars. 10600. 

(7) Rav. Xn,'310. 

(8) Ars. 12604. ' 

(9) 5 août 1747.-Rav. XV. 350. 



— 134 — 


Plus rarement, la demande était faite par le lieute¬ 
nant de Roi ou par le gouverneur. Dans les cas habi¬ 
tuels, c’était le major qui écrivait au lieutenant de 
police : . ; ■ 

Rohvagen ne va pas bien, L’on sera obligé de raettr|un gar¬ 
de pour le soigner. Nous attendons vos ordres pour cela (1). 

Dans tous les cas, sans exceptiony le lieutenant de 
police accordait l’autorisation. Ainsi, le 6 août 1755, 
Berryer écrit à Chevalier : 

J’ai jugé qu’il convient de donner au sieur de la Croix, un 
garde qui ne le quitte pas. Choisissez un homme sûr à tous 
égards et qui soit assez robuste (2). 

Dans quelques cas, d’ailleurs exceptionnels, c’était 
le ministre de la Maison du Roi, ou le Roi lui-même, 
qui intervenait pour qu’un garde fût placé auprès 
d’un malade. 

Le 4 décembre 1757, le lieutenant de police écrit 
au major : ‘ 

Le ministre consent qu'on mette auprès du sieur de Mausac 
un garde pour le soigner dans ses infirmités (3). 

Le 14 juillet 1659, le Roi mande au gouverneur ; 

Ayant appris que la demoiselle de Vézilly, prisonnière en 
mon château de la Bastille, est indisposée, je trouve bon que 
vous lui permettiez d’avoir une fille auprès d’elle pour la ser¬ 
vir jusqu’à ce qu’elle soit guérie (4). 

Disons, en finissant, qu’un bas officier, quand il 
servait de garde-malade, recevait, comme salaire, de 
vingt-cinq à trente livres par mois (5). 


(1) 8 janvier 1768. Rav. XIX. 222. 

(2) Rav. XVI, 380, 

(3; Rav. XVtl, 72. 

(4) Rav. I. 63, 

(5) Ars. 12000 et 12601 (passim). 


(A suivre) 



— 135 — 


LES EX-VOTO POLYSPLANÇHNIQÜES 
DE L’ANTIQUITÉ. 

Par le Docteur Félix mCGNAVLT 


On trouve dans les musées italiens des éx-voto qui 
représentent l’ensemble des viscères. Dès 1857, 
Charcot et Dechambre' avaient étudié un de ces ex- 
voto en marbre (1). 

En 1895 le D'L. Sambon (2) signale plusieurs 
pièces de sa collection, ex-voto romains en terre 
cuite représentant des organes internes. La plupart^ 
de ces pièces diffèrent beaucoup de celles qu’on voit 
dans les musées italiens. Nous regrettons qu’une 
documentation exacte sur leur origine n’ait pas été . 
donnée par l’auteur qui lève tout doute concernant 
leur authenticité. 

Cette documentation existe pour les. nombreux 
ex-voto en terre cuite grossière, trouvés en Italie, à 
Bolsenne près Florence, à Veies sur les rives du 
Tibre, à Rome, à Nemi près de Rome, etc., et qui 
sont déposés : au Musée National et au Musée 
étrusque du Vatican, à Rome, aux M*usées de Modène, 
de Bologne et de Florence. Il en est quelques-uns à 
^Paris aù Louvre, à Londres, à Bonn (Ajilemagne), à 
Madrid enfin. 

Leur étude, comtnencée par les archéologues, a été 

(1) CuARCOT et Deobambre. Gaz. heb. de ritédec. et chirur. 1857, t. V. 

p. 425-457. , 

(2) L. Sambon, Britîsh- médical journal, 20-27 juillet 1895. 

Soc.d'BUt. de la Méd.,'l,X\, n**3-4 (mars-avrit 1926) 



— 136 


approfondie" par L. Stieda (1), Alexander (2), Rou¬ 
quette (3), Hpllander (4). 

On a soutenu à leur endroit deux opinions oppo¬ 
sées. Les archéologes ont considéré les exrvoto 
comme des oeuvres irréelles, fantaisistes. Giacosa 
s’exprimait ainsi à leur sujet : 

« Fra essi sono curiose rappresenlazioni anatomi- 
« che dei visceri abdominali che mostrano l’ossoluto 
« ignoranza délia struttura normale del corpo 
« umano(5)». 

Parmi les anatomistes, Alexander partage cette opi¬ 
nion. Il termine ainsi son travail : 

« Vollends die gewohnlicheïi Weihgeschenke aus 

Terracbtta sind von Standpunkt des vvissenschaftli- 
« chen Medizin von untergeordneter Bedeutung(6)'». 

Stieda, au contraire, regarde ces .ex-voto comme 
très importants : ' 

« Dièse Gruppe der Weihgeschenke ist für die 
« Mediziner die wichtigste und interessanteste : sie 
« bringt bildliche Darstellungen von inneren kOrpe- 
« rorganen (Eingeweiden) aus einer sehr altên, wéit 
« zuruckliegenden Zeit. Es liegen in diesen altitalis- 
« chen Weihgeschenken die altesten bildlichen Dars- 
« tellungen von Eingeweiden der Menschen vor, die 
« bir bisher erkennen (7)». 

Le docteur Rouquette admet aussi que nous avons 
sous les yeux les reproductions les plus anciennes 
que l’on connaisse des organes internes du corps 

(1) L. Stieda., Uber die àltesten bildlicher Darstellugen der Leber, 
.Wiesbaden 1901. 

(2) 6. Alexandeh, Zur Keant nur der étrusk, Weingeschenke Bonnet- 
Merkels Anatpm. Hefte 1905. 11 étudie les ex-yoto de Modène; 

(3) Dr Rouquette, Bulletin Soc. Hist. méd. 1911, p. 504, et 1912, p. . 

271 et 370. S’y reporter pour la bibliographie. , 

(4) E.-Holuakder, Plas^ik und Medizin, Stuttgart 1912, p. 200 et sujy. 

(.5) Giaoôsa, Breye notizie su gli oggetti exposti alla Mostra délia 

Storia délia Mcdicina aperta nel Laboratono di Materia medica, 
Torino 1898. 

(6) .^BXÂNDEE, déjà cité, p. 195. 

■ (7) Stieda, déjà oué, p, 31 et 32, 



_ 137 — 


humain. Et il affirme : « l’agencement de ces plan- 
« ches anatomiques n’est pas un simple fait de la 
« fantaisie dm modeleur, mais plutôt l’expression 
« des données courantes et des croyances médicales 
« communes de l’époque et c’est ce qui en constitue 
« pour nous, le véritable intérêt » (1). 

Il est aisé de prouver que les connaissances anatq- 
niiques-des coroplastes qui ont réalisé ces ex-voto 
sont inférieures à celles d’un boucher ; mais nous 
montrerons que, si elles n’indiquent aucunement les 
connaissances qu’avaient les anciens de l’anatomie, 
elles ont par contre un grand intérêt pour le psycho¬ 
logue. I 

Ces,ex-voto soùt nombreux et les organes présen¬ 
tent des formes diverses. Au lieu de les étudier iso¬ 
lément, il est .utile de les grouper en catégoties. ^ 

Distinguons d’abord deux grandes catégories sui¬ 
vant qu’il s’agit de représentalions d'organes d’ani¬ 
maux ou d’hommes. Ces catégories se subdivisent 
elles-mêmes en sous catégories d’après leur forme (2). 

A. —- EX-VOTO POLYSPLANCHNIQUES d’ÂNIMAUX 

1“ Ex-voto de forme ovoïde avec une trachée en 
anse; Viscères en un paquet commedn en voit à l’étal 
des bouchers ; ils sont grossiers, forment un bloc, 
où chaque organe a un relief peu distinct. L’origine 
animale de ces pièces est certifiée par une trachée en 
anse qui les surmonte (voii> fig. 1), 

2* Ex-voto avec une trachée en anse, ayant une 
surface postérieure plane pouvant s’appliquer sur un 
mur. 

(1) Mem 1911, p. 506. 

(2) Nous avons préféré des dessin! au trait aux photographies qu'ont 
données nos prédécesseurs. Celles-ci ne peuvent être nettes à cause du 
faible relief et du flou de ces ex-voto ; à moins de les retoucher (comme 
dans le livre d’E. Hollander), on n’y voit pas grand'chose et les dessiné 
au trait en disent.plué long et sont plus vite et mieux compris que les 
meilleures descriptions. Nous indiquons par des numéros les diverses ' 
sous-catégories d’ex-yoto, ce qui facilite les comparaisons, car nous noué' 
bornons, pour les faire, à rappeler .les numéros. 






0n en a trouvé vingt-deux à Bôlsenna dans le tem- 
jile étrüë'que dé la déesse Fortune, avec l’autel et les 



instruments des aruspices.' Ils se rapportent, donc 





leurs pratiqués divinatoires. La plupart sont très effa¬ 
cés, indiscetiiablés . Nous en reproduisons un'(fig'. 2) 
plus distinct. 



3“ ;Deüx ès;-vdtb particuliers, en forme de plaque 
ovale allongée ; l’un est au musée étrusque du Vati^ 
can, l’autre au Louvre ; les organes sont très stylisés 
et de façoil spéciale (1). 

Il) En voir les dessins dans le travail du Dr Rouquette on nos bulle¬ 
tins, 1911, p. 514-517. 







— 140 — 

B.-EX-VOTO POLYSPLANCHNIQUES , HUMAINS 

Ici les viscères sont inclus dans un torse humain 
ouvert, mais il ne s’ensuit pas que ces organes soient 
toujours ceux de l’homo sapiens. Les Romains ont 
souvent copié des viscères de bestiaux qu’ils ont 
mués en organes humains. Sur quelques ex-voto cer¬ 
tains organes, les poumons, la section du plastron et 
les côtes, l’estomac sont ceux de l’homme. Le foie 
multilobé, la rate en feuille, rappellent des organes 
d’animaux. La situation générale' des organes n’est 
pas toujours respectée. Nous subdiviserons ces ex- 
voto en ; 

4“ Un ex-voto, le seul en marbre, — les autres 
étant en terre-cuite grossiè'rcB, — étudié en 1857 par 
Charcot et Deehambre: buste humain dont le plastron 
a été enlevé sur un large.triangle qui montre les vis¬ 
cères. , 

5“ Ex-voto eh forme de plaqué dont une face repré¬ 
sente des viscères encadrés par les bords ovpïdes de 
la section du plastron. Ces bords ont souvent trois 
plâns distincts, la peau, la section des côtes, la séreuse 
pleuro-péritopéalé. Ces bords rappellent ceux d’un 
cadavre humain, les organes sont, nous le verrons, 
moins typiques, (voi^ fig. 3). 

6® Trône humain au plastron tout entier enlevé et 
montrant tous ses viscères sur un ex-voto on a figuré 
les viscères au moyen de petites pastilles apposées 
après coup (voir fig. 4). ^ 

7” Torse humain ayant sur sa face antérieure une 
faible ouverture ovale ou triangulaire par laquelle 
apparaissent quelques organes ou des anses intesti¬ 
nales ou une matrice (1). 

8“;Toràe humain ayant sur sa face antéfrieure une 
•large ouverture ovale qui laisse à nu l’ensemble des 
; 0 >ganes (2), 

(1) Voir Rouquette, p.28, fig. 4,p.283, fîg.5,p.287, fig. G et Hollaoder, 

p., 206. 

' ' (2) Voir le dessin dans le treVail déjà cité du D' Rouquette, 1912, p.279. 



~ 141 — ' 

Les auteurs ne s’accordent pas sur la nature des 
organes figurés. Ce qui'pour l’un est une rate, pour 
l’autre est Un S iliaque ; l’un voit une vessie où l’autre 





142 — 


dans une série d ex-voto semblables, en prenant 
d’abord ceux où il est le inienx fiaruré, nuis en cher¬ 


chant les formes de passage 



Fie. 4. — Ex-voto trouvé dans le Tibre. 

Les viscères sont formés de terre 
glaise appliquée après coup surlecorps. 
Musée des Thermes de Dioclétien. 

l’artiste auraitpris un singe p< 
situation existé dans toi^s b 


pour aboutir aux exem¬ 
plaires où il est le plus 
modifié. Enfin je com¬ 
pare les ex-voto d’or¬ 
ganes isolés, qui sont 
très éloignés de la 
réalité, mais que cette 
comparaison permet 
parfois d’identifier (1). 

Les organes repré¬ 
sentés sont: 

Le cœur. Il est tou¬ 
jours vertical. , Il est 
médian sur tous les 
ex-voto sauf un (2“) où 
il est à gauche. Il eSt 
figuré par une masse 
ovoïde le représentant 
assez Exactement (2°). 
U se stylise en perdant 
sa base, est réduit à 
une saillie en forme 
d’œuf (5“ et 6"). Il se 
^réduit au maximum ne 
gardant plus que sa 
pointe en forme de 
cône à pointe saillante 
en avant (2® et b"). 

^ Sur l’ex-voto 4®, 
Charcot etDechambre 
ont attribué la situa¬ 
tion médiane et verti¬ 
cale du cœur à ce que 
ir modèle.Gomme cette 
; ex-voto, il faut y voir 


(i) Les organes isolés sont très nombreux, plusieurs restent énigma¬ 
tiques. Je ne parlerai ici que des cœurs. . 






-r- ^ ' 

un besoin de symétrie et le résultat de la suspension 
au croc du boucher de l’organe qui y pend, inerte. 

Comparons des organes isolés en forme de cône à 
sommet mousse qu’on a pris pour des bubons (1), On 
pourrait penser aussi bien à des hernies, à des seins 
cancéreux..., ces interprétations ne tiennent pas 
compte des petites, saillies qui entourent l’organe 
principal. Celui-ci a l’élévation et la forme du cœur 
de certains ex-voto polyspIancTiniques et les saillies, 
qui l’entourent rappellent celles que l’on observe 
notamment sur la figure et qui lui feint une loge. Ces 



Musée national de Rome, n" <47206 et 47206 bis. 

^ ex-voto représentent isolé des autres viscères le cœur 
tel que le figurent les ex-voto palysplanchniques (2). 

Les poumons sont bien formés sur les ex-ivoto 1® et 
2“. Sur un exemplaire de 1", ils n’ont pas de scissure. 
Sur l’ex-voto 4“ les poumofas sont humains .avec leurs 
scissures ; inférieurement le diaphragme est bien mar¬ 
qué.Sur lesex-voto 6°,les poumons se stylisent au point 

(t) Voir Hollander, déjà cité’p. 313. Voir notre figure 5. 

(2) On. sait qu’actuellement les ex-Toto de cœurs sont très nombreux 
dans nos églises. Ce ne sont pas des ex-voto de malades, mais des sym¬ 
boles du culte. Leur forme varie tantôt symétrique ; les deux cœurs droit 
et gauche peuvent être représentés égaux séparés pur un sillon. J'ai encore 
observé une forme asymétrique lu moitié droite du cœur est plus pétile 
■que la gauche, ce qui est conforme à là vérité, le droit moins enarnu 
s'aiTaissant après la mort. , ■ ' ■ 


144 — 


de ne former de chaque côté du cœur que deux lignes 
saillantes. Sur un ex-voto 6", une troisième saillie 
inférieure rappelant le diaphragme unit les deux pre¬ 
mières et enferme le cœur dans une loge triangulaire. 



Le foie au-dessous du cœur ne fait jamais défaut. 
Sur 4" il est trilobé. De même sur 1“ où il .offre en 
plus une vésicule biliaire saillante sur le lobe ipédian. 
Sur 3°, stylisation très spéciale, organe à quatre lobes 






— 145 — - 

en dents de scie à pointe inférieure. Par contagion, le 
coroplaste stylise de même les poumons, fait saillir 
le cœur entre les deux scies médianes. Sur 5® et 6®, la 
stylisation est moins fantaisiste : le foie à cinq lobes, 



Figure 7. — Éx-voto provenant de Veies. 
Musée national de Home, n* 14606. 


quatre lobes supéi’ieurs symétriques plus ou moins 
amincis, parfois réduits à des lignes épaisses, et un 
lobe inférieur médian large auquel esPaccolée la vési- 

S.B.M. 10 




— 146 — 


cul'e biliaire. Cette multiplicité des lobes indique le 
foie d’un chien, d’ün chat ou d’un porc (1), fig. 6. 

Les intestins, au-dessous du foie, sont représentés 
en5°parUn.eansecontournéetantôttransversale, tantôt 
verticale (2). En 2“ et 3“ des ex-voto montrent une anse 
à plusieurs contours débouchant inférieurement en un 
anus près d’une matrice. En 2“ un ex-voto a une série 
d’anses .intestinales parallèles courbes à concavité 
supérieure. En 5“ un ex-voto à plusieurs anses formant 
collier autour de la vésicule biliaire,(voir fig. 7) (3). 

L'estomac en 4” et 5“ a la forme d’une cornemuse. 
Il fait saillie en 4° au-dessous du foie et du diaphragme, 
en 5“ au-dessous de l’anse intestinale et l’intestin s’y 
abouche à gauche, à l’inverse de la normale. 

La rate, si importante pour les anciens, est toujours 
représentée. Sa forme presque toujours longue et 
plate rappelle celle du bœuf ou du porc ; parfois une 
ligne, creusée en son milieu sur sa longueur, figure 
le hile (v.fig.6). Elle est à gauche de l’estomac, parfois 
au-dessus.ou au-dessous. Un ex-voto de Bolsenna sup¬ 
prime l’estomac et place une rate rectangulaire infé¬ 
rieurement en travers, entre les deux reins (v.fig.2). 

Les reins sont souvent représentés en forme de 
haricot. Ils sont symétriques de chaque côté. 

La ronde, saillante, est toute petite et comme 

vide. Elle est médiane,tout à fait en bas. 

Après l’étude des documents, nous sommes en 
mesure de résoudre les questions qui se posent à leur 
sujet. 

Quelle était la destination de ces ex-voto ? 

Elle variait suivant les cas. Les ex-voto où les 
anciens représentaient délibérément des viscères de 

(1) BappeloQs trois exemplaires de foie isolé,l’un proyenantde Babylone, 
l’aulre de FJuisanco en bronze, un troisième de Volterre en albâtre, qui 
ont été décrits par Stieda. Rappelons aussi la statue d’un aruspice qui 
tient un foie deda main droite (Hollander, p. 215). 

(2) Voir stieda pl. 4, fig. 27 et 28. 

(â) L'intestin a été souvent représenté isolé. On a signàjé de petits’ 
ex-voto rappelant sèit une anse jute.stinale enroulée en boudin (voir Hoi- 
Innder, pp. 197 et 211), soit dos tèecs. 




148 — 


bestiaux, pouvaient être substitués à l’animal réel 
qu’ils devaient offrir en sacrifice .aux Dieux. Les 
^ exemples de ces cadeaux illusoires sont nombreux 
dans Phistoire des religions. D’autre part, les anciens 
croyaient aux aruspices et des ex-voto l’eprésentant 
les organes consultés par le prêtre, ont pu être 
offerts en remerciement d’une prédiction favorable, 
d’un conseil utile. 

Les ex-voto représentant-un torse humain ouvert 
remerciaient probablement la divinité de la guérison 
obtenue à la suite d’un vœu.Il s’agissait plutôt de mala¬ 
dies Internes guéries médicalement que d’une opéra¬ 
tion heureuse,car dans cette dernière hypothèse on ne 
s’expliquerait pas pourquoi les côtes sont réséquées. 

L’opération chirurgicale est plus vraisemblable sur 
les ex-voto 7° et 8° représentant un ventre qui a une 
faible ouverture avec quelques organes ainsi mis à nu. 

Elle y est moins évidente que sur une petite terre- 
cuite de Smyrne du ii® siècle avant notre ère : la 
paroi abdominale est ouverte par une simple incision 
verticale et médiane dont le sujet écarte les bords 
avec les maiiis (1). 

Pourquoi les anciens ont-ils reproduit inexactement 
les organes ? 

Nous le comprendrons en comparant leurs ex-voto 
à ceux contemporains qui sont aussi irréels, 

Les habitants de la Haute-Bavière et du Tyrol dé¬ 
posent encore dans les églises des ex-voto anatomi¬ 
ques pour remercier leur saint de la guérison des 
maladies (2). Voir figures 8, 9, 10. 

Ils les ont eux-mêmes taillés dans le, bois, sans 
aucun souci de la vérité anatomique. Non seulement 
ils imitent grossièrement les viscères des bestiaux 
avec leur thymus,, des poumons aux lobes plus nom¬ 
breux que ceux de l’homme, etc., mais ils les sché- 

(1) Félix Reonavlt. — La Gynécologie dans l’Iconographie antique., 
Revue de Gynécologie, IéY.1907, cotte figure y est reproduile, p.37,fig.28. 

(2) RicuAliD Andrée.—Votive und WciLcguben des katholischcn volts 

in Sud Deutschland, Braünschwcig 1904. ■ ' 



— 14g — 


raatisent et les stylisent, les déforment parfois à un 
haut degré. Sur un ex-voto les deux poumons réunis 
ont la forme d’une cloche située au-dessus du cœur, 
sur un autre le'foie a deux lobes égaux et symétriques 
ayant la forme des pétales renversés d’une fleur, sur 
un autre encore les lobes des poumons et du foie ont 
l’aspect de grains ovoïdes appendus à la trachée 
comme les fruits du raisin à la grappe. De plus des 
organes importants sont omis, ceux qui sont repré¬ 
sentés n’ont pas toujours leur position véritable; l’es¬ 
tomac peut être placé au-dessous du foie, le cœur 
au-dessous des poumons^j,seuls les organes du thorax 
sont toujours figurés au-dessus de ceux de l’abdonien. 
Enfin les proportions relatives des organes ne sont 
pas conservées ; le foie peut être plus petit que le 
cœur et l’estomac. 

Nous avons fait les mêmes remarques sur les ex- 
voto étrusques et romains; les organes y sont dépla- 
, cés, exécutés sans souci des proportions, stylisés à 
un haut degré. 

Ex-voto anciens et contemporains sont l’œuvre d’ar¬ 
tisans qui n’ont pas les connaissances anatomiques 
d’un boucher: car celui-ci connaît la forme des viscè¬ 
res dé l’animal qu’il vide et sait où aller*les chercher . 

A plus forte raison ne représentent-ils point les con¬ 
naissances anatomiques que possédaient les Romains. 

On a prétendu voir l’origine de la science anato¬ 
mique dans les connaissances qu’acquéraient les 
aruspices, les'embaumeurs (1) voirè les bouchers, 
Oh a encore rappelé Ips pratiques de certaines peu¬ 
plades nègres qui autopsient les sorciers morts à la 
suite d’un jugement par ordalie pour chercher en eux 
le principe malfaisant: excroissance dans l’intestin, 
dans l’estomac, ou calculs viscéraux, rénaux, biliaires, 
etc.,etc. (2).Ces pratiques ne-donnent pas de connais¬ 
sances anatomiques, car il ne suffit pas pour connaître 
un objet de l’avoir sous la main,; il faut s’y intéresser. 

l'I) Encoreic paraschis^ égyjilien devait-il procéder avec célérité so,us 
peine d’ôtre lapidé. ^ 

(2) Levï-Bruhl. — Mentalité primitive, Paris 1922, p. 269-276. 



— 150 — 


L’artisalx a son attention portée ailleurs, il ne se sou¬ 
cie pas de ce qu’il peut voir à l’étal du boucher. Peu 
lui importe d’en .concevoir et d’en reproduire une 
image exacte. Ainsi le coroplaste romain et l’imagier 
tyrolien ne se sont pas souciés de copier les viscères 
des bestiaux, ils les ont représentées de chic,, avec un 
sens artistique grossier qui les a portés à les placer 
symétriquement (1) et à les styliser. 

Ne nous étonnons pas, nous qui lisons dans les 
auteurs hippocratiques des descriptions fantaisistes, 
notamment en ce qui concerne les sutures du crâne 
et les veines de la tête: Hippocrate a dénaturé les 
faits pour les adapter à ses doctrines. 

Les Egyptiens, croyant à la métempsychose s’inter¬ 
disaient de disséquer même le cœur des animaux, 
« parce qu’il avait peut-être renfermé l’espint d’hom¬ 
mes méchants condamnés à passer par cette forme » 
(Papyrus Ebers). Les Grecs avaient plus de liberté, 
et chez eux Alcméon aurait fait les premières dissec¬ 
tions d’animaux, en—520, c’est-à-dire avant les écrits 
hippocratiques. 

Plus tard à Alexandrie, malgré les préjugés, on 
disséqua les cadavres humains. Il ne reste pas d’écrits 
de cette époqVe, mais Galien dont l’anatomie, sauf 
quelques erreurs, est exacte, dût les connaître, tout 
en s’aidant de la dissection des singes. 

Il n’y a pas plus de ressemblance entre l’anatomie 
scientifique de Galien et celle des èx-voto romains, 
qu’entre notre science anatomique, e.t les ex-voto ty¬ 
roliens. ’ 

Les ex-voto anciens ont un autre intérêt. Ils sont, 
suivant l’expression des psychologues, des « tests » 
qu’a épargnés le temps, et cès tests montrent, qu’en 
anatomie le peuple témoigne du même esprit mythi¬ 
que que celui de ses superstitions et de ses légendes. 

(1) Le g-oùt de la symétrie est primitif. On le, retrouve encore dans 
lu frontalité o'u symétrie des deux moitiés du corps qu’on observe 
dans les premières sculptures. . ’ 



BIBLIOGRAPHIE 


G O 3Vr aRTPEJ s -1=13S3IV 30 XJ s 


D'' J.-G. De Lint. — Atlas van de Geschiedenis der 
Geneeskünde. De Ontleedkunde. 

Un recueil de gravures et de portraits avec des annotations. 
Le premier tome, qui sera suivi d’autres, d'une œuvre, décri¬ 
vant l’évolution de la médecine en images. C.elui-ci contient 
les dessins des principales découvertes de l’anatomie, ou, — 
faute de figures—des auteurs eux-mêmes, ou encore des 
frontispices de leurs livres. L’auteur de cette œuvre impor¬ 
tante, privat-docent de Thistoire de la médecine à l’Université 
de Leyde, a en en premier lieu l’intention d’intéresser les étu- . 
diants à l’histoire de leur science, en leur donnant ainsi un 
aperçu succinct des faits et progrès dans le’cours des siècles. 
On ne saurait nier l’utilité d’un tel abrégé illustré, pourvu 
qu’on se rendê bien'compte, qu’on ne peut pas apprendre 
l’histoire par petits morceaux. Les grandes découvertes ne 
sont pas des faits à part, mais elles forment les chaînons ■ 
d'une évolution. C’est la continuité, la filiation des idées qui 
rendent l'histoire Tîvante et profitable pour la science d’au¬ 
jourd’hui. 

Mais à part cettai restriction, on peut dire que de Lint a 
rassemblé un recueil de gravures et de portraits très impor¬ 
tant, qui peut être aussi pour les historiens professionnels et 
amateurs, un index, un expédient aux recherches plus pro¬ 
fondes. La table des matières contient les chapitres suivants : 
1“ l’anatomie depuis lés temps les plus anciens jusqu’à Vésale; 
2“ Vésale ; 3“ l’anatomie depuis Vésale jusqu’au commence¬ 
ment du xvui® siècle ; 4“ l’anatomie du xviii' siècle ; 5“ l’ana¬ 
tomie de la première moitié du xix® siècle ; 6“ l’évolution de 
l’anatomie jusqu’à notre temps. Parmi les figures plus ou 
moins connues il y en a cinq qui n’ont pas encore été repro¬ 
duites nulle part.,Ce sont des dessins fort bien conservés,, 
pris dü-manuscrit persan Cajus 223/190 datant delà fin du 


— 152 — 

XIII® siècle, et'représéntant les artères, les veines, les nerfs, 
les muscles elles os du corps humain. Le manuscrit se trouve 
dans la bibliothèque indienne à Londres. 

11 va sans dire qu’au commencement du recueil les dessins 
prévalent en nombre aux portraits, plus on avance plus il y a 
une augmentation relative des portraits. De Lint a conçu le 
mot « anatomie » dans un sens bien étendu. Il y a’compris 
l’histologie, l’ontologie, la morphologie, etc., et il finit son 
œuvre par les portraits de Schevann, de Laniarck, Haeckel, 
Darwin^ et de Vries, Au lieu de tous ces portraits, on aimerait 
pourtant mieux à voir quelques dessins caractéristiques pour 
les -grandes découvertes de ces savants. Néanmoins cet 
« atlas » sera ^ sans être complet — un livre très utile pour 
tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la'médecine, et quand 
les volumes suivants seront de la même valeur, nous aurons 
une ressource de plus, qui jusqu’ici n’existait pas sous cette 
forme à la fois synthétique. Et je suis sûr que l'édition 
anglaise, déjà préparée, sera bientôt suivie d’une édition, 
française. D?J.B.E.Van Gils. 

Henry Gha.umartin. — L’Abbayé de Saint-Antoine de 
Viennois et le feu Saint-Antoine, Vienne, Henri Martin, 
1926, in-8, 220 p-, planches. Thèse de médecine de Lyon. 

Le D® Ghauraartin a été bien inspiré dans le choix de son 
sujet, un Viennois étant tout désigné pour écrire riiistoire de 
la grande abbaye de son diocèse. 

Cette thèse, dont la préparation a exigé du temps et de la 
peine, se compose de deux parties. La première raconte 
l’histoire des Antonins et de leur maison-mère, depuis la fon¬ 
dation de l’Ordre en 1095, jusqu’à sa disparition eii 1775. La 
seconde est une étude du feu Saint Antoine, c’est-à-dire du 
mal que les Antonins avaient pour misSon de combattre et 
dans lequel tout le monde s’accorâe aujourd’hui à reconnaître 
les manifestations de l’ergotisme gangréneux. 

Bien qu’il y ait eu une thérapeutique antonienne (dont sans 
doute le bon pain de froment formait l’élément essentiel), les 
maisons de Saint-Antoine, tout comme les ' hôpitaux et les 
, Jiéproséries, s’occupaient moins de traiter des malades que 
d’assurer à dés infirmes, le vivre et le couvert. G’est ce qui 
ressort clairement des premiers mots du Statut réformé de 
1477, où on parle de « substanter et alimenter » les « povres 
. malades attouchés et domaigés du feu gehennal... tant qu’ils» 
' vivront en ce monde ». Ceux à qui on 4oiine le nom caracté¬ 
ristique de « démembrés », les hommes et les femmés quele 




- 153 — 


feu Saint-Antoine a privés d’tin ou de plusieurs membres, trou¬ 
vent dans ces maisons une retraite. 

A noter que l’auteur prend soin de distinguer du feu Saint- 
Antoine, deux affections qu’on confond souvent avec lui : 
l'ig/its sacer de iVirgile, qui serait le charbon et le mal des 
Ardents, qui seraitla peste bubonique. 

D"" Ernest WicKEnsHEiMEn. 

Pietro Capparoni. — PnoFin bio-bibliografici di medici 

E NATURALISTi' CELEBRI ITALIANI DAL SEC.'XV” AL SEC. XVIIl" 

Roma, Istituto naz. medico farmacol, 1925, in-S, 130p.,3Qpl. 

Notre collègue a réuni sous ce titre une trentaine de biogra¬ 
phies d’illustres chédecins et naturalistes italiens, depuis le. 
Bolonais Alessandro Achillini'(1463-1512), qui découvrit les_ 
canaux dits de Warlhon, jusqu’au professeur de Pavie, Làzzaro 
Spallanzani (1729-1799), qui peut êtrexionsidéré comme un 
des pères de la'physiologie moderne.' 

Ces notices ont déjà paru sous forme de feuilles volantes, 
encartées dans la Rassegna di clinica, terapia e scienze afffini. 
Elles mettent en évidence la.part de l'Italie dans le dévelop¬ 
pement des sciences médicales et biologiques, et cette part est 
immense. - , 

En France, nous attribuons trop souvent à des étrangers des 
découvertes de nos compatriotes et c'est ainsi, pour m’en tenir 
à un seul exemple, que nous nous obstinons à donner le nom 
de l’Anglais Cowper aux glandes qui ont été décrites pour la 
première fois par le Français Méry. Les Italiens ont, pàraît-il, 
le même travers ; aussi Capparoni fait-il bien de leur ra.ppeler 
dans sa préface, que Gésalpin a précédé Harvey, que la^ maladie 
dite de Basedow devrait porter le nom de Giuseppe Flaiani, de 
revendiquer pour Baglivi l’honneur d’avoir le premier prati¬ 
qué l’insufflatiOn de laîtrachée, de montrer que Pinel a eu des 
précurseurs en Italie, 

L’auteur promet de donner bientôt une suite à ce beau 
recueil, orné de trente portraits hors texte, au choix et à la 
reproduction desquels un soin tout particulier a été apporté. . 

D'Ernest WiCKERSHEiMER. 

b' IsSA-BeY. — Les INSTRUMENTS MÉDICAUX CHIRURGICAUX 
ET OCULAIRES CHEZ LES Arabes. Revue de l'Académie Arabe,de 
Damas^ n“ 6-7, juin-juillet 1925, pp*; 253-275 ; 7 pl. (en arabe). 

Bonne étude de technologie et d’iconographie faite d’après 
« La Chirurgie d’Abulcasis » du, D' Leclerc, ouvrage devenu 
très rnre aujourd’hui, et l’édition latine arabe dé Channing, 
publiée à Oxford en 1778. Les autres planches sont emprun- 



154 — 


tées aux traductions allemandes des traités arabes sur l’ocu¬ 
listique, notamment celui du médecin d’Alep : Khalifa ben abi 
1-Mahâsin (xm® s. J.-C.). 

Enfin, Tauteur a eu l’heureuse idée d’y joindre, comme point 
de comparaison, une reproduction photographique des instru¬ 
ments médicaux et chirurgicaux trouvés au cours des fouilles 
du vieux-Caire, et conservés au musée arabe. 

D' H.-P.-J. RENA.VD. 

l.-A. Maalouf, — Les PRÉctEux manuscrits de la 
BIBLIOTHÈQUE DU PERE PAUL SabAT A AlEP. Même ReVUC, 
pp. 319-323 (en arabe). 

Les manuscrits arabes relatifs à la médecine sont en majo¬ 
rité dans ce court inventaire. Je relève, entre autres: Avi¬ 
cenne, les médicaments simples (sans doute le 2® Livre du 
Canon)-, copie de l’époque xi® s. J.-G.) avec gloses margina¬ 
les de la main de l’auteur. — Razès, les fièvres (sans doute le 
10® Livre du Mansuri) ; copie du xii® siècle J.-C.— Ibn Jezla, 
Taquîm al-Abdân ; copie du xi® siècle J.-G. Minâj al baïân; 
copie du XVI® s. — Abu Sahl ‘Isa al-Mesihi, 4® et dernière 
partie de son ouvrage sur la médecine, (sans doute le 
« Livre des Cent Chapitres », qui existe à la Bibl. Nation, de 
Paris, n®2883); copie du xi® s. J.-C. — lahia ben Masawîh, 
Traité sur la Pituite. Je ne relève rien de semblable dans les 
oeuvres des deux Mésué figurant dans Leclerc (Hist. de la 
médec. arabe) ou Brpckelmann (Gesch. der arab. Litter.); 
copie du XII® s. J'.-C. — 'Isa ben 'Ali, Mémorial des ocu-’ 
listes ; copie de l'époque (xi* s. J.-C.); etc. 

M. Maalouf me semble attribuer à Avicenne l’ouvrage 
intitulé Z)a/tt‘ al-madarr al-Kolliya lilbadan al-insâniya (gué¬ 
rison delà généralité des maux du corps humain); le mot 
Kolliya, qui est le titre du 1®® Livre dti Canon (le Colliget du 
moyen âge), l’aura induit en erreur. Le Dafa^ al-madarr, est 
dû au médecin espagnol du xn® s. al-Ghâfiqi (cf. Brockel- ' 
mann 1. 488). D®H.-P.-J. Renaud . 


Relevé bibliographique des travaux médico-historiques 
parus récemment dans les publications périodiques 

G. Ferré. Pasteur et la médecine. Actes dé l’Académie 
nationale des Sciences, B. L, et Arts de Bordeaux, 4® S., 
t. V, 1922-24, p. 29-51. — Revue rapide de l’œuvre pasto¬ 
rienne,, avec détails sur le service municipal de prophylaxie 



et de séro-thérapie anti-diphtériques de Bordeaux (créé en 
1894) et l’Institut antirabique de Bordeaux, fondé en 1900. 
Ces services, grossis d’un service d’analyse bactériologique 
des eaihc de la ville, d’un laboratoire de bactériologie pour la 
lutte anti-tuberculeuse, d’un laboratoire de propliylaxie anti¬ 
pesteuse (surveillance des rats), et du service vaccinal, ont été 
groupés en 1903, grâce au D‘‘ Lande, alors maire de la ville, 
sous le nom d’institut Pasteur municipal. 

G. ViAO. Le manuscrit de Pierre Fauchard, Association 
française pour l’avancement des Sciences, C. R, de la 48® ses¬ 
sion, Liège 1924, Paris, Masson, 1925. 1 vol. in-8", p. 846- 
851. — M. Viau étudie le manuscrit intitulé Le chirurgien den¬ 
tiste ou traité des dents, des alvéoles et des gencives... par 
Pierre Fauchard, chirurgien dentiste à Parï>'(1727), conservé 
à la bibliothèque de la Faculté de médecine de Paris sous la 
cote 534 (2232) du catalogue de Boinet. Ce manuscrit, qui 
appartint jadis à J. R. Duval, membre de l’académie de méde¬ 
cine, fut légué par lui à son petit-fils, le D"" René Marjolin. Il 
est l’œuvre d’un copiste, m“ais on y trouve des annotations 
autographes de Fauchard, êt d’autres dues à un correcteur 
dans lequel M. Viau croit pouvoir reconnaître le fameux chi¬ 
rurgien Devaux, l'un des censeurs chargés de l’examen du 
livré, et auquel l'auteur avait soumis son œuvre avant de la 
livrer à l’impression en 1728. La bénévole collaborijitidn de 
Devaux ne saurait d’aiUeurs diminuer le mérite de l'illustri 
fondateur de l’odontologie française. 

J. Goüin et W. Dewing. Historique de la gale, ses traite¬ 
ments au XIX'= siècle. Gazette médicale du Centre, 15 nov. 1925. 
p. 859-898. — La gale était^ connue des médecins grecs, 
romains et arabes (Rhazès). Et même, au xn® siècle, Avenzoar 
et Averrhoés en signalent le parasite : Oriuntur parva anima- 
cula. Au XVI® siècle, Rabelais et Paré mentionnent encore le . 
ciron de la gale. Au xvn'siècle, Mouffet (1634), plus tard 
Bonomo, Redi et Cestoni le signalent ; Linné le classe en 
1734 à côté des mites ou cirons du fromage, et Wichmann, 
de Hanovre, le décrit à nouveau. Ce n’est qu’au XiX® siècl/que 
la théorie parasitaire de la gale tomba dans l’oubli, malgré les 
efforts de Galés, qui ne fut d’ailleurs qu’un mystificateur ; et 
ce fut l’étudiant corse Renucci qui, en 1834, retrouva l’acare 
dans le service d’Alibert à l’hôpital _Saint-Louis. La thérapeu¬ 
tique anti-psorique a subi les vissicitudes de l’opinipn médi¬ 
cale. Bien qu’en 1813, le Hollandais Helraerich eût lancé sa 
fameuse pommade, et que Biett l’eût expérimentée, les théories 



— 156 - 

diathésiques alors en faveur en détournèrent l’attention des 
thérapeutes. Cependant, le soufre, intus et extra, ne laissait 
point d’être apprécié : on utilisait, avec Dupuytren et Alibert, 
les lotions soufrées ; avec Gallet, les fumigations sulfureuses, 
qui duraient 33 jours ! avec Jadelot et Valentin, des liniments 
au sulfure de potasse ; la poudre de pyrrhorel, mélange de 
sulfure de potasse et l’huile'd’olives, adoptée par les hôpitaux 
de Paris, donnait quelques succès,- panachés de nombreux 
échecs, parce que les frictions n’étaient que partielles. D'autres 
s’adressaient aux mercuriaux : pommade au protocblorure de 
mercure de Werlhof, solution de nitrate de mercure de Freitag; 
on essaya les pommades aux extraits de plantes narcotico- 
acres, la staphysaigre ; Cazenave prônait les essences aro¬ 
matiques, thym, menthe, romarin et citron ; et Tun de ses collè¬ 
gues, la térébenthine. Enfin, en 1850-51, Bazin et Hardy, , 
reprirent et codifièrent le traitement d’Helmerich, avec savon- ' 
nage initial, frotte générale, et balnéation ; et leur méthode, 
'très efficace, demeura dès lors classique. Depuis, on recom¬ 
manda les'insecticides: le pétrole,"avec Sariné de Saint-Mézart; 

‘ le baume du Pérou avec Julien (1:864) ; le styrax (1867). En 
1911, Ehlers, de Copenhague, lança le pentasulfure de potas¬ 
sium, qui fut repris, pendant la Grande Guerre, par Milian, 
tandis que Lenglet vante une pommade non sulfureuse à base 
de xylolj^'de pétrole et de Baume du Pérou. J’ajoute que l’emploi 
{Jétrole comme topique en médecine humaine et vétérinaire, 
était connu depuis la fin du xv®siècle, et que, vers 1480, le duc 
de Ferrare avàit fait expérimenter par les médecins de Rome, 
de Naples et de Bologne, les vertus de 1’ « huylle nommée 
Pétroléon. » 

Caillet. Histoire et silhouettes tourangelles de la période 
bretonnienne, ibid, p. 904-907. — Quelques silhouettes médi- 
• dales finement croquées, des familiers de Bretonneau : le D® 
Duclos, de Tçurs, actif, et comme on dit': « très près de ses 
pièces », lequel demeura jusqu’à la fin de ses jours inçonso- 
labl^ d’avoir rendu quinze francs de monnaie contre un louis 
faux. (Heureux temps, où le médecin recevait encore des louis, 
même faux!). Puis son ennemi juré le vieux Miquel, mortel 
généreux, loqueteux et débraillé, qui gâtait les prix et don¬ 
nait ses ordonnances « pour ren ». Citerai-je encore Provost, 
de Luynes, alcoolique qu’on payait en rasades, et qu’il fallait 
consulter à l’aube, quand il était encore à jeun ? Et son suc¬ 
cesseur Leterme, angevin venu de Cmlet, issu d’une mère 
tendre qui s’ingéniait à..réfréner par mille artifices les effu- 




— 157 — 


sions conjugales de son fils, de peur qu’elles ne déprimâssent 
sa santé..., et son ardeur à courir les clients ? 

R. DE Saint-Périer. Les armes et les, blessures préhisto¬ 
riques^ Progrès médical,n® 46,14 nov. 1925, supplément illus¬ 
tré n“ 11, p. 81-85. 

P. Delaunay. Galerie des naturalistes Sarthois, le D^^P,-R. 
Champion,, auteur du Botanicon- Cenomanense, 1698-|773, 
Bull, de la Soc. d’Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, 
IIP S„ t. I, 1Ô25-26, 1®' fascicule, p. 60-66. 

P. DelaüNay. Pierre Belon naturaliste. P. Bélon erpéto- 
logiste, ibidi, p. 67-80. 

•F, De'Lapersonne, Tersoh, Presse médicale, n® 89, 

7 nov, 1925, p. 1485. Un des doyens de l’ophthalmologie 
française ; d’abord élève de la Faculté [de Montpellier,'puis, 
disciple de Wecker à Paris, enfin oculiste à Toulouse où dans 
sa clinique privée, il forma de nombreux élèves, entre autres 
De Lapersorine. "A la création de la Faculté de médecine de 
Toulouse, il fut chargé du cours de clinique ophthamologique; 
mais n’ayant pu.être titularisé, il démissionna au bout de six 
ans. Il vient de s’éteindre à Toulouse, âgé de 87 ans, après 
55 ans de pratique. 

J.-L. Faure. A. Cauchoix (1779-1925), fôtd.,' p, 1485.-^ 
Courte notice ^ur çe' chirurgien d’avenir, prématurément 
emporté par la mort au moment où il venait de conquérir le 
titre de chirurgien des hôpitaux de Paris. ‘ 

P"^ Jeanselme. La lèpre en France au moyen âge, Revue de 
technique médicale, 5® année, n® 42,-nov. 1925, p. 985-993. — 
Au moyen âge, les savants, comme le peuple; attribuent la • 
lèpre à la contagion, à la corruption de l’air, à l’hérédité, èt à 
une alimentation vicieuse. On en connaît déjà presque tous les 
symptômès, y compris l’analgésie, que Paré, plus tard,.com¬ 
mentera longuement. D’où venait la lèpre ? On ne Sait,,. Déjà 
fréquente au v® siècle,'où les codes germaniques légifèrent à 
son sujet, elle manifeste des recrudescences au vii" siècle avec 
lliivasion sarrasine, àU viii® avec les incursions LombardèB, 
aux xii® et xiii" siècle avec le retour des croisades. iLes lépéetix 
sont tantôt traqués et massacrés, quand là crédulité publique 
leur impute la responsabilité de quelque épidémie ; tantôt 
vexés et tenus à l’écatt comme râce maudite (cagôts), tantôt au 
contraire adoptés par la charité chrétienne : Sainte-Catherine 
de Sienne, Elisabeth de Hongrie, Edouard le Confesseül-, 



— 158 — 


Saint François d’Assise leur prodiguent les aumônes. En 
1048, le pape D.amase II créé pour assister les ladres, l’ordre 
de chevaliers de Saint-Lazare de Jérusalem, et tandis que les 
lois médiévales les considèrent comme frappés de mort civile, 
que le pouvoir séculier leur impose de nécessaires, mais 
rigotüreuses mesures d’isolement et de prophylaxie, l’Eglise 
tâche d’améliorer leur sort. Le pape Zacharie promulgue à 
l’in^igation de Saint Bpniface, des mesures relatives au statut 
civil et religieux de ces malheuretrx. Les maladreries se 
multiplient: la plus anciennement connue fût édifiée en 460 
aupi’ès de l’abbaye de Saînt-Oyan (aujourd’hui Saint-Claude); 
vers le milieu du xin' siècle, on compte dans toute la chré¬ 
tienté 19.000 léproseries, dont 2.000 en France. Sil’on a maintes 
fois rappelé le lugubre cérémonial par lequel l’Eglise mettait 
le lépreux- « hors le siècle », il faut.croire que les maladre¬ 
ries n’étaient pas toujours les effroyables in pace qu’a décrits 
Michelet : dans certaines maisons convenablement dotées par la 
charité publique, la vie était assez large et facile pour que des 
intrus cherchassent à s’y glisser, en dépit des minuties de la 
procédure.et de l’enquête de l’official. Des, peines sévères 
étaient infligés aux simulateurs, et l'on sait par Ambroise Paré, 
comment périt sous le fouet du bourreau, « certain maraut qui 
contrefaisoit le ladre ». (Paré, Œuvres, L. XXV, des monstres, 
chap. 22). 

Hautenberg. Le désiquilibre mental de Beethoven, Presse 
médicale, n* 91, 14 nov. 1925, p. 1517. — Issu d’une famille 
flamande entachée de tuberculose et d’alcoolisme, Beethoven 
demeura toujours, cérébralement, un infantile. Réfractaire à 
l’orthographe, il écrivait. fort mal, balbutiait et cherchait ses 
mots, et ne put jamais pousser ses connaissances mathéma¬ 
tiques âu-delà de l’addition et de la soustraction. Ce débile 
mental étaitégalement un débile sexuel. Enfin, une mélancolie 
inquiète et ombrageuse, exacerbée par une surdité précoce, 
une défiance de soi alliée à un orgueil vindicatif et féroce, une 
impulsivité irascible et brutale, de longues rêveries au cours 
desquelles, oublieux des contingences extérieures, il se per¬ 
dait dans l’irréel, à la poursuite de ses thèmes musicaux;’ en 
faisaient un être impossible à fréquenter. Il déconcerta le sage 
Gœthe et. découragea les plus sincères admirateurs comme les 
plus ardentes amitiés. Adonné à l’alcoolisme, il mourut à 
l’âge de 57 ans, d’une cirrhose de Laënnec, 

Ch. Amerling. Purkinje et Claude Bernard, ŸVGsaet médi¬ 
cale, n" 92,18 nov. 1925, p, 1531-1532. — D’abord prépara- 



— 159 — 


teur de la chaire d’anatomie à TUniversité allemande dè Pra¬ 
gue, Purkinje obtint, par le crédit de Goethe, dont la théorie 
des couleurs avait été le point de départ de ses travaux, une 
chaire de physiologie à Breslau (1823). Mais ce n’est pas sans 
luttes ni sans débours, qu’il parvint à fonder la physiologie 
expérimentale. Le gouvernement prussien, docile aux objur¬ 
gations des adeptes de la Naturphilosophie, lui refusa les allo¬ 
cations nécessaires à la création d’un Institut physiologique 
autonome. D’abord réfugié dans un local exigu à l’institut 
d’anatomie, il en fut chassé par le Professeur Ott, et c’est dans 
son logis qu’il installa le laboratoire d’où sortirent ses plus 
belles découvertes. Plus tard, seulement, en 1839, il obtint 
pour ses cours un local officiel. Quoique Professeur allemand, 
Purkinje était resté ardent patriote tchèque. Et lorsqu'après la 
révolution de 1848, la Bohême eut reconquis, à tout le moins, 
son indépendance intellectuelle, notre savant voulut rallumer 
dans sa patrie le flambeau do la médecine scientifique. Appelé 
en 1850 à la chaire de physiologie de l’Ecole de Prague, il 
obtint du gouvernement autrichien les ressources nécessaires 
à l’ouverture d’un Institut physiologique qui fut pendant long¬ 
temps le premier de l’Europe. Très mêlé au mouvement natio? 
naliste tchèque, il fut élu député à la diète de Bohême, et 
entama, en faveur de la création d’une Université tchèque, une 
campagne ardente contre les partisans de la centralisation ger¬ 
manophile que dirigeait Rokitansky. Il finit par triompher : 
en 1866, la langue tchèque obtint droit de cité à Prague, 
concurremment avec la langue allemande. Mort en 1869. Pur¬ 
kinje n’eut pas la consolation de voir fonder l’Université 
tchèque de Prague, qui date de 1882 ; mais il avait bataillé, et 
non sans succès, pour la conception expérimentale de la phy¬ 
siologie, qui fut celle de Magendie et le Claude Bernard, 
contre la physiologie anatomo-pathologique que préconisaient 
Virchow en Allemagne et, à Vienne, Rokitansky. S’étant rendu, 
sur la fin de sa vie, à Paris, il y fit à Claude Bernard, une 
visite qui ne s’effaça jamais de son souvenir. 

Les découvertes de Purkinje Son,t innombrables : appliquant 
à la physiologie sensorielle l’expérimentation subjective, il a 
étendu nos connaissances dans le domaine de la physiologie 
oculaire (images de Purkinje), mesuré le premier le champ 
visuel, et établi les principes' de l’ophthalmométrie et de l'oph- 
ihalmoscopie. Il a découvert la vésicule germinative de l’œuf 
de poule (1825) ; et, avant Breschet, |les canaux spiroïdes des 
glandes sudoripares (1834). Avec'son élève Valentin, il a mon¬ 
tré que'les muqueuses des rejitiles et des raamifères possèdent 



— 160 — 


des cils vibraliles, que l’on ne connaissait avant lui que chez 
les animaux inférieurs. C’est lui encore qui a décrit les 
corpuscules du tissu cartilaineux ; les glandes granuleuses 
de la muqueuse gastrique, étudié l’histologie dentaire vascu¬ 
laire et nerveuse, et formulé, deux ans avant Schwann, la 
théorie cellulaire, 

Séverine. Notice bibliographique sur le professeur agrégé, 
P. E. A. Guébhard, in Annales de l’Institut de géophysique et 
Sciences diverses, n" 1, 1924-1925, p. 2-5, avec répertoire 
bibliographique de 149 articles ou communications relatifs à 
la géologie et à la géophysique, dus au D’’ Guébhard, p. 38-44. 

L. Bérard. La chirurgie Lyonnaise au xix* siècle. Avenir 
médical (de Lyon), 22“ année, n” 9, nov. 1925, p. 195-200. — 
Discours d’ouverture du XXX1V“ Congrès de l’Association 
française de Chirurgie, rappelant la part prise par l'Ecole 
Lyonnaise aux progrès de la chirurgie ostéo-articulaire ; dès 
la fin du xvm'= siècle, Pouteau et M. A. Petit étudient les 
fractures des membres ; dès 1827, Gensoul trace les règles 
opératoires de la résection du maxillaire supérieur ; Pravaz, 
plus tard, inaugure le traitement des luxations congénitales 
de la hanche. Puis viennent les travaux dé Bonnet sur la cure 
chirurgicale et mécanothérapique des tuberculoses ostéo-arti- 
culaires et de leurs séquelles. Ollier s'attache à la recherche 
des processus histo-physiologiques de la régénération ostéo¬ 
articulaire, et à la technique des résections. Elèves de Bonnet 
et d’Ollier, Eug. Vincent, D. Mollière, Tripier, Poncet, Gan- 
golphe et les deux Pollosson étudient l’ostéomyélite, la tuber¬ 
culose et la syphilis osseuses; enfin, de nos jours, Jaboulày 
« découvre des voies et des formules nouvelles » etDestôt, un 
des premiers, applique à la révision de la pathologie squelet¬ 
tique les données nouvelles de la radiographie. 

D' Paul Delacnay. 


Le Secrétaire général. Gérant, 
Marcel Fosseyeux. 



CHRONIQUE DE LA SOCIÉTÉ 


Séance du 1®'' mai 1926. 


Présidence, de M. le La.ignel-Lavastine. 

Etaient présents : Mlle Atamian, MM. Avalon, Bas- 
madjian, Brodier,Colin, Dorveaux, Finot, Fosseyeux, 
Guelliot, Hahn, Hervé, Mauclaire, Nevea, Olivier, 
Récamier, Tanon, Sieur, Variot,Vinclion. 

Excusé-. yi.BAvhé. 

Décès. — M. le Président annonce le décès de 
M. Goldschmidt survenu le 4 mars 1926, à l’âge de 
95 ans ; M. lé D’’ Hervé,qui a suivi sa longue carrière 
de travail et de dévouement à la science, a bien 
voulu se charger d’un article nécrologique sur cet 
excellent membre de notre Société, dont la disparition 
ept l’objet de regrets unanimes. 

M. le Président fait part également de la mort,de 
M. le D'' Maurice Level, un évadé de la médecine, 
qui, bien qu’il ne fut pas membre de la Société, mé¬ 
rite une mention par une activité intellectuelle qui 
s’était étendue au journalisme, au roman et même 
au théâtre. 

Coopération intellectuelle- — En réponse à une de- , 
mande de M. Luchaire, Directeur de l’Institut interna¬ 
tional de coopération intellectuelle, relativement au 
problème de l’échange international des publications, 
M. lé Président a donné lecture de la lettre suivante : 


• - “1162 -- - 

La Société Française cCHistoire de la Médecine, dont je suis 
actuellement le Président et dont le siège social est à la 
Faculté de Médecine de Paris, échange des bulletins avec la 
majorité des journaux étrangers et bulletins de sociétés étran¬ 
gères s'occupant d'histoire de la médecine. Je proposerai que 
ces échanges soient publiés tous les ans. 

Recevant actuellement plusieurs périodiques russes, j’ap¬ 
puie la troisième recommandation que les publications de 
sociétés savantes, éditées en une langue différente des gran¬ 
des langues européennes les plus répandues, contiennent des 
résumés dans l’une de ces langues. 

J’appuie aussi la quatrième recommandation : que les pério¬ 
diques scientiflques veuillent bien consentir des réductions de 
prix en vue de faciliter les échanges et les abonnements sous¬ 
crits par les bibliothèques. En effet beaucoup de périodiques 
allemands auxquels nous étions abonnés avant la guerre, sont 
devenus inabordables depuis la crise actuelle des changes. 

Je crois aussi très pratique là création d’un dépôt, où les 
auteurs et les secrétaires généraux de publications périodi¬ 
ques et de congrès mettraient un certain nombre de volumes 
pour être envoyés à l’étranger. En effet, par exemple, les 
comptes-rendus des congrès encombrent les librairies qui, 
après quatre où cinq ans, s’en débarrassent en les vendant au 
poids. Or ces traVaux sont quelquefois très intéressants pour 
l’expansion des idées et il suffirait de savoir où ils peuvent 
être emmagasinés sans frais pour les sauver de la-destruction. 

La publication des doubles des bibliothèques est aussi très 
utile. Il faudrait même que cette publication comprenne les 
doubles des bibliothèques privées. On aurait ainsi facilement 
un matériel d’échange très riche. 

Centenaire de la mort de P, Pinel, —La Société 
désigne M. Laignel-Lavastine, son Président, pour 
la représenter au centenaire de la mort de P. Pinel 
qui sera célébré au Congrès des Aliénistes à Lau¬ 
sanne et Genève, le 2 août prochain. 

Dons. — M. le D’’ Hervé offre diverses publications 
à la Société, notamment une conférence faite par lui 
sur Strasbourg, centre d'études anthropologiques. 

Candidature. — M, le D*' Halle (Noël), 108, rue du 
Bac, par MM, Rècamier et Vinchon. 



Communications: 

M. le D,'' MaUclaire lit un travail sur les thèses 
présentées à la Faculté de Médecine de Paris au 
XVII® siècle, par Françbis Le Rat (1677) et Claude 
Bourdelin (1691); il en offre au Musée des exem¬ 
plaires imprimés. Son travail soulève différentes 
controverses notamment sur la question de savoir à 
quelle époque on a adopté la langue française pour 
les thèses de médecine. 

M. le D' Dagen présente une série de blasons de 
dentistes parisiens et de blasons à dents humaines 
dont les reproductions paraîtront dans le Bulletin. 

La séance est levée à 6 heures 1/2. 


Séance du 6 juin 1926. 


Présidence de M. le-D’’ Laignel-Lavastine. 

Etaient présents : MM. Avalon> Bàsmadjian, Beau- 
pin, Berillon, Brodier, Finot, Fosseyeux, Gigon, 
Hervé, Jeanselme, Mauclaire, Meiietrier, Olivier, 
Récamier, Rouvillois, Sieur, Torkomian, Tricot- 
Royer. 

Candidats présentés: 

MM. Busquet (D''), Bibliothécaire de l’Académie 
de médecine, 76, rue Bonaparte, par MM. Laignel- 
Lavastine et Menetrier ; 

Chaumartin (D''), 1, port de l’Ecu, à Vienne (Isère), 
par MM. ’Wickersheimer et Guiart ; 

Gervais (D’’Albert), 38, rue de Ghezy, à Neuilly, 
par MM. Tricot-Royer et Menetriér ; 

Triqüeneaux (D' L.), à Avesnes-sur-Helpe (Nord), 
par MM. Laignel-Lavastine et Menetrier. 



— 164 — 


Communications : 

A propos du procès-verbal M. le D’’ Olivier donne 
quelques explications sur les ex-libris de Fagon et de 
Dodart. 

M. le P'' Menetrier continue son exposé relatif aux 
papiers de Magendie offerts au Musée de la Société 
par M. le D'' Henriot et qui lui permettent de recons¬ 
tituer les étapes de la carrière de ce grand physio¬ 
logiste. 

M. le D' A Finot utilise les papiers laissés par son 
grand’père le D’’ E. Audigé, praticien dans l’Yonne, 
de 1851 à 1899, pour reconstituer là vie d'un étudiant 
en médecine pendant la seconde République, il s’atta¬ 
che notamment aux répercussions de la révolution 
de 1848 sur la jeunesse des Ecoles et aux mesures 
prises pendant l’épidémie de choléra en juin- 
juillet 1849. 

M. le D'' Tricot-Royer lit une étude intitulée : 
Remarques d'ordre anatomo-physiologique sur les 
représentations de l'âme dans l'art chrétien. Il étudie 
successivement un certain nombre de documents 
iconographiques ayant trait aux âmes des justes, les 
âmes des médiocres ou âmes pygmées ; les âmes des 
vivants, les âmes du purgatoire, les âmes damnées, 
cherchant à établir d’après la statuaire et la minia¬ 
ture une sorte de « canon >» pour chacune de ces 
représentations. 

Cette étude est suivie de différentes remarques 
de MM. Avalon, Menetrier et Laignel-Lavastine, qui 
à l’appui de la thèse de l’auteur citent d’autres exem¬ 
ples d’œuvres d’art diverses (vitrail de l’Hospice de 
Beaune, Harpies du Britisch Muséum, gravures sur 
bois du XV' siècle, etc,)., 

La séance est levée à 6 h. 1/2. 



~ 165 — 


DES TEMPERAMENTS BtLIBüX ET MÉLANCOLIQUES 

Par MU. L,i%lGIVE!L.-L.AVALSTiniE: et Jean VlIVCBOIV. 


La notion de tempérament est dominée par celle 
d\ine âme végétative, analogue à celle des plantes, 
qui est une forme de l’harmonie entre les éléments 
du monde : le feu, l’air, l’eau et la terre avec leurs 
qualités : la chaleur, le froid, l’humidité, la séche¬ 
resse. Cette harmonie ou xpaon'ç donne la vie aux plan¬ 
tes, mais elle anime également l’homme. 

Platon avait placé dans le foie une âme matérielle 
et mortelle, qu’il opposait à l’âme rationnelle céré¬ 
brale. Cette âme végétative, dit le philosophe dans le 
Timée, est placée aussi loin que possible du cerveau, 
afin que l’âme rationnelle ne soit ni troublée, ni dis¬ 
traite par ses appétits grossiers. Dans la République, 
Platon nous montre les méfaits de l’âme végétative à 
l’occasion des songes :^« Comme pendant le som¬ 
meil, la partie de l’âme, qui est le siège de l’intelli¬ 
gence, est languissante et assoupie et que la partie 
animale est encore excitée parle boire elle manger 
qui surcharge le corps, celui-ci profile du sommeil 
pour se livrer à son délire. Alors les images les plus 
déraisonnables viennent l’assiéger ; on croit avoir un 
honteux commerce avec sa mère ; cette ivresse, ne 
distingue rien, ni dieu, ni homme, ni bête; aucun 
meurtre, aucune cruauté ne lui fait horreur ; aucune 
infamie, aucune témérité ne l’effraie. » 

Galien, qui a étudié les tempéraments dans ses 
trois livres jcepi xpaorÉwv, a envisagé en plusieurs en¬ 
droits les rapports des deux âmes. Dans Vutilité des 
parties du corps (1), Daremberg donne une version 

(1) Traduction Daremberg, t. I, chap. Iv, Par. XIII. 

Æui.Soc. t. XX, n" 8-6 (mai-juin 1926) 



d’une phrase de Galien sur ces rapports qui nous pa¬ 
rait peu claire : « La partie raisonnable qui constitue, 
l’homme, partie située dans l’encéphale, a l’irascibi¬ 
lité pour serviteur, pour appui, pour défenseur con¬ 
tre cette bête sauvage. » Of il traduit 0u[xov par irasci¬ 
bilité ; remplaçons ce mot par humeur et nous cons¬ 
taterons que Galien pense comme les modernes que 
rhumeür est l'intermédiaire entre l'intelligence et la 
sensibilité générale^ notion dont les aliénistes contem¬ 
porains ont tiré le plus grand profit. Galien, qui 
n’avait sur l’âme aucune notion précise, bien que ses 
tendances fussent plutôt matérialistes, usait souvent 
de comparaisons empruntées à l’anthropomorpbisme, 
qui déformaient sa pensée. Le chercheur ne peut la 
reconstituer qu’en éclairant l’un par l’autre les pas¬ 
sages de son œuvre. 

Yüâme végétative^ qu’il connaissait beaucoup mieux, 
étant plutôt physiologiste que psychologue, déter-; 
miné les tempéraments nombreux et qui diffèrent 
beaucoup entre eux. Les excès de bile jaune prédis¬ 
posent au délire et ceux de bile noire à la mélanco¬ 
lie, de même que l’excès de phlegme ou de toute 
autre matière refroidissante favorise le lethargus et 
par conséquent la perte de mémoire et de l’intelli¬ 
gence. 

h'âme rationnelle, si elle a une existence particu¬ 
lière, est l’esclave du corps et varie avèc les tempé¬ 
raments, qui peuvent la chasser du corps, la con¬ 
traindre à . délirer, la priver de mémoire et d’intelli¬ 
gence, la rendre triste, timide ou abattue. 

Le foie, malgré son rôle important dans la produc¬ 
tion des biles jaune ou noire et de leurs effets, n’a 
qu’un tout petit nerf, car en dehors de sa faculté d’en¬ 
tretenir l’âme végétative, il est incapable de mouve¬ 
ment ou de sentation, Ce petit nerf est distribué sur 
la tunique péritonéale et n’adhère pas du tout aux 
viscères, qu’il ne pénètre qu’en partie. Mais les orga¬ 
nes peuvent échanger leurs facultés par simple voi¬ 
sinage et c’est par cette transmission que l’âme végé¬ 
tative se propage au corps. 



— 167 — 


Telle est l’opimon de Galien sur les rapports du 
physique et du moral, c’est-n-dire le point qui nous 
intéresse de la physiologie du foie. Roger Glénard, 
dans un article paru dans Æsculape ^éiuàié les autres 
particularités de cette physiologie dans l’œuvre de 
Galien. 

Pendant de longs siècles, les médecins allaient 
vivre sur ces données antiques. Nous ne recommen¬ 
cerons pas après tant d’autres l’histoire des tempéra¬ 
ments, qui n’a guère varié que par des détails infimes 
jusqu’à la fin du xvm® siècle. A cette époque on lit 
dans les livres classiques la*description des neuf tem¬ 
péraments d’après Galien : les quatre simples, sa¬ 
voir : le chaud, le froid, le sec et Vhumide ; les com¬ 
posés qui renferment en eux deux des qualités des 
premiers et qui sont les tempéraments sanguin, 
bilieux, pituiteux et mélancolique ; enfin le tempéra¬ 
ment tempéré, àans lequel les qualités des premiers 
sont combinées dans de justes proportions (1). 

Dans le tempérament bilieux, le médecin observe 
plus nettement que.dans le tempérament sanguin la 
vaso-dilatation périphérique. La peau des malades, à 
la face, est rouge foncé. La transpiration est abon¬ 
dante. Les sujets sont maigres. Leurs cheveux sont 
souvent roux. Le « rousseau » Ronsard était un bi¬ 
lieux et les médecins de son temps voyaient dans son 
tempérament l’origine de son orgueil, quand il s’ima¬ 
ginait q^ue la poésie était née avec lui en France. Mais 
ils constataient aussi*'qne c’était là la cause de son 
lyrisme et de la noblesse de ses vers. Sa santé était 
délicate, interrompue par'des crises de goutte'el les 
suites d’une vie déréglée. Tel était le portrait médi¬ 
co-historique d’ün illustré « bilieux » au xviii®siècle. 

Daignan trace avec plus de réalisme le crayon du 
biliéux. Tout est extrême chez lui. La bile, .qui le 

(t) Voir; Lk Camus, Médecine de VEsprit. Paris, Conneau, MDCCLXIX. 
, Dufour. Essai sur les opérations de t entendement kùmain et sur les 
maladies gui les dérangent. KmatÈTiam, tlletl\a, MDCCLXX. 

DaiokAN. Tableau des variétés de la vie .humaine. Paris, MDGCLXXXyl. 



— 168 — 


domine laisse des traces partout. La peau est plus 
ou moins brune et jaunâtre, rude, sèche et velue. Les 
bilieux sont maigres, secs, mais très forts, très 
robustes et très vigoureux. Leurs yeux étincelants; 
leur air grave, leur barbe drue, leurs cheveux blond 
foncé ou noii;s et fournis, leurs muscles grêles, leurs 
grosses veines, leurs membres nerveux, leur compo¬ 
sent une physionomie particulière. Ils sont prompts, 
hardis, braves, entr.eprenants avec une imagination 
vive et juste, une conception aisée et un grand dis¬ 
cernement, mais la colère et les emportements pas¬ 
sionnels peuvent être les fruits de^ ce tempérament 
poussé à l’extrême. Leurs-réflexes sont très vifs; leur 
sensibilité excessive les expose à toutes les affections 
de Tâme. Faciles à choquer, ils nourrissent des hai¬ 
nes violeàtes contre leurs adversaires et peuvent, au 
service de ces'haines, employer la malice, la fourbe¬ 
rie et la ruse. 

Le médecin doit éviter, en présence de ce tempé¬ 
rament, de conseiller les remèdes violents, mais les 
« délayans tempérans », comme l’on disait alors, 
c’est-à-dire les limonades, le petit lait, l’eau de pou¬ 
let, les lavements, le's bains, les fermentations, les 
apéritifs, les « fondans », les, purgatifs les plus doux 
et lès mieux placés. La saignée ne devra être mise en 
oeuvre qu’à propos. ' 

Nous retrouvons les bilieux dans tous les ouvrages 
du tenips qui traitent des passions, et ils sont légion, 
même si on laisse de côté Descartes et Pascal et si 
on se cantonne dans la littérature médicale (1). 
William Falconer, étudiant les effets de la colère, 
note qu’à leur tour les états 'passionnels violents 
peuvent réagir sur les organes, que la colère, par 
exemple, amène parmi êes effets des vomissements 
et de la diarrhée, qu’elle augmente la sécrétion de 
la bile. La crainte produit les mêmes effets, ralen¬ 
tissant' en outre le pouls et le rendant intermittent, 

(1) Lallemant.' Essai sur le méchanisme des passions, Paris, te Prieur, 
MDCCLI; — FaIconeb. De l'influence des passions sur les maladies du 
corps humain, Paris, Knapen, 1788. 




affaiblissant les forces digestives, causant des fla¬ 
tuosités, des renvois acides et d’autres symptômes, 
qui indiquent que l’estomac et les intestins ont 
perdu de leur, ressort. Ainsi les tendances du tem¬ 
pérament sont aggravées par les accidents mêmes 
qui sept dus a ce tempérament; la colère aggrave 
l’état du bilieux, comme la crainte celui du'mélan- ' 
colique. ' 

Le tempérament mélancolique ou atrabilaire se 
rapproche du bilieux, par le rôle de la bile, mais 
s’en écarte par les qualités de Cette humeur. Dans, 
le premier cas, la bile jaune circule facilement ; 
dans le second, la bjle noire ou atrabile est épaisse 
et peu fluide. 

Le mélancolique est maigre, hlême, sec et déchar¬ 
né. 11 a la pea'u noire et brûlée ; son air est austère,, 
son regard dur ; on voit les mélancoliques sombres, 
tristes, taciturnes, fiers et obstinés. Leurs passions 
même violentes sont bien dissimulées. Ils ont 
beaucoup d’esprit, et se montrent pénétrants, vifs 
et méditatifs. A l'inverse des bilieux leur visage est 
pâle et marque une vaso-constrictiôn périphérique. 

• Dans les cas légers, leur timidité et leur apparence 
dé'chagrin ne sont pas d’aussi grands maux qu’on . 
pourrait se l’imaginer. Ils possèdent la sagesse de 
l’Ecclésiaste cor sapientium ubi tristitia. Le goût 
de la méditation les porte aux^ sciences abstraites, 
profondes et de longue^haleine. Galien avait déjà; 
signalé ces qualités du tempérament mélancolique 
et les attribuait à la noirceur des esprits émanés de 
l’âme végétative. 

. Mais les mélancoliques, sont difliciles à manier 
en médecine, comme dans la société. Chez eux, dit 
Dufour, les esprits contractent l’habitudè de couler 
avec cèrtains éfegrés de mouvement et dans certains 
endroits particuliers, comme dans des chemins 
battus ; de là naît lè penchant insurmontable qu’ont 
ces malades pour penser obstinément d’une certainé 
maniéré. 



_ 170 — 

Exprimée dans la langue du xviii” siècle, cette 
vérité est toujours actuelle ; elle constate la mono¬ 
tonie des délires des mélancoliques. 

Il leur faut, comme aux bilieux, un traitement et 
un régime modérés, car plus qu’eux encore, ils sont 
sujets aux obstructions, à la tristesse et aux affec¬ 
tions hypocondriaques. Les médicaments employés 
seront rafraîchissants et légèreblent toniques. Le 
médecin y joindra des bains, des frictions sèches et 
des exercices modérés. Le mélancolique devra 
fréquenter une aimable compagnie et fuir les tris- 
.tesses, les méditations, les disputes, auxquelles il 
n’est que trop enclin. Purgatifs et saignées seront 
employés avec la plus grande ^prudence. On voit, 
d’après ces conseils et le tableau que nous en avons 
donné, que le mélancolique malgré sa tristesse et 
sa tendance à l’isolement n’est pas un déprimé : 
tout au plus peut-on le rapprocher de certains asthé¬ 
niques constitutionnels, dont le rendement social 
pourra être considérable, s’ils savent, à l’exemple 
de Messieurs de Port-Royal, discipliner leur vie et 
bien adapter leurs efforts. 

Les tempéraments bilieux et mélancoliques,, au . 
xviii® siècle, reritrént dans la règle générale. Ils ^e 
forment à la puberté. Auparavant le tempérament 
est presque le mênie chez tous les individus. Pour¬ 
tant la constitution physique divise déjà les enfants. 
L’un a la peau blanche, le teint vermeil, les yeux 
bleus et vifs, l’autre la peau brune, les yeux noirs ou 
gris cendré, un troisième tient le milieu entre les 
deux extrêmes ; un dernier a la peau blanche et 
mate avec des yeux bruns et languissant. L’un. 
devient sanguin, l’autre , bilieux, celui-ci mélanco¬ 
lique et cet autre phlegmatique; à mesure que le 
corps se développe. ; 

En pratique les enfants présentent un tempéra¬ 
ment fort ou faible. Les forts se montrent plus 
précoces, mais il peut arriver que des enfants, 
jusque-là vigoureux, dépérissent tout à coup et que 



— 171 - 

d’autres, jusque-là malingres, prennent de la force et 
de l’énergie. Le tempérament se développe avec les 
glandes sexuelles et celles-ci réagissent à leur tour 
sur l’économie générale. Le bon Ambroise Paré avait 
déjà remarqué la ce grande vertu » des glandes 
génitales et leur influence sur les caractères 
sexuels secondaires, mais il faut arriver à la fin du 
xvm® siècle pour que des médecins philosophes, 
entrevoyant l’action de ces organes sur les échanges 
vitaux, fassent débuter la formation des tempéra¬ 
ments avec le développement définitif des glandes 
sexuelles. . . 

Sommes-nous, plus avancés aujourd’hui dans 1^ 
connaissance de « l’âme végétative »? Certes, nous 
savons que cette « âme » a à son service un système- 
nerveux, qui porte le même nom qu’elle, le groupe 
des systèmes sympathiques, auxquels l’un de nous 
a consacré une monographie importante (1). 

Le foie a une action toute particulière sur le 
système vagal et les vagotoniques rappellent par plus 
d’un trait les mélancoliques des vieux auteurs, 
alors que les bilieux^ tels que nous les avons décrits 
d’après les textes anciens, répondraient plutôt aux 
hypersympathiques. Mais ces concordances sont 
toujours un peu artificielles et dans des domaines si 
complexes il ne faut pas vouloir forcer les traits 
pour faciliter les ressemblances. 

Nous avons simplement voulu montrér combien 
les anciens avec juste raison s’occupèrent des tempé¬ 
raments, dont la connaissance en médecine est si 
importante qu’on s’explique mal le discrédit dans 
lequel était tombée leur étude. 

Laignél-Latastine. — Pathologie du sympathique, Paris, Alcan, 



172 — 


CONTRIBUTION A L’ÉTUDE D’UNE CONTROVERSE 
AU XVni'’ SIÈCLE 

Par le Dr George* 

(Zagreb, iroiigoelavle.) 


Les idées d'un siècle comme elles sont contenue 
dans les .livres sont en général mortes, dépourvues 
de passion, faites pour l’éternité. Or c’est justement 
la passion, qui donne de la force et de la vigueur aux 
idées, qui les fait vivre. C’est pourquoi les idées d’un 
siècle passé nous semblent souvent ridicules et même 
dépourvues du bon sens bien qu’elles sont nées 
dans des cerveaux éminents. Mais pour comprendre 
une idée appartenant à une génération disparue il 
faut lui rendre sa forme vivante, passionnée. 

Quelques lettres d’un médecin de Raguse, qui 
nous sont conservées par un heureux hasard, nous 
donnent un aspect intéressant de la lutte acharnée 
entre deux écoles scientifiques aux jours de jeu¬ 
nesse de la science moderne. C’est pourquoi je les 
communique. 

Petar Bianchi est né à Raguse le 9 mars '1699, le 
sixième enfant de ses parents, d’origine humble, son 
père était lapidaire. Dans la- première jeunesse il perd 
son père, qui est mort le 12 août 1700 et il reste avec 
sa mère dans des conditions précaires et modestes. 
Pourtant il a pu fréquenter le lycée des Jésuites à 
Raguse et la philosophie des Franéiscains. Pour étu¬ 
dier la médecine il partit pour Naples muni d’une 
bourse de la République de Raguse. A Fâge de 22 ans 
il a déjà acquis le titre de docteur en philosophie et 
en médecine. En 1722 il fréquentait les Universités 


Bul.Soc.HUl.Méd., t. XX, n" 6-6 (mai-juin 1926) 



— 173 — ' 

de Venise et de Padoue pour se perfectionner en 
médecine. 

Son maître à Padoue était Antonio Vallisnieri 
(1661»1730), professeur de la médecine théorique à la 
faculté. A cette époque, pendant laquelle Blanchi se 
trouvait à Padoue (1722-1723), Vallisnieri participa à 
une dispute scientifique, qui intéressa beaucoup le 
monde scientifique de son temps. Il s’agit de la dis¬ 
pute entre les animalculistes et les oculistes. 

En 1721 Vallisnieri publia à Venise un livre inti¬ 
tulé: « Istoria délia generazione delP uorao, degli 
animali se sia de vermicelli sperraatici o dalle uova, 
con un trattato, nel fine, délia sterilità e dei suoi 
remedi ». Peu de temps après (1722) un jeune méde¬ 
cin, Jean Cristophe Paitoni (1703-1788), probablement 
lui aussi originaire de Dalmatie (de Zara), publia un 
livre « De generatione hominis » en qualité d’une 
réponse scientifique au livre du célèbre professeur. 
Dans ce livre Paitoni publia deux travaux. Dans le 
prèmier il explique ses idées ovulistes, mais son 
sujet principal, est de montrer que les petits vers, 
qu’on voit souvent dans le sperme des hommes et 
des animaux, n’ont pas, comme l’affirme Vallisnieri, le 
but de conserver le sperme en empêchant la coagu¬ 
lation par leur mouvement, mais que ces vers, s’il y 
en a, comme il ajoute, n’ont pas du tout d’importance 
et sont des trouvailles casuistiquôs. Dans le deuxième 
de ses travaux Paitoni cherche à réfuter lés argu-, 
ments des animalculistes et en même temps il affirme 
que la conception se fait dans l’utérus et non, comme 
le croit Vallisnieri, dans les ovaires. Il est intéres¬ 
sant de noter qu’en ce qui concerne les ver^ dans le 
sperme, Morgàgni était presque du même avis que 
Paitoni. 

Pour défendre son maître, Blanchi écrit deux let¬ 
tres adressées à son anii le prosyndic de la faculté 
artistique de Padoue, Nicolo Salvator Sardagna. Ces 
lettres n’étaient pas destinées à.la publication et elles 
n’étaient jamais publiées, mais pourtant on les a 
distribuées en copies parmi les étudiants de Padoue 



_ 174 ^— 


qui étaient pour la plus grande partie partisans de 
Vallisnieri. La première lettre parut parmi les étu¬ 
diants en décembre 1722 et la seconde lut achevée, 
d’après une remarque de Blanchi, à Venise le ^jan¬ 
vier 1723. ' 

Paitoni sut se procurer ces lettres et il ne tarda 
pas à y répon'dre. En 1724 parut son apologie « Vin- 
diciæ contra epistolas Pétri Blanchi a. Dans cette 
apologie on trouve aussi une copie des lettres de 
Blanchi et c’est par cette circonstance bizarre que ces 
lettres, si intéressantes pour le temps, nous sont 
conservées. , 

Dans ses lèttres Blanchi reproche à Paitoni (mais 
sans prononcer le nom de son adversaire l’appelant 
seulement « academicus quidam »), d’avoir osé après 
le livre érudit de Vallisnieri publier quelque chose 
sur le même sujet. Tous les amis de Paitoni, qui lui 
ont conseillé de publier son petit travail, ne pourront 
pas l’empêcher de se rendre ridicule devant des gens 
sérieux. Surtout il reproche à Paitoni d’avoir écrit 
malgré sa jeunesse ; en écrivant, Paitoni avait à peine 
passé 19 ans (et il était déjà docteur en philosophie et 
en médecine !). ' 

Et comment pourrait-on, dans ces questions 
difficiles, savoir, quelque chose d’un jeune homme 
qui n’a jamais étudié l’anatomie ! Il a aussi la mau¬ 
vaise coutume de faftre suivre ses idées immédiate* 
,raent après^ les idées des autres, sans doute pour 
mieux montrer la sottise de ses propres idées. En 
somme Blanchi ne voulait guère épargner Paitoni ; 
il appelle ses travaux « nugas, fabulas, figmenta, 
commenta, somnia », et il ajoutp que Paitoni écrit 
« cum pessimo consilio in æmulatione stultissima ». 
Paitoni a essayé d’écrire « Iliada post Homerum » et 
d’une qualité infime « nullis opibus ingenii, nullo 
præterea industriæ ». Paitoni parle de faits ridicules, 
entre autres celui « cujus ünicum modo auctorem- 
réperio, ova virginihus æque et muiieribus nullo 
coitus, et abstinentiæ discrimine ad uteri cavitatem 
delabi ». 



175 — 


Ces quelques exemples savoureux et vigoureux 
nous donnent une impression saisissante de débats 
scientifiques de l’époque. 

A l’apologie de Paitoni une préface fut écrite par 
Francisco Ludovici, médecin distingué de Venise. 
Celui-ci conseille à Paitonf d’être poli dans les débats 
scientifiques et*il exagère la politesse de Paitoni, 
mais en même temps il commence à outrager Blanchi 
en disant de ses lettres « ■ ubique rabie et felle cons- 
persas itaut in illis neque modus, neque modestia 
ulla animadverti possit », et il n’abandonne pas 
jusqu’à la fin ce ton énergique. Surtout il note com¬ 
me une qualité importante que Paitoni écrit le latin 
sans fautes, tandis que Blanchi en fait beaucoup. En 
réalité Paitoni est très poli, quand il affirme qu’il' 
aimerait mieux avoir Blanchi comme collaborateur 
que comme adversaire. 

Mais aussi d’un point de vue des opinions scienti¬ 
fiques et surtout de la méthode des recherches de 
l’époque, cette dispute nous donne quelques notions 
intéressantes, / 

Pour montrer que les vers qu’on trouve quelque¬ 
fois dans le sperme sont sans importance, Paitoni 
note que Vallisnieri lUi-même admet qu’on trouve 
quelquefois du sperme qui ne contient pas de vers. 
Blanchi, au contraire, cherche à prouver que dans ces 
cas il y a d’autres causes (ceusæ succenturiatsé) qui 
conservent le sperme. Gomme exemple il cite le cas 
de figues, qui peuvent se développer dans tous les 
pays en se fécondant pàr soi-même excepté en Grèce 
ou la fécondation se fait seulement par une sorte 
d’insectes. 

Pour démontrer la conception dans l’utéi’us Pai»- 
toni cite un caS où une. fetnme graVide est morte sou¬ 
dainement par lésion traumatique et à l’autopsie, bn 
a trouvé les ovaires « fonde stirrhosa » donc incapa¬ 
bles d’une conception. Blanchi admet que la maladie 
des ovaires a pu exister avant la mort,mais qu’elle 
n'était pas si développée et importante au moment de 
la conception. 



— 176 — 


Ces faits nous montrent qu’à cette époque, l’usage 
de la dissection des cadavres était déjà très établi et 
répandu. Gela confirme aussi raffirmation de Paitoni 
d’avoir déjà souvent vu « ovaria, oviductus, et matri¬ 
ces in ovibus, in canibus ac in mulieribus quoqùe » 
« ea accuratissime dissecando ». Blanchi lui aussi, 
parle souvent de ses exercices anatomiques et des 
expériences faites sur le cadavre, surtout il donne 
une description des tubes et de leur position. 

On voit aussi la tendance aux recherches exactes 
chez Paitoni. Il nous assure qu’il veut continuer ses 
recherches sur le lieu de la conception après avoir 
trouvé quelle est la cellule dans l’ovaire qu’il faut 
considérer comme œuf (ovulum). 

Blanchi est, de plus, fier de son talent d’observa¬ 
teur. Vallisnieri avait déjà, remarqué que le sperme 
des libertins est plus fluide que le sperme normal et 
il en conclut « condi in vesiculis partem seminis, nec 
inde nisi per coitum proficisci ». A cette observa¬ 
tion, Blanchi ajoute que la bile, elle aussi, devient 
plus dense si elle est empêchée de s’écouler réguliè¬ 
rement. 

Le reste de la vie de Blanchi diffère peu du cours 
normal d’une vie heureuse. Il n’a jamais plus écrit 
sur sa dispute contre Paitoni, malgré qu’il ait pro¬ 
mis à Sardagne au commencement de la deuxième 
lettre de le faire. Mais à la fin de la même lettre 
il a déjà oublié sa promesse et il considère l’af¬ 
faire avec Paitoni comme finie. D’ailleurs, il a bien 
réussi avec ses lettres, puisque Paitoni n’est reve¬ 
nu à son sujet qu’en 1772 avec une brochure, mais 
sans l’ardeur de la jeunesse, clins Jp forme d’une 
conversation. 

Blanchi retourna en 1726 à Raguse où il exerça la 
profession de médecin du sénat de là République 
avec beaucoup du succès matériel et moral. On sait 
qu’il a'fait un voyage en Turquie « in ditionem Turci- 
cam (probablement Bosnie), où on appelait souvent 
les médecins de Raguse. 

En 1731, on le trouve à Vienne cherchant la permis- 



— 177 — 


sion du gouvernement de Raguse de rester à Vienne 
pendant six mois pour se faire soigner d’une maladie. 
Mais quand il a vu qu’il peut se faire une existence 
à Vienne il ne pensa plus à retourner à Raguse. 

AVienne il exerça sa profession avec succès. Il était 
soujent appelé à la cour et comptait dans sa clien¬ 
tèle l’aristocratie viennoise.'Blanchi est mort à Vienne 
le 7 janvier 1747 d’apoplexie sans être marié et sans 
enfants. Son séjour à Vienne fera le sujet d’une pro¬ 
chaine communication, • 

Dans la présente communication, il faut souligner 
deux faits intéressants : les débats sciéntifiques au 
xviii“ siècle étaient menés avec une vigueur extraor¬ 
dinaire, surtout en Italie ou le tempérament méridio¬ 
nal contribuait à la véhémence. Mais, comme de nos. 
jours, on reprochait à son adversaire des qualités qui 
n’ont rien à faire,avec la valeur scientifique de ses 
opinions. . 

La dissection des cadavres était plus répandue 
qu’on ne le croit en général ; elle était employée cou¬ 
ramment par les ihédecins s’intéressant aux ques¬ 
tions scientifiques. 

DOCUMENTS 

Appendini. — Notizie istorico-critiche II. 

Cerva. — Bibliolheca Ragusina IV. 

Dolci. — Fasli litterario-ragusini. 

Facciolati. — Fasti gymnasii Patavini. Patavii .1757. 

Koerbleu Djuro. — « Rad » de l’academie Yougoslave. 
Tome 196, 1913., 



— 178 — 


LE PERSONNEL MÉDICAL DE LA BASTILLE 

MÉDECINS, CHIKURGIENS, SAGE-FEMME, 
CONSüLTANTS^& SPÉCIALISTES. 

(>ar les docteups Paul SÉRIEUX et Roger COULA.RD. 


Dans son histoire de <f La Bastille », ouvrage le 
plus complet qui existe actuellement sur la célèbre 
forteresse-prison (1), Fernand Bournon, quoiqu’il se 
soit « appliqué à réunir le plus de documents pos¬ 
sible sur toutes ces charges assez ignorées du méde¬ 
cin, du chirurgien » n’a donné que peu de détails sur 
le personnel médical. 

Grâce à de longues recherches, et en nous appuyant 
uniquement sur des pièces d'archives (2), prêsque 
toutes inédites^ nous allons étudier, avec quelque 
développement, les rôles du médecin, du chirurgien 
et de la sage-femme de la Bastille. Nous montrerons 
ensuite que des médecins et des cliirurgiens consul¬ 
tants, des spécialistes, étaient appelés'encas de néces-^ 
sité (3). 

I. — Lé Médecin de la Bastille. 

Le médecin de la Bastille était nommé par le Roi et 
n’entrait en fonctions qu’après avoir prêté « serment 
de fidélité » devant le premier médecin de Sa Mar 

fl) F. Bournon. — La Bastille (histoire, description, administration), 
Paris 1894, in-4«, XIV-364 pages. ' 

(2j Bibl. Arsenal. — Arch. de la prélect. de police. — Archives natio¬ 
nales. — Bibl. nationale. — Bibl. Maüni'ine. 

(3) La Bastille, d’abord simple forteresse, ne devint prison d’Etat que 
sous le ministère de Bichelieu. Les Archives de la Bastille ne furent 
classées et cataloguées qu’à partir de 16&9. On n’a donc sur le régime 
intérieur de la prison, avant 1660, d’autres détails que ceux qu’on trouve 
dans les mémoires de gens qui y turent enfermés. 

Bul.Soc.fr.d'Bkl.Méd., t.XX, n"‘6-6(mai-juin 1926) 



— 179 — 


jesté (1). Il n’était pas logé à la Bastille. Le poste était 
des plus recherchés ; aussi ne l’obtenait-on qu’au 
prix de « vives sollicitations ». • 

Le traitement fût, en 1687, de 200 livres par mois, 
et seulement, de 1200 livres par an, en 1711. Pour les 
années suivantes,, « les médecins du Roi ayant été 
rétribués sur un article spécial du budget royal, nous 
ne saurions dire quels émoluements leur revenaient 
du chef de leurs fonctions à la Bastille «. (Bournon). 

Onexigeaitdu médecin de la Bastille,outre la science 
et le dévouement, une discrétion absolue. D’ailleurs, 
il ignorait, presque toujours, le nom de son malade (2). 

Berryer, lieutenant général de police, mande, le 
22 mai 1754, à Chevalier, major de la Bastille : ■ 

« Ne manquez pas d’écrire à M. Boyer, le médecin; 
devenir au château pourvoir ce prisonnier, sans le 
luy nommer, comme vous savez que c’est l’usage (3). » 
Ainsi^ s’expliquent les phrases suivantes, extraites 
de rapports du médecin au lieutenant de police : 

J’ai vu, cette après-midi, la personne qui a été 
saignée, ce matin... (4), » 

« J’ai vu, ce matin, un malade à la .3° (chambre) de 
la tour du coin... (5). » 

D’autre part, entre le médecin et le malade, il ne 
pouvait être question que de maladie. C’est pourquoi, 
Latude s’attira, un jour, cette semonce du lieutenant 
de Roi : « Monsieur le médecin ne doit vous écouter 
que quand vous lui parlez de vos maladies, et si vous 
lui parlez de toute autre chosé, nous allons sortir. » 

(1) A-rsenal 12474-12609. Arch. nal. O«410. - 

(2) Cette disposition était .générale, et ne s'appliquait pas seulement , 

autpersonnel médical. « Les noms des détenus n'etaient jamais pronon¬ 
cés; ils étaient remplacés par le nom de la tour et le numéro de leur 
étage, ou chambre. » Bégis : le t-egitlre d'écrou de la Bastille, de 1182 
à 1189. Nouvelle Reyue déc. 1880. Bien plus, « c'était un usage dans les 
prisons d’Etat. » (Ruvaisson.) ‘ , 

.(3) Ars, 12494. .. . 

(4) Rwaisson. — Archives de la Bastille, XIlî, 397. Nous désignerons, 
par l’abréviation. Rut ., lés 19 volumes que François Ravaisson et Rnvais- 
son-Mollien ont publié» sous le titre de'.drcAiVes de ia RashVlé et qui 
constituent une des sources les plus précieuses de renseigneménts authen¬ 
tiques sur la fameuse prison. 

' {6)'Ars. 12495. 



180 — 


Le médecin venait voir ses patients tous les jours, 
et même deux fois par jour, si le cas était grave. Sou¬ 
vent, il profitait de son passage à la Bastille pour 
aller, de chambre en chambre, s’informer de la santé 
de tous les prisonniers. 

Il ordonnait le traitement qui lui semblait utile, et 
que le chirurgien était chargé d’appliquer : 

. Du Major au Lieutenant de police. 

Cet après-midi, M. de Lasseigne (le médecin) a vu le 
sieur Foucault. Après quoi, il a fait une ordonnance que je 
remettrai:à M. Lecocq (le chirurgien), pour qu’il l’administre 
à ce prisonnier (1). 

Dans de nombreux cas, le médecin assistait aux 
pansenienls que faisait le chirurgien : 

M. Boyer vient de voir lever le premier appareil. Il y a du 
gonflement autour de la plaie. Il faut y établir une suppura¬ 
tion. M. Lecocq a fait ce qu’il y avait à faire jusqu’à l’heure 
d'ici (2). 

Quelquefois, le médecin examinait les prisonniers 
avant leur libération. C’est ce que raconte l’abbé de 
Roquette, dans la relation de sa détention (3). 

Je fus surpris que, sans être malade, on me fît voir au méde¬ 
cin. M. Herman me dit ; Hé! Monsieur, comment vous nour¬ 
rissez-vous donc, que vous êtes si maigre? (L’abbé mangeait 
très peu). Il me demanda aussi à quelle heure Je pie levais et 
si je dormais bien. Il m’ordonna le gras et les émulsions. Huit 
jours après, le médecin vint me revoir. 

Le médecin adressait, presque journellement, au 
lieutenant général de police, un ou plusieurs rapports 
sur l’état de ses malades: 

J’ai été, hier au soir, à la Bastille pour y voir un homme qui 
avait fait lever, par ses hurlements, le chirurgien. Il avait des 
douleurs par tout le corps et des étourdissements. Il saigna 
beaucoup du nez, hier. Je n’ai pu m’empêcher de le faire sai- 

(1) -21 avril 1770. kv$. 12512. 

(2) 9 aoCtl 1766. Ara. 12607. ... 

(3) Abbé DE Roquette. — La Bastille en 1743, in Mémoires de la Soc, 
d'histoire de Paris et de Vile de France, 1881, p. 33, 



— 181 — 

gner du pied. M. le Major tn’en a donné des nouvelles, ce' 
soir (i). , , - 

Le médecin assistait le prisonnier qui était soumis 
à la question. Son rôle était capital, puisqu’il interve¬ 
nait souvent, en invoquant l’état du patient, soit pour 
interdire tel mode de torture, ou pour mettre fin au 
supplice : 

...Lui (à la femme Leroux) ont été mis les brodequins, 
attendu son indisposition, et après que MM. Vezou médecin, 
et Morel chirurgien, pour ce mandés et présents, ont dit 
qu’elle n’était point en état de souffrir la question avec de 
l’eau (2). 

Au quatrième coin, la prisonnière (la femme Ghéron) s’est 
écriée : Je me meurs! et ayant été observé par M. Vezou du 
changement considérable survenu au visage de la Ghéron qui 
lui a fait craindre quelque accident funeste si l’on passait outre, 
elle a été relâchée (3). 

Enfin, le médecin constatait les décès, et faisait, en 
présence d’un commissaire du Châtelet, et avec l’aide 
du chirurgien, l’ouverture du corps. 

Le 1" février 1712, le lieutenant de police matide à 
M. de Nointel, conseiller d’Etat ; 

« Voilà une copie du rapport du médecin et du 
chirurgien de la Bastille, qui ont assisté à l’ouverture 
du corps du malheureux de Lisle. Il semble, suivant 
ce rapport, que la mort est naturelle; cependant, je 
soupçonne toujours qu’elle a été précipitée (4). » 

En 1753, le 4 octobre, le lieutenant de police avise 
le major de la Bastille, qu’il a écrit « à M. Vernage, 
médecin de la Bastille, de se transporter sur le champ 
au château pour que, conjointement avec le chirur- 

(1) 4 janvier 1765. Rav. XVI, 49. 

(21 5 avril 1680. Rav. VI, 201. 

(3) 19 juin 1679. Rav. V, 418. — Il convient de noter, ici, que la ques¬ 
tion n’ctait appliquée qu'exceptionnellement, à la Bastille, et sdhlement, 
en vertu d’une décision des magistrats chargés de l’enquête judiciaire, et 
à des prisonniers qui relevaient tous de la « justice ordinaire ». Les pri- 
sonniers'par lettres de cachet, —l’immense majorité — ne furent jamais.^ 
soumis à la'question. 

Disons, enfin, qu’il n’y a aucun exemple de torture, pratiquée à la Bas¬ 
tille, nu xyiii° siècle. 

(4) Rav. XII, 67. 



182 — 


gien-major, ils dressent leur rapport sur l’état du 
cadavre (1). )) Tel était le-rôle du médecin de la Bas¬ 
tille. Quels furent ceux qui le remplirent? Nous avons 
pu établir la liste complète des médecins qui se suc¬ 
cédèrent à la Bastille, de 1660 à 1789. 

^ 1” Vezou (1676 (?)-1685) (2). 

' JHennequin, qui fut embastillé de 1675 à 1677, fut 
soigné par Vezou. Il écrivit, à son sujet, ce qui suit : 
« Atteint de la fièvre tierce, je fus saigné deux fois et 
revins en convalescence parles bons soins que le mé¬ 
decin eut de moi». Ailleurs, il déclare que «M.Vezou 
est l’un des meilleurs médecins de Paris (3) ». 

On trouve, dans les Archives de la Bastille, le nom 
de Vezou, en 1679 (19 juin) et en 1680 (5 avril.) 

Sur r « Etat de France » de 1685, au chapitre des 
dépenses de la Bastille, on lit : « Au médecin Vezou 
et à son fils en survivance (4) ». 

. 2“ Alliot (1685-1702) (5). 

Jean-Baptiste Alliot était médecin du Roi et méde- 


(1) Aïs. 12493. 

- (2) Vezou est lé premier nom de médecin de la Bastille que nous con-: 
naissions. Bossjr-Rabutin parle dans ses « Mémoires » (tome II, p. 330- 
331), du médecin de la Bastille, qui le soigna en avril-mai 1665 et dit 
que « quoiqu’il lût habile homme », il le trouva « fort ignorant ». Mais, 
Bussy ne donne pas le nom de ce médecin Peut-être, était-ce Vezou. 

(3) Hjeknequin. — Souvenirs inédits, in Revue Rétrospective, tome IX, 
p. 41 et 55. 

(4) Le fils de Vezou ne lui succéda pas à la Bastille. Vezou, médecin 
de la Bastille, jouissait, certainement, d’une grande réputation. 

,M. le D' .luies Sottas cite Vezou parmi les médecins consultants qui 
furent appelés, le 24„ janvier 1661, au chevet de Mazarin mourant. 
(La maladie et la mort du Cardinal Mazarin.) Chronique médicale. 1«' 
novembre 1925, page 324.) Vezou reçut pour ses bons offices « veilles, 
visites, soins, assiduitez » la somme de trois mille livres. (Chron. médic., 
1" janvier 1926, page 8.) 

D’autre part, Ravaisson dit que Vezou fut l’un des six médecins qui 
pratiquèrent, en 1681, l’autopsie de Mademoiselle de Fontanges, maî¬ 
tresse de Louis XIV. 

(5) ’ On trouve, dans les archives de la Bastille, pour désigner le même 
personnage, les noms suivants : Alliot, Lallier, Lal^ Lahier. Mais, du 
sait que, jadis, l'orthographe des noms propres, m^e dans les actes 

S ublics ou privés, était absolument négligée. Il n’est pour ainsi dire pas 
e nom qui, dans les archives de la Bastille, ne soit écrit de plusieurs 






— 183 — 


ein ordinaire de Colbert, marquis de Seignelay. II 
publia un Traité du cancer, où. on explique sa nature 
et où on proposé le moyen de le guérir (Paris, 1698, 
in-8°) (1). 

Il fut nommé médecin de la Bastille, le 12 février 
1685, et le même jour, Louis XIV faisait part de cette 
nomination à M, de Besmaus, gouverneur (2). 

Son nom se retrouve dans les Archives aux dates 
suivantes : 1689, 1691, 1699, 1702. ' 

, Il fut absent de son poste pendant deux ans. En 
effet, sur une note de l’exempt Aumont, adressée le 
14 octobre 1702, à d'Argenson, on lit : « M. Armand, 
médecin de la Faculté de Paris (3), qui a gouverné (4) 
la Bastille pour l’absence de M. Lallier, pendant 
deux ans, a vu aujourd’hui M. Gonzel... » (5). 

Le '3 mars 1699, le ministre de la maison, du Roi 
informa Saint-Mars, gouverneur de la Bastille, que 
le sieur Alliot, médecin du Roi et de la Bastille, était 
appelé à Versailles auprès de la marquise de La Val- 
lière, et que, pendant son absence, si le gouverneur 
avait besoin d’un médecin pour les prisonniers, il 
devrait envoyer chercher le sieur Maurin, médecin, 
qui logeait à Saint-Victor (6). 

3° Fresquières (1702-1710) (7). 

Constantin de Renneville (8) donne d’assez longs . 
détails sur lui, qu’il ne faut accepter que sous réser¬ 
ves, à cause de la mauvaise langue de l’auteur : 

C’était utl gros homme court.,. 11 avait sur la tête un cha¬ 
peau de castor empesé..., la forme en était si haute et les 

. (1) Sou père, Pierre Alliot, prétendait avoir découvert le remède du 
cancer. 

(2) Ars. 12474. 

(,3) Peut-être, Armand doit-il être identifié avec, Herment, qui fut 
médecin de la Bastille, Un peu plus tard. 

(4) Lisez : qui a soj^né les malades. < 

' (6) Rav. X, 445. 

(6) Archî nat. 0*43. 

(7) Appelé aussi Frosquicr et Freschemierre. 

L. DE Renneville, — Vinquisilion française ou hiitoire de la. Bas- 
me, 6 vol. in 8» (1715), tome II, p. 37-38. 



— 184 — 


rebords si larges qu’ils auraient pu aisément mettre six per¬ 
sonnes à couvert de la pluie... Sa tête était enveloppée dans 
une perruque carrée qui lui descendait au-dessous des reins. 
Il avait la face d’un très laid magot. Son front ne paraissait 
point, mais on voyait deux petits yeux de cochon rôti, un gros 
nez camard, une grande bouche dans laquelle il ne restait plus 
que trois ou quatre longues dents, des joues pendantes, un 
menton court; pour le cou, il ne lui en paraissait point, 
des jambes courtes, etc. 

Suit le récit burlesque d’une consultation donnée 
par Fresquièresà Braillard, compagnon de Renne- 
vill%. ' 

4° De la Garlière (1711-1715). 

On troiive le nom de Nicolas Brunei de la Garlière 
cité dans les archives en 1711 et 1712. Ayant été 
malade, il lut remplacé, temporairement, par son 
gendre, le sieur Berger. 

Le 22 novembre 1712, Pontchartrain écrit au sieur 
Herment, médecin, que « le Roy souhaite que M. de 
la Garlière reste toujours médecin de la Bastille, mais, 
sa charge auprès de Mgr le duc de Berry ne lui per¬ 
mettant d’avoir tout le soin nécessaire des prison¬ 
niers enfermés dans ce château, et voulant sa Majesté 
que ce service ne souffre aucun retardement, et afin 
que les malades soient promptement secourus, vous 
a choisi pour les voir en son absence... Il est con¬ 
venu avec M. le premier médecin (du Roy) que les 
émoluemenls qui sont attachés à cette charge seront 
également partagés entre vous et M. de la Gar¬ 
lière M (1). Trois ans plus tard, de la Garlière mourut. 

5» Herment (1715-1753). 

Le 2 juillet 1715, le Roi fit savoir, par lettre signée 
de sa main et contresignée par Phelypeaux, à Fagon, 
son premier médecin, qu’il avait cru ne pouvoir Ihire 
lin meilleur choix que celui du sieur Hçrment, 
comme médecin de la Bastille. 


(1) Ars. 12609. 



— 185 — 


Le 10 juillet suivant, Fagon recevait à Marly, où 
se trouvait le Roi, le « serment de fidélité » du sieur 
Herment, docteur en médecine de la Faculté de 
Paris, médecin ordinaire des écuries du Roi (1). 
L’abbé de Roquette, dans son opuscule déjà cité, 
dit que M. Herment était « habile et charitable m,é- 
decin». ' 

de Staal, qui fut embastillée de 1718 à 1720, 
raconte (2) une anecdote amusante sur Herment: 

« J’eus quelque incommodité pour laquelle on me 
fit voir M. Herment,. Le lieutenant du Roi le 
présenta dans le jardin où" nous noué promenions: 

« Il ne faut point de tiers dans les entretiens qu’on 
a avec son médecin, ditr-il, en s’éloignant. » 

M. Herment dit, en baissant la voix : « Vous avez 
de bons amis. J’en ai vu un, qui s’intéresse bien 
particulièrement à ce qui vous regarde. Il connaît 
ma discrétion, je sais la vôtre. Il m’a dit de vous 
demander...'si vous n’auriez pas besoin d’un cou¬ 
vre-pieds. 

— Rendez-iui grâce de ma part, repris-je, et dites- 
lui que ce qui l’inquiète est assurément le moindre 
des inconvépients où je suis exposée. 

« Je ne prétextai point de maladie pour me procurer 
les visites d’un homme si circonspect B. 

Herment mourut lë 28 juin 1753, en sa maison de 
la rue du Monceau-Saint-Gervais, paroisse Saint- 
Gervais. 

6“ De Vernage (1753-1754). 

Le 30 juin 1753, Berryer, lieutenant général de 
police, manda à Baisle, gouverneur, que Sa Majesté 
avait nommé M. de Vernage, médecin de la Bastille. 
« Le choix, ajoutait-il, ne pouvait être meilleur. (3) » 

De Vernage demanda, on ne sait pourquoi, sa mise 
à la retraite, au bout de quelques mois. 

(1) Ars. 12609. 

(2) m™» de Staal. — - Mémoire}. Ed. Lescure, tome I, pages 246-247. 

(3) Ars. 12493. 



— 186 — 

T Boyeu (1754-1768). 

Il fut nommé médecin de la Bastille, le 21 mai 
1754 (1), et fit son entrée au château, le 23 suivant (2). 

Il s’appelait Jean-Baptiste Nicolas Boyer, et était né 
à Marseille, le 5 août 1653. Docteur en médecine des 
facultés.de Montpellier et de Paris (1728), il avait la 
réputation d’être actif et dévoué. 

IPfut comblé de charges et d’honneurs: médecin 
du Roi, du Parlement de Paris, de la Bastille, du 
château de Vincennes ; inspecteur des hôpitaux mili¬ 
taires ; censeur royal; enfin, doyen de la faculté de 
Paris de 1756 à 1759. Quand il mourut, à Paris, en 
1768, il était encore en fonctions à la Bastille. Son 
nom se retrouve, maintes et maintes fois, dans les 
archives, de l’année 1754 à l’année 1768. 

8“ Delon de La.ssaigne (1768-1789). 

Le 9 avril 1768, Saint-Florentin avisa M. de Jumil- 
hac, gouverneur, que le Roi avait nommé M. de Las- 
saigne, médecin de la Bastille. 

Lassaigne était, aussi, médecin du Roi, et demeu¬ 
rait rue des Marais, faubourg Saint-Germain (3). Il 
ntourut en janvier 1789. 

9“ Read (1789). 

Médecin de la faculté de Montpellier, ancien méde¬ 
cin en chef de l’hôpital militaire de Metz, il fut nom¬ 
mé médecin de la Bastille, le 18 janvier .1789 (4). 

Il exerçait encore sa charge, lors de la prise du 
château, le 17 juillet suivant (5). 

■ (1) Ars. 12609. 

(2) Ara. 12494. 

(3) Deloa 4e Lassaigne tut parmi les dix médecins qui soignèrent 
Lonts XV, pendant sa dernière maladie. Il fut aussi l'uu des médecins 
de Mirabeau. (Cf. Une lettre du grand orateur à Lassaigne, datée du 6 
décembre 1779, « Chronique médicale », 1" octobre 1904.) 

. , (4) Arch. nationales : 0*500. 

(5) Notons que du Puget, dans, son .fameux projet, de 1788, proposait 
que le poste de médecin de la Bastille lOt supprimé, par mesure d’econo- 
mis. (Ars. 12603.) . ; . , , 



_ 187 — 


II. — Le Ghirürgien-mÀjoh de la Ba.5tille. 

Dans la hiérarchie de l’Etat-major de la Bastille, le 
chirurgien venait aussitôt-après le médecin. 

Il était logé dans la forteresse-prison. Il habita, 
d’abord, au premier étage d’un petit bâtiment atte¬ 
nant au corps de garde ; puis, après 1761, au troisiè¬ 
me étage d’uii grand bâtiment qui fut, à cette date, 
édifié entre la grande cour et la cour du Puits (1). 

On possède un document des plus intéressants sur 
les « consignes » qui lui étaient imposées. C’est un 
« Mémoire pour le chirurgien-major de la Bastille 
dû à Berryer lieutenant général de police, et daté de 
1750 (2). En voici des extraits : 

Le chirurgien ne doit jamais découcher de son logement ; 
s’il a besoin de s’absenter, il doit eü avertir M. le gouverneur 
et les officiers, et laisser à l’officier de' garde un billet qui 
indique l’endroit où on pourra le trouver en cas de pressàn» 
besoin ; 

Il doit avoir, dans sa chambre ou dans sa pharmacie, les 
remèdes qui sont les plus nécessaires pour des accidents 
imprévus ; ■ 

Il ne doit jamais entrer dans la chambre des prisonniers 
qu’il ne soit accompagné de quelque officier du château, ou 
tout au moins d’un des porte-clefs ; 

11 ne doit jamais s’entretenir avec les prisonniers que de 
leurs infirmités, et le tout en bref, et leur donner les .secours 
dont 'ils ont besoin ; . ' 

Il réndra compte, tous les jours, à M. le gouverneur et aux 
officiers du château des maladies des dits prisonniers, et étt 
rendra «ompte aussi au médecin du château, ainsi que des 
remèdes qui leur conviennent ; ' ; 

Le 'chirurgien aura beaucoup de circonspection dans ses 
paroles, lorsqu’il sera avec les prisonniers, les écouter et nè 
point leur répondre que sur ce qui est de son ministère ; 

Il ne s’informera point de leurs noms, ni pourquoi ils sont 
détenus ; 

(1) En février 1767, Lenieps, prisonnier de la Bastille, écrivit an lieu¬ 
tenant de police pour le prier de le mettre dans « le batiment neuf », 
afin de pouvoir être plus à portée du chirurgien. (Rav. XlXl 314.) ' 

(2) Ars. 12602. ; . i 



— 188 


Il ne s’entretiendra jamais des prisonniers avec qui que 
ce soit d'étranger en aucune façon, ni même avec ses plus 
intimes amis; 

Si les prisonniers donnaient quelques billets audit chirur¬ 
gien ou qu'ils en introduisissent dans sa poche, il les portera 
sur-le-champ â M. le gouverneur ou aux officiers ; il fera bien, 
même, quand il sortira de leurs chambres de regarder dans 
ses poches ; 

Lorsque le chirurgien rase les dits prisonniers, il doit être 
en garde sur ses rasoirs, n’en avoir qu’un seul dehors dont il 
se sert, et avoir la même attention pour le ferrement dont il 
pourrait se servir ; ' 

Ledit chirurgien doit avoir beaucoup de douceur, de poli¬ 
tesse et d’honnêteté pour les prisonniers ; 

H doit être bien sur ses gardes de ne point se laisser cor¬ 
rompre par les prisonniers ou par les gens du dehors pour 
leur favoriser du commerce, soit en dedans ou dehors ; il 
s’ensuivrait de sévères punitions ; 

Ledit chirurgien ne doit point quitter de vue les prisonniers, 
lorsqu’il est avec eux', et être toujours en garde ; 

» 11 aura grande attention que les remèdes qu’il donnera aux 
prisonniers soient propres, ainsi que le linge à barbe et ce 
qui sert à raser. 

Telles sont les recommandations essentielles qui 
étaient faites au chirurgien. 

Quant au traitement qu’il recevait, on sait, d’après 
r « Etat de France » de 1687 qu’à cette époque, il 
était de trente livres par mois. Sur un « Etat » des 
émoluements du gouverneur de la Bastille, qui nous 
est parvenu sans date, mais qui est sûrement anté¬ 
rieur à 1711, on voit que le gouverneur donnait au 
chirurgien 180 livres par an, sur la somme de^ 15.360 
livres qu’il recevait du Roi (1). 

En 1750, le chirurgien avait un traitement de 
600 livres par an. En 1785, le 14 juillet, comme la 
fonction était remplie depuis trente-cinq ans par le 
même titulaire, cette somme fut portée à 1200 li¬ 
vres (2). 

En février 1787, un nouveau chirurgien ayant été 

(1) Are. 12602. 

(2) Ara. 12672. 



— 189 — 

nommé, le Roi décida qu’il continuerait à toucher lés 
mêmes appointements, que son prédécesseur. Mais, 
il n’en fut rien, nous ne savons pourquoi. 

Le dernier chirurgien de la Bastille recevait seule¬ 
ment 50 livres par mois (1), et, pour les quatorze 
premiers jours de juillet 178Ô, il perçut 23 livres 
6 sols 8 deniers (2). 

Il convient de noter que, pendant la plus grande 
partie du xviii® siècle, le chirurgien, qui remplissait 
en même temps la charge d’apothicaire, tirait un nota¬ 
ble profit de la vente des médicaments. 

En outre, le chirurgien jouissait, comme les offi¬ 
ciers de l’Etat-Major, du « droit des muids de vin », 
c’est-à-dire qu’il pouvait faire entrer, chaque année, 
dans sa cave, deux pièces de vin, franches de tous 
droits. 

Signalons que du Puget, dans son projet de suppres¬ 
sion de la Bastille (1788) proposait qu’au cas où on ne 
démolirait pas la prison, on n’y laissât qu’un chirur¬ 
gien payé à raison de trois livres par jour (3). 

Gomme nous allons le montrer, la charge du chirur¬ 
gien de la Bastille était loin d’être une sinécure (4). 
C’était lui qui donnait les preijiiers soins aux malades. 
Le 16 juin 1700, Gharras, prisonnier, tente de se sui¬ 
cider en se portant deux coups de couteau dans la 
région du cœur. Le chirurgien, conduit aussitôt au¬ 
près du blessé, lui met le premier appareil (5). 

Le 9 avril 1765, pour une prisonnière qui a une 
« très mauvaise toux », on appelle le chirurgien, 
qui, en attendant la visite du médecin, prescrit à la 
malade « de l’eau de riz où il a mis de la grande 
consoude (6). 

(1) Ars. 12610. ' • 

(2) Arch. nat. 0>360. 

(3) Ars. 12603. 

(4) Un aide lui était, quelqueîois, nécessaire. Témoin, cette pièce : 

« Reçu de deux cents livres pour avoir aidé le chirurçien-major de la 

Bastille pendant plus d’un un. 20 janvier 1787. Signé ; Guïon.», 

(Ars. 12610). 

(5) Rav. X. 192. 

(6) Rav. XVm-155. ■ 



190 — 


Quand le malade est en voie de güérison, le méde¬ 
cin le remet entre les mains du chirurgien. 

« M. de la Carlière est venu voir aujourd’hui 
(24 octobre 1711), M. le duc de Frohsac. Il m’a dit 
qu’il n’était plus nécessaire qu’il revînt. Il a dit à 
notre chirurgien la conduite qu’il devait teuir pen¬ 
dant la convalescence (1) ». 

Le chirurgien faisait prendre les drogues prescrites 
par le médecin. 

« M. de Lassaigne est venu chez ce prisonnier à 
qui il a ordonné des remèdes que M. Lecoq a com¬ 
mencé, ce matin, à administrer (2)-)). 

Il donnait les lavements. A, preuve, la piquante 
historiette racontée par M™ de Staal : 

« Le comte de Laval s’aida du chirurgien. Il éta¬ 
blit, pour avoir l’occasion de le voir souvent, qu’il lui 
fallait deux lavements par jour. Le Régent, exami¬ 
nant les mémoires dè notre pharmacie avec ses minis¬ 
tres, l’abbé Dubois se récria sur cette quantité de 
lavements. Le duc d’Orléans lui dit : « Abbé, puis¬ 
qu’ils n’ont qüe ce divertissement-Ià, ne le leur 
ôtons pas » (3). 

C’était le chirurgien qui faisait la barbe des pri¬ 
sonniers (4), deux fois par semaine. L’autorisation 
du lieutenant de police était nécessaire. D’où, cette 
note de Berryer, datée du 5 novembre 1755 : 

« Je consens que l’on fasse la barbe au sieur de la 
Salle, qui vient d’entrer à la Bastille » (5). , 

Renne ville raconte que, du temps où il était prison¬ 
nier, le chirurgien « ne voulait point raser les prison¬ 
niers à moins de trente sols par barbe. Aussi, les 
servait-il avec un équipage tout des plus Daagnifiques : 
bassin et coquemar d’argent, savonnette parfumée ; 

(1) Rav XII, 83. 

(2) Ray. XIX. 18. 

(3) Mrào de Staa. 1,.— Mémoirgs, tome 11, page 240. 

(4) i,es prispnaiers ne (Jcvaienlpas avoir de rasoirs à leur disposition. 
L'e 7 février 1762, Sartine ,1e rappela à Jumithac ; 

« On a laissé à quelques prisonniers leurs razoirs, Cetté complaisance 
est contraire au réglement de la Bastille. » Ars. 12601. 

(5) Ar8.12496. 



— 191 — 


serviette à barbe ' garnie de dentelle, beau bonùet ; 
rien n’y manquait » (1). 

Rappelons, ici, le mot connu de Lingue? au chi¬ 
rurgien, le premier jour où'celui-ci se présenta pour 
lui faire la barbe (septembre 1780), « — A qui ai-je 
l’honneur de parler? — Je suis, monsieur, le chirur¬ 
gien de la Bastille. — Hé ! que ne la rasez-vous? » 

Le chirurgien, naturellement, saignait les malades. 

Le 24 juin 1689, Lou vois écrit au gouverneur de la 
Bastille: 

Sf le dernier prisonnier qui vous a é,të remis avait un extrême 
besoin d’être saigné, vous pourriez le faire faire en votre pré¬ 
sence, en prenant les précautions nécessaires pour que le 
chirurgien ne puisse pas savoir qui‘il est (2). 

Tous jes jours, le chirurgien lait un rapport sur 
l’état des malades. On ne retrouve pas, aujourd’hui, 
dans les Archives de la .Bastille, ces rapports qui > 
étaient envoyés au lieutenant de police (3) ; mais, il 
y est souvent, fait allusion. 

Ainsi, le 11 janvier 1763, le major mande au lieute¬ 
nant de police : « J’ai l’honneur de vons envoyer le 
rapport de M, Lecocq, notre chirurgien, concernant 
l’ahbé Rohé (4). » 

Avec le médecin, le chirurgien assiste à la torture. 
Témoin, cet extrait du procès-verbal de la question 
subie, leli septembre 1691,par Foy. « EtMM. Lallier, 
médecin, etTerrat, chirurgien de la Bastille, présents, 
ayant dit que Foy était délicat,, l’avons fait relâcher et 
ôter les brodequins » (5), 

Le chirurgien, presque toujours assisté du méde¬ 
cin, fait la « vi^te » des corps morts, et en dresse un 
procès-verbal destiné au lieutenant de police. 

(1) Op.cit. I. 307. . ' 

(2) àav. IX171. - ' . 

_(3) Sigfnalons toutefois celui qui fut rédigé par Lecocq, le 12 janvier 
1762, et qui concernait le sieur au Truch delà Chaux, lequel avait tenté i 
de se suicider (Ars. 12170). Ce rapport, très détaillé, est trop long pour 
pouvoir être reproduit ici. 

(4) Rut. XVin-217. 

(6) Ruv. IX-215. , . , . ' ' 



— 192 — 


Le 1®''juin 1738, le commissaire du Châtelet, Camu- 
set, écrit: « Le cadavre sera visité, comme il est de 
coutume, par MM. Herment, médecin, et Carrère, 
chirurgien » (1). 

Enfin dans quelques cas, le chirurgien fait l’autop¬ 
sie du prisonnier décédé (2). 

On vient de voir que les fonctions du chirurgien- 
major de la Bastille étaient nombreuses et variées. De 
1660 à 1789, six chirurgiens les exercèrent. 

1“ Terrât (1679 (?)-1702). 

Son nom revient assez souvent dans les archives, 
mais, presque chaque fois, écrit différemment : de 
Terrède (10 juin 1679), — Terode (19 juin 1679), — de 
Rode (11 février 1691), — Terrât (11 septeml,^re 1691). 
Nous ne savons rien d’intéressant sur lui. 

2“ Reilhe (1702-1714) (3). 

Appelé aussi Arrheil et Reghle. 

Renneville parle longuement de Reilhe. Voici 
quelques extraits de ses médisances : ^ 

Abraham Reilhe était enfant de Nîmes. Il avait de l’adresse 
et de l’esprit, avec le savoir-faire et les souplesses d’un Lan¬ 
guedocien et l’avidité d’un Gascon. 11 avait des ongles jusqu’aux 
coudes (sic), affilés comme des rasoirs, jugez s’il avait envie 
de faire fortune... Il était tout nouveau venuà la Bastille quand 
j’y entrai (1702). Il était frater (4) dans une compagnie d’infan¬ 
terie. C’était un petit bout d’homme bien alerte; au fond, fort 
ignorant, car à peine savait-il faire la barbe, mais il l’apprit aux 
dépens des prisonniers. / ' 

Ce frater est devenu un bon sujet de St-Gôme. L’apothicaire 
étant mort, il en a acheté la charge par la médiation de Berna- 

(1) Rav. XY-5. ‘ . .. 

(2) Ce fut Lecocq, qui ouvrit, le 19 mai 1761, le corps dé d’Abadie, gfOu* 
verneur, mort subitement la veille (Ars. 12629). 

' (3) Entre ïerrat et Reilhe, lu charge de chirurgien tut exercée, « sans 

aucun titre » par le valet de chambré de M. de Besmaus, qui lut gou¬ 
verneur de la Bastille, de 1658 à 1697 (Journal de du Junca, major de la 
Bastille.) (Ars. 5134). 

(4) G'est-ù-dire. aide-chirurgien. Vieux mot, pris ordinairement en 
mauvaise part. 



— 193 — 


ville (le ^ouverneux'), auquel il en a fait une large rétribution. 

Quand il entra dans ce château, il était souple comme un 
gant ; rien de plus humble, ni déplus affectueux. Mais, quand 
il eut fait émonder sa tête .taillée eu buis sur chaque cheveu de 
laquelle il y avait au moins quatre lentes, arboré une des 
vieilles perruques surannées du gouverneur et endossé un de 
ses vieux justaucorps, il devint insolent et traita les prison¬ 
niers avec un mépris insupportable. » 

Plus loin, Renneville revient sur Reilhe et raconte 
qu’un sieur Tauzien, prisonnier, ayant eu un ulcère à 
l’épaule, le chirurgien lui fit une incision si « adroite » 
qu’il coupa une artère et fut incapable d’arrêter l’hé¬ 
morrhagie. On fit appeler un autre chirurgien, « qui 
répara le mal qu’avait fait l’ignorant » et qui continua 
à panser le blessé. 

Signalons que Reilhe signa, sur le registre de 
l’Eglise Saint-Paul, le 19 novembre 1703, Pacte d’in¬ 
humation du fameux prisonnier de la Bastille, connu 
sous le nom du « masque de fer ». 

Reilhe mourut le 13 décembre 1714 (1) ; il était en¬ 
core en fonctions. 

■ 3» Fournier (1718-1721). 

Raymond Fournier était né à Montpellier vers 
1685. Il fut nommé chirurgien de la Bastille en 
1718(2). 

Le 18 mars 1721, il fut arrêté et enfermé à la iBas- 
dans une chambre de la tour du Puits, d’où il ne sorr 
tit, avec un ordre d’exil en Languedoc, que le 21 
avril 1722. 

Il avait été accusé,par le sieur Bourcairène de Mont- 
fleuri, ci-devant embastillé lui-même pour l’affaire 
d’Espagne et du duc du Maine, de se conduire avec 
infidélité et d’abuser de sa place pour favoriser les 
prisonniers au préjudice de son devoir et du service 
du Roi. 

Bourcairène affirmait que Fournier, venu dans sa 

(1) Ars. 12609. • 

<2) Ars. 12609. 

S.H.M. 13 ■ 



— 194 


ch,ambre pour le raser, lui avait fait des propositions 
de la part de l’envoyé d’Espagne et lui avait promis de 
lui faire obtenir une gratitication à sa sortie de 
prison (1). 

On voit que, en somme, Fournier ne fit, surtout, 
que violer le règlement qui lui interdisait de causer 
avec un prisonnier. Il n’est donc pas exact de dire, 
avec Carra, que « Fdurnier fut embastillé parce qu’il 
avait témoigné de trop d’humanité envers ceux qu’il 
avait à soigner », 

4» Ca-rbêre (1733 (?)-1750). 

On sait peu de chose sur lui. L’abbé de Roquette 
{op. cit.) donne son nom, comme chirurgien de la Bas¬ 
tille, en 1733, 1738 et 1743. Il démissionna, en 1750. 

5» Legocq (1750-1787). 

Il fut nommé ,chirurgien de la Bastille, le 18 avril 
1750 (2) et exerça ses fonctions pendant trente-six 
ans. Aussi, trouve-t-on son nom, très souvent, dans 
les archives. 

En juillet 1762, il fut sévèrement admonesté, pour 
une faute que nous ignorons. La preuve en est que le 
major écrivit alors au lieutenant de police : 

« J’ai intimé votre ordre de ce jour au sieur Lecocq, et je 
l’ai mis à même de faire tout ce que vous désirez et je lui ai 
même défendu de ,rae faire part de ses observations. De la 
façon avec laquelle nous nous y sommes pris^ la chose ne peut 
pas transpirer (3) , 

Pourtant, Lecocq dut être un serviteur fidèle, 
puisqu’on 1767 et en 1772, il obtint une « gratifies- 
tion de 600 livres, pour récompense de ses peines et 
de ses soins » (4). 

(1) Carra.. — Mémoires kislor. et authentiques sut la Bastille fl789), 

tome II. p, 143*145. ‘ 

(2) Are. 12609. 

(3) Ars, 13503. 

(4) , Ars. 12610. 



— 195 — 


En 1786, étant tombé malade, il fut suppléé par 
Jacques, son confrère. 

Au commencement de 1787, fatigué et souffrant, 
Lecocq désira se démettre de sa .charge. En raison 
de son « excellente conduite » et de sa « discré¬ 
tion » pendant les trente-six années qu’il avait pas¬ 
sées à la Bastille (il n’avait, paraît-il, jamais décou¬ 
ché, sauf pendant sa récente maladie), le Roi lui 
accorda, à litre de pension de retraite, les 1200 livres 
qu’il recevait comme traitement (1). Il continua, sans 
doute, d’habiter à la Bastille, puisqu’il y mourut, le 9 
septembre 1787. 

Le Roi accorda à sa veuve, le 20 janvier 1788, une 
pension de 400 livres par an (2) et lé 1®'' novembre 
1789, il décida qu’elle continuerait à toucher sa 
rente (3). 

6“ Hükel (1787-1789). 

Le Roi le nomma chirurgien de la Bastille, le 8 
février 1787 (4). 

Il exerçait encore ses fonctions, le 14 juillet 1789. 

Lors de la prise du château, tout ce qui lui appar¬ 
tenait fut volé. Aussi, réclama-t-il au Roi une indem¬ 
nité de 4251 livres, qu’il n’obtint pas, semble-t-il, 
parce que ses services n’étaient « pas assez an¬ 
ciens (5) ». ^ , 

III. — La sage-femme de la Bastille. 

Parmi les femmes qui furent embastillées, quel¬ 
ques-unes étaient enceintes. Jusqu’en 1786, on eut 
recours pour les'délivrer à des sages-femmes ou à 
des accoucheurs. En 1786, la dame Ghoppin fut nom¬ 
mée sage-femme delà Bastille. 

(1) Arch. nat. 0*498. 

\2) Ara. 12672. ' • 

(3) Arch, nat. 0*360. 

(4) Arch. nati: 0*498. 

(B) Arch. nat. 0*360. ' 



— 196 — 


A la fin de l’année 1701, la femme Odriscot (ou O’ 
Driscol, ou O’Diriscol), étant à la Bastille, se trouva 
sur le point d’accoucher. On envoya chercher le 
sieur Clément, accoucheur réputé (1). 

En juin 1708, la nommée Florence, maîtresse du 
prince de Léon, fut transportée de la Bastille, chez le 
même Clément, pour être délivrée (2). 

En 1747, une femme de Picot fut envoyée à l’Hôtel- 
Dieu pour être accouchée , Réincarcérée à la Bastille, 
elle y fut visitée par une sage-femme qui d^éclara 
qu’elle n’avait pas été délivrée (3). 

En 1748, une prisonnière, la Saimpère, étant sur le 
point d’accoucher, et « comme une pareille opération 
ne se fait pas ordinairement à la Bastille », le minis¬ 
tre décide qu’elle Sera transférée à l’Hôtel-Dieu, dans 
la « salle de force » (4). 

A la même époque, la Duchesne, en état de gros¬ 
sesse, fut mise en liberté, le 27 mars 1748, à cause de 
troubles divers dont elle se plaignait. 

, En mai 1751, en juin 1752, en avril 1769, eurent 
lieu des accouchements à la Bastille, où une sage-, 
femme avait été appelée (5). 

Après l’accouchement de la d’Oliva, en mai 1786, 
par la sage-femme Choppin, on jugea « à propos 
d’établir une place d’accoucheuse attachée au gouver¬ 
nement de la Bastille » (6). La matrone Choppin fut 
nommée, le 29 juin 1786, avec un traitement annuel 
de 150 livres. Nous n’avons retrouvé aucune trace de 
son intervention de 1786 à 1789. 

Disons, en terminant, que du Puget, proposa) dès 
1888, la suppression pure et simple du poste de sage- 
femme à la Bastille. 


(1) RaT. X, 30a 

(2) Rav. XI, 390. 

(3) Rav. XV, 294. 

(4) Rav. XV, 3G3. 

(5) Ars. 12511 et 12518. 

(6) Ars. 12G09. 



— 197 — 


IV. — Consultants et spécialistes a la Bastille. 


Dans certains cas, un médecin ou un chirurgien 
réputé, un spécialiste, étaient appelés en consultation 
à la Bastille (1). 

Quelquefois, c’était le médecin personnel du pri¬ 
sonnier auquel on avait recours. Berryér, lieutenant 
de police, dans son « Mémoire pour le chirurgien- 
major » (1750) rappelle que « le médecin du château 
et le chirurgien doivent s’y trouver quand ces cas se 
présentent. M. le gouverneur ne laissera point intro¬ 
duire les personnes du dehors auprès des prison¬ 
niers, sans des ordres du ministre » (2). 

Comme médecins et chirurgiens consultants, nous 
avons trouvé dans les Archives, les noms suivants : 
Geolfroi, professeur de chimie et de médecine (20 
sept^ 1726) ; de Beaulieu « qui avait soin des préten¬ 
dus convulsionnaires » (22 mars 1739); Quesnay, 
premier médecin ordinaire du Roi, membre de 
l'Académie des Sciences (3 mai 1751); Thierry de 
Bussi (15 novembre 1766); Portai, médecin savant et 
illustre, qui visita à plusieurs reprises, de janvier 
à octobre 1787, le sieur de Villeman. 

Citons encore : Félix, premier chirurgien de Sa 
Majesté (19 mars 1666); Barrère, chirurgien des 
mousquetaires (28 septembre 1711); Maréchal, pre¬ 
mier chirurgien du Roi (8 .juillet 1724); DesnoueS, 
chii'urgien (19 juillet 1769); SabatieÉ, chirurgien des 
Invalides (22 octobre 1786); Dufouart, chirurgien (16 
janvier 1787). 

Des spécialistes étaient, aussi, appelés.Tel de Saint- 
Yves, oculiste célèbre, en 1724. pour le comte de 
Belle-Ile; tel Grandjean, également oculiste, pour 
Latude, en ,1763 (qui, d’ailleurs, n’en avait nul besoin), 

(1) Signalons, d’autre part, qujen septembre 1638, le maréchal do ' 
Bassompierre, embastillé, tut autorisé à se taire panser par « une opé¬ 
ratrice nommée Giot, belle-mére du premier sergent do la Bastille ». 
Mémoires, Paris 1857. IV. 283. 

(2) Ars. 12602. 



— 198 — 

pour Alen, en 1764, et enfin, pour le comte de Sade, 
en 1787. 

Tels, Perron, chirurgien-herniaire pour dom Lou- 
vart, en 1732, et Pipelet, également « chirurgien- 
hernisle » pour Lenieps, en 1767. 

Tel, lefrère Cosme, spécialiste réputé des maladies 
de vessie, pour le sieur Basque, en 1762. 

Tels, enfin, Haperdn et Fauchard, dentistes pour 
dom Louvard, et Bourdet, dentiste, pour Lally-Tol- 
lendal, en 1765. 

Certains prisonniers furent autorisés à se faire soi¬ 
gner par leur médecin personnel, à l’exclusion du 
médecin ou du chirurgien de la Bastille. 

En 1686, le sieur Dugu^ reçut les soins du sieur 
Porette, « médecin auquel il a confiance ». Lally- 
Tollendal demanda, et obtint, en 1765, les secours de 
son médecin, Hosty, pour un mal aux pieds. 

En 1787, le Comte de Kersalaun est visité par son 
médecin, le sieur Evrard (1). 

En 1788, M. de Cicé est soigné par Bocher, son 
médecin particulier, et M. de la Rouerie, par le sien, 
nommé Chéretel. 

Enfin il faut citer comme un cas exceptionnel celui 
du surintendant des Finances Fouquet qui obtint 
l’autorisation de faire partager sa captivité au célèbre 
anatomisté Pecquet, son médecin particulier. Pec- 
quet le suivit dans les différentes prisons où il fut en¬ 
fermé et notamment à la Bastille ; il y resta du 18 juin 
1663 au 26 février 1665 (2). 

(1) Arch. de la Préfecture de policé (Cartons Bastille). 

(2) Arsenal, 12725, toi. 22. 



— 199 — 

LES GISANTS MACABRES 

{Suite et fin)^ 


Par le Docteur TBICOT-noYEin 


Le Gisamt de Strasbourg. 

Le visiteur qui par un temps très clair parcourt 
l’église de Saint-Thomas découvrira peut-êtï*e cette 
magnifique pierre tumulaire dans l’angle choral du 
transept gauche. Elle a subi de nombreux déplace¬ 
ments avant d’aboutir à cette encoignure obscure où 
nul être humain ne. vient troubler son repos ; elle se 
trouvait d’abord là où le propriétaire la plaça lui- 
même, de son vivant, en 1498, c’est-à-dire au milieu 
du charnier, où par testament il prescrivit l’édifica¬ 
tion d'un Mont-des-Üliviers ; largesse pour laquelle 
le Chapitre, deux fois par an, se rencontrait au même 
endroit pour célébrer la mémoire du donateur. Plus 
tard le monumentfut transporté dans la crypte ; et au 
moment où M. Scbneegans écrivait l’histoire du 
sanctuaire, il se trouvait encastré dans le mur du 
cloître qui entoure le jardinet du pasteur « près de là 
porte, précise-tT-il, en venant de la rue de l’ail ». il 
regrette même qu’à ce moment une grande partie de 
la pierre fût enfoncée dans la terre : « Ce morceau 
de sculpture remarquable, ajoüte-t-il, mériterait d’être 
mieux conservé ». • 

Nicolas Roeder s’y est fait représenter momifié aù 
point d’être presque squelettique, les os et les tendons 
résistants faisant saillie sous la peau tendue et sèche. 
Ni la tête, ni le cou n’ont participé à l’amaigrissement 
général.Les muscles sterno-cleido-mastoïdiens décri¬ 
vent des V superbes. La face est d’une impression¬ 
nante noblesse,hautaine et calme; elle est assurée de 

(t) ,Yoif 3-4, ^ 88-90. 









— 201 . — 


lîi récompense .éternelle. M.Wickersheimer qui nous: 
accompagnait dans notre prome'nade affirmait; « Ce 
gisant est sûr de lui, il ne craint pas la mort, il a prati¬ 
qué le bien durant sa vie, le ciel lui revient de droit.» 

Le cadavre, de grandeur naturelle, est couché sur 
une large natte qui formé traversin sous la tête; il 
n’est peut-être pas d’une précision anatomique rigou¬ 
reuse, mais il a .tact de qualités qu’on est bien près 
de n’en pas voir ies défauts. 

Nicolaus Roeder a fait graver en exergue,autour de 
sa Sahna de pierre,ces mots qui rappellent la vanité 
des biens de la terre’: 

Das ist mir bliben 

Das ich hab geben 

Ich hab bebalten hat 

Mich begében o Goit 

Gib uns allen das ewig leben. 

1510 

L’effrayanie maigreur du gisant répandit la légende 
qiie c’est le monument d’un bourgeois de Strasbourg ' 
(|ui par amour de Dieu se laissa mourir de faim. 

M. Wickershéimer sollicita pour nous la permission 
de photographier de document. Mail le bureau des 
archives assez surpris de notre « décoùverte », voulut 
prendre l’opération à sa charge et eut l’aniabilité de 
nous >-.ffrir le cliché ci contre. 

Le Gisant de Beaüne. 

Un monument du plus gracieux effet, avec son 
fronton incurvé, son joli jeu de colonnes et ses guir¬ 
landes et écussons tourmentés, décore, la nef latérale 
droite de l’église Notre-Dame. 

C’est le mausolée de Claude Loisel, docteur en 
l’un" et l’autre droit, et Chanoine du Chapitre de 
Beaime. Le pieux ecclésiastique est représenté 
couché sur un lit de pierre,^ les genoux infléchis. Il 
a le crâne décharné. Lès muscles stérno-cleido mas¬ 
toïdiens lui-cre,usent au cou de grofondes anfractuo¬ 
sités et les côtes saillent sous la peau;,bras et mains 



— 202 ^ 


«ont squelettiques : les ps et les tendons formant ün 
faisceau long et mince. Les pieds et les jambes mon¬ 
trent des muscles cordés et secs. L’abdomen et le 
haut des cuisses sont voilés. D’entre les dents du 
gisant se développe une banderolle avec ces mots : 

Funde preces superis defunctum cerne viator, 

Sorte mea doctustu quoque disce mori. 

C’est le chanoine lui-même qui s’était chargé de 
perpétuer ainsi sa mémoire.dès l’an 1617 : 

Dornaitionis meæ mihi locum hune elegi anno Doraini 
MDCXVII . 

Sa mort ne survînt que quatre années plus tard 
comme l’indique la fin de l’inscription: 

Obii autem MDGXXI, X Kal. Dec., Vale. 

Le Gisant de Troyes. 

En l’église Saint-Nizier, à Troyes, se trouve le 
long du mur droit, à hauteur de cimaise, le monu¬ 
ment de l’architecte Favereau.'Le défunt se trouve 
moulé dans un linceul tendu en forme de hamac. lia 
les jambes croisées, la gauche,passant sur la droite 
dont le pied déborde,le suaire. Le dos qu’il présente 
au spectateur s’areboute en un effort puissant. La 
main gauche tient un ciseau sur un objet à tailler, et 
de la main droite armée d'un marteau délicat, l’homme, 
très attentif, s’apprête à œuvrer. 

Les omoplates, les apophyses des vertèbres et les 
côtes se dessinent viveenent, soùs la peau, la- mott^ 
ayant fondu ou desséché les chairs. Voici l’inscription 
qui souligne éette scène curieuse, d’ailleurs traitée 
avec tant, d’art, qu’il s’en, dégage un charme étrange 
malgré le réalisme, du sujet : ' 

Cy gist 

Honorable et Sciétiflque persôe 
M" Gabriel FAVEREAü 
En sô vivant 

M* Masso dé l’iEgle Saint-Pierré, de Troyes 
^ décédé le- XX no-vêbre 1576 . ' 



, T- 203 — 

Le gisant d’Enkhuuzen. 

L’espoir d’une vie future ou tout est joie et séré¬ 
nité engageait nos pères.à des actes d’humilité allant 
jusqu’aux représentations lugubres dont nous venons 
de donner d’horrifiants exemples. Mais il est parfois 
arrivé que ces figurations macabres avaient une ori¬ 
gine moins élevée, et c’est cela qui constitue l’origi¬ 
nalité du gisant de E'nkhuijzen. Il nous fut signalé par 
M. Maurice Sabbe, conservateur du Musée Plantin 
d’Anvers, quelques jours après qu’un hasard eut fait 
retrouver la dalle, au cours de travaux exécutés à 
l’église Saint-Pancrace de la petite ville hollandaise. 

La sculpture, en bas-relief, représente un cadavre 
d’un mètre de long qu’embrassent les circonvolu¬ 
tions de six reptiles. En voici la curieuse histoire. 

Vers la fin du xv° siècle vivait à Enkhuijzen une 
dame riche mais avare. Se privant du nécessaire, elle 
ne consommait que des aliments frelatés. Quoiqu’elle 
fût à la tête d’une maison, d’une brasserie, de 80 bon- 
niers de terre, elle ne tenait qu’une seule domestique. 
Elle se souciait peu de son salut éternel, mais ne par¬ 
donnait pas au débiteur infidèle à l’échéance. Un 
jour elle fut prise d’un mal subit. Durant- qu’ellq 
gardait le lit, s’en vint un métayer pour payer son fer¬ 
mage. Le gros sac d’argent placé devant,elle„la mégère 
compta soigneusement les pièces, donna quittance, 
et inscrivit la somme au livre. Cette fatigue lui fut, 
fatale. Sentant venir la mort, elle appela Gatryn, sa „ 
servante et lui fit jurer de placer le sac d’or dans son 
cercueil, sous sa tète ; moyennant qOoi elle lui aban¬ 
donna 800 florins à côté d’autres avantages. En atten¬ 
dant elle devait garder la chose secrète. 

Et ainsi en fut-il. L’inhumation se fit en l'église 
Saint-Pancrace. Mais lorsque les héritiers constatèrent 
l’absence du magot soigneusement annoté au livre, la 
camériste fut interrogée sur la destinée des sommes 
indiquées. Retenue par son serment, Catherine ne 
voulut rien dire, mais elle fut obligée de s'expliquer 
devant la justice où elle reconnut la vérité. 



~ 204 


Aussitôt les héritiers sollicitèrent l’exhumation de 
la morte, ce qui fut accordé. Or, dès que l’on fit sauter 
le couvercle de la bière, un spectacle infernal fit 
reculer d’horreur toute l’assistance, ce qu’un vieux 
poème décrit ainsi : 

Serpente, Slangè en hagedis 
Om theele lichaara vastgeslingert is, 

Otn Armen, beenen, hais en in den mondt 
Men anders niet als sülcke beesten vondt ! ; 

Een gi’uwelijcke stank vari sulpher ende vlam, ’ 

Als uit de bek van deze beesten kwatn. 

De vrinden dorsten ora het werelts gelt 
Niet langer blijven bij dat helsch gewelt. 

Le lông du corps, grouillant autour des bras, des jambes, du 
cou et sortant de la bouche,on ne voyait que serpents etlézards. 
Une odeur abominable de feu et de soufre s’exhalait du bec 
de ces animaux. Les amis ne songeant plus aux biens de la 
terre laissèrent-là le magot ne pouvant supporter plus long¬ 
temps la vue de ce spectacle infernal. 

Mais, pour l’édification des générations futures, la 
municipalité donna l’ordre de faire sculpter sur la 
pierre tombale la représentation de ce que l’on trouva 
sous les_planches de la bière. 

Il y aurait une curieuse étude- à faire sur la faune 
d.és cadavres d’après les conceptions des artistes qui 
se plurent dans l’exécution de ces scènes macabres. 
Nous avons rencontré des lombrics, des lézards, des 
sangsues, des anguilles. Le musée du Louvre offre 
à nôtre curiosité la statue funéraire de Jeanne de 
-Bourbon, comtesse d’Auvergne, dont le ventre est 
percé de trous par où sortent des vers. Ceux-ci 
ressemblent à s’y méprendre, à de grosses Iai*ves de 
hanneton. , 

Voici un document curieux, c’est la reproduction 
d’un tableau du peintre brùgeois Hans Memlirig, qui 
se trouve au Musée de Strasbourg, 

Qe dessous une pierre tumulaire ornée d’un gisant 
macabre, le vrai défunt est ressuscité dans l’état de 



— 205 — 


consomption où il se trouve; il a rejeté la dalle sur 
le côté et se dresse au bord de la fosse. Il est 
effrayant ; son abdomen est criblé par la morsure des 
vers qui sont dés larves blanches à tête noire. 

Le ventre ouvert montre les anses intestinales, et 
détail répugnant, ûn infâme batracien dévore les 
organes génitaux. Le doux et suave Memling du 
mariage mystique dépasse ici en horreur tout ce qu’on 
peut imaginer de plus satanique. 


Les STATUTS du COLLÈGË de la CHIRURGIE d’ANVERS 

[Suite et fin)^ 

Par le Dr Van SCHBVEMSXKKV. 


, Je fais suivre à présent, in-extenso, la traduction des 
statuts de 1786 : ils,se présentent comme un ensemble 
théorique de valeur, répondirent-ils au point de vue 
pratique aux espérances de ceux qui les édictèrent?(2) 
il ne le paraît pas..., d’ailleurs les instructions com¬ 
plémentaires contiennent tant de restrictions que 
tout l’essor que faisait prévoir l’c^rdonnance devait 
être nécessairement neutralisé (3). 

Ordonné et proclamé par Messieurs l'Ecoutète, Bourgmestres 

Echevins et Conseil de la Ville d’Anvers, le 7 mars 1786. 

Messieurs, ayant depuis longtemps réfléchi sur la nécessité 
et l’excellehce de l’Art delà Chirurgie, et'ayant remarqué que 
les élèves dans l’Art n’ont pas l’occasion suffisante, par les 
leçons données actuellement au Collège de la Chirurgie, et par 

(1) Voir n-3-4, p: lOO-lïO. 

(2) W.-J. Stevens. — Notice historique sur VEcole d/r Chirurgie d'An~ 

Vers, (Extrait des Annales de là Société de Médecine d’Anvers. A,nnée 1849. 
(Un tirage à part in-8», 3.0 pages). , 

(3) Archivés Communales d’Anvers. — Éivre des Ordonnances.P.V’ 150. 
(Exemplaires détachés, in Répertoire [op. cit.), N” 4514, sériel. N” 2 et 3). 



— 206 — 


les autres moyens employés jusqu’ici, d’acquérir une capacité 
suffisante pour exercer une matière d'une pareille importance 
pour le, bien-être du public : Ainsi est-il, que les Messieurs 
prénommés, ont décidé pour autant que la chose est possible, 
et afin de satisfaire aux exigences légitimes du Public, de sta¬ 
tuer et d’ordonner les points et articles comme suit : 

I. 

Et tout d’abord, concernant les Leçons, qui seront données 
dans la suite. Messieurs ont trouvé bon, d’installer deux. Pro¬ 
fesseurs, l’un pour les leçons d'Anatomieou l’art de la dissec¬ 
tion, et l’autée pour la Pathologie, ou l’art des maladies chi¬ 
rurgicales, et ses opérations ou travaux manuels. 

II. 

Le premier des prénommés, enseignera, pour autant que c’est 
possible l’Anatomie et tout ce qui peut avoir un rapport avec 
celle-ci, à ces fins il utilisera les Préparations Anatomiques, 
qui se trouvent au Collegiura Ghirurgicum, ou d’autres sem¬ 
blables que le dit Professeur trouvera nécessaires. 

A ce sujet il commencera avec l’Ostéologie ou Etude des Os, 
pour passer ensuite à la Myologie et à l’Angiologie, ou étude 
des Muscles et des Vaisseaux, et ainsi de suite ; il lui est im¬ 
posé de traiter ces sujets à tour de rôle ; cependant il ne se 
bornera pas à indiquer chaque partie en particulier, en faisant 
connaître sa composition, sa configuration, ses attaches, sa 
situation et son usage; mais il en parlera d’une façon physio¬ 
logique, c’est-à -dire suivant ses fonctions naturelles. 

III. 

Le cours des Leçons prédites commencera chaque année au 
mois de Mai, et se terminera avec le mois d’Octobre. 

IV. 

Il consacrera les mois de Novembre, Décembre, Janvier, 
Février et Mars à la Dissection Anatomique, durant cellerci il 
indiquera tout ce qui la concerne et donnera les explications 
nécessaires, comme il a été dit à l’art. 2, auquel il est référé. 

V. ■ 

L’autre Professeur enseignera la Pathologie Chirurgicale, 
avec tout ce qui en dépend, et tout ce qui concerne la prophy¬ 
laxie, les soins et le traitement des maladies : en donnant ces 
leçons,il s’arrangera de façon à ne revenir sûr les matières déjà 
examinées, qû’après avoir épuisé ce sujet étendu et différent. 
VL 

Il y consacrera les mois de Mai, Juin, Juillet, Août, Sep¬ 
tembre et Octobre. 



— 207 — 


VU. 

Les mois de Novembre, Décembt*e, Janvier et Février lui 
serviront au Cours des Opérations ou travaux manuels Chi¬ 
rurgicaux ; il exposera théoriquement et démontrera pratique¬ 
ment tout ce qui peut avoir des rapports avec ce sujet. Pour 
ces démonstrations pratiques et celles mentionnées à l’art. 4, il 
se réglera, comme l’autre Professeur sur les Instructions parti¬ 
culières édictées avec la présente et qui devront être suivies 
comme si elles étaient insérées ici même. 

vm. 

Ce Professeur aura corn me vacances les mois de Mars et Avril ; 
et le Professeur d’Anatomie uniquement le mois d’Avril. 

IX. 

Durant les mois indiqués ci-devant, chaque Professeur don¬ 
nera ces leçons au Collegium Chirurgicum de 3 à 4 heures de 
l’après-midi, deux fois par semaine ; le Professëur d’Anatomie 
le Lundi et le Mardi, et celui de la Chirurgie et des Opérations 
le Jeudi et le Vendredi; sauf les jours fériés, les jours de fête’ 
de Saint Luc, de Sainte Marie-Madeleine et des Saints Côme 
et Damien, les Lundi et Mardi avant les Cendres, la semaine 
de Kermesse et toute la semaine Sainte. 

X. 

Si les Professeurs négligaient de donner leurs cours, où s’ils 
arrivaient en retard d'une demi-heure, ils payeraient chaque 
fois à la Caisse d’Anatomie : 1 fl. dans la première dccurence, 
dix sous dans la seconde, sommes à verser aux mains du 
Doyen, à moins qu’ils ne fussent empêchés par maladié ; en 
ces cas, .s’il n’est possible autrement, ils seront tenus d’en 
avertir le valet; celui-ci, apposera à la porte extérieure menant 
au Collegium Chirurgicum, une planchette portant l’avis qu’il 
n’y a pas de leçon. 

XI. 

Les Professeurs seront tenus de suppléer dans le plus bref 
délai aux leçons qu’ils n’auraient pas données ou qui seraient 
incomplètes; ils seront absolument tenus de donner leurs 
leçons eux-mêmès, sans se faire remplacer par qui que ce soit ; 
en cas de maladie ou autre conjoncture. Monsieur le Commis¬ 
saire de la Loi, y pourvoira suivant la nécessité ; toutefois 
(bien entendu si cela ne se représente pas fréquemment), l’un 
des Professeurs pourra remplacer l’autre. 

XII. 

Aucune des leçons prédites ne pourra être donnée sous dic¬ 
tée ; elles devront être expliquées et démontrées verbalement de 
la façon la plus claire, 



— 208 — , 

^ XIII. . . ‘ 

Aucun apprenti, devant faire ses années de Collège, ne sera 
admis, s’il ne sait ati moins lire et écrire convenablement de 
l’avis des Professeurs. 

Pour être autorisés à suivre les années de Collège, ils de¬ 
vront avoir atteint l’âge de 15 ans, être notés comme apprenti 
par le Doyen 4e|^a Corporation des Chirurgiens et Barbiers, et 
être renseignés: dans le registre approprié comme commençant - 
leursannées deCollège ; pourcette dernière inscription il payera 
deux florins,-sans plus, au même Doyen, à son profit personnel, 
celui-ci lui en délivrera une attestation écrite convenable, que 
l’apprenti devra montrer aux Professeurs mentionnés. 

XIV. 

Durant les leçons prédites, chacun se comportera comme il 
a été réglé et ordonne par l’Ordonnance du 30 octobre 1713, 
qui doit être tenue pour insérée et renouvelée parla présente, 
"pour autant qu’elle n'en dispose autrement; toutefois les 
amendes en argent qui y sorti spécifiées, seront versées doré¬ 
navant à la Caisse de l’Anatomie. 

_ XV. 

Pour que ceux qui suivent les leçons prénommées aient 
mieux connaissance de cette Ordonnance elle sera affichée 
dans un cadre appendu à un des murs du Collegium Chirur- 
gicura, à H’inspection d’un chacun. 

XVI. ‘ 

Pour être admis à l’examen verbal tous ceux qui doréna¬ 
vant voudront devenir Chirurgiens, devront montrer à Mon¬ 
sieur le Commissaire prénommé, qu’ils ont habité et travaillé 
pendant deux,ans, comme apprenti, chez un franc-Chirurgien 
admis en cette Ville ; ils devront montrer par des attestations 
écrites des deux Professeurs prénommés, qu’ils lepr ont 
donné satisfaction, et qu’ils ont suivi assidûment les leçons 
mentionnées pendant quatre années, sans qu’il puisse y être 
donné de dispense que par Messieurs du Magistrat, auxquels 
le cas échéant, il devra être présenté Une requête, à ce sujet. 

XVII. ' 

Cependant le tempis des années de Collège qui aurait été 
accompli suivant l’ordonnance précédente leur sera escompté 
pour compléter les quatre années prénom méjes ; si ce temps 
n’est pas complètement accompli, ils devrtont suppléer les 
années, mentionnées par les anciennes ordonnances prénom¬ 
mées, sans devoir payer quoique ce soit à ce sujet. 



— 209 — 


XVllI. ^ 

I^es Professeurs noteront sur un registre 4es absences et les 
retards des apprentis et des Maîtres faisant leurs années de 
Collège, ce registre sera enfermé à 'la Chambre des Chirur¬ 
giens dans une armoire dont ils auront la clef, ainsi que le 
Doyen, à bexclusion de toute autre personne. 

XIX. 

Monsieur le Commissaire mentionné, sera présent à l’exa¬ 
men; il fixera le jour et l’heure de celui-ci ; il en donnera con¬ 
naissante au valet qui en avertira tous les examinateurs au 
moins trois jours à l’avance. 

XX. 

A l’avenir l’examen sera double : à-'savoir un examen de 
questions, qui seront présentées verbalement, et auxquelles 
le Candidat sera tenu de répondre verbalement ; l’autre sera 
un'examen d’Opérations. 

Durant l’eyamen verbal, qui se tiendra à la Chambre des 
Chirurgiens, le candidat sera interrogé sur toutes les bran¬ 
ches de la Chirurgie. 

Durant l’examen des opérations (qui constitue l’épreuve et 
se tiendra un autre jour que l’examen verbal) le candidat sera 
tenu à faire quelques ôpérations chirurgicales, il posera quel¬ 
ques bandages, le tout à ordonner par les examinateurs ; 
avec-tout ce qui précède toutes les épreuves antérieures sont 
abrogées, - 

XXI. 

Pour ces examens, les examinateurs seront dorénavant : l_es : 
Professeurs déjà nommés, e^ les deux Doyens, c’est-à-dire, le 
Doyen et le sous-Doyen des Chirurgiens, et personne hors 
d’eux ; chacun d^eux aura une voix ; en • Cas de parité des 
suffrages, comme dans les autres cas mentionnés dans cètte 
ordonnance, le plus ancien Professeur d’admission aura la voix 
départitrice, en l’absence de celui-ci, elle appartiendra à 
l’autre Professeur. 

' XXII. 

. Lés examens mentionnés se feront sous serment ; celui-ci 
sera prêté devant Monsieur le Commissaire, avant les exa¬ 
mens, il spécifiera qu’ils feront tout suivant leur meillêure 
connaissance et suivant leur conscience, sans épargner quel¬ 
qu’un par amitié, sans poursuivre quelqu’un par haine, ou pour 
quelque autre prétexte injuste, quel qu’il soit. Il leur est défen¬ 
du de faire connaître à n’importe qui la façon dont ils auraient 
voté ensemble, et quels auraient été leurs votes respectifs. 

8.B.M, ' ,14 



— 210 — 


XXIII. 

Si un des examinateurs fait défaut par suite de maladie ou 
autres causes, le Commissaire du Magistrat pourvoira à son 
remplacement, il nommera en place d'’un des professeurs un 
des médecins jurés delà ville ; en place d’jin des doyens, il 
désignera quelqu’un du corps des Ghirugiens ; cependant pour 
la proposition des questions, pour la distribution des voix et 
la voix départitrice, et autres éventualités, le Médeciiï de la 
ville prendra rang immédiatement après l’autre professeur. 

XXIV. 

Personne ne pourra être l’examinateur d’un candidat appa¬ 
renté jusqu’au degré de germain, inclus, tant par affinité que 
par consanguinité. ^ , 

XXV. 

A l’examen verbal, chaque examinateur, en commençant 
par le Professeur d’admission le plus âgé, puis le plus jeune, 
ensuite de Doyen des Chirurgiens (et tel est aussi l’ordre qui 
sera suivi dans tous les cas) interrogera le candidat aussi 
longtemps qu’il lui plaira ; après que cela aura été fait pour 
tous ils recommenceront jusqu’à ce que chacun d’eux ait 
obtenu Complètement satisfaction. Pour l’examen des opéra¬ 
tions (pour lequelMonsieur le Commissaire fixera aussi le jour), 
les examinateurs se mettront d’accord sur les opérations 
ou travaux manuejs à exécuter par le candidat à l’examen 
verbal : le plus ancien Professeur en donnera connaissance et 
se munira des instruments nécessaires. 

XXVI. 

Aux deux examens désignés, le candidat devra donner satis¬ 
faction à la majorité de ses examinateurs, sinon il ne pourra 
absolument pas être admis, sous quelque prétexte que ce soit ; 
pas-même avec la restriction (d’après la façon qu’il aurait subi 
ses examens) de lui imposer plus ou moins d’années de col¬ 
lège, et de lui faire fréquenter les leçons déjà nommées ; bout 
ce qui serait au profit d’une personne isolée, mais au détri¬ 
ment de la généralité, est en opposition avec les vues et les 
ordres de Messieurs. , 

XXVII.' 

Ensuite il est ordonné qu’à l’avenir tous ceux qui seront 
admis, comme chirurgiens, devront être traités de la même 
façon ; tous ceux qui exerceront leur art dans cette ville et en 
dedans de ses murs, seront tenus (sauf les cas pour lesquels 
Messieurs du Magistrat, donneront une dispense) de suivre 
les leçons prénommées pendant trois années consécutives, 



- 211 — 


sous peine de payer à là caisse de l’Anatomie 7 sous pour 
chaque jour d’absence ; et 3 sous 1/2 lorsqu’ils arriveront 
quand la leçon est commencée, sauf pour le caç du médecin ; 
toutefois ils seront tenus à suppléer à ces absences ultérieure- 
inent et en temps convenable, qu’elles soient dues à la maladie 
ou tout autre cause. 

XXVIII. 

, Les Maîtres chirurgiens, auxquels avant la publication dek' 
présente, avaient été imposées des années de collège, les sui¬ 
vront de la môme façon et sous les mêmes amendes qu’il a été 
spécifié à l’article précédent, sans tenir compte de l’augmen¬ 
tation du nombre des leçons qu’ils suivront à l’avenir ; le temps 
qu’ils auraient accompli jusqu’à présent pourra leur être 
décompté. 

XXIX. 

^ Ceux qui voudront devenir chirurgiens suivront les leçons de 
la même façon qu’ils soient ou non fils de Maîtres ; ceux déjà 
reçus chirurgiens, et qui auraient encore à suivre les leçons 
(comme il a été dit à l’article 27, ci-dessus) seront tenus de 
payer annuellement au Directeur de l’Anatomie, au profit de 
cette caisse : 12 fl. pour les premiers nommés, tous les trois 
mois par anticipation ; 7 fl. les autres, la moitié de demi en 
demie année, aussi par anticipation ; ces payements ne 
seront plus réoxigibles, dans n'importe quel cas ou prétexte, 
même en cas de décès ou autres motifs. , 

XXX. 

Tous ceux, non désignés à l’article précédent, qui fréquen¬ 
tent les leçons payeront chaque fois 3 1/2 sous à la Caisse de 
l’Anatomie, qu’ils remettront au valet au moment de leur 
entrée ; ils pourront s’en acquitter en versant 7 fl. par an, à 
payer par demie année, et anticipativement, comme il a été ' 
dit antérieurement. 

XXXI. 

Sont dispensés de la formalité précédente, tous les méde¬ 
cins pratiquants et chirurgiens, sauf ceux qui n’ont pas 
encore accompli leurs années de collège ; tous ceux-là pour¬ 
ront suivre les leçons gratis, 

XXXII. 

Tous les chirurgiens et barbiers devront permettre à cha¬ 
cun, de leurs garçons d’assister deux fois par semaine aux 
leçons, et lorsqu’ils en seraient encore à leurs années de col¬ 
lège, chaque fois qu’il leur plairait de le faire,, sans que n’im¬ 
porte qui^ comme il a été dit précédemment, puisse y apporter 
le moindre empêchement sous peine de 3 fl. pour chaque fois. 



' — 212 — . 


XXXIII.' 

Enfin, pour donner aux élèves plus d'expérience et plus 
d’occasions de se rendre capables, il sera permis aux Profes¬ 
seurs -d’accorder aux plus méritants l’autorisation d’assister 
journellement aux opérations chirurgicales qui se pratiquent 
communément à l’hôpital ; à cette fin les Professeurs précités 
délivreront à ces élèves une permission écrite signée par 
chacun d’eux, mentionnant le nom et prénom de l’élève ; elle 
sera soumise à l’approbation de Messieurs les Commissaires 
de l'hôpital où à l’un d’eux; toutefois il ne pourra pas y avoir 
plus de dojjze élèves à l’hôpital dans ces conditions ; Mes- 
siECBs ordonnent aux Professeurs d’y veiller ponctuellement. 

XXXIV. 

Ceux qui voudront devenir Maître Chirurgien à l’avenir, 
payeront comme suit, à saVoir : 

Pour l’examen : 

Fils de Maîtres. 

Pour la Corporation. Fl. 80 » Fl. 45 » 

Pour leTronc des pauvres de la Cor¬ 
poration.. Fl. 10 » Fl. 7 10 

Pour la Caisse de l’Anatomie. Fl, 87 14 Fl. 75 4 

Pour Monsieur le Commissaire... Fl. 3 10 Fl. 3 10 

Pour les quatre Examinateurs, à cha¬ 
cun Fl. 3,10. FI. 14 » Fl. 14 » 

Pour le Doyen pour l’inscription au 

Livre.. Fl. 2 y FI. 2 » 

Pour le Valet.. Fl. 2 16 Fl. 2 16 

' Fl,'200 » Fl. 150 » 

XXXV. 

Quand le Candidat se présentera à son Epreuve, les mêmes 
droits, spécifiés à l’article précédent, seront encore .acquittés 
et répartis de la même façon, à savoir’-fl. 150, — pour les fils 
de Maîtres, et 11. 200 — pour tous les autres ; de plus, après 
son admission chacun d’eux payera encore fl. 5,12 au profit de 
la Caisse de l’Anatomie; les honoraires habituels de fl. 2,16 
de Monsieur l’Ecoutète pour recevoir le serment de chaque 
nouveau Maître admis, et tous les autres débours antérieurs; 
le restant, casu quo, sera acquis à la prédite Caisse de l'Ana¬ 
tomie. * • • 

XXXVI. 

Avant l’admission à l’exameh ou à l’épreuve, tous les Droits 
y afférents seront versés au Doyen de la Corporation prédite. 









— 213 — 


Le Doyen prénommé aura aussi la direction de la Caisse de 
l’Anatomie, et en fera" les payements requis; de trois en 
trois mois il sera aussi obligé de lever les deniers de la caisse, 
mentionnés à l’art. 9 de l’instruction particulière, il en tiendra 
«ne notice exacte; de tout ce qui précède il fera un compte et 
justification convenables, comme il a été spécifié dans l’ordon¬ 
nance du 30 juin 1755 ; mais ce compte ainsi que celui de la 
Corporation et du tronc des pauvres seront présentés chaque 
année au mois d’avril. 

XXXVII. 

Si quelqu’un était trouvé incapable à l’examen verbal, les 
deux tiers des droits acquittés seraient restitués ; s’il était 
trouvé incapable à l’examen suivant ou Epreuve,les trois quarts 
des droits réunis de l'Examen et de l’Epreuve lui seraient 
restitués. Dans ces deux cas, ces droits seraient repris à 
chaque examinateur dans les üiêmeS proportions; Lorsque le 
Candidat se présentera à nouveau, à l’examen ou à l’Epreuve, 
il payera les droits comme s’il ne s’était jamais présenté. 

. XXXVIII. 

Tous les chirurgiens, tant ceux qui font encore leurs années 
de Collège, que les autres, verseront chaque année au Doyen 
fl. 2,10 pour la Caisse de l’Anatomie, et fl. 1 pour la Corpo¬ 
ration; cependant les Veuves des Chirurgiens et Barbiers, et 
ceux qui seront admis dans la suite comme Chirurgiens, et 
‘n’aurontpas encore accompli leurs années de Collège, se con¬ 
tenteront de payer fl. 1 pour ^a Corporation; sans préjudice 
de ce que chacun d’eux payait annuellement à la Corporation 
ou autrement, avant la publication de la présente. 

XXXIX. 

Les nouveaux droits stipulés à l'article précédent seront 
exigibles à partir du premier avril prochain; les leçons com¬ 
menceront le !'*■ mai prochain; pour le reste, cette ordonnance 
sera suivie et observée dès sa publication. 

XL. 

Comme les leçons précitées suffisent (pour autant que la 
chose est possible actuellement) à l’instruction des Elèves et 
aux autres buts de la Chirurgie : tout ce qui concerne l’anato-* 
mie, dans l’ordonnance du 30 juin 1755 est abrogé, tout comme 
ce qui a été réglé avec ses conséqifences, et ce qui a'été statué 
à cet égard ; au surplus toutes les anciennes ordonnances pour 
autant qu’il n’en est pas disposé contradictoirement dans la 
présente restent en pleine force et vigueur. 



— 214 ~ 


XLI. 

Dans cette ville ou son 'enceinte personne ne pourra exer¬ 
cer la Chirurgie ni pratiquer la moindre intervention ressor¬ 
tissant depuis anciennement à la profession de Chirurgiens et 
Barbiers, à moins qu’il ne soit admis à cet exercice, comme il 
a été défini ci-devant sous la peine de fl. 12 pour chaque con¬ 
travention ; en outre, il sera corrigé par Messieurs, suivant le 
cas. 

XLII. 

Cette même défense s’applique aux Veuves des Chirurgiens 
et Barbiers, cependant pour leurs comptes et profits, leurs gar¬ 
çons pourront continuer à raser et à arracher des dents, poser 
des vésicatoires, des ventouses, des sangsues et des lavements ; 
et saigner, sans plus, quelque peu ou minime ce soit. 

Toutefois, les garçons prénommés, ne pourront saigner que 
s’ils en ont été reconnus 'capables par les deux Professeurs 
prémentionnés, ils leur délivreront une permission écrite, 
contresignée par eux deux, en mentionnant l’année et le jour; 
sous peine de fl. 12 pour chaque contravention à charge des 
dites veuves; ou à charge complètement de leurs garçons,casu 
quo, après enquête. 

XLIII. 

Pour empêcher les nombreux inconvénients provenant de 
l’ignorance des soi-disants Opérateurs, Charlatans et autres ; 
Messieurs défendent à tous et à chacun d’eux, de pratiquer, 
n'importe quelle intervention chirurgicale dans cette ville ou 
son enceinte sans examen préalablè des Examinateurs prémen¬ 
tionnés, qui estimeront s’ils sont capables de pratiquer'des 
interventions chirurgicales non susceptibles être exécutées 
par aucun Maître Chirurgien de cette ville. 

XLIV. 

Lorsqu’en cas de contestation d’honoraires d’un chirurgien, 
le Juge trouverait que la question doit être déférée au Collè- 
giura Chirurgicum, seuls les deux Examinateurs prénommés 
ou ceux que ledit Juge aurait désignés, in individuo, seront 
autorisés à donner leur avis non obstant ce qui pourrait avoir 
été admis antérieurement. Pour chaque compte il ne. sera 
jamais alloué plus de fl. .1,4 pour chaque examinateur et 
14 sous au valet, pour leurs offices respectifs. 

» XLV. 

Cette Ordonnance, pour la base et la manière d’examiner, 
sera aussi applicable à ceux qui voudraient exercer la chirurgie 
en dehors de l’enceinte de la ville à la campagne : avant de se 




— 215 — 


présenter ici à l’examen des quatre Examinateurs déjà men¬ 
tionnés, ils devront leur payer ce qui a été ordonné et statué 
par les Ordonnances>de sa Majesté. 

XL VI. 

Monsieur le Commissaire prénommé sera toujours uri des 
Echevins en fonctions, il sera commissionné par Monsieur le 
Bourgmestre de l’Intérieur, c’est aussi à celui-ci qu’on 
s’adressera pour tout ce qui concerne la présente ordonnance. 
XL VII. 

Lorsqu’il n’est pas spécifié au profit de qui les amendes 
mentionnées dans la présente sont levées, elles seront divi¬ 
sées suivant l’ancien usage : un tiers pour l’officier exploitant, 
un tiers pour la ville, un tiers pour le Dénonciateur; aussi ces 
amendes seront exigibles par exécution: parée. 

Actum in Gbllegio, à la réunion du Conseil du Lundi, tenu 
le 6 mars 1786. 

Délia Faille vt. Louis Torfs. 

(à Anvers chez J. Grangé, Imprimeur de la Ville.) 


Instruction relative à l'Ordonnance des Olnrurgiens et des 

Leçons à donner au Collegium Chirurgicum, émanée le 

7 mars 1786. 

1. , 

11 ne sera pas permis de prendre â l’Hôpital des cadavres o.u 
des parties de ceux-ci pour les leçons des Professeurs du Col- 
le^ium Chirurgicum, ou pour n’importe quelle autre fin, sans 
une permission spéciale écrite de Messieurs les Commissaires 
du même Hôpital. 

II. 

Ces' Commissaires n’accorderont cette permission que pour 
les cadavres de personnes inconnues, et jamais'd’autres, sinon 
avec le consentement des parents les plus proches, hormis 
seuls les cas extraordinaires, pour lesquels l’autorisation sera 
demandée au Magistrat. 

HL 

Sur la même base et avec la même permission, et pas autre¬ 
ment,_ il sera accordé aux Professeurs, de faire de temps eh 
temps à l’Hôpital, des opérations sur les cadavres ou leurs 
parties de ceux, qui y sont décédés.. i 

IV. . ■ . . , 

Les dits cadavres ou leurs parties, qui peuvent être obtenus 
comme il a été dit à l’art. 2, serviront aux démonstrations . 



— 216 — - . 

fraîches d’Anatomie, du Professeur de celle-ci, et aux Opéra¬ 
tions ou travaux manuels du Professeur de la Chirurgie, ainsi 
qu’aux Epreuves des candidats, comme il a été réglé et statué 
aux articles 4, 7 et 20 de l’ordonnance prédite. 

‘ V. ■ 

Au cas où il ne serait pas possible d’obtenir quelque cadavre 
ou partie de celui-ci, les Professeurs prénommés feront leurs 
démonstrations et Opérations respectives sur des parties d’ani¬ 
maux, ou comme on dit, per subjectum comparatam ; les 
Epreuves prénommées se feront alors sur cette base. 

¥ 1 . 

Les deux plus jeunes de ceux qui dans la suite seront reçus 
comme Chirurgiens, et le Valet de la Chambre des Chirur¬ 
giens, seront tenus de prêter assistance aux Professeurs 
prénommés, quand elle sera demandée, tant pour le transport 
que pour la préparation des cadavres ou leurs parties devant 
servir aux leçons ou Epreuves des Candidats, et dans tous 
les autres cas; sous peine d’une amende de fl. 6 au profit de 
la Caisse de l’Anatomie pour chaque refus en plus du paye¬ 
ment des frais que ce refus aurait occasionnés. 

VIL 

Messieurs, ordonnent aussi aux Doyens des Chirurgiens de 
prêter en tout temps toute aide et assistance possibles aux 
Professeurs prénommés, tant en ce cas qu’en d’autres. 

vni. 

Le Valet mentionné tiendra note exactement des absences et 
des retards aux leçons des Apprentis, et de ceux qui sont 
, encore à leurs années de Collège (ce qui est spécifié aux art. 18 
et 27 de l’Ordonnance précitée), il les Communiquera par écrit 
au Professeur à là lin de chaque jour de leçon. , 

IX. 

Le Valet récoltera toutes les amendes au prçfit de la Caisse 
de l'Anatomie (sauf celles spécifiées à l’art. 10 de l’Ordonnance 
précitée), il les remettra aussitôt aux Professeurs ou au Doyen 
en chef des Chirurgiens,,qui les enfermeront immédiatement 
dans une caisse à la Chambre des Chirurgiens; dont seuls les 
Professeurs et Doyen posséderont la chef. 

. ' ' , X.. ■ ■ ’ 

Pour tous ces devoirs et autres indiqués dans l’Ordonnance 
il sera payé" au dit Valet une somme de fl. 60 l’an; avec quoi 
viennent à cesser tous les offices antérieurs ainsi que leurs 
redeyances. 



— 217 — 

^ XI. 

Les revenus de la prédite Caisse de l’Anatomie serviront 
aux payements mentionnés à l’article précédent, ainsi que par¬ 
tiellement au payement des honoraires-des Professeurs. 

XII, 

Us serviront aussi au payement des Instruments et autres 
nécessités, comme le feu et la lumière, et autres, choses dont 
les Professeurs pourraient avoir besoin; sans que toutefois-ce 
qui a été réuni dans cet- article puisse dépasser la somme de 
fl. 100 l’an, sans pernaission écrite de Monsieur le Commis¬ 
saire des Chirurgiens; on se rangera à son avis pour l’achat 
de ses Instruments lorsque les Professeurs ne seront pas d’ac¬ 
cord. 

A XIII. 

La SOus-Dbyen prendra soin des Instruments prédits, il les 
gardera propres et les enfermera dans une caisse à la Chambre 
des Chirurgiens, dont il aura la clef ainsi que le Professeur à 
l’exclusion de tout autre. ! 

XIV. 

Au cas où quelque Chirurgien pourrait avoir besoin de ces 
mêmes Instruments, il pourrait les recevoir contre récépissé 
dûment rempli, mentionnant le nom des Instruments, la date 
du prêt, et en avertissant les Professeurs; le chirurgien rap¬ 
portera cet Instrument dans le même état aussitôt que possible, 
et même à la première réquisition des Professeurs, il eh res¬ 
tera d’ailleurs complètement responsable. 

Pour ces devoirs et autres il sera alloué de la Caisse de 
l’Anatomie au nommé sous-Doyen la somme de f. 10.10 l’an; 
sans plus, soüs quelque prétexte que ce soit. 

Actum’in Collegio, à la réunion /lu Conseil du Lundi tenu, 
le 6 mars 1786* 

Délia Faille vt. : Louis Torfs. 



— 218 — 

LE SERVICE MÉDICAL A LA BASTILLE 

, (Suite et flny 

Pai* les Docteurs Paul SÉDIBUX et Roger tiOULARD. 


B. — Les soins aux Aliénés et aux Anormaux 
PSYCHIQUES constitutionnels (2). 

On est frappé, en lisant les mémoires des prison¬ 
niers et en consultant les archiyesi de la proportion 
notable d’aliénés que renfermait la Bastille, et de 
l’analogie qu’elle présentait, par de nombreux côtés, 
avec une maison d’aliénés. 

Il n’est point de trouble psychopathique qu’on ne 
rencontre chez les nombreux prisonniers signalés 
comme étant « dérangés d’esprit, battant la campagne, 
atteints de dérèglement d’esprit, etc. » Notoiis sim¬ 
plement ici l’agitation et l’excitation maniaque, le 
délire mélancolique, les délires mystiques, les obses¬ 
sions homicides, l’hystérie et l’épilepsie, la mégalo¬ 
manie, le délire de persécution. 

On pouvait être mis à la Bastille uniquement pour 
cause d’aliénation mentale. Tantôt, il s’agit de per¬ 
sonnages de qualité, Atteints de troubles cérébraux 
présumés ; tantôt — et cAst le cas de beaucoup le plus 
fréquent, — ce sont des aliénés et des déséquilibrés, 
dangereux du malfaisants, que l’on veut soumettre à 
une surveillance spéciale. 


(1) Voir n** 3-4, p. 117-134. 

(2) Voir pour plus de détails : D'* Sérieux et Libert. — Ca Bastille 
et ses prisonniers. (L’Encéphale de juillet à octobre 1911). La Bastille, 
asil^d aliénés (Œsculape, octobre 1911). — Les lettres de cachet, prison¬ 
nier? de famille et placements volontaires (Bull, société de médecine 
mentale de Belgique, décembre 1911 et janyier 1912), Le régime des 
aliénés en France au, XYtlB siècle. (Annales médico-psychologiques, 
1915-1916). — Le traitement des maladies mentales à la Bastille (Archi- 
yes de neurologie (d'avril à décembre 1922). 



— 219 


Ces mternements, d’ailleurs, ne pouvaient avoir 
même quand la famille les demandait, sans un « ordre 
du Roy », autrement dit sans une lettre de cachet, 
et après rapport du lieutenant de police. 

On transférait, aussi, à la Bastille, des autres prisons 
et des maisons d’aliénés,des individus atteints de trou¬ 
bles ou d’anomalies psychiques, qui étaient « incom¬ 
modes », c’est-à-dire‘insupportables ou dangereux. 

En dehors de ces cas, où l’individu qu’on embastil¬ 
lait était un aliéné reconnu, il faut signaler l’entrée 
à la Bastille d’aliénés méconnus, de gens enfermés 
pour un motif tout autre. Le caractère délirant des 
actes qui ont motivé l’incarcération reste ignoré pen¬ 
dant plus ou moins longtemps, comme il arrive, sou¬ 
vent encore, de nos jours. Puis, un jour, ces indivi¬ 
dus, qualifiés de «libertins, scélérats, imposteurs, 
intriguants, conspirateurs » se révèlent atteints de 
graves troubles mentaux. 

En dernier lieu,'signalons le cas d’individus qui, 
sains d’esprit à leur entrée à la Bastille, y furent 
atteints d’aliénation mentale. 

Outre le rôle d’asile d’aliénés, la Bastille remplis¬ 
sait celui d’« asile de sûreté ». C’est à ce titre qu’on 
y mettait, en grand nombre, les, dégénérés anti¬ 
sociaux, les anormaux psychiques constitutionnels : 
imbéciles, débiles, pervertis sexuels, fous lucides, 
aliénés raisonnants (1). 

Comme ils le seront toujours, ces anormaux psychi¬ 
ques constitutionnels étaient, sous l’ancien 'régime, 
un fléau social. Trop lucides, pour être intérnés dans 
les maisons d’aliénés, insuffisamment responsables 
pour être emprisonnés, trop malfaisants poup être 
laissés en liberté, ils étaient envoyés à la Bastille. 
C’est la présence de ces dégénérés antisociaüx qui 
donne à la fameuse prison ce caractère d’asile de 
sûreté si longtemps méconnu. 

(1) Voir pour plus de détails : Docteurs Sérieux fet Libert : Les anor¬ 
maux psychiques constitutionnels à Ic^ Bastille. (Ghrouique médicale, 
octobre 1911), — Un asile de sûreté sous l’ancien régime. (France médi¬ 
cale, novembre 1911etjanvierl912). 



— 220 — 


Pour étudier le traitement et le régime auxquels 
étaient soumis les prisonniers de la Bastille atteints 
de troubles mentaux, nous répartirons ces malades 
en trois grands groupes, suivant la nature de leurs 
réactions : états dépressifs ; états d’excitation ; mala¬ 
des calmes et lucides, 

1° Etats dépressifs. 

Parmi les drogues prescrites, nous relevons la 
liqueur d’Hoffmann, diverses préparations opiacées, 
l’eau de mélisse, etc. 

D’autre part, on donnait aux déprimés, l’espoir 
d’une libération prochaine. On tenait pour « œuvre 
de charité «de leur accorderdes promenades, la visite 
de leurs parents, la lecture de quelques livres. 

Ainsi, le major mande au lieutenant général de 
police : 

Le prisonnier a perdu son air inquiet et embarrassé, sur¬ 
tout depuis que vous lui avez accordé des livres et la prome¬ 
nade, et maintenant, il est aussi tranquille que l’on peut 
être (1). 

Au sujet d’un mélancolique qui est « dans un état 
affreux », le major écrit au lieutenant de police : 

Je crois que ce prisonnier aura grand besoin de voir madame 
sa femme, souvent, jusqu’à que cette angoisse soit passée (2). 

Gerlains prisonniers sont autorisés à fàire de la 
tapisserie, à élever des oiseaux, à avoir une chienne 
ou un chat. 

Les pratiques religieuses sont utilisées, pour leur 
bon e,ffet moral: messe, communion, lectures pieu¬ 
ses. Un prisonnier supplie le lieutenant de police de 
lui permettre d’entendre la messe, tous les jours : on 
le lui accorde, et il reçoit le sacrement de pénitence, 
« Cela lui a un peu remis sa pauvre tête, qui était 
furieusement dérangée » (3). • 

(1) Rav. XVII. 91. ' 

(2) Rav. XVIII. 32. 

(3) Rav. XIX, 248. 



— 221 — 


On a souvent recours aux bons offices — fi^’une 
efficacité quelquefois souveraine — du confesseur de 
la Bastille : le P. Couvrigny, le P. Griffet, l’abbé 
Taaf de Gaydon, l’abbé Duquesne. 

Le P. Griffet est appelé auprès d’une prisonnière, 
dontl’étatmental donne quelque inquiétude.Il lui parle 
pendant deux heures à deux reprises. Cela « met un 
peu de baume dans le sang >3 de la malheureuse (1). 

Parfois, le confesseur se rendant parfaitement 
compte que le malade est « dans un 'état pitoyable » 
demande sa mise en liberté. Ainsi fait, le 29 avril 
1748, le P. Griffet pour le sieur Boullenois « pour 
sauver la vie ou conserver la raison d’un homme 
menacé de perdre l’une ou l’autre » (2). Quelqires 
semaines après, Boullenois est libéré. 

Le confesseur demande aussi, pour quelques mala¬ 
des, certaines faveurs, telles que l’assistance d’un 
garde, la promenade, ou des « douceurs » (3). Il les 
obtient, toujours. 

Notons enfin, que, pour les prisonniers qui ne 
voulaient pas recevoir la visite du confesseur ordi¬ 
naire de la Bastille, parce que c’était habituellement 
un père jésuite, on faisait appel à leur confesseurordi- 
naire ou au curé de l’église Saint-Paul. 

Certains mélancoliques refusaient de s’alimenter, 
comme cela se voit souvent. On leur faisait suivre un 
régime spécial « pour satisfaire leurs fantaisies ». On 
essayait de leur faire prendre du lait, du bouillon, 
des œufs frais, de la gelée de viande, des huîtres, de 
la crème, tous aliments susceptibles, sous un petit 
volume, de soutenir leurs forces. 

Naturellement, un service de garde était organisé 
auprès des aliénés. Car on connaissait bien, à la Bas¬ 
tille, la nécessité d’une surveillance constante de 
certains de ces malades. Officiers, médecin, confes¬ 
seur, insistaient, à chaque instant, sur ce point, dans 
leurs rapports. 

(1) Rav. XVI, 170. ‘ 

(2) Rav. XV, 366. 

(3) Rav. VII, 216 et XIX, 375. ' 



— 222 - 


2“ Etats d'excitation. Aliénés dangereux. 

. On avait recours, alors, aux bains, aux saignées, 
aux potions calmantes. On faisait surveiller ces mala¬ 
des, jour et nuit, quelquefois par deux gardes. On 
les isolait dans les « chambres de force » sans chemi¬ 
née, sans fenêtre, et où il n’y avait qu’un lit de paille, 
avec ou sans couverture (comme cela se pratique 
encore maintenant). On les met^it, aussi, dans les 
« calottes » des tours. 

Les aliénés « incorrigibles... révoltés... enragés... 
dangereux par leurs algarades violentes et leurs i 
fureurs extrêmes », selon les termes des rapports 
él^blis sur leurs cas, étaient, mais seulement avec 
l’autorisation du lieutenant de police, contenus avec 
des chaînes. ' 

Il convient d’ajouter ici qu’il n’y eut jamais à la 
Bastille, ni cages de fer, ni O'ubliettes (1). 

3“ Aliénés calmes et lucides. 

Le gouverneur a ordre d’adoucir, le plus possible, 
leur existence, de leur donner la permission de se 
promener, de recevoir des visites, de lire, écrire, 
fumer, jouér à divers jeux. Ce sont pour les officiers 
de la Bastille les- « prisonniers de la Liberté ». La 
tour où ils sont logés en a pris le nom de « tour de la 
Liberté ». 

Signalons, enfin, que pour les âliénés guéris ou 
améliorés, le lieutenant de police a toujours soin, 
avant de les libérer,’ d’exiger de leur famille qu’elle 
s’engage par écrit à veiller sur eux. 

G. Transfèrement d’un malade ou d’un aliéné. ■ 

Malgré le dévouement du médecin ou du chirur¬ 
gien, malgré la sollicitude des officiers, et en dépit 
de tous les soins, il arrivait forcément quelquefois, 
que l’état d’un prisonnier ne s’améliorait pas. 

^1) ClIAIlPEUTlEH.— La'Boitille dévoilée, II, 21, 



— 223 — 

Alors, on n’hësitait pas dans certains cas, à ouvrir, 
pour lui, les portes de la prison. 

S'il s’agissait d'un aliéné, on l’envoyait chez les 
Frères de la Charité, à Charenton, à Bicêtre, à la 
Salpétrière, aux Petites-Maisons. 

S’il s’agissait d’un malade, on le transportait à 
l’Hôtel-Dieu ou dans une maison de santé. 

Quelques prisonniers ont même obtenu la permis¬ 
sion d’aller faire une saison aux eaux, à Bourbon, à 
Barèges, par exemple. D'autres rentraient chez eux 
pour y recevoir les soins d’un médecin ou d’un 
maître-chirurgien, ou pour y subir une opération 
jugée nécessaire. 

• Mais, dans tous ces cas, une fois guéri ou au, moins? 
amélioré, le prisonnier devait rentrer à la Bastille, 
selon l’engagement qu’il en avait pris. 

Dans d’autres cas, la libéralité du gouvernement 
royal était encore plus grande : la liberté était, pure¬ 
ment et simplement, rendue au malade. 

Le 30 août 1716, le duc de Richelieu, embastillé 
depuis six mois, étant atteint de dysenterie, fut mis 
en liberté, son état faisant craindre qu’il ne succombât 
en prison (1). " 

Le 25 septembre 1746, le lieutenant de police pro¬ 
pose au ministre de la Maison du Roi la sortie du 
sieur Ghalus parce que « sa tête est extrêmement 
échauffée et qu’on pourrait craindre quelque accident 
de sa part, si on le retenait plus longtemps» , Le 
malade fut mis en libetté, le lendemain (2). 

(1) Mémoires du maréchal duc de Richelieu^ Londres-1790, t. III, p.l77. 

(21 Rav. XV, 241. 



DOCUMENTS 


Remarques sur les variations morphologiques 
des Lèvres. 

Le D"" Henry Meige, professeur d’a'natoraîe à l’Ecole des 
Beaux-Arts, a communiqué à la séance du 5 décembre 1925. 
une série de remarques sur les variations morphologiques des 
.lèvres. 

Il s’est attaché à la description du Philtron, nom donné par 
les Grecs à la gouttière naso-labiale médiane, considérée par 
les artistes et les poètes de l’antiquité comme un des princi¬ 
paux appâts du visage, et appelée poculum amatorium par les 
auteurs latins. 

La gouttière philtrale et la fossette phiiirale qui la termine en 
bas, sont bordées par deux crêtes saillantes, plus' blanches, 
qui accrochent la lumière et qui se terminent en haut dans les 
tubercules latéraux de la sous-cloison nasale. La courbe infé¬ 
rieure qui réunit les deux crêtes philtrales se prolonge laté¬ 
ralement par le liseré labial, sorte d’ourlet qui borde la zone 
rouge de la lèvre supérieure ; l’ensemble constitue ce qu’on 
désigne parfois sous le nom d’arc de Cupidon. 

Les variations du philtron sont nombreuses et tiennent aux 
variations d’écartement, de saillie, et de hauteur des crêtes 
philtrales. 11 y a des philtrons étroits et longs ; d’aiitres sont 
. profonds et arrondis. 

Au-dessous du Philtron,dan« la zone rouge de la lèvre supé¬ 
rieure, se voit une saillie, le Tubercule labial médian, qui a 
même origine embryologique que le philtron, c’est-à-dire les 
bourgeons incisifs soudés entre eux précocement. Les crêtes 
philtrales font partie de cet élément embryologique, car elles 
sont toujours visibles sur la lèvre interne de la fissure dans le 
bec-de-lièvre 

Les variations du Tubercule labial médian permettent d’éta¬ 
blir des distinctions entre les différents types de lèvres. Selon 
qu’il est petit ou volumineux, haut situé ou bas situé, la forme 
des lèvres change, et il est très souvent possible de recon- 
"naître chez l’adulte ces variations du développement labial. 



— 225 — 

Les artistes de tous les temps ont reproduit les variations 
des lèvres avec exactitude. Quelques exemples en sont pré¬ 
sentés à la Société. 

Dans ribt Egyptien, le liseré labial est fortement indiqué et 
parfois aussi les bourgeon^ constitutifs des lèvres. 

. On peut voir le Tubercule médian réduit à un simple bou¬ 
ton. sur le portrait du père d’Albert Durer. Il est très déve¬ 
loppé sur une tête de femme de Piero délia Francesca où il 
produit une forte saillie de la lèvre supérieure. Une encoche 
médiane est souvent marquée sur la lèvre inférieure, comme 
sur un buste de Marius, au Vatican ; iUpeut en résulter un 
orifice permanent sur le milieu de l’interstice. 

Le philtron est glabre chez certains individus. Il l’était chez 
Henri VIII, d’Angleterre, d’après son protrait par Holbein le 
Jeune, à Londres. 

Enfin, de part et d’autres du tubercule médian, on peut voir 
deux encoches qui s’expriment par deux pertuis sur l’interstice 
des lèvres. Tel est le cas du portrait de Botticelli dans son 
tableau de l'Adoration des Mages, aux Offices. Cette disposi¬ 
tion fait songer à une esquisse de bec-de-lièvre bilatéral. 

D’une façon générale, ces recherches montrent les services 
réciproques que peuvent se rendre la morphologie et l’em¬ 
bryologie. 


Les prêts d’honneur aux Etudiants en médecine 
sans fortune de la Facùlté d^ Paris 
au xvr et au XVII« siècles. 

On a beaucoup parlé, ces temps derniers, des prêts d'hon-/ 
neur à consentir aux étudiants sans fortuné, pour leur permet¬ 
tre d'entreprendrej de continuer ou d’achever leurs études. 
Comme quelques autres chosesj cela est du vieux neuf. 

11 nous suffira de rappeler que ces prêts existaient au 
XVI® siècle dans l’ancienne faculté de médecine de Paris. 

Eh ouvrant, en effet, un mince petit livre, in-16 de 190. 
XXIV pages. Stalut'a Facultatis medicinæ Parisiensis, paru. 
Parisiis, apud Franciscum Muguet, Regis et Facultatis medici¬ 
næ typographum MDCXCVI, qui tenait boutique. Via Cilha- 
ræ.ad Insigne Adorationis Regum, on trouvera à la page 25 des 
Statuta Facultatis medicinæ, excerpta ex Libro Legum et Statu- 
torum Academiæ et ünioersitaiis Parisiensis, quæ lata quidem et 
promulgatasunt insenatu lll Septembris An.Dom. M.D.XGVIIIj 
S.H.M. ' 15 



— 226 — 


l’article XXV qui suit : Ne pauperibus ad 'Medicinæ gradue 
aditus intercludatur Bursœ pro Licenliis et Doctoratu Facultati 
debitæ remittantur eis qui manifeste, pauperes erunt, si alioqui 
constet eos doctos et probes esse : ea conditione,, ut folliceantur 
et publico instrumenta fidem suam àdstringant, se Bursas perso- 
luturos cum ad meliorem fortunam pervenérunt. 

Ce n’est donc pas d’aujourd’hui ét sous J’influence de la 
solidarité démocratique qu’on s’est occupé des étudiants infor¬ 
tunés, pauvres même, disent les textes. 

Durant tout le moyen âge et même plus tard, comme chacun 
sait, c’étaient surtout les pauvres qui fournissaient les Eco¬ 
liers aux Universités et pour eux qu’étaient fondés auprès 
d’elles, en province comme à Paris, de nombreux collèges de 
boursiers, dont les noms sont dans toutes les mémoires. 

Au xvp et au xvii® siècles, en ce monde, fermé et privilégié, 
croit-on, de l’ancienne Faculté de médecine de Paris, qui se 
recrutait surtout, dans la bonne, aisée et même riche bour¬ 
geoisie, on se préoccupait, toùtde même, de faciliter l’accès des 
Licences et du Doctorat aux Philiatres non favorisés de la for¬ 
tune, et on les déchargeait temporairement des drpits d'études 
et d’examen à payer, s’ils pétaient réellement pauvres,-et à 
condition qu’ils fussent instruits et honnêtes, docti et probi : 
frais qu’ils devraient rembourser lorsqu’ils auraient acquis 
une meilleure situation. 

Si l’pn en croit Gorlieu — Cancienne Faculté de médecine de 
Paris — le total de ces frais s’élevait à un peu plus de 
5000 livres. C’était une belle avancé que faisait aux étudiants 
besogneux l’ancienne Faculté, et on sait qu’elle n’était pas 
riche, qu’elle n’avait de subvention ni de l’État ni de la Ville, 
et que c’était, somme toute, de sa bourse de Compagnie indé¬ 
pendante et autonome que cet argent était tiré. 

D' J. Behgouniodx. 



BIBLIOGRAPHIE 

O O aÆ 3E»T73S s -ES IV rr» XJ s 

Cabanes. — La Névrose Révolutionnaibe (2 vol.),. 
Albin Michel, édit., Paris. — L’Enfer de l’Histoire; Les 
Cinq Sens, chez le Erançois, Paris. 

e On ne lit plus » geignait l’autre jour un mien ami édi¬ 
teur, se lamentant sur l’indifférence de notre époque pour 
•tout ce qui touche aux livres. En- ■vérité, cela devient un luxe 
de lire et cependant si, à l'abord’age vous mettez un confrère 
sur le dernier Cabanes,, il vous sera répondu : je viens de le 
lire. Ce diable d'homme est entre toutes les mains, ce qui ne 
doit pas lui être désagréable puisque nombreuses, très nom¬ 
breuses sont les lectrices qui l’adorent et qui le lui disent et, 
ce qui est beaucoup plus grave, le lui écrivent. Pourquoi 
donc? Jules Claretie vous le révèle dans la première édition 
de la Névrose révolutionnaire : « L’Histoire! C’est encore la 
plus puissante et la plus vivante des tragédies. Le présent 
livre nous en montre les coulisses ou, si l’on veut, le retrait 
du Docteur avec ses révélations et ses tristesses. Les cou¬ 
lissés ! Elles-sont souvent plus attirantes que la scène et elles 
ont aussi lenrs drames et leurs comédies. Lè public ne les 
voit pas. 11 est enchanté quand on les lui montre. A plus forte 
raison, quand on lui ouvre le cabinet du médecin de service. » 
En collaboration avec L. Nass, le D’’ Cabanès, assimilant 
le Coups ’so'cial à une entité individuelle, en recherche le carac¬ 
tère propre, le tempérament, comme l’on disait autrefois les 
maladies qui lui sont, particulières, dont celles qui ressortis¬ 
sent à la psychppatologie sont. les plus nombreuses. La terr 
rible névrose révolutionnaire est une de ces réactions. Là, le 
peuple est agi et il agit sur ses meneurs. La foule délire entraî¬ 
née qiar un Marat ou un Danton et Marat et Danton devien¬ 
nent des instruments à leur .tour: ils croient diriger la Révo- 
Itftion et la Révolution les balaie. Un cycle d’action et , de 
réaction est, tout comme lé flux et le reflux de la mer .-l’effet 
d’uh inëxorable déterminisme. . ., \, 


-- 228 - 


Rechercher la part qui revient à chacun et la présenter au 
tribunal de l’Histoire qui a pour assesseur le « médecin ». 
C’est là toute la formule des auteurs dans ces deux volumes 
que vous ne pouvez pas ignorer, car ils sont une clè, en parti¬ 
culier « de cette suspicion qui éclot dans l’humus révolution¬ 
naire, grandit comme une plante vénéneuse, étend sur les 
cités l’ombre épaisse de la terreur et et de la haine ». 

C’est encore et toujours de la même méthode que s’inspire 
l’Enfer de l’Histoire. Pourquoi, du reste, l'auteur change¬ 
rait-il de méthojie, puisqu’elle est la bonne et qu’il la manie 
comme le maître artisan manie le burin en vue du « chef- 
d’œuvre?.. » 

Vous qui entrez ici laissez toute espérance ! Sans vouloir, 
en aucune façon, se faire leur apologiste, le D' Cabanès (un 
Henri Robert dans son genre) essaie de rechercher, si d’a¬ 
venture, quelques, circonstances atténuantes ne viendraient 
pas plaider la cause du « réprouvé » et si, d’autre part, cer¬ 
taines calomnies intéressées ne seraient pas venues noircir le 
tableau ! Lucrèce Borgia, le cardinal Dubois, Le Régent, 
Louis XV, La Dubarry, 'Danton, Fouquier-Tinville... sont 
ajnsi appelés à la barre, et au milieu de toutes ces horreurs, 
de toutes ces dépravations, de toutes ces' hontes, on aperçoit 
Louis XV bon père, ami fidèle et sûr, diplomate avisé, roi 
sensé en abolissant la pénalité de la magistrature... 

Entre deux consultations ou bien le soir, la journée finie, 
vous lirez aussi les Curiosités de la Médecine que vient d’édi¬ 
ter Le François. 

Les Cinq Sens sont matière à mille anecdotes, à mille faits 
divers, nons rappelant mille singularités de la Nature : une 
des grandes distractions à la Cour de Napoléon I°^était de 
voir l’Impératrice Marie-Louise faire tourner son oreille sur 
elle-même. — Peut-on vivre sans langue ? une anecdote digne 
de foi nous l’affirme et le sujet pouvait parler ; il est vrai que 
c’était une femme... L’œil du mort conserve-t-il quelques ins¬ 
tants, fixée comme sur une plaque photographique, la der¬ 
nière image observée par le sujet? Troublante question qui 
fut beaucoup étudiée à la fin du second Empire, au sujet d’un 
crime qui venait de se commettre et le Df Bourion, de Dar- 
ney (Vosges), adressait à la Société de Médecine légale une 
épreuve photographique portant la mention suivante : « Cette 
photographie, prise sur la rétine d’une femme ayant été assas¬ 
sinée, le 14 juin 1868, représente le moment où l’assassin, 
après avoir frappé la mère, tue l’enfanf*, et le chien de la mai¬ 
son se précipite vers la malheureuse petite victime », 



— 229 — 

Et vous litez ce qu'il en advint avec, sur le goût, l’odorat 
et le toucher, « moult délectables choses ».• 

, Joyeux propos d’Esculape, Esprit d’Esculape s’apparentent 
aux Curiosités de laMédecine. Il faut bien un peu s’esbaudir pour 
ce que le . livre est le propre de l’homme et que les heures où 
nous vivons sont loin d’être folâtres... Raymond Rîolinéry. 

Gerges Dagen. — Les Propos du Pélican, Paris Médical, 
n» 36. 1925. 

Une suite de Documents sur l’Art Dentaire en France : Les 
dents dans l’ancienne littérature française, Garain le Lorrain, 
Elie de Saint-Gilles, du Bellay, G. de Gocci, de Gordon, 
Pierre de Vernon, etc... Des anecdotes sur les cure-dents: 
Joyaux de la Couronne de-Charles V, de Charles VI, de 
François 1®'', les Espagnols, l'amiral de Coligny, le connétable 
de Montmorency, le chancelier Séguier, le comte de la Chalo- 
tâis, Marie-Antoinette ; le mal que disaient des dentistes d’au-’ 
trefois : Lisser Benancio, Tallemant des Reaux, Gui Patin, 
Rabelais. Les douleurs des dents chantées par Scarron, Piron ; 
une plaisante histoire arrivée à Poinsinet, de bons mots de 
Pottier et de Mme de Genlis. 

G. D. — Paris ancien en les demeures de ses dentistes; 
— Dictionnaire scientifique dentaire Arama-Michel, 1925. 

Promenades au Pont-Neuf, aux quais de la rive droite et 
de la rive gauche, aux quartiers St-Côme, St-Honoré, Palais- 
Royal en citant les noms des anciens dentistes y demeurant. 

G. D. — Documents inédits sur.qüelques dentistes pari¬ 
siens.— Dictionnaire scientifique dentaire Aràma-Michel, 1926. 

Des recherches sur Fauchard le père de la Dentisterie, sur 
Bruno Regnard, hospitalier à la Charité pendant la Révolution, 
puis dentiste, sur Dubois de Chemant 1’ « Inventeur » des 
dents minérales, ses opinions sur Napoléon P®. Une suite de 
brevets d’invention de dentistes de 1791 à 1830. 

G. D. — Lettres de Noblesse accorûées a Caperon et ' 
A Bourdet, chirurgiens-dentistes de Louis XV. Semaine 
dentaire, n® 9, 1926, 

Deux pièces des Archives Nationales reproduisant les en¬ 
quêtes de noblesse de Caperon et Bourdet, avec le nom des 
témoins et leurs appréciations sur le talent des deux dentistes. 
Fac-similé des signatures de Bourdet d’après l’acte de cession 
de sa charge à Dubois-Foucou, et du dentiste Fontaine témoin 
de Caperon. 



— 230 — 


Ch.. Andié Julien. — Un médecin iudmantiqse, interphète 
ET pnOFESsEDR d’arabe : Edsèbe DE SAlles. — Extp. de la 
Uevue Africaine, 1924-25. Alger, J. Carbone], 1 vol. in-8“ de 
164 p. 

C’est vraiment une bien curieuse figure, que celle de cet 
étonnant polygraphe : médecin, botaniste, archéologue, ethno¬ 
graphe, journaliste, romancier, poète, auteur dramatique, in¬ 
terprète, professeur de géographie, d’économie sociale et 
d’arabe, mais, avant tout, un ambitieux, assoiffé d’honneurs, 
de réclame et de considération, entiché de noblesse (il s’appe¬ 
lait Desalle tout court), un inquiet, atteint d’une incurable 
instabilité. Né à Montpellier en 1796, il paraît avoir fait de 
solides études dans cette faculté, où il essaiera plus tard, sans 
succès, d’être admis comme agrégé, mais en faveur de laquel¬ 
le, il lance, en 1820, un manifeste, sous le subterfuge de 
l’ouvrage supposé du chirurgien anglais John Cross. 11 s’en¬ 
thousiasme pour l’école de Broussais, « ce moderne Cromwell 
qui s’est attaqué à la science hippocratique ». En épidémiolo¬ 
gie, il est farouchement anticontagioniste, et soigne, d’ailleurs 
avec compétence et dévouement, les cholériques à Paris et à 
Marseille, en 1835, et les pestiférés en Egypte et en Syrie, au 
cours d’un grand voyage qu’il fit en Orient en 1838. 

En 1822, il publie une Table synoptique J,es poisons et des 
asphyxies ; en 1823, un Traité des Maladies des enfants ; il colla¬ 
bore au Journal complémentaire et donne, en 1835, dans l’Ency¬ 
clopédie de Bayle, une Histoire Générale de la médecine légale. 

Mais il trouve cette voie bien longue et bien dure pour ar¬ 
river à la gloire et à la fortune. La réussite d’une traduction 
des oeuvres de Byron, en 1819, sous le voile de l’anonymat, 
et de sa supercherie médico-littérairei le pousse à essayer du 
roman : en 1821, il écrit Irner, qu’il donne comme une œuvre 
posthume de Byron. Entre temps, il a deux mélodrames re¬ 
fusés et Se console en en faisant passer d’autres sous des 
prête-noms. Mais, c’est le sujet à l’ordre (|u jour, la conquête 
de l’Algérie et ses épisodes, qui lui fournit bientôt les meil¬ 
leurs éléments de ses romans : Ali le Renard, (2 vol. 1832) ; 
Sakountala (1833) ; Les bas à Jour, VAnévrysme ou le devoir 
(1868), livres à clef pour la plupart et dont le succès fut sou¬ 
vent un succès de scandale. Il a participité, en effet, à la prise 
d’Alger, comme secrétaire-interprète, car, plusieurs années 
auparavant, pour OQcuper sérieusement a l’attraction turbu¬ 
lente » qui le possède, il s’est jeté à corps perdu dans l’étude 
de l’arabe, qui le conduit, à son retour d’Algérie, à solliciter 
et obtenir, en 1835, la chaire d’arabe de Marseille. Mais là, 'il 



— 231 — 

ne connaît guère que des déboires. La partie de l’étude de 
M. Julien concernant Eusébe de Salles,.professeur au collège 
royal et aux cours communaux de Marseille, n’est pas la moins 
curieuse' Nous y voyons décrites en détail les phases de cette 
lutte — qui n’est pas terminée — entre les deux conceptions 
qui s’opposent dans l’enseignement de cette langue << savante, 
ardue, et moderne à la fois », la tendance empirique et utili¬ 
taire, pratiquée par les Orientaux qui enseignaient l’arabe en 
Europe, et la tendance raisonnée, appuyée sur une forte con¬ 
naissance de la grammaire, soutenue par les Orientalistes 
français. 

De Salles trouve une consolation des déboires de sa vie de 
professeur dans le succès de ses livres d’ethnographie. Sa 
thèse de médecine était déjà consacrée à l’unité de l’espèce 
•humaine. Il avait, en outre, rapporté d’Orient de nbrabretix 
matériaux qu’il iitilisa, de 1843 à 1849, quand, profitant des 
circonstances politiques favorables, il fit paraître son Histoire 
Générale des races humaines ou Philosophie ethnographique. En 
quelques années, ce livre connut cinq éditions et lui valut 
l’estime des conservateurs et des croyants, qui lui surent gré 
« d’avoir confirmé l’origine biblique de l'humanité ». 

Un tel homme, en perpétuelle instabilité, ne devait pas 
être, au privé, un époux bien agréable pour cette veuve d’un 
troisième mari et mère de trois enfants, qu’il rencontra en 
Angleterre, en 1822, dans la société hindoue (elle était fille 
d’un danois et petite-fille d’un rajah), et qui finit par l’épouser 
en 1835. M. Julien passe délicatement sur ce côté, peu relui¬ 
sant, au point de vue moral, du caractère de De Salles ; les 
ambitieux sont de mauvais maris. Pendant les dernières années 
de sa vie, qui se prolonge jusqu’en 1873, il-s’emploie à « s’as¬ 
surer devant la postérité une gloire qu’il avait vainement, 
revendiquée au cours de sa longue carrière. Comme là plupart 
de ses contemporains, il fournit les éléments de la biographie 
que devait publier Vapereau ». Elle fut rédigée par l’Orienta¬ 
liste Dugat. Il y manque seulement l’énumération des postes 
qu41 sollicita, et qui apparaît comme un record. 

Le cas de De Salles, si curieux qu’il soit, n’est pas isolé. 
,Les fortes études générales qu’on impose, encore heureuse¬ 
ment à l’heure actuelle, aux candidats à la profession médicale, 
préparent nombre d’entre eux à des carrières vers lesquelles 
ils se tournent naturellement, le jour où l’exercice, souvent 
décevant, de la clientèle, cesse de leur sourire. La liste serait 
longue de ceux qui ont déserté la pratique médicale et ont 
réussi iiilleurs. De Salles alla jusqu’à solliciter la place de 



— 232 — 


receveur des droits d’auteur à Marseille ! Il nous souvient 
d’avoir connu un confrère qui, pour s’être intéressé à l’an¬ 
thropométrie, ambitionna de devenir chef de la Sûreté. 

D*'H. P. J. Renaud. 


Relevé bibliographique des travaux médico-historiques 
parus récemment dans les publications périodiques 

MarÈvre. Histoire de la trépanation. De l'éclat du silex 
primitif au trépan de Paré, Medicina, 22® année, 1925, n“®^9-10, 
p.21-32.— La trépanation était connue et pratiquée dès l’épo¬ 
que néolithique.lLe premier crâne trépané fut exhumé en 1868, 
d'un dolmen delà Lozère, par le D® Prunières de Marvejols, 
qui, en dix ans de fouilles, en releva 167 spécimens ; Joseph 
de Baye en tèouva d'autres dans des grottes sépulcrales de la 
•Marne. Les opérateurs utilisaient le grattage par fragment 
tranchant ; les perforations en série, par rotation d’un caillou 
pointu ; le creusement ; le sciage. Ils employaient des éclats de 
silex, d’obsidienne, des coquillages ou des dents de requin. 
Ces procédés, mieux servis par des instruments métalliques, 
se sont perpétués chez les primitifs du Pérou, de l’Aiistralie, 
et, jusqu’à nos jours, au Maroc et en Tunisie. Certains y 
voient une pratique magique, d’autres une véritablè opéra¬ 
tion chirurgicale. 

La trépanation se raréfie à l’âge de bronze, l’Egypte paraît 
l’avoir ignorée. Dans l’ântiquité classique, elle est étudiée par 
Hippocrate (Traité des Plaies dé têus) ; Celse qui décrit le 
perforatif ou terelfra, le modiolus, le scalper excisôrius, et le 
méningophylax ; Galien qui emploie le cycliscus et le phacotus, 
Paul d’Égine qui use des ciseaux cœlisques ou méliotes, et de 
la tarière abaptiste. Avicenne et Albucasis entreprennent 
encore la trépanation ; Roger de Parme la ressuscite à la fin 
du xti® siècle, et Henri de Mondeville en traite longuement. 
Un demi siècle plus tard, Guy de Chauliac décrit le manuel 
opératoire, sans rien innover. En 1517, le chirurgien Stras¬ 
bourgeois Hans von Gersdorf apporte deux instruments iné¬ 
dits : l’élévatoire, ou tire-fond à pas de vis, et le triploïde, qui 
sera Utilisé jusqu’au xvm® siècle. En cette même année, Jean 
de Vigo invente, de son côté, de nouveaux outils, dont le 
trépan à couronne, et en 1518, Béranger de Carpi adaptera au 
trépan l’arbre du vilbrequin. Toute la question technique et 
instrumentale sera enfin résumée et mise au pioint d’üne part 



par Andrea délia Croce (1582) et d’autre part par Ambroise 
Paré. « Toutes ces pointes de trépan interchangeables s’insé¬ 
raient dans un manche â vilbrequin. C’est cè trépan a peine 
modifié qui est demeuré en usage jusqu’à l’invention de celui 
de Doyen. » 

È. H. van Hburck. Saint-Hubert et son culte en Belgique 
Verviers, impr. Leens, 1925, 40 p. in-8. (Extr. du Bull, de la 
Société Verviétoise d’Archéolpgie et d’Histoire). — Dans 
cette intéressante plaquette illustrée de curieuses figures, 
l'auteur étudie la vie et la légende de Saint-Hubert, son culte 
et ses reliques. Le prêtre traçait sur le front des-enragés une 
incision, dans laquelle il insérait une parcelle de l’étole mira-, 
culeuse de Saint-Hubeft, conservée dans la sacristie d’Àndain 
(ou Saint-Hubert, en Ardennes). Et le « taillé » en'gardait 'lé 
pouvoir de donner le répit — un répit de 40 jours — aux 
autres personnes mordues. Une famille, dite les Chevaliers de 
Saint-Hubert, et qui se disait issue de la lignée du bienheu¬ 
reux, prétendait au même privilège. Aux animaux mordus, on 
infligeait — à titre préventif — la marque du cornet ou clef de 
Saint-Hubert, rougi au feu. M. van Heurck en donne la figure, 
et-étudie en outré toute l’iconographie (médailles, bagues, 
cornets, drapelets de pèlerinage, imagerie populaire) et le 
folklore du culte de Saint-Hubert en Wallonie, Brabant et 
Hainaut. 

H. Leclerc. Les légumes, l'oseille, Rumex acetosa L. Presse 
médicale, n“ 93, 21 novembre 1925, p. 1549-1550.— Histoire 
diététique et thérapeutique de l’oseille. 

A. Morlet. Supercheries des prêtres d’Apollon, dieu de la 
médecine, ibid., 94, 25 novembre 1925, p. 1564-1565. — 
Ou comme quoi l’on « truquait » les oracles. 

11 y avait, sur le rocher de Polignac, auprès du Puy-en- 
Velay, un temple où, en l’an 47, l’empereur Claude vint 
consulter Apollon. Je ne sais si le dieu se montra bon cour¬ 
tisan, ou si ce fut la Vérité qui sortit du puits. Car il y avait 
un puits, et même deux. Le premier, qu’on appelle encore le 
précipice, reliait secrètement aux salles basses du tempHe, 
l’oratoire ou oediculum, situé au pied de la montagne, où le 
pèlerin apportait son offrande ét dévoilait la cause de Son 
voyage. Et pendant que tout seul, il gravissait la pente, les 
renseignements étaient déjà transmis, par le puits, à l’oreille 
d’un prêtre aux aguets. Quant ^ la réponse de l’oracle, elle 
Sortait du second puits, dont la margelle était close par un 



— 234 — 


couvercle, réprésenlant laface d’Apollon ; la bouche du masque,, 
trouée, laissait passer, comme un écho lointain, la voix caver¬ 
neuse et les propos sibyllins des augures. — A.Vichy, le 
système était plus simple : les postulants glissaient dans une 
fissure du socle, où trônait le buste d’Apollon, leur supplique, 
laquelle était adroitement subtilisée par l’augure, au moyen 
d’une porte à glissière dissimulée. 

P. Delaunay, Ambroise Paré naturaliste : Ambroise Paré 
et les principes des Sciences naturelles^ Bull, de la Commission 
hist, et archéol. de la Mayenne, 2“ série, t. 41, fasc. 146, 
p. 89-105. ' 

E. Rolants. Notes sur l’histoire médicale de Lille et de sa 
région. Les épidémies dans la châtellenie de Lille au xviii® siècle. 
(Extr. de l’Echo médical du Nord, Lille, impr. centrale 1925, 
47 Pi in-8. —^ L’auteur étudie successivement la famine de 
1709 Jet l'épidémie de fièvres continues et dysentériques qui 
s’ensuivit; la fièvre rouge (scarlatine?) qui jdésola Baisieux en 
1735) ; l’esquinancie gangreneuse (scarlatineuse ? de 1748-49 ; 
la dysenterie de 1750; les fièvres, putrides, malignes, vermi¬ 
neuses et pétéchiales de 1755-56, 1764-65, 1766-69, 1786-88, 
le typhus de 1758, la suette (?) de Nomain (1764), etc. A relever 
dans ces pages les vicissitudes des théories médicales, tantôt 
inspirées par les iatro-chimistes (doctrine des fermentations 
et levains, p, 8), tantôt par l'iatro-mécanicisme (doctrine des 
obstructions, p. 14); tantôt parl’humorisme (discussion sur les 
méfaits de la bile et de,la lymphe, p. 16). — Les variations cor¬ 
rélatives de lathérapeutique (médication échaufiante et sudori¬ 
fique et médication rafraîchissant^', p. 11). — L’organisation 
des secours niédicaux et des allocations en nature en faveur des 
contagiés, par les sdins dè médecins et chirurgiens spéciale¬ 
ment commis par les Grands Baillis ou les Etats ; — enfin les 
polémiques étiologiques ou thérapeutiques entre les 'gens de 
■Saint Gôme et ceu.x de Saint Luc, et même entre docteurs: 
Invidia mediçorum... - 

Desnos. Notice nécrologique sur Gustave Mesureur, Bull, dè 
l’Académie de médecine, 3' série, t. 94, n" 31, 6 oct. 1925, 
p. 860-864. —Mesureur passa d’abord par la politique ; et l’on 
seTappelle quelle exclamation, traduisit certain jour, en termes 
crus, mais désormais historiques, son dédain superlatif en 
face d’une hostile manifestation. Nommé par la suite Directeur 
dé l’Assistance publique (1902), il ne s’en... moqua plus, et y 
déploya un zèle méritoire : d’abord à perfectionner ou renou- 



— 235 — 


veler les bâtiments nosocomiaux (la nouvelle Pitié, Claude- 
Bernard, etc), et les installations techniques (services de radio,* 
logie, de radiothérapie, etc.). Ensuite,' il améliora la situa¬ 
tion du personnel infirmier, tant au point de vue matériel (loge¬ 
ments, crèches, maisons de convalescence de Forges) qu’au 
point de vue de l’instruction professionnelle (développe¬ 
ment de l’Ecole d’infirmières de la Salpêtrière). Et nous 
ne saurions oublier ici le soin éclairé qu’il apporta à la con¬ 
servation, à l’organisation et au classement des arcl^ivès 
et œuvres d’art de l’assistance publique. Appelé en 1912 à 
l’Académie de médecine, il s’y occupa des questions d’hygiène 
sociale (dépopulation, instruction des sages-femmes, lutte 
anti-tuberculeuse). 

P. Nobécourt, Notice nécrologique sur le D’ Chatles-Auguste 
Liégeois, correspondant national, ibid., p. 864-865. — Travail¬ 
leur infatigable, lauréat dé l’Académie des Sciences, de l’Aca¬ 
démie de Stanislas de Nancy, et depuis 1895 correspondant 
national de l’Académie de médecine, qui voulut honorer en lui 
le labeur du médecin de campagne, Liégeois est- mort le 
21 août 1924 à Bainville-aux-Saules ('Vosges), âgé de 72 ans. 
Pendant la guerre, il avait exercé bénévolement les fonctions 
de médecin-chef de l’hôpital auxiliaire de Mirecourt, services 
récompensés en février 1921, par la croix de la Légion d’hon¬ 
neur. 

Ad. Clément et J. W. S. Johnsson. Briefwechsel zwischen 
J. R. Glauber und Otto Sperling, nach den Originalen dér 
Kôniglichen Bibliothek zu Kopenhagen, Gl. Kgl. Sâml. 1110, 
in-8® , Leyde J. Brill, 1925, 25 p. in-8®. (Ext. de Janus, 
t. XXIX, p. 210-233),— Lettres échangées entre l’alchimiste 
Jean Rqdolphe Glauber, alors à Amsterdam, et Otto Sperling 
docteur en médecine et en philosophie à Hambourg, eptre 
1649 et 1658, avec fac-similé d’autographe de Glauber, d’après 
les originaux conservés à la bibliothèque royale de Copen¬ 
hague, ' 

G. Guillain. L'œuvre de G. B. Duchenne de Boulogne, 
Presse médicale", n"97, 5 déc. 1925, p. 1601-1606. — Intéres¬ 
sant exposé de l’œuvre de Duchenne, qui, dans ses deux traités 
De t électrisation localisée el de la Physiologie des mouvements, 
rénova la physiologie musculaire,. et créa, selon son expres¬ 
sion,# l’anatomie vivante » ; qui inventa l’électro-pronostic, et 
ouvrit la voie à l’électrothérapie moderne ; découvrit la para¬ 
lysie labio-glosso-laryngée, et l’ataxie locomotrice progres¬ 
sive, l’atrophie musculaire d’origine myopathique, et la para- 



lysie pseudo hypertrophique perfectionna l’étude des para¬ 
lysies saturnines et celle de la paralysie infantile. Ce savant 
modeste, qui n’eut jamais de situation officielle, a édifié domine 
le disait Brissaud, « un monument scientifique impérissable ». 
Pourquoi faut-il ajouter que sa valeur ne fut reconnue que 
tardivement en France et seulement après que Darwin en eut, 
outre-Manche, vanté et divulgué les mérites ? 

G. Urbino. L' Hôpital majeur de Milan, Presse médicale, 
U» 98, 9 déc. 1925, p. 1627-1629. — Au début du xV siècle, la 
ville de Milan possédait 14 hôpitaux, régis par des congréga¬ 
tions rivales, qui se jalousaient et se combattaient, au dam des 
pauvres. Aussi en 1456, le duc François Sforza, désireux de 
coordonner les efforts charitables, ferma les institutions insuf¬ 
fisantes et réunit tous les domaines nosocomiaux au profit d’un 
hôpital unique et central qui fut VOspedale Maggiore. Les 
bâtiments furent édifiés d’abord par les soins d’Antonio da 
Firenze, le Filarete, puis par Guiniforti Solari. G:râce à un 
legs du négociant Pietrp Carcano (1624), on put ajouter plus 
tard à l’édifice un bâtiment central sur les plans des architectes 
Pessina, et Ricchini, avec la collaboration du peintre Crespi, 
dit le Cerano. Ainsi fut encadrée cette admirable grande cour 
dont un legs important du notaire Macchi (1797) permit de 
reconstruire l’aile gauche. En sorte que la maison qui comp¬ 
tait, à ses débuts, 86 lits, en renfermait 2000 en 1804. Encore 
devint-elle trop étroite : il fallut, par la suite, transformer en 
buanderie, l’ancien cimetière, la Rotonde, construite entre 1697 
et 1735, et qu’entourait un admirable portique fermé, en forme 
de fleur. En 1895, les libéralités de la duchesse Litta Sforza 
fournirent à la construction d(un pavillon chirurgical moderne; 
et, de 1900 à 1916, 16 nouveaux pavillons furent ouverts. 

Dès 15p0, VOspedale Maggiore était un centre d’enseigne¬ 
ment chirurgical. La science opératoire y fut offlciellement 
démontrée, à partir de 1634, par Gr. Inzago, et ses succes¬ 
seurs Calvi et Biumi. Mais c’est,au xvnF siècle que l’école 
chirurgicale milanaise brilla du plus vif éclatj grâce à B. Mos- 
cati, que l’impératrice Marie-Thérèse avait envoyé se perfec¬ 
tionner à Paris pù il fut l’élève de Levret. Avec son fils Pietro, 
Moscati donna une grande impulsion à l’art obstétrical; il 
créa aussi une école de herniotomie et de lithotomie, pour 
arracher aux empiriques cette partie importante dé l’art opé¬ 
ratoire. Il en sortit de nombreux élèves, parfois brillants, 
commencera elUccelli. Parmi les chirurgiens milanais les 
plus célèbres, on peut citer, sops la domination autrichienne, 



Lazzati, de Marchi, Gherino, Rocco Gritti, auteur d’un pro¬ 
cédé d’amputation ostéoplastique de la jambe ; de nos jours, 
Mangiagalli. Quant à la médecine milanaise, elle peut citer 
avec orgueil les noms de Bernardo et Pietro Moscati, d’Inzago, 
de Cicognini, et Jde G. Rasori, le bouillant protagoniste du 
du contro-stimulisme. Cet asile de la soufîrance a donc eu ses 
jours de gloire. 11 connut aussi des heures tragiques, au 
moment de la grande peste de 1630 ; et ceux qui voudraient 
de plus amples détails sur les anciens hôpitaux milanais et la 
peste de Saint-Charles, les trouveront dans le bel ouvrage de 
noire collègue le D*' J. W. S. Johnsson [Storia délia peste 
avvenuta nel borgo di Busto Arsizio, 1630, Copenhague, H. Kop- 
pel, 1924, in-4). 

D'' Lévy-Solal. Victor Wallich, Presse médicale, n®100,16 
déc.1925, p.l660.—• Né à Marseille le l" juillet 1863,Wallich 
commença ses études médicales dans sa ville natale et les 
acheva à Paris où l’amitié de Varnier et l’appui de Pinard le 
lancèrent dans la carrière des concours. Interne des hôpitaux 
en 1887, chef de clinique, puis assistant à la clinique Baude- 
locque, agrégé en 1897, il entra à l’Académie dè médecine en 
1921. On lui doit de nombreux travaux sur l’obstétrique 
(Thèse sur les vaisseaux lymphatiques de l’utérus gravide ; 
■Traité de l’infection puerpérale ; £.tudes sur l'auto-intoxication 
gravidique, etc.), et la puériculture; une active collaboption 
aux œuvres de protection de la première enfance, poupon- 
nièrés; etc. Pendant la Grande Guerre, il prodigua ses soins - 
aux blessés de l’hôpital du Grand-Palais. 

Abbatucci. a propos de la succession d’un chirurgien-mafor 
en service à Vtsle de France à la fin du xviiia siècle, ibid., . 
p. 1660-1661, —7 M. Abbatucci nous a narré jadis la fin tra¬ 
gique du galant chirurgien-major de Gouy ; des renseignements 
complémentaires nous apprennent aujourd’hui que cè dernier 
fut traîtreusement tué en duel par un colonel Sarde, le comte de 
Locatello. Expatrié à la suite d’affaires de jeu, ce militaire 
avait suivi à Port-Louis une jolie veuve, M®* de R.,. Jaloux 
de de Gouy, qui fréquentait chez sa maîtresse, et au surplus 
débiteur, sur parole, de son rival, après gros jeu, Locatello 
le provoqua, le perça de son épée, et s'enfuit. Le 2 févrierl790, 
il fut condamné par contumace à être rompu vif, et ses biens 
furent confisqués. - 

Pierre Lemée, Üne figure peu connue, Offiray de la Mettrie 
{17()9-1761), médecin, philosophe, polémiste, Ann, de la Soc, 



238 — 


hist. et archéol. de Saint-Malo, et t. â part, Saiht-Servan, 
J . Haize 1925, 52 p. in-S. — On a souventparlé de La Mettrie, 
l’auteur de l’homme Machine, le commensal des petits soupers 
de Sans-Souci, et l’impitoyable polémiste qui cribla de ses 
sarcasmes tous les pontifes de la Faculté. Mais son existence 
n’étaitpas très bien connue : et voici qu’enlin M./Lemée nous 
apporte^ à ce propos, des documents nouveaux et locaux. 
D’abord, rectification de la date que maints biographes assi¬ 
gnaient à sa naissance : La Mettrie est né à Saint-Malo, le 
19 décembre 17G9. Puis, renseignements sur ses parents; son 
frère, ses deux soeurs ; sür son mariage avec Marie Louise 
Droneau, veuve de J. V. Le Verger de KercadO, qu’il épousa 
à Lorient, le 14 novembre 1739, et dont il eut iu moins un fils., 
mort eU'bas âge, et une fille qui convola à Lorieht, le 
14f octobre 176(), avec Louis-Marie.-Frànçois Dauphin d’Ha- 
lingen, officier des vaisseaux de la Compagnie des Indes. On 
savait que La Mettrie avait pris ses grades en médecine, à la 
Faculté de Reims ; les diplômes conservés aü Musée de Saint- 
Malo nous en précisent la date : reçu bachelier en médecine 
le.2 mars 1733, il obtint le bonnet doctorat le 29 mai suivant, 
et fut inscrit, le 3 août 1734, sur le registre du corps des méde¬ 
cins de Saint-Malo, après avoir comptélé ses études à Leyde 
soüs Boerhaave. Il est proq,able qù’il sè livra à l’exercice de 
son art dans sa ville natale de 1734 à l'?42, avant de devenir 
médecin dû régiment des Gardes françaises que commandait le 
duc dé G'rammOnt. Ainsi fut-il au siègè-de Fribourg et à Fon- 
tenoy. Puis il devinb médecin en cliiéf des hôpitaux militaires 
de Lille, Gand, Bruxelles, Anvers et Worms. Le scandale 
soulevé par sa Politique du. médecin de Machiavel, ouvrage 
condamné au feu par le Parleihenii, le contraignit d’aba^ndonner 
ses fonctions et lui ferma les portes de sa patrie. C’est alors 
qu’il passa en Hollande, et publia à Leyde son Homme Machine ; 
nouveau scandale qui lui mit à dos les ministres protestants, 
et le força de s’enfuir à Berlin. On sait l’accueil que lui fit 
Frédéric II, et comment lé joyeux convive qui sôupait avec 
d'Àrgens, Voltaire et le roi de Prusse, périt,le 11 novembre 
1751, d’une indigestion dé pâté truffé, après un plantureux 
dîner chez Mylord Tÿrconnel. D’aucuns prétendent qu’il mou¬ 
rut dans l’impéniténce fiiiàle ; d’autres qu’il reçut, à ses derniers 
instants, les secours spirituels du P.MacTMahon, prêtre irlan¬ 
dais,. Ses restes furent déposés dans l’église catholique fran¬ 
çaise de Friédricbstadt. Et l’on fit, pour ce qüi restait de la 
machine de l’auteur de l’Homme-Machine, une fort curieuse 
épitaphe qu’on pourra lire à la fîn_du mémoire de M. Lemée. 



^ 239 — : ' 

Anna Celle. L'assainissemmnt de la Campagne romaine au 
moyen âge par les religieux français. Bull, Acad, Médecine, 
n° 36, ,10 novembre 1925, p. 997-1000. — Pçur-lutter contre 
le paludisme, Albéric II, sénateur de Rome, appela Odon 
de Cluny, eh 936, dans la Ville Éternelle, et lui fit don d’un 
palais sur le Mont Aventin : ce fut le couvent de Sainte-Marie 
en Aventin. Les moines de Cluny essaimèrent par la, suite à 
Saint-Lorenzo, à Sainte-Agnès sur la Nomêntana, Saint- 
Andréa au Celio, et Saint-Paolo, pour y créer des centres de 
défrichement et de cullyre, dont les colons-devenaient pro¬ 
priétaires au bout de. cinq ans. Mais les fièvres miasmatiques 
décimaient religieux et laboureurs ; Odon lui-même en rap¬ 
porta le mal,dont il revint mourir à Clùny le 19 novembre 942, 
L’œuvre, dès lors, périclita. Deux siècles plus tard les papes 
la voulurent reprendre et firent appel aux Cisterciens de 
. Clairvaux. Ainsi furent fondées les abbayes de Pomposa, près 
de Ferrare; des Trois Fontaines, près de Rorhe; de Fdssa 
Nuova, Marmassola, Valvisciola, dans les marais Pon^ns j du 
Saint-Esprit, dans les Pouilles; de San'cta Maria in Paludibus, 
en Sardaigne, Alexandre III donna en outre aux Cisterciens 
, les monastères de Saint-Sébastien aux Catacombes, et de 
Sâinte-Marie-en-Faleria, L’achèvement de Fbssa-Nuova fut 
dû aux libéralités du pape Innocent lit, et ce monastère, con¬ 
sacré en juin 1208, montre un très bel exemple de l’architec- , 
ture gothique primitive. Mais, une fois encore, les'piohniers 
de l’assainissemenf succombèrent à la tâche. Innocent III dût 
se borner, par la suite, à fonder à R,ome, pour les paludéens, 
un hôpital auprès de l’Ecole des Sassoni et il y appela encore 
des .Français, les chevaliers du Saint-Esprit, disciples dè.Guy 
de Montpellier ..En souvenir dé cette aide, plusieurs hôpir 
taux Romains ont conservé jusqu’à nos Jours le titre dq Saint- 
Esprit. 

Le Gendbe. Notice nécrologique sur Ernest Desnos, Bull. 
Acad. Médecine, n“ 41, 15, décembre 1925, p. 1178-1185. 

Né à Paçis en 1853, Desnos fut reçu interne des hôpitaux en 
1877, et devint l’élève de Guyon qui l’orienta vers TurolDgie. 
Il ouvrit, rue Malebrahche, une clinique privée, que fréquen¬ 
taient de nombreux élèves, et conquit bientôt un grand renom 
de spécialiste. L’urblogie pratique lui doit la vulgarisation dè 
la résection prostatique, qui précéda la prostatectomie totale 
actuelle; du traitement électrolytique des rétrécissements 
uréthraux ; de la stérilisation des sondes par le forfhol. Son 
œuvre scientifique capitale fut VEncyclopédie française d’üro- 



— 240 — 

logie^ qu’il mena à bien avec la Collaboration de Pousson, et 
pour laquelle il rédigea un préambule historique bien docu- 
; mente. Avec Pousson encore, il fonda l'Association française 
d'Urologie dont il fut le secrétaire général de 1896 à 1918; 
avec Guyon, VAssociation internationale d’Urologie, dont il 
demeura le secrétaire général depuis 1908. Enfin, soucieux 
'des intérêts professionnels, il contribua avec ardeur à la créa¬ 
tion du Conseil général des Sociétés d'arrondissement de Paris, 
Pendant la Grande Guerre, il , devint chirurgien de l’hôpital 
auxiliaire 225, puis chirurgien consultant des centres d’uro¬ 
logie de l’armée, ce qui lui valut la rosette.d’officier de la Légion 
d’honneur, mais il restait tout endeuillé de la perte de son fils, 
aviateur, tué à l’ennemi. Lorsque, la guerre finie, le « Père la 
Victoire » pensa à se soigner, c’est Desnos qui'conseilla à 
Glémenceau de se faire opérer; mais il céda modestement à 
un as du bistouri, le Professeur Gosset, l’honneur périlleux 
d’inciser l’hypogastre du « Tigre ». 

Voici deux ans, l’octroi d’un fauteuil à l’Académie de méde¬ 
cine récompensa le labeur de Desnos. Mais notre confrère 
n’appréciait pas les sièges de tout repos. Infatigable globe- 
trotter, il avait visité l’Europe, l’Orient Méditerranéen, le 
Maroc, abordé aux Etats-Unis; nous avions eu la bonne for¬ 
tune dé retrouver cet homme affable, fidèle habitué de la 
« Société française d’histoire de la Médecine », aux premiers 
Congrès internationaux d’histoire de la médecine, à Anvers, 
â^aris, à Londres. L’été dernier il partit pour les Indes, ce 
fut son dernier voyage : il est mort loin des siens, à Pondi¬ 
chéry, emporté en quelques jours par une attaque de choléra. 

D'' Paul Delaunay. 


Le- Secrétaire général, Gérant, 
Marcel Fosseyeux, 



CHRONIQUE DE LA SOCIÉTÉ 


Séance du 3 Juillet 1926. 


Présidence de M. le D'' Laignei-Lavastine. 

Etaient présents: MM. Avalon, Basmadjian, Beau- 
pin, Brodier, Dorveaux, Finot, Fosseyeux, Hervé, 
Jeanselme, Mauclaire, Menetrier, Neveu, Recamier, 
Régnault, Sévilla, Vinchon. 

Communications : 

M. le D'' G. Hervé lit la première partie de la biogra¬ 
phie à'Armand de Quatrefages de Breau, médecin, 
zoologiste, anthropologue (1810-1892), faite en colla¬ 
boration avec M. L. DE Quatrefages, qui a bien voulu 
assister à la séance et dont les souvenirs personnels 
donnent une note particulièrement vivante à l’étude 
si précise de notre ancien président. . 

M. le D'' F. Régnault présente, en la commentant, 
la thèse de M. le D' René David sur VHygiène dans 
les livres sacrés. 

M.le D' Jeanselme lit une note intitulée : Funam¬ 
bules, équilibristes et jongleurs byzantins. 

M. le D' Laignel-Lavastine, à la suite d’une visite 
aux expositions des livres et manuscrits italiens la 
Bibliothèque nationale et au Musée des Arts décora¬ 
tifs, a relevé tout ce qui pouvait intéresser l’histoire 
de la médecinè ; il en fournit un exposé plein d’ensei¬ 
gnements les plus divers et de remarques les plus 
heureuses. 


— 242 — 


THÈSES MÉDICALES DE FRANÇOIS LE RAT (1677) 
ET DÉ CLAUDE BOURDELIN (1691) 

• l*ai- le MAUCLAmE, 

membre de l’Académie de méflecine. 


Je n’ai pas pu savoir à combien d’exemplaires 
étaient tirées les thèses médicales de la Faculté de 
médecine de Paris au xviP siècle. Ils ne devaient pas 
être bien nombreux et les exemplaires doivent être 
assez rares maintenant. 

Or, le hasard m’a fait trouver chez un bouquiniste 
les thèses sus-indiquées. 

En voici les titres avec les noms des Docteurs 
argumentateurs. 

1“ François Le Ra.t (Sylvanecte, c’est-à-dire de la 
région de Senlis). Thèse quodlibétaire présentée lé 
jeudi 14janvier 1677. Sujet de la thèse-: An viviparo- 
rum fœtus ex-voto ? Réponse négative. 

Président : Pierre Bonnet. 

Docteurs argumentateurs : François Sorand, pro¬ 
fesseur des Ecoles; Nicolas Rainssant (1); Fran¬ 
çois Pourret, médecin ordinaire du frère unique du 
Roi ; Antoine de Caen ; Charles Laval, Denis Do- 
dart (2), Nicolas Brayer, Philibert Morisset, Phi¬ 
lippe Hardouin de Saint-Jacques. 

(1) Mattot dans sa satire Logements des médecins-docteurs de la 
Faculté de Paris) lui donne comme enseigne, rue Betisi ; Au perroquet 
^Toujours -va qui donne ; donne l’émétique à outrance) ; et Pierre Pour¬ 
ret, rue Saint-Fiacre ; Aux trois canards (Est gascon, point larron). 

(2) Denis Dodakt (1634-1707). Conseiller-médecin du Roy, Botaniste 
distingué, Membre de l’Académie des Sciences en 1673. Voir son portrait 
dessiné par Cochin et gravé par A. Tardieu. Il avait son portrait à la 
Faculté, mais il est disparu. Mattot lui attribua comme enseigne, rue 
des Saint-Pères : ail Phœnix (Il suit tout en Dieu). 

11 y a un autre portrait de lui gravé pur Watelet. 

Bul.Soc.Uist.Méd.^t. XX, n“ 7-8 (juil.-aoftt 1926) 



— 243 — 


2“ Thèse cardinale présentée le jeudi 1®''avril 1677, 
par François Le Rat (de Senlis). Sujet : An Thermæ 
Borbonienses Anselmienses, minorem noxam inferunt 
epotœ quant Arcimbaldicœ et Vichienses'^ Réponse 
par l’affirmative. Président : Dionis Puylon (1). 

Il s’agit d’une comparaison entre les eaux de Bour- 
bon-Lancy, celles de Bourbon-l’Archambault et celles 
de Vichy, A cette époque l’action des Eaux thermales 
était déjà très étudiée. 

Les Eaux de Bourbon-l'Archambault avaient déjà 
fait le sujet de la thèse de Forestier (1643). 

3“ Thèse quodlibetaire de François Le Rat pré¬ 
sentée le jeudi 2 décembre 1677. Président ; Phi¬ 
lippe Mathon. Sujet ; An opium hystericæ accessioni 
noxium ? Réponse par l’affirmative. 

Docteurs argu,mentateurs : Jean CordelIe(2), Pierre 
Ozon, Guillaume Lamy, Pierre Yon (3), Antoine de 
Saint-Yon (4), Claude de Quanteal, Roland Merlet, 
Etienne Le Gaigneur, Pierre Bourdelot (5). 

M. Lucien Hahn et moi nous n’avons pas trouvé de 
renseignements bibliographiques sur Le Rat qui n’a 
pas publié autre chose que ses thèses. 

(1) Il y eut trois docteurs de ce nom ; 

1’ Gilbert Puitlon. Assassiné le 4 mai 1673 en sortant des Ecoles. Son 
portrait existait à la Faculté. 

• 2» Denis Puylon, son fils, parisien. Doyen de 1670 ii 1672, mort le 
16 novembre 1696. Enterré à Saint-Eustacbè. Son portrait existait fi la 
Faculté, il est également disparu. 

3° Claude Puylon, Doyen do 1684 à 1686. Son portrait est à lu Faculté. 

(2) Mattot lui donne comme enseigne, rue Jean-Tisson : à la Licorne 
(Petit pannier, petit mercier). 

(3) Pierre Yon, rue Jean-Pain-Mollet : Au poux qui tremble (Qui me¬ 
nace à grand peur. 

(4) Saint-Yon, rue du Colombier ; Aux trois poulets (Je me joue du 
peuple). Vend 100 livres des poulets nourris-de chair de vipère. Il était 
professeur de chimie au Jardin du Roy. 

(5) Il y eut deux docteurs Bourdelot ; 

1* Pierre Miciion Bourdelot, né à Sens le 2 février 1613, mort à Paris 
et enterré à Saint-Sulpice le 9 fév. 1685. Médecin très à la mode, méde¬ 
cin de Christine de Suède. Une gravure de son portrait peint par Largil- 
lière est à la Bibliothèque nationale. 

2* Pierre Bonnet Bourdelot, son neveu, né à Paris 1638, décédé à Ver¬ 
sailles le 19 décembre 1708. Son portrait peint par de Pinte-Montagne 
était à la Faculté (Legrand, Collections artistiques de la Faculté). Mattot 
lui donne comme adresse, rue du Verbois : Au grand chantier (Mérite 
sans récompense). Est fils d'un marchand de bois. 




244 — 


Dans la pièce satyrique de Pierre-Alexandre Mat- 
tot, citée par Delaunay dans son étude sur La Vie 
médicale au XVIII^ siècle, voici ce qui concerne Fran¬ 
çois Le Rat : « demeure rue Mondétpur avec l’en¬ 
seigne : Au double Visage. Bien fin qui me connaît. » ’ 
C’est très caustique. Je h’ai pas eu la patience de 
chercher dans les registres commentaires de la 
Faculté les états de service de Le Rat à la Faculté, 


4® Thèse cardinale présentée le jeudi 8 mars 1691, 
par Claude Bourdelin (1), bachelier en médecine. 
Sujet : An ab aere mugis quam ab acqua afficiatur 
homo ? Réponse par l’affirmative. Président ; Jean 
Poisson, premier médecin du duc de Bourgogne (2). 

5® Thèse quodlibetaire présentée le jeudi 29 no¬ 
vembre 1691, par Claude Bourdelin, bachelier en 
médecine. Président : Jean-Baptiste Dodart (3). Sujet : 
Estne phebotomia magnorum omnium morborum prin- 
ceps et universale remedium ? Réponse par la négative. 

Docteurs argumenlateurs : François Le Rat, Louis 
Labbé (4), André Enguebard (5), professeur royal « 


(1) Il y eut cinq docteurs Bourdelin : 

i* Claude Boordelik, né en 1621 à Villefranclie, décédé à Paris ea 1699,. 
membre de l’Académie des Sciences en 1666. 

2* Claude Bourdelin, son fils, né à Senlis, le 21 janvier 1669, docteur, 
1692, membre de l'Académie des Sciences en 1699, premier médecin.de 
la duchesse de Bourgogne, mort à Versailles en 1718. Très savant, très 
charitable, on rappelait le messie. 

3* Louis-Claude Bourdelin, né à Paris en 1695, enterré à Saint-Sul- 
pice le 27 septembre 1777, docteur en 1718, deux fois doyen 1736 et 1737, 
professeur de Chimie au Jardin du Roy, membre de l'Académie des 
Sciences eu 1753. 

4* Louis-Henri Bourdelin, 1743-1775. 

5* Henri-François Bourdelin, 1733-1760 (Dictionnaire de Dechambre). 
Il y a à la Faculté un portrait du doyen Louis-Claude Bourdelin (1695- 
1777), peint par Gueuslain. Il y a aussi à la Faculté un autre portrait, 
dessin de Claude Bourdelin, doyen (1736 et 1737). 

(2) Jean Poisson, rue de Paradis : Au content. Fortune sans faste. 

(3) Fils de Denis Dodart, docteur en 1688, premier médecin du Duc de 
Bourgogne, médecin du Roi (1715). C'était, un homme très modeste. Il 
mourut en 1730. Mattot lui donne comme adresse, quay des Morfondus : 
Au chat qui quête la souris. Il ne semble pas que j’y touché. 

(4) D’après Mattot, rue Saint-Sauveur : Au mal assis,: Je ne bas plus 

que d’une aile. k . 

(5) Enguebard, place Royale: Au coq couronné» A bouchât bon rat. 
Médecin de l’Hêtel-Dieu et dos Incurables. 





Joseph Thomasseau (1), Louis Poirier (2), Pierre Bon¬ 
net-B ou rdelot, Antoine Le Moine, professeur des 
Ecoles (3); Guy Cressant Fagon (4), premier médecin 
à vie de la Reine ; Jacob de Bourges. (5). 

Le satirique Pierre Mattot (6) donne sur Claude 
Bourdelin les indications suivantes : « demeure rue 
de Richelieu vis-à-vis les Quinze-Vingts à l’enseigne ; 
Fortune m’aveugle ». 

Ces cinq thèses existent déjà en la bibliothèque de 
la Faculté, qui possède presque toutes les thèses de 
l’ancienne Faculté. J’ofifre ces cinq exemplaires au 
Musée de la Société avec le portrait de Denis Dodart 
et celui de Raymond Finot considéré à tort comme 
celui de Fagon. 













_ 246 — 


BLASONS DE DENTISTES PARISIENS 

BLASONS A DENTS HUMAINES 

Par George» DAGEIlf. 


Jean-François Capperon fut dentiste de Louis XV, 
de 1722 jusque vers 1757 (1). 

' On trouve dans le Journal de Barbier à la date du 
24 novembre 1742 une note assez connue, mais on 
n’a pas souvent donné la dernière ligne qui nous 
paraît être une méchanceté de Barbier: 

Malgré l’habileté du sieur Capron et l'opinion que 
tout le monde a dé sa réputation, il cassa, avant-hier, 
deux dents au Roi en lés lui accomodant, et Von a 
admiré la patience de Sa Majesté qui a souffert extra¬ 
ordinairement sans se plaindre et sans dire des choses 
trop désagréables à ce dentiste. Ce n'est pas Ta pre¬ 
mière fois qu’on se plaint de lui dans le monde sur de 
semblables sujets. 

Capperon en 1751 le l7fevrier présenté un mémoire 
à l’Hptel-Dieu pour demander qu’il soit permis à ses 
élèves de s’exercer sur les cadavres de cet l’hôpital. 
Le Bureau de l’Hôtel-Dieu qüi avait toujours refusé 
de telles demandes ne fit pas exception en faveur du 
dentiste royal et ajouta que Capperon était très en 
état de fournir aux élèves, dont il tirait de grosses 
pensions, les occasions fréquentes de s’instruire sur 
les pauvres admis aux visites de ce praticien. 

(1) Des renseignements plus complets sur ces dentistes ont paru dans 
l’ouvrage ; Documents pour servir à. VHistoîre de l'art dentaire en France, 
principalement à Paris, du même auteur. D’article ci-dessus était sous 

E cesse quand l'auteur a retrouvé les blasons de FoRCÉBon dentiste de 
ouis XIV et Louis XV, et de Le Bert dentiste de Louis XIV, de même 
que de quelques autres dentistes parisiens de ces époques. 

jB«i.Soc,/r.d’JÏMt,Ær<'d,,t.XX,n'’*7.8(iuü.raoûtl926) 


— 247 — 


Louis XV anoblit son de,ntiste en décembre 1745. 
La copie de cet acte est au «Nouveau d’Hozier » 
(pianuscrit). Ces lettres d’anoblissement ont toutes 
le même texte ; nous montrerons par la suite, celui 
des lettres accordées au dentiste Bourdet successeur 
de Capperon. 

Nous avons donné dans la Semaine Dentaire (1), la 
procédure des enquêtes de noblesse de ces deux per¬ 
sonnages. 

A la suite des lettres, d’Hozier était chargé de régler 
les armoiries. , ’ 

Pierre d’Hozier, après avoir pu les lettres patentes 
en forme de charte donuées par le Roi à Versailles au 
mois de décembre 1745. .. par lesquelles Sa Majesté 
annobtit le sieur Jean-François Capperon son chirur¬ 
gien-dentiste. .. ensemble ses 
enfants. 

Nous, en exécution de' la 
clause contenue dans les dite 
lettres... avons réglé pour ses 
armoiries à l'avenir : 

Un écu d'argent à un che¬ 
vron d'azur accompagné de 
trois fraizes au naturel tigées 
et feuillées de sinople, posées 
deux en chef et f autre en 
pointe. Cet écd timbre d'un 

Blason de Capperon casque de profil omé de ses 
lambrequins d^azur,d'argent, 
de gueules et de.sinop le. 

A Paris le mercredi neuvième jour de février de Van j, 
mile sept cens quarante six. ’ 

Les armes de Capperon étaient des a armes par- 
laptes ». Le dictionnaire' de Littré indique que 
« capron » ou « capérdn » désignait üiie espèce de 
grosse fraise. 

(1) Numéro!9,de 1926. ' , 





— 248 — 


Etienne Bourdet (ou Nipolas) succéda à Gapperon 
comme dentiste de Louis XV. Voici des fragments de 
ses lettres de noblesse : 

Du mois de novembre 1767. 

Les vois nos prédécesseurs ont cru de tous temps né 
pouvoir mieux récompenser les sujets qui signaloient 
utilement leur zèle pour le bien de l’Etat et celui du 
public que par des prérogatives honorables qui pas¬ 
sant à la postérité servent non-seulement à perpétuer 
le souvenir de leur talent mais encore à exciter et sou¬ 


tenir V émulation de ceux qui leur succèdent.... et comme 
le sieur Bourdet notre chirurgien-dentiste a beaucoup 
contribué aux progrès de Vart qvCil exerce.... nous 



Blason de Bourdet 


Inteiçrété d’après d’Hozier. 


l'avons annobli ... car tel est 
notre bon plaisir. 

L’enquête de noblesse a 
été retrouvée par nous et 
publiée à la suite de celle de 
Gapperon. 

En décembre 1767, Antoi¬ 
ne-Marie d’Hozier règle les 
armoiries. 

Un écu d'azur à trois roses 
d'or posées deux et une. Cet 
écu timbré d'un casque de 
profil orné de ses lambre¬ 
quins d'or et d'azur. 


On a vu par l’exemple de Gapperon que certains 
ne craignaient pas de jouer sur leur nom pour faire 
.prendre des «armes parlantes. ». (Forgeron dentiste 
de Louis XIV et Louis XV avait dans seS armes une 
enclume et des marteaux.) 

Cfes jeux de mots fort en honnèur au moyen âge 
nous permettent de trouver quelques armoiries où 
sont dessinées des dents humaines. ' 

François Dentil prieur de Saint-Léger-du-Malzieu 
(Corrèze) portait : « de sable à un lion d'or ayant 
sous .ses pieds trois dents d’argent tenant une qua- 




- 249 



trième dent à sa patte droite 
aussi d’argent. 

Gette famille des Dantil 
était, originaire d’Auvergne, 
dès 1250 elle comptait des 
écuyers, puis huit chanoines 
de Brioude, des seigneurs 
de Ligones, une cornette du 
régiment de la reine en 1740. 
11 existe encore des membres 
de cette famille. 

Ce blason est quelquefois 
désigné différemment sur les 
titres. Parfois la couleur de 


l’écu est rouge, d’autrefois 
les dents sont placées d’une autre manière, et peu¬ 
vent manquer aussi. 


Réné Budan, marchand (Bretagne) portait : d'azur 
à un chevron d'argent accompagné en chef d'une bue 
{petite cruche) d'or à dextre, et d'une dent arrachée 
d’argent à senestre, et en pointe d'un dauphin d'or 
s'égayant dans une mer d'argent. 



François Budan,-marchand avait le même blason; 







— 250 — 


mais le peintre chargé d’interpréter le textè du blason 
l’a peint différemment de celui de René Budan. Il a 
changé la forme de la « bue » et représenté une dent 
d’animal. 


Nous supposons que les Budan de Bois-Laurent 
étaient parents des Saint-Laurent, car un baron de 
l’Empire, né en 1763, anobli-en 1810, blasonnait. 

Au un : burrelé d'argent et de gueules de douze 


mniTiiiiiiiii 


11 

mnïïïïnnni 



— 

ÏÏHliiiiiiifiil 



ïïiïïiiiiiiiiin 



MillililiUl 


Tiirilllllllllll 


=■■■ nJ 


De Saint-Lâurent 
(Armorial du Premier Empire) 


pièces ; au deux^ d'azur à 
trois dents d'argent : un et 
deux surmontées d’une 
étoile de même posée au 
deuxième point du chef 
Franc-quartier des barons- 
militaires- brochant sur le 
tout. “ 

Dans ce blason repro¬ 
duit d’après l’Armorial du 
Premier Empire les dents 
ont été fortement stylisées 
par le graveur. Nous les 
avons scrupuleusement 
dessinées. 


Beaucoup de blasons étrangers portent aussi des 
dents ; nous n’avons pu encore trouver la réproduc¬ 
tion exacte de ces armes. 




251 — 


DOCUMENTS INÉDITS CONCERNANT MAGENDIE 


I»ai- M. P. HEIWJEITRIJBR. 


Dans une précédente séance j’ai communiqué à la 
Société les diplômes des diverses Sociétés savantes, 
françaises et étrangères, dont Magendie avait été 
nommé membre. Toujours grâce à la générosité .de 
notre collègue M. Henriot, je puis aujourd’hui vous 
apporter des pièces fort intéressantesqui nous permet¬ 
tent d’authentifier et de dater exactement les diverses 
étapes de la carrière de notre grand physiologiste. 

Je les pi’endrai en suivant l’ordre chronologique. 
Tout d’abord une note de l’administration de l’A^is- 
tance publique, probablement postérieure à la mort de 
Magendie, et qui énumère les diverses positions 
qu’il a occupées dans les hôpitaux : 

<f Magendie (François) né Je 6 octobre 1783 à Bor¬ 
deaux, a été nommé interne des hôpitaux le 7 floréal, 
an XI, le septième de la liste. 

« Il fut placé en l’an XII (1804) à l’hôpital Saint- 
Louis, où il resta jusqu’au 15 pluviôse. Il passa le 
16 du même mois aux Vénériens jusqu’à la fin de la 
même année ainsi qu’en l’an XIII. 

« Il quitta probablement les hôpitaux, car nous 
n’avons aucune trace de lui (dit la note) en l’an XIV ». 

Pour la suite de sa carrière hospitalière, nous 
aurons plus tard à citer les actes officiels lui annon¬ 
çant sa nomination, aux diverspostes qu’il a occupés. 
Il est probable que son passage.à Saint-Louis fut 
comme interne dans le service d’Alibert, alors tout 
récemnaent nommé médecin de cet hôpital. 

Peut-être l’interruption de son temps d’internat 

Bul.Soü.Fr.d’ÿUt.Méd., t.XX.n» 7-8 (juil.-août 1926) 



— 252 — 


est-elle attribuable à quelque maladie. En tout cas, 
nous avons précisément à cette date un certificat de 
« dispense définitive » du service militaire, indi¬ 
quant .une santé défectueuse et dont il nous paraît 
intéressant de reproduire une partie : 

« Vu la décision de la commission chargée de 
l’examen des conscrits relative au sieur Magendie 
François... accorde une dispense définitive de ser¬ 
vice au sieur Magendie^.. Conscrit de l’an XIII, natif 
de Bordeaux... taille d’un mètre 660 millimètres, che- 
veu3{ et sourcils bruns, yeux bruns, front dégagé,nez 
gro^s, bouche moyenne, menton rond; visage ovale... 
fils d’Antoine et de Marie Nicole Deperey-Delaunay, 
demeurant rue de Verneuil n" 781, lequel a des obs¬ 
tructions viscérales... à Paris le 10 fructidor an XIII.» 

Ce diagnostic inspiré évidemment des doctrines de 
Bærjiaave, ne nous permet guère' de savoir quelle 
maladie incriminer, il prouve, èn tout cas, qu’à 
ce moment sa santé était sérieusement atteinte ; 
"Flourens (1) parle de « découragement amer, que 
l’homme jeune et surtout le jeûné médecin ne man¬ 
quent jamais d’àttribuer à l’une de ces maladies pré¬ 
tendues incurables qui devant un peu de bonheur ne 
se montrèrent jamais rebelles...» 

En 1808 Magendie est nommé docteur en médecine, 
et nous avons ici son diplôme, à ce moment Fécole 
n’était pas encore. Faculté, ce n’esfpas un ministre 
mais les membres du Conseil de l’école qui le contre¬ 
signent. 

. Lé diplôme est sur parchemin, et entièrement écrit 
à la main. Il y est fait l’énumération des examens 
subis et de la thèse intitulée : Essai sur les usages du 
voile du palais, avec quelques propositions sur la frac¬ 
ture du cartilage des côtes-, dans lesquels actes pro¬ 
batoires et qui ont eu lieu publiquement, le sieur 
Magendie ayant fait preuve d’un savoir aussi solide 
qu’étendu, nous le déclarons pourvu de^ connais- 

(.1) Dloge Jhiètqrîqae de F, Magendie.. 



— 253 — 


sances exigibles pour l’exercice de l’art de guérir et 
à cet eflFet lui délivrons le présent diplôme de Doc¬ 
teur en Médecine, muni du sceau de l’Ecole. 

Suivent les signatures des membres du Conseil 
d’administration de l’Ecole : Boyer, président ; Riche- 
rand, secrétaire; Sue, trésorier etThouret, directeur. 

Le diplôme a été enregistré à la préfecture du 
départenïent de la Seine en 1813, ce qui prouve que 
Magendie ne s’est pas pressé d’en faire usage pour 
exercer. 

En 1814', nous dit Flourens, M. Magendie, qui 
avait déjà été appelé deux fois pour la conscription, 
fut appelé de nouveau. Cette fois l’Académie inter¬ 
vint. -Se fondant sur les espérances qu’il donnait, 
elle demanda son exemption qui fut accordée par un 
décret spécial. 

Cette pièce que nous avons vaut d’être reproduite 
en entier : j , 

« Au palais dés Thuileries, le 26 février 1814, 
Napoléon, empereur des français, roi d’Italie et pro¬ 
tecteur de la Confédération du Rhin, sur le rapport 
de notre Ministre de l’Intérieur, nous avons décrété 
et décrétons ce qui suit : 

« Article premier. — Nous accordons l’exemption 
de service militaire au sieur Magendie, savant, né 
Bordeaux le 6 octobre 1783, département de la 
Gironde. 

(( Art. 2. — Nqs ministres de l’Intérieur et de la 
Guerre sont,'chacun en ce qui le concerne, chargés 
, de l’exécution du présent décret. 

« Pour l’Empereur et en vertu des pouvoirs qu’il 
nous a conférés, signé : Mabie-Louise. 

« Par l’impératrice reine et rég'ente, le Ministre 
d’Etat, secrétaire de la régence, signé : le duc de 
Cadore. , . " ■ 

« Pour ampliation : le Ministre de l’Intérieur, comte 
de l’empire, Montalivet. » 

Une lettre du Ministre de l’Intérieur,' Montalivet, 
adressée à M. Magendie lui fait part du décret impé- 



_ 254 — 


rial et ajoute : « Vous devez cette marque de faveur 
aux succès que déjà vous avez obtenus dans les scien¬ 
ces. Je ne doute pas que vous ne redoubliez d’efforts 
pour vous en rendre de plus en plus digne. » 

Une autre lettre du général d’Hastrel, directeur de 
la conscription, avertit M. Magendie, savant, qu’il a 
donné les ordres nécessaires pour l’exécution du dé¬ 
cret impérial. 

Un certificat de la Faculté, signé du doyen Le Roux, 
en 1816, atteste que M. Magendie « par l’effet des 
concours qui ont eu lieu a été nommé aide d’anatomie 
au mois d’avril 1807 et prosecteur au mois de juillet 
}811.)) 

En 1818 Magendie est nommé pour remplir .» l’une 
des places de Médecins... près le bureau central 
d’admission dans les hospices de Pàris » et en même 
temps que l’extrait du prpcès-verbal de cette nomina¬ 
tion, nou^ avons une lettre du Conseiller d'Etat, pré¬ 
fet de la Seiné, Chabrol, pour recommander au Con¬ 
seil général des hospices, M. Magendie, médecin, 
comme candidat à la place de M. Mangenot. 

« Messieurs, 

« M. le Comte Berthollet, pair de France, et M. 
le Comte La Place, viennent de me recommander 
M. Magendie, docteur en médecine, qui est sur les 
rangs pour la place vacante par le décès deM. Mon- 
genol, ces recommandations n’ont pu qu'ajouter à 
l’idée avantageuse que j’avais déjà des talens-et des 
connaissances de M. Magendie. 

« Cé jeune docteur professe son art avec autant de 
talent à l’Ecole de Médecine qu’il l’exerce au dehors 
avec succès. Il a.fait des observations nouvelles sur 
la physiologie et même on lui doit des découvertes 
importanlès sur l’éconotnie animale. 

« Des succès aussi rapides et qui doivent^en faire 
présager d’autres plus utiles encore au progrès de la 
science, le témoignage qu’ont donné aux talens de- 
M. Magendie, les Comtes Berthollet et de la Place, me 
font désirer, Messieurs, qu’il vous soit possible de 



porter ce jeune docteur sur la liste des candidats que 
vous aurez à présenterpour la place de M. Mongenot. 

« Je verrais avec d’autant plus de satisfaction 
M. Magendie réunir vos suffrages, que cette marque 
de bienveillance du Conseil serviront à la fois de 
récompense à ses travaux et d’encouragement à ses 
efforts. » 

Une pièce illustrée de la figure de Minerve casquée 
et couronnée vient de l’Institut de France, Académie 
royale des sciences, et apprend que « l’Académie 
royale des sciences... a procédé à l’élection d’un 
membre pour remplir la place dans la section de 
médecine et de chirurgie vacante parle décès de M. le 
baron (iorvisart. Le résultat du scrutin ayant donné la 
majorité du suffrage à M. Magendie... etc. 

« Certifié conforme et signé du baron Cuvier, secré¬ 
taire perpétuel. » 

En 1824, le Conseil royal de l'Instruction publique 
arrête ce qui suit : fc M. Magendie est autorisé à faire 
à Paris un cours de physiologie pendant l’année 
scolastique 1824-25. » 

1826 : Arrêt du Ministre de l’Intérieur Corbière, 
nommant le D' Magendie, médecin suppléant à l’hos¬ 
pice de la Salpêtrière,.en remplacement du docteur 
Ferrus. 

1830 : Arrêt du préfet de la Seine, O. Barrot, por¬ 
tant que M. Magendie, médecin de l’hospice de la 
Vieillesse-femmes, sera attaché à l’Hôtel-Dieu. 

Ordonnance du roi Louis-Philippe datée du 28 
février 1832, et portant que « l’élection faite par le 
Collège de France et par l’Académie des Sciences de 
M. Magendie pour remplir la chaire de médecine 
vacante au Collège de France, est approuvée ». 

Puis et à propos de l’enseignement, donné par 
Magendie au Collège de France, où le . professeur 
utilisait pour les montrer à ses élèves les pièces pro¬ 
venant de son service à l'Hôtel-Dieu, nous avons sous 
fbrqie d’extrait du registre des délibérations du 



— 256 -- 


Conseil général des Hospices, l’autorisàtion admi¬ 
nistrative accordée à ce sujet. 

« Le membre de la Commission administrative 
chargé des hospices donne connaissance au Conseil 
général d’une lettre par laquelle M. le Préfet de police 
l’informe que M. Magendie lui a demandé l’autorisa¬ 
tion d’emporter de l’Hôtel-Dieu des pièces d’anatomie 
pathologique pour faire les cours de physiologie expé¬ 
rimentale au Collège de France. Le Conseil général, 
décide que M. Magendie pour emporter de l’Hôtel- 
Dieu les pièces d’anatomie qui lui seront nécessai¬ 
res ... en se conformant aux dispositions suivantes : 

« 1® Les pièces ne pourront être remises que sur 
une demande écrite de M. Magendie, dans laquelle il 
désignera celles qu’il aura besoin d’emporter et les 
corps sur lesquels elles devront être prises. 

« 2“ A moins de nécessité absolue, dont il sera référé 
au membre de la Commission administrative, il ne 
pourra être retranché aucune partie des corps réclamés 
par les familles... 

« 3° M. Magendie prendra toutes les précautions 
nécessaires pour-prévenir les abus ou les dangers qui 
pourraient résulter de la faculté qui lui est accordée 
par la présente... 25 mai 1831. » 

Nous citerons encore : Une série de piècel relatives 
à la nomination de Magendie comme chevalier de 
l'ordre royal de la Légion d’honneur, le 5 novembre 
1829. C’est le comte de Chabrol préfet de la Seine qui 
est chargé de procéder à la réception. ' 

Sa nomination d’officier, le 2 mai 1840 accompagné 
d’une lettre de Cousin, alors ministre de l’Instruction 
publique, et qui lui annonce que c’est sur sa propo¬ 
sition que cette nomination en a été faite par le roi 
Louis-Philippe. 

« Je lui ai rappelé, écrit Cousin, les titres que vous 
avez à cette distinction, la persévérance de vos travaux 
qui vous ont placé dès longtemps parmi les plus 
éminents physiologistes, la sagacité audacieuse de vos 
expériences et les résultats féconds qu’elles ont,pro- 



duits, les théori'es nouvelles que vous avez présentées 
dans vos cours du collège de France, en un mot les 
services éclatants que vous ne cessez de rendre à l’une 
des sciences les plus difficiles à la fois et les plus 
importantes. Sa Majesté s’est plu à les reconnaître et 
à vous olfrir un nouveau témoignage de la haute estime 
qu’elle en sait faire. » 

Un certificat signé du Maréchal Exelmans, le 3 fé¬ 
vrier 1852, atteste que M. Magendie a été nommé 
commandeur de la Légion d’honneur, le 10 décembre 
1851. 

Et deux diplômes espagnols de 1852 et 1855 où la 
reine Isabelle II confère à Magendie les nominations 
successives de Chevalier, puis d’Officier de l’ordre de 
Charles III. 

Parmi les divers papiers que nous avons encore, 
quelques lettres sont à remarquer. Les unes viennent 
de malades reconnaissants, et vraiment après la répu¬ 
tation de nihilisme thérapeutique,qu’on a faite à 
Magendie, il n’est pas mauvais de pouvoir opposer 
l’opinion des intéressés: c’est ainsi que F. Dubois 
dans le réquisitoire malveillant, que sous couleur 
d’éloge académique, ce secrétaire perpétuel de l’Aca¬ 
démie de médecine consacre à son collègue défunt 
parle « du scepticisme railleur et impuissant auquel 
sa méde'cine d’amphithéâtre avait , conduit Magen¬ 
die » ; à cette accusation, ces lettres répondent élo¬ 
quemment. 

Une autre lettre nous apprend les démarches faites 
par les amis de Magendie auprès de Monseigneur 
d’HermopoIis,au moment de la première candidature 
au Collège de France, et qui furent d’ailleurs sans 
résultat, puisque cette fois Récamier fut nommé. 

Enfin nous avops encore à mentionner deux notes 
manuscrites de Magendie, l’une intitulée Recherches 
expérimentales sur la chaleur animale. Et une autre, 
au crayon, relatant Fhistoire d’un chien enragé dont 
il pratique l’autopsie chez Monroy, au « Combat 
des animaux ». 

Il y inocula un autre chien qui y resta en observa- 



— 258 — 


tion. Et nous en pouvons conclure que ces sortes 
d’établissements, dont l’un a laissé son nom à un 
quartier de Paris (près des Buttes Chaumont, il y en 
avait un autre rue de Sèvres) servaient à cette époque 
aux physiologistes pour le recrutement des chiens 
nécessaires a leurs expériences, d’une manière ana¬ 
logue à la Fourrière actuellement. 

Il nous a paru intéressant de donner ici un aperçu 
des documents que M. Henriot nous a si généreuse¬ 
ment donnés pour notre musée et qui y seront con¬ 
servés toujours à la disposition des historiens qu’ils 
pourraient intéresser dans l’avenir. 


UN ÉTUDIANT EN MÉDECINE 

PENDANT LA SECONDE REPUBLIQUE. 

C>ar le Docteui* A. FltVOT. 


L’étudiant qui accomplissaità Paris ses études entre 
1845 et 1850 trouva dans les évènements de ce temps 
un vaste champ d’émotions fortes, et, pour sa sensi¬ 
bilité encore à demi-romantique, toutes les occasions 
possibles de la mettre à bonne épreuve. 

Epoque dramatique en effet que celle qu’acca¬ 
blèrent, en deux ans, les successifs assauts d’une 
révolution, d’une sanglante émeute, et du second 
choléra. Cela pouvait pétrir des caractères, et y 
buriner des idées saines sur les avantages comparés 
de l’équilibre, de la santé et de la paix. 

J’ai pu me tenir en contact, on peut dire presque 
direct, avec cette époque troublée. Mon grand père 

Bul.Soc.Uist.Méd., t. XX, n»' 7-8 (juil.-août 1926) 



259 — 


maternel, le D"-Eugène Audigé, qui exerça la méde¬ 
cine avec honneur dans un village de l’Yonne de 1851 
à 1899,— date à laquelle il mourut d’un refroidisse¬ 
ment contracté, à 75 ans, au chevet d’un forestier près 
de qui il avait été appelé en pleine nuit, — m’en a 
mille fois conté les épisodes les plus saillants, pen¬ 
dant mes journées de vacances où je l’accompagnais 
en voiture lors de ses incessantes tournées. 

Jusqu’à la chute de Louis-Philippe, son existence 
avait été celle de tous les étudiants de son âge et de 
petite lortune. La politique y jouait un rôle éminent. 
Ils portaient la barbe longue et le cheveu en saule 
pleureur pour faire la nique aux favoris et aux toupets 
de ces affreux Philistins qu’étaient les bourgeois du 
temps, et pour sè créer une physionomie vraiment 
républicaine : républicanisme que nous ne connais¬ 
sons plus, tout en'couleurs lyriques et généreuses, 
qui s’enflammait aussi bien aux discours d’un Lamar¬ 
tine qu’aux conférences d’un Lacordaire. J’insiste sur 
ce dernier, ce fils de médecin de campagne devenu 
dominicain, dont le succès sur les jeunes gens fut 
littéralement prodigieux. On s’écrasait à Notre-Dame 
pour l’eiitendre, et il avait laissé dans l’espiût de mon 
grand-père, qui n’avait cependant rien d’un dévot, 
une empreinte très profonde, qu’à la seule lecture des 
Conférences, nous avons bien de la difficulté à nous 
expliquer aujourd’hui. 

La Révolution de Février fut donc en général bien 
accueillie par la jeunesse des Ecoles : M. Audigé 
poussa, comme les autres, de frénétiques acclama¬ 
tions, entonna à tout bout de champ le chœur des 
Girondins, cette Marseillaise de 48 qu’a ressuscitée la 
dernière guerre, et s’en fut, à la suite du peuple, 
faire son tour dans les Tuileries au pillage. Je possède 
encore, comme témoins de cette promenade deux 
petits pots, qui, quoique timbrés de la couronne fer¬ 
mée, sont d’une simplicité.bîen Spartiate, même pour 
un roi citoyen. 

L’Assemblée nationale, sortie du scrutin d’avril, 
se réunissait le 4 mai. Le ministère comptait alors 



deux médecins : Recurt à l’Intérieur et Ulysse Trélat 
aux Travaux Publics. Le 7, ce dernier prononçait un 
discours “débordant d’optimisme, qui prouve une 
remarquable clairvoyance, puisqu’une semaine après 
l’émeute le rappelait, en envahissant l’Assemblée, 
un peu durement à la réalité. La funeste institution 
des ateliers nationaux, celle grève organisée, comme 
l’appelait le jeune de Falloux, précipitait d’ailleurs 
les évènements, et quand, le 22 juin, les barHcades 
commencèrent d’enclore le Panthéon, il n’y eut, 
comme toujours, que le gouvernement de surpris. 

Mon grand-père était alors élève à l’Hôtel-Dieu, 
dans le service de Roux, professeur de clinique chi¬ 
rurgicale. Le 23 au matin, il quitta comme d’habitude 
son domicile, rue de l’Observance (aujourd’hui An¬ 
toine Dubois), mais il dut rebrousser chemin devant 
l’émeute. On sait que, dès l’après-midi de ce jour, il 
y eut une très chaude affaire aux barrica*des du Petit- 
Pont et de la rue Saint-Jacques, contre l’annexe del’Hô- 
tel-Dieu. Les blessés affluèrent en telle proportion 
dans les hôpitaux (l) qu’il fallut chercher dès lits sup¬ 
plémentaires. On les trouva aux ci-devant Tuileries. 

, Après les journées de Février, en effet, siir la pro¬ 
position du D'' Leroy d’EtiolIes, on avait transformé 
lesTuileries dévastées en ambulance pour les blessés, 
sous le nom pompeux d'Hospice des Invalides civils : 
on préserva ainsi le Palais de nouveaux pillages, et 
surtout on le débarrassa d’un certain nom’bre de 
citoyens trop zélés qui, s’y trouvant à l’aise, n’en 
voulaient plus déguerpir. Le service fut d’abord 
assuré par le D’’ Leroy d’EtiolIes, auquel on adjoignit 
plus tard MM. de Guise, chirurgien en chef de la 
Garde nationale, et Richet. Une grande partie des bles¬ 
sés de Février avaient déjà quitté l’Hospice, quand les 
journées de Juin lui apportèrent un regain d’activité. 

On dut recourir aux services d’élèves des Hôpitaux, 
et M. Audigé y entra dès le 24 juin. Ce jour là arri¬ 
vaient les premières gardes nationales de province 

(!) Le registre do l’Hùtel-Dieu indique, pour le 23, quatre-ying^ 
treize blesses entrants et û peu {>rès autant pour les trois jours suivants. 



— 261 — 


venues pour prêter main-forte à leurs camarades 
parisiens. On les fit bivouaquer sur la place du Car¬ 
rousel et dans le jardin des Tuileries, où ils furent 
commis à la garde’des émeutiers enfermés dans les 
caves de la terrasse du bord de l’eau. 

Dans la nuit du 26, M. Audigé, qui était de garde, 
s’était couché, tranquillement bercé par le cri mono¬ 
tone des sentinelles qui se répondaient d’un bout à 
l’autre de la ligne « Sentinelles, prenez garde à 
vous ! » Vers une heure du matin, un fracas terrible le 
réveilla : mettant le nez à la fenêtre, il aperçut dans 
la pénombre du Garroussel une foule confuse d’où 
sortaient des clameurs et des coups de feu, tandis 
qu’aux fenêtres du Palais s’allumait une seconde fu¬ 
sillade. Mon grand-père ne resta que peu de témps à 
son poste d’observation, car les balles sifflaient dru à^. 
ses oreilles. Croyant à un retour offensif des insur¬ 
gés, il se hâta de descendre, bousculé au passage par 
des gardes affolés qui hurlaient « nous sommes per¬ 
dus, les Tuileries sont prises! » D’aucuns eurent 
même une telle peur qu’ils grimpèrent dans les che¬ 
minées... 

Cette terreur panique une fois apaisée, on se ren¬ 
dit compte de la gravité du drame : de la place du 
Carrousel et de la cour des Tuileries s’élevaient des 
plaintes lamentables de nombreux blessés ; tous ceux 
qui n’avaient pas fui s’empressèrent à les relever ; 
mais leur nombre dépassant de beaucoup celui des 
lits disponibles, on les coucha comme on put, sur des 
tapis, des coussins, des canapés. Toute la nuit les 
élèves, les infirmiers, les religieuses rivalisèrent de 
soins, sous la direction du D’' Richet accouru en toute 
hâte ; presque toutes les plaies s’avéraient graves, 
tant les coups avaient été tirés de près. Le lendemain 
matin encore, selon le témoignage d’un témoin ocu¬ 
laire, l’abbé Denys (1), le spectacle était affreux, et le 
sang ruisselait littéralement sur les parquets. 

Voici quelle était la cause de cette tuerie ; 

1) Les Tuileries en iSkS. Parid, Albanel, 1869. 



— 262 — 

Vers une heure, les gardes nationaux avaient reçu 
l’ordre de faire sortir les prisonniers et de les diriger 
sur les forts. Les gardes eurent le tort de laisser les 
insurgés libres de liens, en se contentant de les 
encadrer. Une fois arrivés à la place du Carrousel, 
ceux-ci, bousculant les hommes de l’escorte, cher¬ 
chèrent à s’enfuir : on leur tira dessus, mais dans 
l’obscurité la décharge ne fut guère meurtrière que 
pour les gardes nationaux qui s’eritretuèrent littéra¬ 
lement, cependant que leurs camarades cantonnés 
dans le palais, croyant à une attaque, les fusillaient 
des fenêtres. 

Ce fut le dernier drame de juin. 

L’Bospice des Invalides civils ferma définitivement 
ses portes le 15 août. Dès le 11, M. Audigé recevait 
de témoignage suivant : 

GARDES NATIONALES Paris, il août 1848. 

DU.DÉP‘DE LASEINE ' 

ETAT-MAJOR GÉNÉRAL Monsieur le Docteur, 

Au moment où l’ambulance établie aux Tuileries à la suite _ 
des funestes journées de juin va être fermée, c’est pour moi 
un devoir de vous exprimer toute ma satisfaction pour le zèle 
et le dévouement éclairé dont vous avez constamment fait 
preuve dans le service qui vous était confié. 

Je suis heureux de vous transmettre les expressions de ma 
gratitude, Monsieur le Docteur. Veuillez y joindre celle de 
mes sentiments de considération la plus distinguée. 

Le général commandant en chef: Changarnier. 

Enfin, le 5 octobre, le Ministre de l’Intérieur 
décernait'« au nom du peuple, au citoyen Audigé » 
une médaille d’honneur. 


Après .un tel Ijouleversement, paix et tranquillité 
eussent semblé d’autant mieux venues que plus chè¬ 
rement achetées. Mais il semble que les fléaux sé 
tiennent et s’enchaînent : à l’émeute succédait le cho- 



— 263 - 


léra. Dès l’automne de 48, échappé d’un navire ham¬ 
bourgeois, il envahissait les ports anglais, et, en octo¬ 
bre, se manifestait déjà sur quelques points du nord 
delà France. C’est pourquoi, le 23 novembre, le Préfet 
de Police envoya dans chacun des douze arrondisse¬ 
ments la lettre suivante : 

Citoyen Maire, 

La présence du choléra en Angleterre doit éveiller toute 
notre sollicitude... L’une des principales mesures que l’inva¬ 
sion de l’épidémie rendrait nécessaire serait l’organisation des 
commissions sanitaires à l’instar de celles de 1831... 

Salut et fraternité. 

Le Préfet de Police : Gervais (de Caen). 

Après trois mois de silence, Paris fut frappé à son 
tour : d’abord, en mars, les vieillards de la Salpê¬ 
trière, puis, en avril les hôpitaux militaires; enfin la 
population civile. Le Conseil de salubrité envoya en 
hâte aux maires l’instruction suivante. 


1849 — Avril 


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE 

Liberté — Egalité — Fraternité 


2“ Division 
4” Bureau 


PRÉFECTURE DE POLICE 


Depuis l’invasion du choléra-morbus à Paris, sa marche, 
, observée jour par jour avec soin, a heureusement rendu inutile 
tous moyens extraordinaires de secours et il y a tout lieu 
d’espérer qu’il ne .sera pas nécessaire d’avoir rècours à ces 
mesures exceptionnelles. 

Toutefois, comme le choléra est ordinairement précédé de 
légers accidens qu’il suffit de dissiper pour arrêter le déve¬ 
loppement ultérieur de la maladie, le Préfet de Police croit 
dévpir publier l’Instruction du Conseil de salubrité où sont 
indiqués les conseils hygiéniques appropriés aux circons¬ 
tances actuelles. 



— 264 ~ 


CONSEIL DE SALUBRITÉ 
Instruction 

Sur les précautions à prendre durant l’épidémie du Gholéra- 
Morbus. ^ 

Les documens recueillis à l’étranger depuis la réapparition 
du choléra en Europe, sont de nature à rassurer la population ; 
ils établissent que, dans toutes les villes où cette maladie s’est 
montrée, elle a affecté proportionnellement un nombre bien 
moins considérable d’habitaus qu’en 1832. 

Cette décroissance très marquée dans le nombre des person¬ 
nes atteintes, n’est pas seulement le résultat de l’alTaiblisse- 
ment de l’épidémie, elle tient encore aux améliorations intro¬ 
duites dans les conditions hygiéniques où se trouvent placées 
aujourd’hui les populations de l’Europe. Aussi croyons-nous 
devoir faire connaître ce qu’il faut éviter comme étant nuisi- 
ble^ ce qu’il faut observer comme étant utile, dans les habitu¬ 
des de la vie. ' 

Nous insistons, d’autant plus, sur l’observation de ces me¬ 
sures-, que si la maladie peut attaquer indistinctement tous 
les individus, quelle que soit leur fonction Sociale, tous aussi 
peuvent prendre les précautions que nous considérons géné¬ 
ralement comme étant les plus propres à prévenir ses atteintes. 

, Première Partie. 

Précautions hygiéniques à prendre pendant l'épidémie, 

I. Le calme de l’esprit est toujours une des conditions les 
plus favorables à la santé, à plus forte raison pendant une 
épidémie. 

II. Une alimentation modérée, saine, régulière et convena¬ 
blement substantielle, est un des préceptes d’hygiène qu’il est 
important d’observer. 

Toute perturbation dans les habitudes de la vie, tout chan¬ 
gement dans une alimentation dont on se trouve bien, est une 
innovation fâcheuse. 

On ne saurait exclure de l’alimentation journalière aucun 
aliment d’une manière absolue, mais on sait que les excès en 
vins ou en liqueurs alcooliques, la trop grande quantité de 
nourriture, sont autant de causes qui amènent le trouble dans 
la digestion. Dans les temps ordinaires, on supporte sans de 
grands inconvénients ce surcroît d’alimentation et de boissons ; 
en temps de choléra, c’est une des causés les plus puissantes de 
son invasion. 



— 265 — 


Sans prétendre exclure de la vie habituelle aucune subs¬ 
tance alimentaire, nous ferons cependant observer qiTe la 
diarrhée étant le symptôme précurseur le plus ordinaire de 
l’invasion du choléra, il y a lieu 4’user avec modération des 
alimens réputés relâchans. 

Quelques légumes secs, comme les haricots et les pois, sont 
pour certaines personnes d’une digestion difficile quand on 
les prépare avec leur enveloppe. A l’état de purée, ils sont 
parfaitement sains et conviennent aux estomacs délicats. 

En hiver, les personnes appelées par leurs occupations à 
sortir de bonne heure doivent éviter d’être à jeun. 

11 ne faut jamais se désaltérer que lorsqu’on n’est plus en 
sueur ; toute boisson froide et surtout glacée, prise quand on 
a chaud est dangereuse. En tout cas il est préférable de pren¬ 
dre, au lieu d’eau pure, de l’eau additionnée d’eau-de-vie (deux 
cuillerées à bouche par litre d’eau) ou'de vin. 

Les eaux gazeuses préparées avec des poudres sont purga¬ 
tives ; lorsque les sels restent dans la boisson, il ne faut pas 
en faire usage. 

III. Il importe de se vêtir de manière à se préserver des 
impressions du froid ; il importe surtout d’éviter les transi¬ 
tions brusques de la température et le refroidissement subit, 
qui sont dangereux. 

IV. Une des conditions importantes à observer durant les 
épidémies, c’est la salubrité des habitations. Il est donc néces¬ 
saire de mettre à exécution toutes les mesures prescrites dans 
l’ordonnance publiée à ce sujet. Nous nous bornerons à rap¬ 
peler ici qu’il faut éviter l’encombrement des habitations, et 
renouveler l’air des chambres, soit en ouvrant fréquemment 
les fenêtres, soit en entretenant du feu. 

En été, quelques personnes couchent les fenêtres ouvertes ; 
cette pratique est dangereuse en ce qu’elle expose aux varia¬ 
tions de température si communes durant la nuit, sans qli’on 
puisse y porter remède, à cause de l’état de sommeil. 

, Quant à la température des habitations, elle doit être mo¬ 
dérée. 

V. Durant les épidémies en général, on doit, tout en conti¬ 
nuant de vaquer à ses occupations habituelles, le faire cepen¬ 
dant dans une certaine mesure: la fatigue corporelle, les tra¬ 
vaux de cabinet trop prolongés, les veilles dans le travail, 
l’abus du plaisir, sont très nuisibles. Sous ce rapport, la vie 
doit être réglée, uniforme et exempte de tout excès. 



Deuxième Paetie. 

Conduite à tenir 1“ à Vapparition des symptômes qui précèdent 
ordinairement le choléra ; 2" au début de la maladie. 

Le choléra n'est pas contagieux ; on peut donc sans crainte 
prodiguer des soins aux personnes atteintes de cette maladie ; 
mais l’expérience a démontré que, dans toute maladie épidé¬ 
mique, l’encombrement des habitations est toujours une condi¬ 
tion fâcheuse ; il convient, en conséquence, de prendre les 
mesures les plus propres à l’éviter. 

On peut affirmer qu’à quelques exceptions près, si brus¬ 
que qu’en soit l’invasion, le choléra est cependant précédé de 
symptômes qui peuvent en faire craindre le développement. 

Le plus connu c'est la diarrhée, et telle en est l’importance 
qu’il suffit de la faire céder pour prévenir la maladie. II y aurait 
donp danger a la laisser persister. 

On arrête la diarrhée par des moyens très simples; : diminu¬ 
tion ou abstinence complète d’alimens ; usage de riz et de ses 
préparations ; administration de quarts de lavements émolliens 
et caïmans ; infusion de thé ou toute autre infusion aromatique 
pour boisson. 

Mais il est toujours nécessaire d’appeler un médecin... 

Suivent quelques considérations classiques sur le 
début et la convalescence du choléra, que je ne 
transcris pas ici. 

Nous croyons devoir terminer cette instruction en décla¬ 
rant formellement au public qu’il ne doit accorder aucune con¬ 
fiance aux prétendus moyens préservatifs et curatifs dont des 
charlatans cupides font vanter les propriétés par les jour¬ 
naux, ou qu'ils annoncent par des afficlies. Si l’Autorité était 
assez heureuse pour connaître un semblable moyen, elle ne 
manquerait pas de le publier. 

Signé ; Deveugib, rapporteur ; Beaude, Bussy, Bégin. 

Lu et approuvé dans la séance du 19 janvier 1849. 

Lé Secrétaire, ' Le Vice-Président, 

Ad. TnÊBUCHET. Boutron. 

Vu et approuvé : 

Le Préfet de Police 
Rebillot. 

Le choléra ayant Jait fi de l’instruction, continua 
à sévir dé plus belle. En mai, comme il tuait à peu 



— 267 — 


près 200 personnes par jour, le Préfet de Police, 
signa l’ordonnance organisant les Commissions sani¬ 
taires dans chaque arrondissement, commissions 
composées du Maire, de 8 notables, de 4 médecins 
et d’un pharmacien. Ces commissions devaient orga¬ 
niser des bureaux de secourè en nombre suffisant, 
selon les directives suivantes. 

GOTNSEIL DE SALUBRITÉ. 

Extrait du Rapport sur l'organisation des Bureaux de secours 
. et des Commissions sanitaires. 

Tous les médecins, chirurgiens, officiers de santé et phar¬ 
maciens domiciliés dans l’arrondissement sont appelés à faire 
le service des bureau.Kde secours, à l’exception des médecins, 
chirurgiens et pharmaciens chefs de service dans les Hôpitaux 
de Paris. ' , 

Il sera dressé par les soins de MM. les Maires, une liste 
indiquant les noms, domicile et quartier des médecins, chirur¬ 
giens, officiers de santé et pharmaciens de leurs arrondisse¬ 
ments. C’est sur cette liste que sera faite la répartition du per- 
sonnel'dans les bureaux de secours. 

Quant aux élèves en médecifie, M. le Doyen de la Faculté 
sera invité à ouvrir une liste sur laquelle viendront s’inscrire 
les élèves qui voudront faire le service, dans les bureaux. 

La demandé d'élèves sera faite hebdomadairement à M. le 
Doyen, par le conseil de salubrité... 

Le service dans les bureaux de secours sera permanent de 
jour et de nuit. < 

Le bureau sera composé ainsi qu’il suit : 

Pendant le jour ; 1 médecin, 1 pharmacien ou son 1®*' élève, 
1 élève en médecine, 1 agent comptable, 2 infirmiers. 

Pendant la nuit ; 2 médecins, plus le personnel ci-dessus à 
l’exception d’un agent comptable... 

L’agent de chaque bureau y sera en permanence de 6 heures 
et demie du matin à 10 h. du soir (suivent ses attributions,. 

Chaque bureau de secours recevra le matériel et les médica- 
mens suivants : 

Farine de graine de lin 6 kgs ; Farine de moutarde 3 kgs ; 
Fl. de tilleul 125 gr. ; Camomille 125 gr. ; Mvithe 125 gr, ; 
Grge perlé 500 gr. ; Riz 2 kgs ; Chlorure de soude 12 bout. ; 
Chlorure de chaux 6 flac. ou 2 kgs ; Vinaigre de vin 5 lit. ;i 
Eau fl; d’oranger 6 fli ou 60 gr. ; Eau de seltz 12 bout.;: 




Ether sulfurique 6 £1. de 20 gr. ; Ammoniaque liquide 6 fl. de 
15 gr. ; Laudanum de Sydenham 6 fl. de 15 gr. 

Rebillot. 

Il faut croire que la création et l’organisation des 
bureaux de secours furent malaisées : car ils ne com¬ 
mencèrent de fonctionfter que le 7 juin, c’est-à-dire 
au moment ou le fléau était à son apogée. Mon grand 
père, inscrit comme la plupart de ses camarades, 
sur le registre de là Faculté, fut envoyé rue Sainte- 
Croix-de-la-Bretonnerie, à l’Hôtel ci-devant Le Pele- 
tier de Mortefontaine, alors mairie du 7° arrondisse¬ 
ment (ce 7“ arrondissement correspond à,peu près au 
4® d’aujourd’hui) en plein Marais, quartier surpeuplé, 
où la mortalité fut des plus considérables, puisqu’elle 
frappa, au total, 14 à 17 poiir mille des habitants. Le 
service était très dur, car non seulement les méde¬ 
cins devaient se rendre au domicile des cholériques, 
mais se précipiter partout où des malades, brusque¬ 
ment frappés, tombaient sur la voie publique, cas, 
paraît-il, fréquents. On se demande d’ailleurs .quel 
secours pouvait apporter le médecin, étant donné le 
puissant arsenal médicamenteux dont il disposait. 
Bien entendu, il payait son tribut à l’épidémie, et 
M. Audigé eut plusieurs de ses camarades atteints 
mortellement. 

L’administration du Colonel-Préfet Rebillot ne se 
signala pas par une exceptionnelle générosité. Voici 
la circulaire qu’il adressait aux maires dès /e 11 juin : 

PnÉFKCTURE DE PoLicE 11 juin 1849 

2* Division 

4“ Bubeau Monsieur le Maire. 

Les lettres qui m’ont été adressées par quelques-uns d’entre 
vous, me font craindre que le sens de mes instructions (à pro¬ 
pos des dépenses des Bureaux de secours) n’ait pas été par¬ 
faitement saisi, et je crois devoir en conséquence, entrer dans 
quelques détails à cet égard...' 

Les traitements et salaires des agents comptables et infir- 
fpiiers, avaient été fixés en 1832 à 150 fr. par mois pour les 
agents comptables et à 3 fr. par jour pour les infirmiers,..- 



— 269 — ■ 

Elèves en médecine. — Il devra être tenu un état exact des 
élèves en médecine et eii pharmacie qui auront fait le service, 
avec indication de ceux qui n’auront point réclamé d’indemnité, 
et de ceux qui en réclameront une. Dans ce dernier cas, l'in¬ 
demnité qui a pour objet de les mettre à même de pourvoir à 
leur nourriture serait fixée à 100 fr. par mois. 

Voitures. — Plusieurs d’entre vous ont mis des voitures à 
la disposition des médecins et élèves. Je ne peux qu’approuver 
cette mesure, mais je vous recommande de veiller à ce que la 
voiture ne serve que pour les visites à faire chez les per¬ 
sonnes qui viennent réclamer des secours au Bureau. Un seul 
cabriolet me paraît devoir suffire. Je vous rapelle qu’en 1832, 
l’Administration avait traité avec un loueur qui mettait des 
cabriolets à la disposition des bureaux au prix de 10 fr. par 
jour, de 6 heures du matin à 11 heures du soir... 

Agréez, monsieur le Maire... 

Rebillot. 

Procédés économiques que, dit-on, se sont transmis 
avec une louable sollicitude beaucoup d’administra¬ 
tions à l’égard de leurs médecins. Gela n’empêcha, 
pas ceux de 49 d’accomplir tout leur devoir. L’épidé¬ 
mie avait déferlé effroyablement pendant la première 
quinzaine de juin ; puis, se dévorant elle-même, elle 
décrût avec rapidité. Dès les premiers jours de juil¬ 
let, les postes de secours se fermèrent, et, le 7 dudit 
mois, M. Audigé fut renvoyé à ses chères études, 
avec une belle lettre du maire du 7® arrondissement, 
complétée le 19 par lesçertificat que voici : 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE 

Rue Sainte-Ôroix ’V'ille de Paris 

de la Bretonnerie, 20 mairie du vu' arrondissement 

Nous, maire du 7' arrondissement de Paris ; 

Certifions que M. Audigé, Elève en Médecine, a été attaché 
depuis le 7 juin dernier jusqu’au 7 juillet courant, et sans 
ayoir reçu aucune indemnité, à l'un des postes médicaux éta¬ 
blis dans mon arrondissement pour les cholériques. 



— 270 — 


Certifions en outre qu’il a montré dans l’accomplissement 
de ses devoirs un dévouement et un zèle ■ remarquables, et a 
donné avec une grande intelligence aux malheureux cholé¬ 
riques^ des secours dont le souvenir laisse dans l’esprit de la 
population et fie l’administration municipale l’impression des 
sentiments les plus flatteurs pour lui. 

En foi de quoi, etc. 

Le 24 octobre, le Prince-Président accordait à mon 
grand père une médaille d’argent, ce dont, avec une 
rapidité digne d’éloges, le ministre de l’Agriculture 
et du Commerce l’informa le 16 mai 1850, soit sept 
mois après. 

Le 28 mai enfin, cette médaille lài fut remise : on 
pourra penser, d’après ce qui précède, qu’il ne l’avàil, 
comme on dit, pas volée. 

Or, en janvier de cette même année, M. Audigé 
avait fait une demande en exonération des frais de 
son dernier examen de doctorat : iPn’était rien moins 
que riche, et pensait que sa conduite honorable pen¬ 
dant le choléra pouvait lui valoir cette faveur. Le 12 
juillet, et tous renseignements étant pris, le ministre 
de l’Instruction Publique lui fit savoir que, dénué de 
tout argent liquide, il se trouvait dans l’impossibilité 
absolue de faire droit à sa requête. M. Audigé paya 
donc. Ce qui prouve que, sous tous les régimes, la 
vertu trouve toujours sa récompense: ce sera, si vous 
le voulez bien, la moralité de ce véridique récit. 


NOTE. — J’ai donné les Instructions des Préfets et celle du Conseil 
de salubrité d’après l’exemplaire unique des Archives de la Seine, ces 
documents ayant presque tous disparu dans l’incendie de mai 1871. 



L’AME DANS. L’ART CHRÉTIEN 


Remarpes Anatomo-physiologiques 

Par le Dr XRICOX-ROX^BR. 


I. — Les AMES DES JUSTES. 

Les âmes chrétiennes sont matérialisées de manière 
différente selon le degré de perfection que l’artiste 
prête à leurs détenteurs. Plus l’âme est pure, plus 
elle est pénétrée de cette sainteté, qui est l’apanage 
des uniques habitants des cieux, et plus son anatomie 
se rapproche de celle d’un petit enfant : depuis l’en¬ 
fant vagissant, nouveau-né aux formes flasques et 
bouffies, jusqu’à l’enfant bien découplé, et développé 
suffisamment de' corps et d’esprit, pour manifester 
une joie raisonnée à l’occasion de son admission dans 
le royaume de Dieu. 

En voici quelques exemples typiques : 

Parmi les objets précieux qui constituent la richesse 
du musée Saint-Raymond, à Toulouse, se trouve la 
châsse de saint Exupère. C’est un écrin en émail 
champ-levé de Limoges. L’une des faces représente , 
la mort du pieux évêque de Toulouse. Le prélat est 
représenté couché. Il a la tête coiffée de la mitre ; six 
personnages, placés trois au chevet et trois au pied 
du lit, assistent- recueillis à ses derniers motnents. 
Le saint en expirant, exhale un tout petit enfant dont 
la destinée évidente e.st d’entrer au paradis, piano 
pede^ si l’on peut dire. L’objet date du xii“ siècle. 

Au siècle suivant, le trouvère tournaisien Philippe 
Mouskès, qui- terpiina sa chronique vers l’an 1242,- 
rapporte une épisode curieux dont il illustre la mort 
de Philippe-Auguste. 



— 272 ^ 

Il y avait à Rome un patricien de la famille des 
Frangipani, apparenté à tous les princes d’Europe. 
Se sentant malade à en mourir, il manda le Pape et 
se fît administrer l’Extrême-Onction. Puis satisfait, 
confiant dans son salut éternel, il attendit "la mort. 
Mais ce fut un spectre, aimable d’ailleurs, qui vint au 
rendez-vous. Un spectre portant un enfant dans les 
bras. Or, voici le. cours de la conversation ' entre les 
deux hôtes; 

— c( Qui est çou, Dieux, que parler oi? » 

Fait li malade moult baset. 

— « Jou sui de par Dieu », entreset 
Fait J’image, or esgarde-moi. » 

Et li sénatours entour soi 
Regarda, et vit en estant 
Devant lui 1 home moult grant. 

D’une viestéure vieslu 

Toute blance, à lin or batu ; 

Et si ot coulour rouvelente 
Aussi comme la flors sor l’ente, 

Ettenoit en son brac devant 
Ansement q’un petit enfant 
Couronné d’or, contre son pis. 

Biaus iert li enfés à devis 
Et li grans om à basse vois 
Dist al sénator: « Tu me vois 
Parole à moi et liève sus ». 

— a Dieux, fait cil, jou me gis tous jus. 

Et fui ier soir cuméniiés, 

Confiésés et enoliiés, 

Et sui de la mort tous atains. 

Li pappe i vint qu’il ne pot ains. » 

Et l’image a dit ; « Liève tos. » 

Et li sénators, à ces mos, 

I petit amont se dreça 
Et l’enfançon moult esgarda 
Que cil om devant lui tenoit 
Et moult souef le manioit 
Si li abiéli moult très fort, 

Et s’en ot auques desconfort, ' 

Et dist : « Pour Dieu la glorions, 

Ki iestes et dont venés-vous. 



— 273 — 


Sire preudom, qui cel enfant 
Tenés si biel? J’el vous demanl 
Si me le dites de par Dieu. » 

Atant si se quoissa I peu. '' 

Li grans ora l’ot bien entendu, 

Si ri a moult biel respondu. 

« Amis, or sacés sans dotance, 

Que jou sui Saint-Denis de France, 

Et,cis enfés que jou tieng ci ' 

Entré mes bras, la Dieu-mierci, 

C’est l'arme del bon roi Felipre, 

Le sage, le poisant, le viste. 

Qui Sainte dise a maintenue 

Et la couronne soustenue 

De France, dont il est mes om. ' 

S’a bien gardel jusques à som, 

Sonn'oïaume et crestienté. 

Tant que Dieux, par sa volonté, 

Viout avoir s’arme, etjouli porc, 

Quar li boins rois dont je recorc 
Est anuit mors et déviés 
Et viers paradis enviés. 

A ces ensègnes or m’esgarde, » 

23034— 24089 

Alors pour que nul défiance n’elfleure plus la pensée 
de ®Frangipani, et pour prouver qu’il est bien saint 
Denis de France, le personnage se décolle la tête de 
dessus ses épaules et la place sous son bras, conti¬ 
nuant de la sorte la conversation, à l’ébahissement 
du sénateur. 

Atant li grans om ne s’i tarde, 

S’a-il meisme son cief pris 
Del col, entre ses bras l’a mis. 

En remembrance que copée 
L’ot par Cloévis d’une espée, 

Al tans qu’il praieça en Gaille, 

Qui France est or dite, sans faille. 

Le but du poète Wallon, en créant cette fiction ou 
en la consacrant, était, évidemment,‘de faire la cour 
à ses princes, puisqu’il leur présentait le roi défunt 
comme étant, d’ores et déjà, un ornement du paradis. 




Dans ce même ordre d’idées, mérite une mention 
le sceau de la Maison des Lépreux d'Anvers^ que 
Génard a trouvé dans les archives de la cathédrale, 
appendu à un acte du xiii“ siècle: Ôn y distingue 
Lazare sous la forme d’un enfant sur les genoux d’A- 
braham qui des deux mains soutient les bouts d’une 
serviette affectant ainsi la forme d’une corbeille. 

Signalons aussi un bas-relief de la cathédrale de 
Bourges où le Christ héberge d’une manière iden¬ 
tique six enfantelets qui sont des âmes d’élus. 

Au XIV® siècle, Dom Urbain Plancher nous rappelle 
que, le 23 septembre de l’an 1380, trépassa le 
seigneur de V.entoux, Thomas de Saux, dit le Loup, 
On l’inhuma dans l’église de la Sainte-Chapelle à 
Dijon. Sur la dalle funéraire, un artisai^ grava une 
image de ce qu’il croyait représenter l’état actuel 
de là dépouille du gentilhomme. 

C’est un squelette chargé de chairs en putréfac¬ 
tion, grossièrement traité, donnant plutôt l’impres¬ 
sion d’une caricature macabre : le ventre vient 
d’éclater et donne issue aux entrailles, pareilles à 
une pelote de grosse laine qui s’évide. 

Par-dessus le défunt, deux anges soutiennent un 
drap, dans lequel se perçoit la forme approximative 
d’un enfant, que les messagers de Dieu vont 
emporter. 

Au XV® siècle, la tradition se pei’pétue. Voici la 
tombe d’un prélat de Saint-Seine : 

Gy gist frère iehan de blaisi docteur endroit 
abbé de ceste eglise de Saint-Samgue 
en l’an mil ccc iiii x x et uni lequel a emploie de son 
povoir son temps au service et réédificacion 
de ceste dists église qui tspassa l’an MCGGGXXXIX. 
le 11® may pries Dieu pour luy. 

L’artiste a sculpté un squelette visant de plus 
près la réalité anatomique. Le crâtle porte au front 
un trait de scie'horizontal comme si on avait prélevé 
le berveau aux fins d’autopsie. Les lèvres rongées 
découvrent toutes les dents. La claviculè, le sternum 



— 275 — 


sont observés. Les bras croisés sur la poitrine sont 
démesurés. L’abdomen affaissé ne montre plus d’en¬ 
trailles, le regard tombant directement sur des corps 
de vertèbres presque corrects. Mais les rotules sont 
des quatre-feuilles de la plus haute fantaisie. 

Sur la tête du gisant se balance le drap tendu 
par les anges et qui contient un enfant qui joint 
lès mains sur la poitrine, dans une attitude d’oraison 
ainsi exprimée sur deux phylactères 

Mater Dei miserere mei Ghesuxse miserere 

Peccatorum advocatrix Redemptor mundi 

Sis pro me mediati’ix Parce mihi peccati. 

Les moines, tout en étant convaincus de la 
sainteté de leur pieux confrère, n’ont pas osé 
supplanter Dieu dans ses jugements. ^ ’ 

Il en est tout autrement dans deux scènes qui 
datent à peu près de la même époque. La première 
est extraite du roman en prose les Conquestes de 
Charlemainey magnifique manuscrit sur pai'chemin, 
embelli de figures en grisaille rehaussées d’or, et 
qui fut achevé pour Philippe-le-Bon en 1458 (1). 

Une chambre, «n forme de baldaquin ouvert de 
deux côtés, occupe à droite les deux tiers de 
l’œiivre. Charlemagne yient de rendre le dernier^ 
soupir; un.confesseur, assis â son côté,, maintient 
le cierge encore allumé dans la dextre retombante 
de l’empereur. Les nombreux témoins sont cons¬ 
ternés. Mais deux anges ailés, qu’accompagne un 
troisième personnage énigmatique, < transportent 
l’âme du défunt vers les régions éthérées. Cette 
âme est un enfant nu, déluré, de 4 à 5 ans. Il semble 
allég4 d’un poids qui l’accablait, et ravi d’entrer 
dans sa nouvelle patrie vers où il tend les bras. Dans 
le tiers gauche de la miniature on voit disparaître 
qdelqües hommes de guèrre que survole un essaim 
de diables armés de martels, de hallebardes et de, 
goedendags : les esprits guerroyeurs ont perdu là 

(1) Bibliothèque Royale de Bruxelles, , , 



— 276 — 

pai’tie contre l’esprit de clarté... et regagnent le pays 
des ombres. 

L’autre sujet : La mort d’un pôvre mendiant est 
extrait d’un manuscrit du xv" siècle, qui fait partie 
des collections de la Bibliothèque Nationale. 

La composition offre de grandes analogies avec 
la mort de Charlemagne. C’est la même chambre à 
baldaquin située dans les mêmes conditions de 
paysage. Sur un lit, d’ailleurs confortable gît la 
dépouille du mendiant trépassé, sous son chapeau 
rond et près de sa canne et de sa besace. Son âme, 
un joli enfant blond et bouclé, d’environ six ans, 
vient de secouer sa médiocre chrysalide ; il est 
accueilli par la Vierge et deux anges. Dehors, 
second épisode du drame : trois anges; d’un même 
envol enlèvent l’enfant ravi vers sa patrie céleste. 

Dans son Art religieux de la fin du moyen âge 
Emile Mâle reproduit une scène de Moriendi 

(xv* siècle), qui porte, le ti.tre L’âme du mort empor¬ 
tée au ciel; elle confirme nos observations : le 
chrétien vient de rendre le souffle après un 
ultime entretien avec le prêtre qui l'assiste. Un 
enfant de quatre ou cinq ans, se,dresse debout sur 
le front du mort, et quatre anges, juchés sur le bois 
du lit, lui sourient. 

L’âme est sauvée ! Ainsi l’attestent les vocifé¬ 
rations rageuses de quelques démons qui se tordent 
sur, le parquet : 

Spes nobis nulla. 

V Animam amisimus. 

Heu infâme. 

Furore consumer. 

Gonfusi sumus. 

Dans la plupart des figurations que nous avons 
décrites l’enfant .est nu, mais présenté de telle façon 
que l’on ne peut pas discerner son sexe. Au contraire, 
il est parfois franchement insexué comme c’est le 
cas à Lisieux pour un monument décorant la cathé¬ 
drale et que M, Desportes désigne comme suit: 



— 277 ~ 

« Près de la porte qui donnait accès dans l’ancienne 
salle capitulaire (règne) un bas-relief de la fin du 
XY® siècle : un chanoine à genoux, patronné par 
saint Sébastien, présente une supplique à l’Enfant- 
Jésus tenu sur les genoux de sa mère, en faveur . de 
son âme, représentée au-dessus par un enfant, 
sans sexe, tenu par un ange (1). 

Pour ce qui concerne le xvi® siècle, je me bornerai 
à citer les représentations de la parabole du Mauvais 
Riche, qui du fond des enfers aperçoit l’âme de 
Lazare dans le sein d’Abraham. L’école flamande à 
copieusement traité ce sujet. Le musée de Bruxelles 
possède un chef-d’œuvre de Bernard van Orley où l’on 
voit l’ancien lépreux sous la forme d’un bel enfant 
insexué, juché, debout, sur les genoux du patriarche : 
Celui-ci est lui-même entouré d’autres enfants ac¬ 
cueillis dans les mêmes conditions que Lazare. 

Je crois en avoir dit assez sur ces représentations 
de l’âme des justes pour pouvoir y indiquer une 
application littérale de ces deux textes des livres 
saints : « Vous n’entrerez dans .le Royaume de mon 
Père qu’à la condition de devenir sembjables à ces 
petits enfants. Dans le Royaume de Dieu il n’y aura 
pas de différences entre vous, il n’y aura ni hommes, 
ni femmes, vous serez tous pareils.» 

IL — Les âmes des médiocres ou âmes pygmées. 

Les artistes donnent parfois à l’âme humaine la i 
forme de pygmées, d’homoncules parvenus à leur 
complet développement anatomique et physiologique : 
ils ont squelette et muscles d’adultes, et l’ensemble 
est en possession harmonieuse de sa perfection spor¬ 
tive. Dans ces cas les âmes sont nettement sexuées. 

Nous nous trouvons ici en présence de personna¬ 
ges dont les destinées éternelles sont indifférentes 
au spectateur. C’est la psychostasie, ou pesée dés 
âmes, qui décidera de leur sort. 

(1) Lisieux et ses environs.— Guide Illustré. Imprimerie du Lexovien. 



— 278 — 


Le portail de la cathédrale de Bourges nous 
montre un ange de toute beauté, accosté d’un diable 
au faciès grotesque. Le personnage céleste caresse 
d’une main protectrice la nuque d’un nain qui lui 
arrive au trochanter. 11 s’agit ici d’une âme dont 
l’ange va vérifier les mérites. Nous croyons que c’est 
à tort que Louis Gonse intitule ce morceau « L’ange 
du jugement dernier ». Dans la vallée de Josaphat 
plus n’est besoin de balance, les sanctions sont fixées 
de longue date, et la scène se borne au triomphe ou 
à la confusion, étalés au grand jour. 

Deux siècles plus tard, l’auteur des Heures de Ro¬ 
han (1) exécute une scène macabre qui impressionna 
vivement les visiteurs de la récente exposition du 
moyen âge, à la Bibliothèque nationale : 

Le mort en présence du Dieu de Justice. Au milieu 
d’un semis de côtes,d’oipoplates, de fémurs de propor¬ 
tions infimes, gît un mort tragique au torse trop bal¬ 
lonné fourni de membres grêles d’une èniaciation 
excessive. Dieu-le-Père, armé d’un glaive, le consi¬ 
dère avec gravité. 11 semble attendre le résultat de la 
lutte entre saint Michel et le diable. Pour l’instant, 
c’est le dernier qui tient l’âme du défunt dans l’anse 
de son bras noir. L’âme suspendue ainsi dans les airs 
est minuscule, mais souple et svelte; c’est gracieuse¬ 
ment qu’elle s’équilibre en gestes habilement mesu¬ 
rés; elle est plutôt d’un acrobate qui prend un temps 
de repos avant la pirouette. 


III. — Les AMES DES VIVANTS. 

Lorsqu’un artiste représente l’âme d’une personne 
encore en vie à l’heure présente, cette âme a la forme 
et la taille d’uùe. personne normale et adulte. Les 
quelques exemples que je cite, dans cet ordre d’idées, 
sont tous du XV® siècle. 


(1) Heures de Rohan. Bibl. nationale. Latin 9471, fol, 169 (xv* siècle). 



— 279 — 


Le manuscrit du chevalier délibéré (1) contient des 
moralités illustrées de scènes élégantes. L’une d’elles 
représente l’acteur discutant un point obscur de sa 
conscience avec son âme même, figurée sous les traits 
d’une jeune dame parée d’atours. L’âme joue ici le 
rôle des confidents de la période classique. 

Un autre manuscrit ; Le secret parlement de Vhom- 
me, nous permet d’apprécier une scène des plus grâ- 
cieuses à la fois et des plus délicates, le truand par¬ 
lant à son âme. Elle est reproduite dans la vie de Fran¬ 
çois Villon par Pierre Champion. L’âme est en l’espèce 
une jeune femme nue, mais pourvue de deux paires 
d’ailes dont l’une lui voile la région pubienne (2). 

Voici les propos qu’ils échangent, car il est curieux 
de constater que dans ce dialogue ce soit le corps qui 
réconforte l’âme : 

L’Ame desconfortée. 

Homme, mon hostellain, qui avec moi es jetté de ton pre¬ 
mier pays, et sommes ensemble en la chartre obscure et dou¬ 
loureuse de ce présent exil, je cognois bien, hélas, que je suis 
povre, malade, emprisonnée, blécée et navrée, nue, ,sans ves- 
ture, et si n’ay riens. Puisque j'ai doncques mon droit mes- 
tier perdu, doresnavant que feray-je ? que laboureray-je ? à 
quoi gaigneray-je? ' . 

Mais tu me dis que je mendie et pourchasse ma vie : c’est bien 
dit. Mais ou iray, jequi suiz emprisonnée et enlassée dedens 
l’ospital de ton corps, en la grande prison de ce monde mor¬ 
tel? Comme eschapper ou eslongier et eslever me porroie à 
demander ayde ? Qui me orroit aussi ? Qui me regarderoit ou 
secourroit ? • 

Tu vois, partout où nous sommes, nous sommes en indi¬ 
gence et povreté et n’a celluy qui puist aider soy raeisme. De 
quoy feroient ilz bien à autrui ou qui donront ceulx qui nlont 
riens ? Si ne me semble outre ma fortune, fors de soy deses- 
perer et en désespérant finer... 

L’ffoMME. 

Deseperer ! Que dis-tu ame de desesperer ? Non feras, 

(1) Le chevalier délibéré, d’Olivier de la. Marche. Ms. du xv‘ siècle 
(d? 173 B. L.). Bibl. de l’Arsenal. 

(2) Bibl. Nat., tr. 190, fol. 1. , . ^ 



— 280 — 


voir ! Point ne te desespereraz, ains croiras mon conseil. Je 
te monstreray ung lieu plein de charité et de miséricorde, ou 
touz les povres sont secouruz qui la vont demander : car là 
sont les piteux et larges aumosniers de Dieu à très grant ha- 
bondance. Ce lieu est l’église de Paradis ; les aumosne sont 
les saints et les saintes; illec est la trésoriêre de grâce,.la 
royne de miséricorde, la mere des povres et des orphenins ; 
et, qui plus est, là est trouvé le rédempteur de l’humain 
lignage, nostre sauveur Jhesus-Grist (1). 

Passons aux heures de Louis de Laval (2). Le grand 
maître des eaux et forêts s’est fait construire unetombe 
digne de lui. Mais devant le monument se voit un 
personnage vêtu à peine d’un léger caleçon de bain. 
11 est à genoux et en prières. C’est l’âme de Laval, en 
tout pareille à ce que fut la dépouille mortelle qu’elle 
animait jadis. Les deux premiers versets du Miserere 
mei encadrent la splendide miniature. 

Exécutée de son vivant, c’était un acte d’humilité 
obligatoire : le chant de triomphe d’une âme sûre de 
son salut eut paru de l’outrecuidance blasphéma¬ 
toire. 

Mais le plus curieux spécimen de cette série est bien 
ce qu’en littérature on appelle le ravissement de 
Gharles-le-Châuve. 

Un jour, au déclin de sa vie, le fils du Débonnaire 
eut un long évanouissement,- au cours duquel un ange 
vint prendre l’âme du l’oi et lui fit laire, comme Vir¬ 
gile au Dante, l’exploration de l’enfer, du paradis et 
du purgatoire : c’est dans ce dernier lieu que Charles 
découvrit l’âme de son père baignant jusqu’à mi- 
cuisses dans une eau, tantôt tiède et tantôt bouillante. 

Moüskès rapporte ainsi l’aventure dont je ne cite¬ 
rai que le début et la fin : ^ 

12575 Une eure avint qu’il s’esperi 
Uns angles, par Saint-Esperi, 

En l’autre siècle le mena 
Et en la main li assena 

(11 Bibl. nat., ms. tr. 190, fol. 1-3. 

(2) Heurta de Louis do La.vac. Latin 920 xv* siècle. 



281 — 


Le cief d’un linciel de fil blanc 
Qui resplendisoit à resanc, 

Si comme clartés de solel 
Don li mi sont cler et viermel. 
Et le cief dél fîlj sans resoing 
Li fist louer entor son poing. 
Et U rouva qu’il le sivist, 


12675 Quant Gerles ot véu ensi, 

Si revint en son esperi' 

Et puis vesqui moult saintement.... 

Or l’auteur du manuscrit la Fleur des Histoires nous 
décrit la scène d’une touche originale. L’ange se pro¬ 
mène par monts et par vaux, menant de la main 
l’âme du roi ; celle-ci complètement nue a la stature 
du prince vivant, mais elle est insexuée, en quoi l’ar¬ 
tiste a cru la rapprocher de la perfection (1). 

IV. — Les AMES du purgatoire. 

Le purgatoire de Saint-Patrice est le titre d’une mi¬ 
niature qui figure dans un manuscrit du xxv* siècle, 
propriété de la bibliothèque nationale de Paris (2). 
On y voit saint Patrice et son compagnon devant la 
gueule immense d’une espèce de lion colossal sur le 
nez duquel fait des cabrioles un diablotin cornu, armé 
d’un rameau d’olivier. Entre les dents du monstre se 
pressent une douzaine de têtes humaines, de la même 
dimension .que celle des deux voyageurs. 

Parmi les nombreuses confréries qui ont leur siège 
en l’église Saint-André d’Anvers se trouve uelle, 
deux fois centenaii’e, des âmes du purgatoire, sous- 
l’invocation de saint Odilon. La statue du prélat ap¬ 
puyée à l’une des colonnes du temple, a, comme 
support, les flammes du purgatoire d’où issent un 
homme et deux femmes. . 

Les personnages sont robustes et plantureux, di- 

(1) La Fleur des Hisloires, Bibliothèque Nationale, Ms. 9404, 

(2) SouS la cote n» 6326, 




— 282 — 


gnes des toiles de Rubens ; le feu expiatoire ne sem¬ 
ble pas avoir de prise sur cette santé exubérante. 

Les images pieuses modernes, symbolisant le 
même sujet, ont fidèlement suivi là vieille tradition. 

V. — Les AMES damnées. 

Aucune loi ne préside au modelage de l’habitus 
extérieur des âmes vouées aux flammes éternelles. 
Des apparences les.plus humaines elles passent aux 
fantaisies les plus échevelées de l’imagination des 
interprètes, constituant ainsi la source la plus riche 
qui soit pour l’étude de cette tératologie spéciale 
formée de la juxtaposition inattendue d’éléments in¬ 
compatibles. 

Citons néanmoins cette scène du Thésaurus litania- 
rum saceri Une bière entr’ouverte laisse voir un ca¬ 
davre assis et discutant, avec son âme; celle-ci, de¬ 
bout et enchaînée, sort de l’enfer pour reprocher au 
corps, avec lequel elle fut unie, de l’avoir condamnée 
pour l’éternité. 

VI.--- Les AMES du Jugement dernier. 

Une objection' qui se présente naturellement au 
système que je viens d’exposer est la réprésentation 
du jugement derniêr. f 

Nombreuses sont les églises gothiques (c’est le 
cas pour Notre-Dame de Paris) où l’on peut admirer 
ce qu’en style iconographique on appelle les psyçho- 
porapies. 'A droite, les anges conduisent à Dieu les 
■justes venus à la vallée de Josaphat; à gauche les 
démons, ayant soigneusement enchaîné les réprouvés 
les entraînent vers les ténèbres extérieures. De 
même, vous avez devant les yeux les fameux juge¬ 
ments derniers de Roger van der Weijdén,fra Ange- 
,lico, Bernard van Orley. Or dans toutes ces scènes, 
damnés, élus, anges, dénions sont de même taille, de 
la taille des hommes ordinaires. C’est exact, mais ici 



— 283 — 


nous n’ayons plus à faire simplement à des âmes,- 
mais à des âmes réincarnées, qui ont subi la résur¬ 
rection de la chair selon le onzième article du 
symbole catholique. Sous ce rapport, le chef-d’œuvre 
de Luca Signorelli, à la cathédrale d’Orviéto, sert de 
démonstration péremptoire : on y voit les squelettes 
se rajuster, puis surgir de terre, s’habiller de chair et 
redevenir forts et beaux, avec tous les attributs de 
leur sexe^ tels qu’ils étaient pendant la vie. 

Toutes ces traditions se sont perdues vers la fin du 
XVI* siècle. 

Jusqu’ici je n‘ai pas trouvé d’infraction, flagrante 
au canon.que j’ai tenté d’établir. Mais il y a quelques 
jours, en admirant lambris de chêne sculpté qui 
oi-nent l’église Saint-Charles d’Anvers, j’y ai décou¬ 
vert une scène représentant la mort de saint Fran¬ 
çois-Xavier. L’apôtre des Indes est étendu sur son 
lit et deux anges s’envolent vers le ciel emportant 
sur leurs mains tendues un pygniée agenouillé. 
Pourquoi pas un enfant puisqu’il s’agit de fa mort 
d’un juste ? 

Ne pouvons-nous pas dire qu’une tradition oubliée 
depuis deux siècles est susceptible d’altération, car 
la sculpture date du xvni* siècle ? Mais peut-être le 
sculptèür fapétieux a-t-il douté de la perfèction de 
son héros, et a-t-il préféré l’envoyer à la balance 
vérificatrice, avant de lui assurer l’éternité bienheu¬ 
reuse. 


NOTES COMPLÉMENTAIRES 

A l’issue de cette communication M. le Menetrier me 
suggère une visite à la basilique de Saint-Denis aux fins d’y 
vérifier mes conclusions devant le Tombeau do roi Dagobert 
(-j-fiSS). L’œuvre est du xiii' siècle.'Elle se compose d’une 
ogive encadrant une superposition de scènes en bas-relief. 
Sur la pierre basale, le roi défunt repose au naturel ; il porte 




la barbe et la moustache très fourniés ; de longs cheveux tom¬ 
bent bouclants sur les épaules, fmmédiatement au-dessus, 
nous voyons le roi, barbu, moustachu et chevelu, sur le lit où 
il va rendre le dernier soupir, tandis qu’un évêque crossé et 
mîtré lui touche l’épaule. 

Une troupe de diablotins s’est emparée de l’âme royale 
enlevée dans une barque, vers les enfers. Mais deux évêques 
et un homme d’armes surviennent qui reprennent le roi de 
haute lutte. Enfin, la dernière scène représente l'apothéose du 
roi, soulevé, comme sur les pavois, dans un drap que maintien¬ 
nent ses trois sauveurs. 

Or, dans les trois derniers épisodes, le roi a perdu barbe et 
moustache, ses cheveux ne dépassent pas le haut de la nuque 
et sa taille s’est à ce point réduite qu’il - n’arrive qu’à la hau¬ 
teur des coudes de ces compagnons. IPest devenu un enfant de 
six ans, aux membres arrondis, à la poitrine sans saillies, 
au visage glabre et poupon, 

L’observation est d’autant plus aisée que les diablotins, 
personnages pygmées, ont des bras nerveux où se devine le 
jeu des muscles sous la peau. De plus, dans les trois cas, l’âme 
se présente de face ; or, elle est nettement insexuée. Nous 
remercions M. Mèhetrier de nous avoir fourni ce double ar¬ 
gument en faveur de notre thèse. 

L’Exposition du Livre Italien (mai-juin 1926), qui tint 
ses assisès à la Bibliothèque Nationale et au Musée ^es Arts 
Décoratifs, nous donna l’occasion de faire quelques applica¬ 
tions intéressantes au sujet de la classification des âmes. Je 
les résume rapidement ici, les faisant précéder de leur numéro 
d’ordre figurant au catalogue (1). 

167. Ântiphonarium, xiv® siècles. Miniatures par Lippo 
Vanni de Sienne [appartient à Walter V. R. Berry, Paris). Un 
roi prosterné, le chef enluminé de l’auréole des saints placés 
sur les autels, offre à^Dieu son âme; celle-ci, représentée par 
un enfant emmailloté à la manière des poupons de, Luca dél¬ 
ia Robbia. Delà boiîche de l’élude Dieu sortent ces mots: 
« Ad te l,evavi animam meam Deus meus in te confido ». 

(1) Exposition du fivre Italien, mai-juin 1926. Catalogue des Manus¬ 
crits, Livres imprimés,^eliures. Bois-Colombes, Imprimerie Moderne des 
Beaux-Arts, 1926, contient 1034 numéros. 



-- 285 


219. Miniature du xv' siècle, paraissant originaire de Pavie 
(à M. A.M.G. Wildenstein, Paris). Saint-Bernardi saint élevé 
sur les autels au moment où l’artiste exécute son œuvre, est un 
moine barbu. Prosterné à genoux, il élève vers Dieu, sur ses 
mains tendues un enfançon nu, imberbe, insexué, et sans sail¬ 
lies musculaires apparentes. Le saint répète les paroles du roi 
couronné ; mais ici la scène sç corse parla présence du groupe 
de moines agenouillés devant la figure de l’élu qu'ils invoquent 
à leur tour ; « Ora pro nobis sanctissirae pater Bernarde ». 

234. Miniature détachée d’un Antiphonaire du début du 
XV® siècle. Elle est du vénitien Ghristoforus Gontexa (à 
M. Wildenstein, Paris). Au milieu de ses confrères, gît de 
toute sa longueur un saint François imberbe et vêtu de bure 
qui vient de rendre l'âme. Dans le ciel, sur l’azur, se détache 
la figure du Gréateur recevant dans ses bras, à la manière des 
mères, un bébé en maillot. 

273. Le Ghrist entre les deux larrons, par l’enlumineur At- 
tavante, date de 1483 (Musée du Havre). Un ange vient de 
recueillir, pour l’enlever au ciel, l’âme du bon larron ; et c’est 
un bébé auréolé que le messager divin tient à la manière des 
mamans nourrices., Deux diablotins, pareils à des insectes 
fantastiques, qui font penser-à d’énormes puces vues à la 
loupe, se tiennent près de la bouche du larron impénitent 
qu’ils fouillent de longs dards acérés. 

279. Gette œuvre charmante intitulée Mort d’un saint reli¬ 
gieux paraît une objection à notre système. Attribuée à Atta- 
vante, elle date du xv®'sièle. (Gollection "Wildenstein, Paris.) 
Le saint gît sur son lit de mort ; or dans le haut de l’œuvre le 
lit lui-même s'élève vers le ciel emportant le moine et deux 
anges agenouillés, tandis que Dieu, dans un nuage ouvert, 
reçoit avec bienveillance tout l’équipage. Or, l’élu est de taille 
adulte. Mais il ne s’agit pas ici d’une âme, mais du personnage 
lui-même comme l’indiquerait, suffisamment la présence du lit-, 
aéronef. D'ailleurs la miniature n° 278 détachée du même 
antiphonaire nous montre le même homme taisant un rêve à 
la manière de Jacob. : • 

Il distingue un escalier par lequel tous les moines de son 
couvent grimpent vers le ciel. L’artiste ne pouvait pas faire 
moins pour l’Abbé que pour ses humbles confrères. 



— 286 — 

408. Petrahca. — Canzonieré. Venise, Piei’O Piasi, 1490. 
In-fol. (Paris, Bibl. Ste-Genevièye). Une gravure sur bois re¬ 
présente là Mort [squelette brandissant une faulx] hissée élé¬ 
gamment sur le haut d’un char, où elle exécute un pas ironique, 
tandis que les roues du véhicule foulent rois, soldats, hommes, 
femmes, vieux et jeunes. Dans l’angle supérieur gauche de 
l’estampe, quelques anges s'empressent vers le ciel, pressant 
sur la poitrine quelques bébés emmaillotés, qui sont les âmes 
des écrasés. 

501. Dante. — La Divina Comedia. Florence,' Nicolaus 
Laurentii, 1481. In-fol. (Paris, Bibl. Nation.). Les ânàes des 
réprouvés sont des hommes ordinaires de la même taille que 
leurs deux illustres visiteurs. 



DOCUMENTS 

ETUDES ET RECHERCHES SUR L’ART DEKTAip A PARIS ; 

PENDANT LA RÉVOLUTION 

Un Dentiste ambulant guillotiné en 1793. 

Par Georges Dagen. 

B s’agit ici d’un inodeste arracheur de dents, de ceux qui 
allaient de ville en ville dans un pauvre équipage où le faux-or 
relevé en bosses essayait de suppléer au manque de talent du 
dentiste. 

Le décret du 18 août 1792 ayant supprimé les Universi¬ 
tés et Facultés : « Ceux qui ont appris /eur art (dit le Conseil¬ 
ler d’Etat Fourcroy dans son rapport au Corps Législatif, le 
7 Germinal, an XII), se trouvent confondus aveo ceux qui n en 
avaient pas la moindre notion... Les campagnes et les villes sont 
infectées de charlatans qui distribuent les poisons et la mort avec 
une, audace que.les anciennes lois ne peuvent plus réprimer s. 
Nous allons voir qu’un de Ces dentistes ambulants paya de sa 
tét^ l’aiidace de son attachement à la Royauté décapitée, 

Nous sommes en avril 1793. La République lutte contre 
l’insurrection de la "Vendée, cependant que les Jacobins, la 



— 287 ^ 

Commune et la Gironde sont em ébullition; la défection de 
Dumouriez tombe cbmme la foudre; bref, l’édifie chancelle. 

Le 5 . avril 1793, l'aiubergiste Gointepas à Fourneaux, 
paroisse de Ghainguy, près d’Orléans, voit entrer dans sa 
maison, à 7 heures du soir, « un certain quidam » qui solli¬ 
cite un logement pour quatre personnes ; lui, sa femme et 
deux enfants : Il demande du vin et entre en conversation. 
Ses propos contre-révolutionnaires émeuvent l’aubergiste qui 
s’empresse d’aviser l’autorité. Les témoins rapportent que 
l’homme a dit, entre autre, que « la Convention était des bri¬ 
gands », que Dumouriez viendrait les mettre à la raison et 
diverses considérations sur la mort du roi. La justice se pré?- 
sente aussitôt chez Gointepas et interroge le sieur Boucher, 
opérateur, qui nie la gravité des propos tenus ; il inontre un 
passe-port daté de Romorantin et remet, de bonne volonté, 
un sabre et un pistolet d’arçon. On l’amène à Orléans. 

Interrogé le lendemain devant le commissaire du Pouvoir 
Exécutif, le citoyen François Boucher, herboriste et dentiste 
enquis de son domicile', répond que'son père ne lui ayant rien 
laissé, il s'est adonné à l'état d'herboriste et dentiste, qu’il va 
de marché en marché et de ville en ville, qu’il na aucun domi¬ 
cile fixe etjquil reste, selon les circonstances, dans un endroit 
ou dans l’autre, surtout dans celui où il gagne le plus tPargent! 
Il présente une patente imprimée de colporteui; ou marchand 
forain donnée le 20 janvier 1793 par les administrateurs du 
district de Laval. Gette patente constate que Boucher Fran¬ 
çois est né à Ménisleude (Calvados), et qu’il a payé la somihe 
de 10 livres. On a ajouté à l’encre sur la patente, après les mots 
colporteur ou marchand forain, les mots et dentiste. A cette 
patente est jointe une feuille qui donne les divers lieux où 
Boucher a passé, venant de La Flèchb, et se dirigeant vers 
Orléans en visitant les villages du Loir-et-Cher, de l’Indre 
et du Loiret. _ 

Le 11 avril, les Représentants en mission à Orléans écri- 
vént à la Convention qu’on envoie à Paris François Boucher 
prévenu d'être un émissaire du traître Dumouriez. 

Les passe-ports de Boucher depuis 179i prouvent qu’il 
était à Niort, au Mans et dans la Charente-Inférieure. 

On demande ensuite à Boucher s’il est vrai qu’il ait regretté 
la mort du roi. Il nie le fait, ajoute que le roi a bien mérité 
la mort, mais qu’on aurait dû l’enfermer d’abord jusqu’à la 
paix. Il nie les propos tenus sur la Convention et Dumouriez 
qu’il ne connaît ni d’Eve ni d’Adam. Il avoue avoir dit que 
dans une ville (La Rochelle)) il a vu fabriquer de la monnaie. 



Enfin, il indique que dans une auberge il a laissé sa voiture 
à deux chevaux où sont des imprimés relatifs à son état, des 
drogues et des moules pour faire des crucifix, des bagues et 
des médailles, mais qu’il ne s’en est pas servi depuis plus de 
cinq ans. Un carnet saisi sur lui ne contenait que quelques 
papiers, des recettes pour l’exercice de sa profession, des 
patentes et des certificats de chirurgien-major. 

Sa femme interrogée prétendit que les propos ternis sur 
Dumouriez avaient été rapportés à son mari par un colpor¬ 
teur. Elle ajouta qu’elle gagnait sa vie avec son mari en 
« vendant des vulnéraires netto-yant la bouche et les dents ». 

Le même jour, il fut procédé à un inventaire de la voiture 
de Boucher, pauvre carriole en sapin traînée par deux che¬ 
vaux hors d’âge, l’un jaune, l’autre blanc. Cet inventaire est 
curieux. Nous ne signalerons que les quelques objets tou¬ 
chant plus particulièrement à la profession de dentiste ambu¬ 
lant.* Une sonnette, deux porte-voix en fer blanc, une sacoche 
pleine de drogues et de paquets de vulnéraires, une vieille 
trompette de cuivre, des paquets de simples, des paquets de 
poudre ; un habit de volontaire, une culotte de velours gro¬ 
seille, un manteau vert à galons d’or, une veste de drap écar¬ 
late galonnée sur toutes les coutures, un habit de velours 
noir garni de galons d’argent sur toutes les coutures, une 
autre veste d’écarlate. Le malheureux dentiste-herboriste- 
opérateur-marchand-forain-colporteur est écroué à la Concier¬ 
gerie. Son jugement a lieu le 27 avril. 

• Dans cette pièce il est indiqué que l’inculpé est âgé de 
37 ans et qu’il voyage ordinairement avec ses quatre enfants. 
Les pièces d’Orléans n’en désignent que deux. 

Boucher soutient avoir dit que si le roi était mort, le Bougre 
Vavait bien mérité, qu’il est bon patriote et indigné de la trahi¬ 
son de Dunaouriez ; qu’il n’a jamais.distribué que des cartes 
d’avis sur son état. Il aime d’autant plus la Révolution 
quelle lui a donné la liberté d'exercer^ sans obstacle son état, 
faculté dont il ne jouissait pas dans l'ancien régime. 

■ On lui demanda s’il avait dit ; Autrefois on ne connaissait 
qu'un tiran, aujourd'hui on en connaît plus «fe'400, et qu'il 
portait sa cocarde tricolore tant que les affaires allaient bien 
et que si elles changeaient, il la retournerait. Il protesta 
énergiquement; mais le jury le trouva coupable à l’unanimité. 
Boucher fut remis le 28 avril 1793 entre les mains de l’exécu¬ 
teur des jugements criminels et de la gendarmerie qui le con¬ 
duisit sur la Réunion, où il- subit la pyine de mort à onze 
heures et demie environ. 



Mais Boucher qui avait nié ses opinions royalistes les jeta 
avec un certain courage à la tête des juges et du bourreau. Le 
journal ; Le Courrier Français du 30 avril écrit, dans le style 
de l’époque; 

« Boucher, dentiste, condamné à mort par le tribunal révo¬ 
lutionnaire, a montré sur l’échafaud un acharnement qui ne 
peut être attribué qu’au fanatisme de la royauté. Après avoir 
entendu sa condamnation, il s’est écrié à plusieurs reprises: 
« Vive Louis XVII1 Au diable la République ! ». Arrivé au 
lieu de son supplice, il s’est adressé aux spectateurs nom¬ 
breux qui environnaient l’échafaud : N’est-il pas curieux de 
voir périr un homme pour avoir dit qu’il fallait un roi ! Oui il 
vous en faut un. Vive Louis XVII! Puis, se tournant vers le 
bourreau, il lui dit: «Guillotine-moi! C’est ainsi que ce 
malheureux est mort victime de son délire contre-révolu¬ 
tionnaire. » 

Selon une formule imprimée sous tous les jugements, les 
biens de Boucher étaient acquis à la-République. Les chevaux 
servirent sans doute à conduire les bouches à feu destinées à 
foudroyer les ennemis de la liberté et de l’égalité, comme disait 
en 1792 le dentiste Dubois de Chemant, le soi-disant inven¬ 
teur des dents minérales, en offrant le cheval de sa voiture. 
Mais, que put faire la République des pauvres effets du sup¬ 
plicié, de la sonnette, des porte-voix et des paquets de 
vulnéraires ? 


Une auto observation sur un état 
d’anxiété aiguë. 

J’ai trouvé dans les Mémoires de Casanova (Édition Gar¬ 
nier à Paris, volume III, pages 192 et 193), une auto observa¬ 
tion assez amusante du grand aventurier, mais homme très 
intelligent, sur un état d'anxiété aiguë. 

C’est à propos de son arrestation soudaine par les autorités 
de la Républiqué de Venise, qu’il raconte sa première nuit de 
cachot. Le Tribunal de l’Inquisition vénitienne au xvni« siècle, 
était en effet extrêmement redoutable et on comprend l’émo¬ 
tion vive. Il dit ce qui suit ,: 

... Il m’enferma dans une chambre. J’y passai quatre heures 
à dormir, me réveillant tous les quarts d’heure pour lâcher de 
l’eau : phénomène extraordinaire, car j’étais loin d’être affecté 
de la strangurie, la chaleur était excessive, et je n’avais pas 
soupé la veille. J'avais autrefois fait l’expérience que la sur- 



■ — 290 — 

prise causée par l’oppression faisait sur moi l’effet d’un puis¬ 
sant narcotique ; mais je vis à l’époque dont je parle que la 
surprise causée par l'oppression faisait sur moi l’effet d’un 
puissant diurétique. J’abandonne cette découverte aux physi¬ 
ciens...etc ». Et il ajoute plus loin : 

« Il est probable qu’en même temps que mon esprit effrayé 
donnait des. marques de défaillance par l’assoupissement de sa 
faculté pensante, mon corps comme s’il se fut trouvé dans un 
pressoir., devait distiller une forte partie des fluides, qui par 
une circulation continuelle donnent l'action à nos facultés pen¬ 
santes. Et voilà comment une forte surprise peut causer une 
mort subite et nous envoyer en paradis par un chemin beaur 
coup trop court. » 

Communiqué par le D'’J. ScHNElDEn, de Contréxéville. 


Comment la Marquise de Créquy (1) alimentait 
les enfants. 

M”® de Créquy qualifiait de folie la mode dite à la Jean- 
Jacques d’après laquelle les mères du grand monde allaitaient 
elles-mêmes leurs enfants. Elle accuse ce système d’élevage 
d’être meurtrier et de provoquer la mort des enfants après 
dix-huit ou'vingt années de souffrances par consomption. Les 
héritiers mâles ainsi nourris, mouraient, tandis que les filles 
livrées à des nourrices mercenaires étaient vigoureuses et 
aptes à vivre. 

L’observation est sans doute juste, je' l’accorde, mais il y 
avait une cause à ce phénomène qui échappa à la sagacité de 
la marquise et qu’il ne serait pas difficile de découvrir!, Ces 
grandes dames muées en nourrices pour obéir a la mode, ne se 
pliaient pas aux règles d’hygiène et de diététique exigées en 
pareil cas. Nous savons aujourd’hui que rien ne vaut le lait 
maternel pour le bébé et que les remplaçantes sont peu sûres, 
ce qu’un médecin connu a exprimé par celte phrase lapidaire : 
le lait dé la mère appartient à son enfant. 

Notre marquise condamne « une autre imagination folle, oif 
Jean-Jacques Rousseau n’était pour rien » et, ici, nous som¬ 
mes de son avis. Voici comment elle nous raconté cette autre 
mode et comment elle nous expose son' propre: Système : ' 

Getfé autre imagination folle « c’était celle d'empêcher lés 

(1) Souvenirs, t. YI, j), 230 ii 235. . .. , 




enfants de manger à leur appétit laquelle sottise avait succédé 
à celles de Mesdames de Blot, de Monaco, de Valbelle et tutt& 
ijaaure lesquelles avaient entrepris de ne pas m^^anger pour leur 
propre compte. Oh empêchait donc les pauvres enfants de 
manger de la.bonne soupe et de la viande, à dessein de ne 
lèur. introduire dans le sang‘et les humeurs aucun élément de 
putridité. On les privait de manger du fruit à cause des vers ; 
point <fè confitures à cause de la: poitrine et de la terreur des 
acides ; jamais d’autre boisson que de'Teàu panée ; c’est excel- ■ 
lent pour les entrailles ; et jamais de pâtisseries, ce qui va 
sans dire, à cause de l’estomac., On les nourrissait à la panade 
et la bouteille de gruau pour les bons repas, ensuite on leur 
donnait pour,' le goûter ainsi qu’au déjeuner, du CQÜfichet 
emmietlé.,dans,du lait écrémé, comme oh aurait fait pour élever 
des serins jaunes à la brochette! Le marquis de Villeneuve de 
Trans disàit que sa femme avait une perruche à qui l’on don¬ 
nait bien autrement à manger qu’à ces quatre enfants ! Comme 
tous lés enfants mouraient de faim, ils pleuraient toute la jour-, 
née. Ils eil devenaient voleurs et menteurs ; et même il y avait 
des garçons qui finissaient par se révolter. Les trois Bethune 
et les Choiseül s’étaient confédérés, pour escalader je ne sais 
combien de murailles afin d’aller dévaster pendant la nuit, 
l’office et le garde-manger de la duchesse de Sully, leur grand’ 
mère ;. mais là situation ,des petites filles était lamentable, et 
.comme elles, n’avaient pas la ressource et l’occasion de pouvoir 
voler commodément des croûtes dé pain, des fruits verts et 
•des carottes crUes, les plus alertes ;et les plus déterminées s’eh ' 
prenaient à la pâtée du chat. 

■ Le petit de ;Saint-Mauris et Sa' sœur qui est aujourd’hui 
Madame de, Nassau, n’avaient pas eu la rougeole qui venait 
d’éclater,à. Versailles; la princesse de Montbarrey s’en tour¬ 
mentait outre et je lui fis dire par votre père d’envoyer ses 
deux enfants chez moi, rue de Grenelle, ou je les ferais loger en 
bonne exposition du plein midi. On me les amèqe et comme ils 
avaient les lèvres tachées de noir, dé vert, de violet, de gros 
•rouge et autres barbouillages incompréhensibles, je m’insinuai 
'dans leur confiance, et j’en appris qu'ils n’avaient fait autre 
chose que manger depuis Versailles jusqu’à Paris, des pains à 
cacheter dont i}s avaient rempli leurs pochettes. La petite fiÜe 
disait en pleurant qu’il né fallait pas les dénoncer, parce qu’on 
les ferait mourir pour avoir été voler les pains à cacheter du 
Roi^ dans un arrière cabinet de leur père où les secrétaires de 
ce Ministre avaient leurs fournitures de, bureau. 

Ils étaient affamés et maigres comme des chacals : — Atten- 



— 292 — 

dez donc, leur dis-je, et je commençai par faire donner à cha¬ 
cun d’eux une pleine jatte de soupe au riz. Ensuite on leur ser¬ 
vit, et méthodiquement pendant six semaines, un bon potage à 
déjeuner, et pour le second repas, des côlelettes grillées ou 
des pigeons étuvés à l’orge, des légumes au bouillon, de la 
compote ; quelquefois des tartelettes en pâtisserie brisée, mais 
non pas feuilletée, ce qui va sans dire. On les faisait goûter 
avec des fruits, des tartines de confitures, ou du laitage, et 
leur souper consistait régulièrement dans un beau poulet rôti 
(dont ils ne mangeaient que les ailes), lequel était flanqué 
d’un plat de chicorée, d’épinards ou de laitues bien cuites, et 
lequel était accosté d’un compotier de bons pruneaux d’Agen, 
aiguisés, comme on dit à l’office, avec un peu de vin de Malaga, 
pour les faire dormir. Je les faisais bien laver avec de l’eau de 
veau, tous les matins, et de la tète aux pieds ; on les baignait 
tous les samedis à la Dauphine (1), et puis tous les quinze 
jours une excellente petite médecine noire, avec du tamarin 
'.bien acide et de la bonne manne en larmes, quelques follicules 
de séné, un grain de soufre, un bouquet de cerfeuil, une pin- 
/cée de rhubarbe, un scrupule d’aloès, un soupçon de jalap, 
enfin de la thériaque de Venise et de l'électuaire de Kinoro- 
don, le tout infusé dans de la tisane d’absinthe. Mais il doit 
vous en souvenir de mes bonnes petites médecines, et je suis 
sûre que l’eau vous en vient à la bouche ? est-il friand ! 

S’ils avaient trouvé des pains à cacheter dans mes cabinets, 
ce qui n’était guère possible à cause de mes belles manières, 
je vous assure qu’ils n’auraient pas eu la tentation de les déro¬ 
ber pour les manger. A la suite de ce régime nouveau pour 
eux et qui était l’ancien régime pour moi, ils s'engraissèrent, 
ils s’égayèrent et s’embellirent ; ils devinrent plus doux, plus 
confiants, plus véridiques, et lorsque la Princesse ou le Prince 
de Montbaèrey venaient les voir, ils ne s’y reconnaissaient 
plus. — Comment, disaient-ils, nos enfants mangent tout ce 
qu'ils veulent, et n’en sont pas malades ? ils sont devenus pro¬ 
digieusement raisonnables ! 

Les enfants qu'on fait manger dans leurs chambres et qu’on 
laisse manger à leur appétit, ne sont jamais gourmands. C’est 
la moralité de mon historiette. » ^ 

D' Charles Vidal, de Castres. 

(1) C’cst-â-dirc dans une décoction de serpolet, de feuilles de laurier, 
de thym sauvage , et de marjolaine, où l'on doit ajouter un peu de sel 
marin. Fagon prescrivait de faire prendre ces bains froids en hiver et 
tièdes en été. afin d’établir autant d'aécord que possible entre la sensi¬ 
bilité de l’éj)idermo et la température. (Note de M">” de Créquy.) 



BIBLIOGRAPHIE 


C3 O nac s - m E3 3V i3 Tjr s 


D*" Noël Halle.— Eléments de Philosophie médicale. 
Un vol. Paris, Rivière, 1926, — De l’éducation médicale. 
Edition Spes. 

L’Histoire de la médecine comporte une leçon. M. Noël 
Hallé l’a cherchée dans les deux volumes qui se complètént. 
Le premier déduit la philosophie médicale d’une longue étude 
critique de l’Histoire. 11 montre l'impossibilité d’échapper à 
une croyance spiritualiste ou matérialiste. Sans la croyance, 
le sytème et la doctrine sont impossibles. Le matérialiste évo¬ 
lutionniste prétend ne connaître que des faits_ positifs et 
démontrables. Il se trompe où il nous trompe. La croyance de 
M. Hallé est spiritualiste ; il en tire une psychologie, une 
logique, une morale et une métaphysique. A petits pas, dans 
un style alerte, bien français, îl nous envie des spéculations 
les plus hautes à leurs conséquences pratiques, dont la moin¬ 
dre n’est pas de réclamer pour le médecin le respect des tradi¬ 
tions et de l'honneur de sa profession. La philosophie médi¬ 
cale aboutit comme conclusion à un curieux chapitre sur le 
Prêtre et le Médecin., 

L’auteur y aborde un problème, dont l’importance a été trop 
négligée, montrant le prêtre désarmé sans l’assistance du 
médecin et celui-ci incapable à lui seul, de répondre à toutes 
les aspirations de ses malades. Les dernières pages en appel¬ 
lent à ceux qui vivent de souvenir, de foi, d’espérance et de 
charité. Elles atteignent une élévation qui console du temps' 
présent et au-delà de cette étape, nous montre la route ouverte 
vers l’avenir. 

L’Éducation médicale est plus près de notre vie quotidienne. 
Elle prend le monde médical en pleine crise et lui propose les 
moyens d’en sortir. Le ton est moins haut, mais la Icèture de 
ces pages est tout aussi attachante par la finesse des critiques. 
Le piquant des histoires, la satire des mœurs. La réforme pro¬ 
posée pur M. Hallé, c’est la création d’un Hôpital-École. Là 


294 — 

les étudiants vivaient près du malade, sous la férule de maî¬ 
tres pénétrés de leur rôle et conscients de leu r devoir péda¬ 
gogique. 

Le programme, en outre de l’enseignement actuel, compren¬ 
drait un cours d’Histoire de la médecine plus complet, avec à 
côté de l’étude de la théorie et des systèmes? l’examen du rôle 
social du médecin aux divers âges de l’Histoire. 

Ce serait un jvant-propos au cours de Déontologie, où les 
droits et les devoirs du médecin seraient enseignés, La créa¬ 
tion d’un code déontologique et d’un tribunal professionnel, la 
restauration d’une corporation analogue à celle qui existait 
a'Va'nt 1791 compléteraient ces institutions. 

Cent trente pages de pièces justificatives s’ajoutent à ce der¬ 
nier volume. Elles mériteraient d'être groupées en une pla¬ 
quette savoureuse, qui constituerait un document vécu sur 
l’Histoire de la vie médicale contemporaine. Plus tard, les 
chercheurs trouveront là des histoires, pas toujours indul¬ 
gentes, mais toujours amusantes, qui leur apprendront com¬ 
ment nous agissions dans un monde dont les mœurs n’amélio¬ 
raient pas toujours le médecin, mais la verve colorée de ces 
pièces justificatives ne doit pas faire oublier la pensée qui 
guide toujours l'auteur. Il est permis de lie pas la partager. 
Mais sa foi nous interdit de ne pas l’estimer, car le médecin, 
chez M. Hallé est aussi convaincu que le croyant, de la supé¬ 
riorité de ses doctrines. D'' Jean VINCHo^. 

Fielding H. Garrison. — The principles of anatomieTl-, 

LUSTRATION BEFOHB VesALIUS, AN INQUIRT INTO THE RATIONALE 

OF ARTisTic ANATOMY. New York, Paul B. Hocher, 1926, in- 
16, 58 p., 22 pl. — Prix ; 2 dollars 1/2. 

' J’ai signalé en sop temps {Bidletin, XV (1921), p. 114), la 
traduction anglaise par feu Mortimer Frank du livre de Chou- 
lant sur l’histoiré de la bibliographie de l’histoire anatomique ; 
cette traduction avait été publiée par nos collègues Fielding, 
H. Garrison et’Edward G. Streeter. 

■ Garrison, qui par une heureuse rencontre, unit une solide 
érudition à un don remarquable pour la synthèse, vient de 
reprendre un chapitre de ce vaste sujet. Dans un charmant 
volume, imprimé aux frais de Pàûl B. Hocber, l'éditeur des 
Annals of médical /listory, il s’est attaché à dégager quelques 
idées générales des faits amassés depuis quarante ans par 
Charcot, Fletcher, Paul Richer, Hollaende, SudhofT et d’au¬ 
tres. Gn y voit comment le corps humain a été représenté à 
travers les siècles, depuis la, Vénus adippuse de |Willendorf 



— 295 — 

(40000-16000 avant Jésus-Christ), jusqu'aux quaderniûe Léo¬ 
nard de Vinci. 

Dans cette « philosophie de l’art », de l’art au service de 
l'anatomie, l’auteur distingue fort judicieusement l’anatomie 
dynamique telle que l’a conçue Léonard, de l’anatomie statique 
Ou purement descriptive, dont le type supérieur est donné au 
XVI® siècle par le De fabrica humani corporis àe Vésale. 11 
montre que la vision du clinicien est étroitement apparentée à 
celle de l’artiste et qu’il faudrait désespérer de l’avenir de la 
médecine si les progrès des méthodes de laboratoire venaient 
à faire oublier le précepte tout hippocratique, formulé par 
Richard Bright : « By the eye you will learn much ». 

D’’ Ernest Wickerseimer. ■ 

D^Van Schevensteen. — Contiubuhon ala bibliographie 
DES LUNETTES. Aubenas, A. Chauvin, s.d. (1926), in-16, v. 58 p. 

11 s’agit d’une réimpression du « Traité de l’usage des 
lunettes, et pièces curieuses qui dépendent de cet art) par 
P, Boudon, M? miroitier et lunettier de Castres », ouvrage 
imprimé pour la première fois en 1682, à Castres, par Ray¬ 
mond Barcouda, imprimeur du Roi. 

L’original a été acquis par notre collègue en décembre 1919, 
avec tout un lot d’opuscules relatifs aux lunettes) lors de la 
vente de la bibliothèque de notre regretté collègue, le D'' Pér- 
gens de Maeseyck. Dans une introduction courte mais subs¬ 
tantielle, le D'' Van Schevensteen a réuni tout ce qu’on sait sur 
Pierre Boudon et a fait ressortir l’extrême rareté de ce petit 
livre dont on ne connaît que deux exemplaires : le sien etc^lui 
de la Bibliothèque municipale de Lyon. 

D® Ernest Wickersheimer. 

Charles L. Dana. —^ The peaks of medical history, an 

OUTLINE OF THE EVOLUTION OF MEDICINE FOR THE USE OF 
MEDICAL STUDENTS AND PRACTITIONERS. NeW-York, Paul B.. 
Hoeber, Inc., 1926, in-8", 105 p., 40 pl. et 16 figures dans 
le texte.-— Prix 3 dollars. '■ 

• L’auteur qui est professeur au Collège médical de l.’Univer- 
sité Cornell, s’est proposé de donrfer aux étudiants et .aux 
praticiens une image des progrès de la médecine depuis les 
origines jusqu’au milieu du xix'siècle. « Peak .» veut dire pic,; 
sommet; ce sont donc les plus.hauts sommets de là médecine 
que l’âuteur nous invite à gravir à sa suite. En voici les noms; 
Hippocrate, Ecole d’Alexandrie, Galien, Renaissance, Harvey 
et Jenner. Que ceux que.tente ce genre d’alpinisme prennent 
pour guide Charles L. Dana ! D!'Ernest Wickersheimer. . 



— 296 — . 


Relevé bibliographique des travaux médico-historiques 
parus récemment dans les publications périodiques 

P. Duval. Notice nécrologique sur Victor Wallich, Bull, de 
l’Acad, de raéd., 1925, n“ 41, p. 1185-1188. — Membre de 
l’Académie de médecine (Section de Chirurgie et d’Obstétri- 
que), Wallich laisse d’importants travaux sur' les vaisseaux 
lymphatiques sous-séreux de Tutérus gravide et non gravide 
(Thèse de 1891); sur la nidation de l’ceuf humain; sur la trans¬ 
mission transplacentaire du spirochète maternel au fœtus^ 
(1905). Apôtre de la puériculture, il a présenté, en 1913,-au 
Congrès international de médecine, de Londres, un rapport 
sur la mortalité infantile pendant les quatre premières semai¬ 
nes de la vie et montré la nécessité d’une protection légale de 
la femme enceinte, à la fin de sa grossesse, et de l’accouchée, 
assurant le repos indispensable à la mère et à l’enfant. Les 
pouponnières de l’Entraide des femmes françaises ont trouvé- 
en lui le plus inlassable collaborateur. 

M. G. Les éditions de la Physiologie du goût^ Progrès médir 
cal, 12 décembre 1925, supplément illustré, n" 13, p. 97-101. 
— Etude bibliographique sur les éditions successives du 
célèbre ouvrage de Brillat-Savarin, dont la première parut 
chez Sautelet en 1826. 

Ch. Achard. Raphaël Lépine, 18(t0-1919, ibid., p. 1927- 
1936. — (Elpge prononcé le 8 décembre 1925 à l’Académie de 
médecine.) Né à Lyon le 6 juillet 1840, Lépine commença dans 
sa ville natale ses études médicales, qu’il vint terminer à Paris. 
Reçu au concours de l’internat, le second de la promotion de 
1865 ipnt le chef de file était DieulaFoy, il devint' l’élève de 
J. Simon, de Lorain et de Charcot, De 1867 à 1870, il alla 
étudier chez Virchow à Berlin, chez Ludwig à Leipzig, et 
entra, en 1869, comme préparateur, chez Brown-Sequard, 
alors chargé du cours de pathologie expérimentale et compa¬ 
rée à la Faculté de Paris. Docteur en 1870, il servit en 1870-r 
71 dans les ambulances’ de l’armée de l’Est et au camp de 
Sathonay. La guerre finie, il fut chef de clinique de Germain 
Sée, fut nommé en 1874 médecin des hôpitaux de Paris, en 
1875 agrégé de médecine, et, lorsqu’en 1877, s’ouvrit la 
Faculté de médecine de Lyon, le ministre Jules Simon lui ' 
offrit la chaire lyonnaise de clinique médicale, 11 accepta, >sur 
le conseil de Charcot, ce poste qu’il devait, pendant 33 ans, 
occuper avec éclat. De sa vie, assombrie par un veuvage pré- 



coce, il fit désormais deux parts : l’une consacrée à la clinique 
et à l’enseignement, l’autre aux recherches de laboratoire. Il 
aimait à répéter que le clinicien doit penser physiologiquement, 
que la médecine ne doit négliger aucune source d’information 
et non content d’adjoindre à son service des annexes physi¬ 
ques, chimiques, anatomo-pathologiques, bactériologiques^ il 
s’entoura du concours de ses élèves spécialisés, l’otologiste 
Lannois, le laryngologiste Garel et le radiologiste Destot. 
Ainsi demanda-t-il, dès la première heure, aux nouvelles 
découvertes, leur appoint. A la méthode anatomo-clinique de 
Charcot, à l'humorisme chimiâtrîque de Bouchard, il associait 
sans peine les données physiopathologiques, et son œuvre est 
celle d’un clinicien très érudit, très éclairé, doublé d’un phy¬ 
siologiste. Ses travaux^ sont très nombreux : on retiendra sur¬ 
tout ceux qu’il a consacrés à la paralysie pseudo-bulbaire, à la 
sécrétion rénale et à la pathogénie de l’albuminurie, et son 
livrer fruit de plus de vingt ans de recherches, sur le Diabète 
sucré. Il avait, un instant, pensé revenir à Paris où on lui 
offrait, en 1891, la succession de Regnauld dans la chaire de 
pharmacologie de la Faculté, et où son ancien titre de médecin 
dés hôpitaux lui réservait un service nosocon^ial. Tout compte 
fait, il préféra demeurer au milieu de ses Lyonnais; mais les 
corps savants delà capitale n’avaient point tenu rigueur au 
transfuge : correspondant (1887), puis associé national (1896) 
de l’Académie de médecine, Lépine est mort en 1919, corres¬ 
pondant de l’Institut de France. 

SoBiN. Hospice de Blain, Bull. Soc. archéol. et hist. de 
Nantes et de la Loire-Inférieure, t. 64, 1925, p. 63-71. — En 
1657, la duchesse Marguerite de Rohan affecta aux pauvres 
malades de la paroisse une'maison sise au village de là Vigne, 
donation confirmée par son testament olographe du 15 novem¬ 
bre 1672, et alors doublée de 100 # de rente. L’hôpital fut 
transféré après la' révocation de l’Edit de Nantes (1685) dans 
la maison du Bottier, dont les ducs de Rohan avaient fait une 
maison.de refuge pour les protestants ; et ce, de l’aveu du fils 
de Marguerite, confirmé par lettres patentes de mars 1696 et 
du 14 décembre 1698. Les ressources de l’hôpital furent 
accrues, par un legs de Louis de Rohan-Chabot (1726) qui 
permit d’installer, en 1729, deux sœurs de feaint-'Thomas de 
Villeneuve pour servir les pauvres et instruire les enfants de 
rétablissement. En 1730, on y créa une chapelle pour célébrer 
les messes de fondation. Mais en 1778, le délabrement des 
bâtiments contraignit de les fermer, pour les transformer en 



— 298 — 

maison dé secours à domicile; et les hospitalières de Sainte 
Thomas furènt remplacées par.trois sœurs du Saint-Esprit de 
Plérin;la chapelle .fut supprimée; et eii 1784, on ferma la 
maison de travail : les. enfants renvoyées reçurent un habille¬ 
ment neuf et un rouet. L’œuvre subsista tant bien que 'mal 
grâce-à diverses libéralités, dont celles de la famille de Rohan. 
La Révolution la ruina; le personnel, d'abord laïcisé, fut 
remplacé par les « Mèrés.des pauvres » de Blain, Mais l’insa¬ 
lubrité des. locaux, était telle qu’en 1828, 1849, . 1850, 1851, 
l’Administration préfectorale en demanda la reconstruction. 
Ces objurgations répétées n’eurent d’effet qu’en 1875 ; et, 
grâce à une donation de M. Jollan, complétée par celle de 
M. V. J. Gèhdron, un hôpital neuf, inauguré en 1876, rem., 
plaça la maison délabrée du Bottier. ... 

D' Babonneix, Quelques étapes dans l'iiisloire de la chorée. 
Lé monde médical, 35® année; n® 677, 1-15 novembre 1923.— 
Babonnéix, qui n’éstpas seulement un médecin distingué, mais 
l'historien averti auquel nous devons de savoureuses indiscré¬ 
tions sur .Elvire, — l’Elvire de Lamartine — vient de passer 
en revue rhisfoipe de la danse de Saint Guy; saint Guy le 
Sicilien, Sahctus Vitus, souffrit le, martyre sous Dioclétien, et 
si j’en avais, le loisir, je vous conterais sa vie, pleine de mer- 
veillés, telle qu’on la rapporte dans les Acta saaçlorum des 
Bollandistes. Qu’il vous suffise de savoir que son corps, gardé 
par des aigles, fut transporté d’abord en Apülie, puis à Rome, 
d’où Fulrad, prieur de Saint-Denis, le ramena dans son 
abbaÿe. Mais Charlemagne, soucieux de convertir les. Saxons,' 
ayant fait appel aux moines de Corbie, ceux-ci jugèrent bon 
d’invoquer le renfort de l’église triomphante : et l’abbé Warin 
obtint du prieur Hilduwin les précieux restes de Saint Guy. 
Transférés de Saint Denis à la Nouvelle Corbie en Saxe, ils 
ôpérèrent, sur leurs parcours, dé nombreux miracles. En 
1414, une épidémie sallatoire ayant sévi sur l’Alsace, la 
Bavière et la Bohême, les malades eurent l’idée de se rendre 
en pèlerinage à la tombe du bienheureux Guy ; et dès lors tous 
les- possédés, démoniaques,, convulsionnaires, contorsion¬ 
nés, liqueurs, trerableurs, aboyeurs, et piqués de là taren¬ 
tule invoquèrent le patronage du martyr. De ce chaos nosolor 
gique, Sydenham tira en 1685 la première description clinique 
typique de la Cherea sancii Viti. Il moiitra, et de main de 
maître, les caractères du spasme choréique (aîtstorsio convul- 
siv.a ■quœdam) : ' son exacerbation comique à l’occasion ides 
mouvements inténtionnels, circulatorum instar^ la démarché 



— 299 — 


traîiianté duraalade^ fataorum. more y nota, la prédilection'de ia 
chor^ée pour'là seconde enfance, son évolution à rechutes, etc. 
Son ' œuvre fut complétée plus' tard par ie D' ^Bouteille, de 
Manosqüe, qui écrivit son traité de la Chorée (Paris,- 1810, 
in-8°), à l’âge de 80 ànsj après un demi-sièclè d’observations, 
11 signale l'àtonié musculaire, la somnolence; les troubles 
intellectuels-; tuails- il oublie les arthropathies ; c’est G. Sée 
qui montrera en 1850 les relations de la- chorée avec « la dia¬ 
thèse'rliuraatismàle et H. Roger, èn-1866-67, proclamera 
qu’il y a « presque identité de nature » entre la chorée et le 
rhumatisme, identité confirmée par l’existence d’endocardites 
àu cours de la chorée; Et il semble bien en effet, de par les cons¬ 
tations cliniques, et anatomo-pathologiques (nodules d’Aschoff 
dans le myocardé des choréiques), qu’il y ait une chorée de 
nature rhumatismale. Mais, à vrai dire, il en est d’autres r 
•après les travaux de Cruchet de Bordeaux et de von Econome 
de Vienne, on a voulu rattacher la chorée à l’encéphalite 
léthargique. Babonneix estime que l’extrême rareté des arthro- 
pathies et des complications cardiaqu,es au cours de cette der¬ 
nière s’oppose à pareille assimilation : la chorée rhûmatisroale 
eSt parfaitement distincte de la chorée encéphalitique ; l’exis¬ 
tence de celle-ci ne saurait prévaloir contre celle-là. Et voici 
qu’un autre novateur, Milian, a prétendu rattacher la chorée à: 
l’hérédo-syphilis, alors que,'pour Hutinel, le spirochète de 
Schaudinn n’y jouerait qu’un rôle prédisposant, rarement 
déterminant. Enfin, la théorie de Tinel et Nobécourt, la der¬ 
nière en date (1923-25), tend à restituer à la chorée de Syden¬ 
ham son autonomie, même à f égard de la syphilis, du rhuma¬ 
tisme et de l’encéphalite, en incriminant un virus spécial, neu¬ 
rotrope. « C'est sans doute, conclut Babonneix,, qui reste 
fidèle à l’étiologie rhumatismale, la théorie de demain ; ce n’est 
peut-être pas tout à fait encore la théorie d’aujourd’hui. » 

G. Beaurain, Pontacq [Basses-Pyrénées] : Les apothicaires. 
L’hôpital. — Bulletin de la Société de Borda, de'Dax,, 1925, 
4= trimestre, P. 165-181. -- Liste des drogues utilisées par 
les apothicaires de Pontacq, avec les prix..— Origine de l’hô¬ 
pital, qui paraît remonter au xv® siècle ; mal. meublé, mal 
agencé, il ne contient en 1589 què six « lits-cofîres», au début 
très indigents, mais qui peu à peu complètent leur literie et 
perfectionnent leur forme ; lits à ciels, lit « èii quenouille 
châlits « au tombeau y, Lepersonhel ept réduit àun seuhfonc- 
tionnairé qui prend successivement ,les titres d’hospitalier, 
(espûo/er) (1532), de gardien deJ’hôpital (1643) et (de conciehge 



~ 300 — 


(1709). II soigne les malades, creuse les fosses pour les 
défunts de l’hôpUal et ceux de la ville, entretient le cimetière, 
et', à la fin du xvn® siècle, joint à ces charges le soin d’allumer 
le feu de la Saint Jean, ou les feux de joie pour,les victoires 
du Grand Roi. En cas de presse,on lui adjoint un acolyte; en 
1709, le beau-père et le gendre besognent à l’hôpital. En 
1774-85, il y a une sage-femme de renfort. L’établissement 
était misérable : après la Réforme,' les petits legs, jadis très 
nombreux, deviennent très rares. La ville lui emprunte plus 
souvent qu’elle ne lui donne ; quand la caisse est vide, on 
vend des biens communaux ; on impose le vin, on inflige des 
amendes au profit des pauvres. L’aumône d’ailleurs n’est pas 
donnée de la main à la main, mais sur requête écrite adressée 
au corps de ville, administrateur de l’hôpital : en 1620, elle est 
de 6 à 7 sols en moyenne ;„en 1715, de 13 à 30 sols ; en 1744, 
de 24 sols; en 1760-97, de 2 à3 ‘ 

Boovet, Histoire médicale de la Bastille. Les médecins. 
Courrier médical, 13, 20 décembre 1925, p. 547-548, 558. 
— Ôn ignqre encore à quelle date fut créé le poste de médecin 
de la Bastille ; M. Bouvet estime que ce fut postérieurement à 
1663. Le premier praticien dont on relève le nom est Edme 
Vezou, conseiller et médecin ordinaire du Roi, qui fut appelé 
avec Guenaut, des Fougerais et autres au chevet de Mazarin, 
et obtint en 1679 un brevet de survivance au profit de son fils 
François, aussi docteur de la Faculté de Paris. Entre 1696 et 
1698, la succession de F. Vézou fut donnée à Jean-Baptiste 
Alliot, médecin par quartier du Roi depuis le 6 janvier 1676, 
fils de ce fameux Pierre Alliot, de Bar-le-Duc, qui prétendait 
détenir un secret pour la guérison du cancer et fut appelé, à ce 
titre, et sans succès, auprès de la reine Anne d'Autriche. En 
1683, le roi acheta le secret paternel à J.-B. Alliot, au prix 
d’une pension annuelle et viagère de 2400 /è. Alliot publia en 
1698 son Traité du Cancer, et y divulgua sa formule ; c’était 
un précipité, par l’acétate de plomb liquide, de réalgar dissous 
dans la lessive. Alliot fut le grand initiateur de la cure 
hydrotherraale dé Plombières. Il abandonna en 1703 ses fonc¬ 
tions à la Bastille,'qui passèrent en 1703 à J.-B! de Fresr 
quière, médecin du roi par quartier, à la nomination ,de Fagon ; 
et, le 5 avril 1710 à Nicolas Brunei de la Garlière, médecin 
du roi (1702) et du duc de Berry (1708). 

Meige. Variations moçphologiques des lèçres, le philtron et le 
tubercule labial médian. Presse médicale, 1926, 2 janvier, 
p. 11-14. — Etude sur les divers types morphologiques de la 



lèvre supérieure dans l'art. Dans certains cas, le tubercule 
labial médian est flanqué de deux encoches, formant orifice au 
contact de la lèvre inférieure. « Botticelli a affectionné cette 
forme labiale, peut-être parce qu’il en était lui-même doté si 
l’on en juge par le personnage qui, dans son tableau de 
l’Adoration des Mages représente^ dit-on, son propre portrait. 
On y remarque aussi le dessin très précis du philtron dont les 
crêtes accrochent vivement la lumière. » (Florence, galerie 
des Offices). 

R. Matton, Léon Moynac, 1842-1926, Presse médicale, 
30 janvier 1926, p, 140. — Vous souvient-il de Moy'nac ? J’en 
doute. Mais Moynac, jadis, fut célèbre au quartier Latin. Reçu 
interne en 1868, dans la promotion où figuraient Debove, 
Peyrot. J. L. Renaut, et dont les chefs, de file s’appelaient 
Terrillon, Rendu, Sevestre, Pozzi, Bergei-on, Moynac fut 
l'élève de Maisonneuve et de Léon Labbé ; un élève doublé 
d’un maître ! Alors que les étudiants étaient réduits à' com¬ 
pulser, faute de pécune, à la bibliothèque de l’Ecole, les mul¬ 
tiples volumes de Sappey et de Gruveilhier ; que l’enseigne¬ 
ment théorique et pratique de l’anatomie était limité ; que les 
programmes des cours magistraux s’échelonnaient sur de lon¬ 
gues années, Moynac — rival de Fort — faisait des cours 
libres d’anatomie et de pathologie, substantiels, courts, nets et 
précis, et composait pour les candidats pressés, en mal d’exa¬ 
men, de petits guide-âne à bon marché, qui.eurent un succès 
prodigieux. Ceux qui exhument aujourd’hui des boîtes des 
bouquinistes, et feuillettent négligemment ,ces, humbles 
manuels (Manuels de pathologie générale et de diagnostic^ de 
pathologie externe, réédités d’ailleurs jusqu'en 1904) ne se dou¬ 
tent point des services qu’ils rendirent à leurs aînés, en un 
temps moins pourvu de bons livres que le nôtre. Cependant, 
Moynac quitta Paris et revint en son pays natal. Chirurgien 
de i’hôpilal de Bayonne, il s’y montra praticien habile, et fut 
un des premiers pionniers de la décentralisation chirurgicale. 
11 avait fait la campagne de 1870 dans les ambulances, comme 
aide-major. En 1914, il se remit à la chirurgie de guerre, et 
se prodigua, jusqu’à la paix, au chevet des blessés. C’est une 
figure originale qui disparaît avec lui. 

J. CoMBY. André Moussons, 1851-1926, Presse médicale, 
n» 14, 17 février 1926, p. 220. —Né à Bordeaux le 6 juin .1857, 
André Moussons fut successivement interne des hôpitaux de 
Bordeaux, puis (1882) de Paris i Nominé en 1886 agrégé, et 
médecin des hôpitaux de Bordeaux, il se voua à la pratique de 



' -r- 302-- 

k ;pédiatrie, qu’il. enseigna pendant itrente-six ans, d’abord 
conirné chargé de,cours, puis comtnë professeur de clinique,; 
Il a . publié des. leçons cliniques sur les maladies infantiles 
(1893), une monographie des Maladies congénitdlés du- cœur 
(1895), cbllaboré activement au Traité des maiadiesde tenfance 
dé G-rancher, Comby, bms: Archives de médecine, des enfants 
11 s’est égaléraenti ^dévoué aux œuvres de protection de 
l’enfance, services qu’avait récemment récompensés la rosette 
d’officier de la Légion d’honneur. 

WiCKERSHKiMÉ'n, Jehan Jacme (Johannes Jacobî) et les 
régimes de pestilence qui porient son noni, .Archivio’di Storia 
délia Scienza, vol. VI, 1925, fasc. 2, et Rome, Casa éditrice 
Leonardo da Vinci, s. d., paginé 105-112. — Jehan Jacme, 
médecin Montpelliérain, plus connu sous le nom de Joannes 
Jacobi, composa dans la deuxième moitié, du xiv“ siècle, un 
Traité de la pesté. Ori retrduve une sorte de contrefaçon de 
cet Ouvrage dans ceHain Regimeiï de pestilentid, imprimé 
AUX xv« et' xvi'’ siècles sous le nom d’un KanUtas, episcopus 
arusiensis, en qui Sudhoff et Mrs Singer reconnaissent Béng 
Knudson, évêque dé Vesteras en Suède, de 1461 à 1462, mais 
qui, pour Hallager, serait Knud Jensen, évêque d’Aarhus 
vers ie milieu du xiv" siècle,. Parmi les nombreux manuscrits 
de ce Regimer^i W. eii signale deux, conservés à là Biblio¬ 
thèque • nationale, nouv. acq. lat. 1391; f“® 83-84 et lat. 7138; 
f“ 109-110; le preraiet, :du xtV® s.,-et péüt-être rédigé.sous 
la dictée de Jehari Jacme lui-même, est de là fnain dé Pierre 
Chârtreis, qui après avoir étudié,à Montpellier, devint licen¬ 
cié .en médècin'e et chanoine' de Genève.. L’autre, du xy® s., 
en est un abrégé, modifié par son possesseur,.un Allemand 
qui, vers 1500, exerçait la chirurgie à Grenoble et Annecy; Il 
est à remarquer que ce dernier traite Jacme de Pidemontanus 
ou Piétnontais ; épithète probablemenl très approximative, car 
il semble bien que Johannes Jacobi fut un Français du Midi, 
et peut-être. Jle fils dii jurisconsulte Petrus Jacobi, d’Aurillac. 

WicivEHSHBiMER. Ce qu’il en coûta au.-C Strasbourgeois 
en 1474'poîtr faire panser .leurs blessés'd'JIéricouhl, Bull, de 
la Soc. p. la'conServ.. des moiium. hist. d'Alsàçe, 1926, 
p. 153-157, et t. à pi, s.'l. n. d., in-8'’. — En 1474, la Basse- 
Eigué d’Alsace; méoaCée par l’ambition de Gharles le :Témé¬ 
raire,. irésOluC de s’emparer du phâte.au 'd’Héricourt, têqü par 
les Bourguignons;,, qui la-coupaient fâcheusement de ses alliéÿ 
de, Montbéliard..; La place éapitUla de; 16 npv,, et, les Stras- 
bourgeois ramenèrent e«i:tri6m.phe des étendards ennemis, et 



— 303 - 


20 blessés. Ceux-ci furent confiés aux soins des chirurgiens' 
de Strasbourg, lesquels dressèrent par la suite, à l’appui de 
leur demande d'honoraires, un curieux relexé des blessés, 
que publie M. W. — « On y trouve la liste des accidents 
auxquels ' était' lé plus souvent exposé le soldat au tenlps où 
les canons étaient surtout dangereux pour leurs servants..» —^ 
Un forgeron de Benfeld s’est brûlé avec un canon : ci 5 schil¬ 
lings ; Heilraan l’ouvrier charpentier, à. eü un pied meurtri 
par le canon, ci 5 schillings ; Ulrich l’ouvrier charpentier, a 
eu une main meurtrie par le grand canon, ci un florin. On 
y apprend aussi que « les chirurgiens des armées ne se bor¬ 
naient pas à panser des plaies, à extraire des projectiles ou à 
pratiquer des points de suture,, mais qu’ils prétendaient aussi 
guérir des blessures qui relèvent moins de Mars que de 
Vénus ». Georges, serviteur de messire Jàcquês'Amelung,. et 
Jean Walt, furent atteints aux parties secrètes d’un mal que 
(( vingt-cinq ans plus tard, dit "VV,, on n’éût guère,hésité,ù 
qualifier de mal français ». 

Df H.-P.-J. Renaud. D>i nouveau document marocain sur la 
peste de .1799, Hespéris, Archives berbères et Bull, de l’Ins¬ 
titut des hautes études marocaines, trimestre 1925, 
p. 83-90. — Le D' Renaud avait donné jadis (Bespéris, 
2« trim,. 1921, p. 160 et suiv.), un intéressant récit de la pesté 
qui ravagea le Maroc en 1799, 1213" année de l'hégire, et non 
point l’année précédente, comme l’écrivit par ' erreur Ez. 
Zaïani. Un manuscrit de Mohammed ben Abd es Selam éd 
Dpayyif, dont le Df R. vient de découvrir une copie, confirme 
cette date et fournit de nouvelles précisions sur la marche du 
fléau. L’épidémie éclata dans le Gharb (Fez, Mekhnez, Rabat), ' 
dès le mois de février 1799, plus tôt que né l’avaient écrit les 
consuls Guillet et Jackson ; la contagion fut apportée dansde 
Haouz par la mehalla du sultan Moulay Sliman. L’un dés 
frères du chérif, Moulay Hicham, en périt; son autre frère, 
Moulay et Tayyib, ayant forcé lés coffres du défunt pour le,s 
piller, y prit le germe de la maladie et succomba à son tour^ 
D’autres objets contaminés, dérobés par des pillards, trans¬ 
mirent également la peste aux vendeurs et acheteurs : râodè 
de transmission classique au Maroc. M. Renaud nous raconté 
que le' Sultan, ayant rencontré Abd er Rhaman malade, lui 
cracha sur le cou pour le guérir, en vertu du pouvoir mira¬ 
culeux concédé aux descendants du Prophète, A voir les 
ravages de la peste, il faut croire que Moulay Sliman n’avait 
pas eu assez de salive pour asperger toute son armée. 




— 304 — 


■ D' C&LLAMAND. Théophile Anger et Napoléon III, Union 
médicale, 1926, p. 90. — « Au moment de partir pour le 
théâtre de la guerre, Napoléon III avait la pierre. Le diagnos¬ 
tic avait été fait par Germain Sée quelques semaines aupara¬ 
vant, mais l’auguste malade avait refusé ou tout au moins 
ajourné l’opération. Il fallait cependant prévoir une rétention 
possible et l’obligation urgente du cathétérisme. D’autre part, 
Nélaton était trop vieux pour faire campagne. Il fit donc 
agréer à sa place son élève Th. Anger, qui suivit le grand 
quartier général sous un uniforme approprié, et sans que per¬ 
sonne pût soupçonner son rôle éventuel. Th. Anger n'eut pas 
d’ailleurs à intervenir. Le jour même de Sedan, l’Empereur 
resta à cheval de 8 h. jusqq’à midi, sur les hauteurs de la 
Moncellé, parmi les projectiles, et rentra en ville après avoir 
vu tomber autôur de lui plusieurs de ses officiers... » 

Lionel Laxdry. Une consultation de Bretonneâu en 4847, 
Gazette médicale du Centre, 31” année, n° 2, 15 février 1926, 
p. 99. — Maxime du Camp rapporte dans ses Souvenirs litté¬ 
raires (I, p. 353), que Flaubert et lui-même firent en 1847 un 
grand voyage à pied en Bretagne. Comme ils passaient par 
Tours, Flaubert fut pris d’une crise nerveuse, et du Camp 
envoya chercher Bretonneau. Le vieux maître accourut. « Déjà 
âgé, ayant en lui quelque chose de l’homme de campagne trans¬ 
planté à la ville, il m’impressionna par son intelligence et par 
ce regard profond du vieux praticien, qui semble scruter 
l’âme en même temps que le corps. Avec la sincérité d’un vrai 
savant, il avouait son ignorance et disait : « Notre science 
« n’est qu’une suite de desiderata et nous en sommes encore à 
^ « nous demander ce que c’est que la migraine. » 11 ordonna le 
sulfate de quinine, mais dans des proportions telles que je fus 
effrayé et me permis quelques objections. Le D” Bretonneau 
m’écouta avec patience et me répondit : « Le sulfate de qui- 
« nine n’est bon à rien s’il ne produit dans l’organisme l’effet 
« d’un coup de canon.» Je n’ai point oublié cette parole,ajoute 
du Camp ; trois ans plus tard, je me la suis rappelée dans les 
Inontagnes du Liban,'et je,m’en suis bien trouvé, j II est bon 
d’observer que la dose explosive prescrite par Bretonneau 
était d’environ un gramme. 

-D’ Paul DelaonaŸ. 



Le Secrétaire général. Gérant). 
Marcel Fossbïedx. 



CHRONIQUE DE LA SOCIÉTÉ 


Séance du -9 Octobre 1926. 


Présidence de M. Laignkl-Lavastine. 

Etaient présents : MM. Avalon, Basmadjian, Beau- 
pin, René Bénard, Brissemoret, Brodier, Gornillot, 
Dorveaux, Fosseyeux, Charles Grimbert, Hervé, Jean- 
selmç. Neveu, E. Olivier, Semelaigne, Sevilla, Tor- 
komian, Variot, Yillaret, Vinchon. 

Décès. — M. le Président lait part de la mort de M. 
lé P'' ThIbierge, l’un de nosYice-Présidents, membre 
de l’Académie de Médecine, survenue à l’âge de soi¬ 
xante-dix ans, le 24 août 1926, dans sa propriété de 
Dourdàn. Il retrace en termes émus sa carrière. M. 
Thiliierge avait dernièrement ici-même, apporté sur 
ses maîtres de Saint-Louis, notamment sur Besnier, 
des souvenirs précis et vivants ; il nous promettait 
encore d’autres travaux, il était un de nos membres 
les plus assidus, et sa disparition laisse un grand 
vide parmi nous. 

Dons. — M. G. Hervé oîTi'e à la Société^ pour son 
musée et sa bibliothèque ; 

1° Au nom du D'' et de M™° Gerson, gendre et fille 
du regretté Goldschmidt, l’ouvrage de ce dernier: 
Autour de Strasbourg assiégé (Le Soudier, 1912, 
in-16) ; ainsi qu’un cadre contenant les portraits des 
professeurs de la Faculté de Strasbourg, en 1870 ; 

2" Au nom de M""® Paul Gazelles et de ses fils, dix- 
huit portraits gravés, de médecins et savants (Bichat, 
Jules Gloquet, Gorvisart, Gay-Lussac, de Lanessan, 


— 306 — 

les deux Larrey, Pieyre, Recurt, Rostan, Thénard, 
L. Vitet, né à Lyon en 1736, gravure de Tardieu 
l’aîné, et cinq portraits à déterminer ; 

3° En son nom personnel, plusieurs portraits de 
Pasteur en héliogravure, édités à l’occasion du Cen¬ 
tenaire de 1923 ; sept portraits publiés parla Revue de 
Thérapeutique moderne illustrée (Jenner, Laënnec, 
Ambroise Paré, la mère de Pasteur, Pravaz, Ricord, 
Wurtz); et l’opuscule du D'' Cabanès, Les Vieilles 
Pierres de l'hôpital Saint-Louis^ avec les bois de Clé¬ 
ment Serveau. 

M. le D'' Albarel, de Narbonne, offre trois thèses 
du xviu“ siècle : 1“ De motuum vitalium causa, par 
François Laroquier, Montpellier, 1741 ; 2” De re inslru- 
mentaria in arte obstetrica, par Henri Népomucène, 
Crautz, Nuremberg, 1757 ; 3" De sectione symphiseos 
assium pubis, par François-Pierre Blin, Avignon, 1778. 

Candidats présentés : 

MM. CouPAL (major James F.), M. G., U. S. Army, 
Army medical muséum, Washington, D. C., par 
MM. Garrisson et Wickersheimer ; 

Oliver (D. John R.), Professeur d’histoire de la mé¬ 
decine à rUniversité de Maryland, The Labrobe, Bal¬ 
timore, Maryland, U. S. A. ; 

Neobürger (D''Max), Professeur d’histoire de la mé¬ 
decine à l’Université. Neubaugasse 79, Vienne, VII. 

Communications : 

M. le D'' Laignel-Lavastine, qui représentait notre 
Société, rend compte des fêteé qui ont eu lieu à Ker- 
louarnec en Ploaré pour le centenaire de Laënnec, 
mort dans cette localité le 13 août 1826. Une céré¬ 
monie religieuse à laquelle assistait l’évêque de 
Quimper a été célébrée avec un éclat particulier. Au 
cimetière une palme de bronze a été remise sur la 
tombe, au nom de la Société Laënnec de Quimper. 
Des discours ont été prononcés par le D'' Mevel qui a 
parlé de Laënnec breton, et le P' Chauffard, de l’Aca¬ 
démie de Médecine,quia retracé la carrière de Làën- 



riec médéchi et savant; au banquet diverses allocu¬ 
tions ont été prononcées ; voici celle de notre Prési¬ 
dent : 

MoNsifiüR LE Préfet, 

Mesdames, mes chers Confrères, Messieurs, 

Au génial inventeur de l’auscultation et aux heureux organi¬ 
sateurs de cette fête familiale, qui tout à l’heure dans le cime¬ 
tière de Ploaré, où les croix d'’or tintinnabulantes se détachaient 
sur le bleu de la baie de Douarnenez-, a atteint une imposante 
grandeur, j'apporte l’hommage ému des centaines de médecins, 
tant Français qu’Étrangers, que groupent la Société internatio¬ 
nale d’Hisloiré de la médecine et la Société française d’iîistoire 
de la médecine que je représente aujourd'hui. 

Pour pénétrer complètement une œuvre littéraire, artistique, 
morale ou scientifique, il-faut connaître l'homme qui l’a créée 
et rien .n’jr contribue mieux que la visite de son pays. 

La douceur du ciel d’Ombrie, la richesse de la plaine de la 
Portioncule et la sombre grandeur de l’Alverne expliquait 
comment saint François d’Assise réconcilia le christianisme 
avec, la nature. L’œuvre de Laënnec a pris sa solidité dans la 
terre de granit recouverte de chênes qu’à chantée Brizeux. Et 
le sol armoricain, qui s’enfonce comme un coin résistant entre 
les deux étendues illimitées de la mer et du ciel, répond à la 
rigueur scientifique d’un esprit, dont la foiTeligieuse fervente, 
loin de lui nuire en le bridant, n’a fait qu’aviver la précision 
neurologiste. J’ai une autre raison de rendre un pieux hommage 
à Laënnec. L’application de la méthode anatomo-clinique aux 
affections nerveuses, permit à Charcot de fonder la Neurologie. 

Et dans sa pratique médicale, Laënnec sut être aussi bon 
psychiâtre que phtisiologue. Vous rappellerais-je la maladie de 
Tangueur de Madame de Chateaubriand ? D’après les lettres de 
Laënnec et les mémoires de René, le diagnostic est aujourd’hui 
facile à porter. 11 s’agit d’un de ces cas de psychose périodique 
à forme mélancolique sè caractérisant surtout par l’amaigrisse¬ 
ment que les neurologistes connaissent bien, et que des incom¬ 
pétents prennent encore quelquefois par une tuberculose pul¬ 
monaire au début. Après avoir ausculté Madame de Chateau¬ 
briand, sous l’œil attentif sinon très ému du vicomte, Laënnec 
affirme l’intégrité de la poitrine et porta un pronostic favorable. 
L’événement lui donna raison. 

Ainsi, non seulement Laënnec développa avec génie l’apho¬ 
risme d’Hippocrate qu’il avait mis en exergue au début de son 
livre de l’Auscultation médicale : SI [ji/poç TÎjç tè 



— 308 — 


Suva(i0Ê (TKÔTüatv (pouvoir voir est la grande partie de l’art), mais 
encore il n’eut janoais l’esprit spécialiste, et par la précision de 
sa méthode comme la clarté de son esprit, la finesse de son 
doigté clinique et la bonté de son cœur, reflet humain de la 
Charité divine, il s’est montré le plus grand des médecins du 
monde depuis le Père de la médecine. 

Heureux de pouvoir ici même saluer la gloire immortelle de 
Laënnec dans ce cadre exquis du manoir de Kerlouarnec où 
il a vécu, travaillé, médité, aimé, prié, et où il est mort comme 
un saint, voici demain cent ans. Je bois à la santé de nos ai¬ 
mables hôtes, de la famille Laënnec, de ceux et celles qui sont 
ici réunis dans une pensée commune, à la prospérité delà Bre¬ 
tagne et à la grandeur de la médecine française. 

M. le D' Variot lit une étude sur la doctrine de 
J.-J. Rousseau en puériculture et les opinions de son 
temps, où il montre les emprunts qu’au tome I de 
l'Emile, il a fait au traité de VEducation corporelle 
des enfants en bas âge de Désessarts publié en 1760, 
deux ans avant son ouvrage, ainsi qu’à Buffon dans 
le chapitre de l’enfance de son Histoire naturelle. 
M. le D'^Laignel-Lavastine rappelle qu’il a déjà traité 
ce sujet dans un article de la Chronique médicale du 
1" août 1910, p. 227 et 299, avec addendum du D*' 
Molinéry dans le n" du 1" février 1920, p. 59-60. 
Voir aussi D' Despine, de Genève, Bulletin de VAca¬ 
démie de médecine, du 2 juin 1908 ; Revue bleue du 13 
juillet 1912, article du D‘'J. Roshem sur J.-J. Rous¬ 
seau et l’hygiène de la première enfance ; Journal de 
médecine interne du 10 oct. 1911, article du D"' Merk- 
len sur J.-J. Rousseau et Désessarts. 

La séance est levée à 6 heures. 



— 309 — 


ARMAND DE QUATREPADES DE BRBAU, 
Médecin, Zoologiste, Anthropologue 

(1810-1892) . 

Par le Dr Georgea HERVÉ et L. de QUATREFAGE». 


Excelsœ turri humllis columna. 
{Souvenirs d’un naturaliste, 1.1, p. 245.) 

L’hUtoire, qui n’est que surface de 
loin, n'est véridique que dans l’intimité. 

(Lamartine; Cours de Littérature ; 

Entretien 71). 

Jean-Loiùs-Armand de Quatrefages de Bréau,_illus- 
tre par ses travaux anatomo-zoologiques sur les ani¬ 
maux marins inférieurs, et plus encore par ses études 
et ses ouvrages sur l’Homme, dont il a vraiment, en 
naturaliste, fait Thistoire complète, a débuté par la 
médecine : il est donc juste, autant que naturel, que 
le Bulletin de la Société française d’Histoire de la Méde¬ 
cine consacre quelques pages à cette belle figure de 
-sayant. 

§ I.— L.v Famille, l’Enfant (Valleraugue, 1810-1822), 
LE Collégien (Tournon, 1822-1826). 

Armand de Quatrefages naquit à Bertezenne, près 
Valleraugue (Gard), au pied du mont Aigoual, le 
10 février 1810. Il descendait d’une vieille famillé 
protestante cévenole, rattachée encore au sol natal par 
ses alliances. 

Son père, Jean-François (1767-1858), comme beau¬ 
coup de jeunes gentilshommes protestants de la ré¬ 
gion, avait pris du service militaire en Hollande, Cadet 
gentilhomme au régiment de Saxe-Gotha en 1784,puis 
lieutenant, il sollicita dès 1792 un emploi dans l’armée 
française : la réponse se fit attendre, et, en 1793, ne 



— 310 — 


voulant pas porter les armes contre sa patrie, il dé¬ 
missionna de son grade dans l’armée hollandaise et 
rentra en France. A la frontière, à Huningue, les repré • 
sentants du peuple, Ferry et Ritter, le firent arrêter 
comme suspect ; mais promptement libéré, il' obtint 
une commission de capitaine au 9° bataillon de l’Isère, 
et fit comme tel, en 1794 et 1795, campagne à l’armée 
des Alpes que commandait le général Thomas- 
Alexattdre Dumas, le premier des trois Alexandre 
Dumas, dont les statues.se dressent place Malesherbes. 
En 1809, retiré en son modeste château de Bertezeüne, 
près Valleraugue, Jean-François épousa Camille de 
Cabanes, fille d’un garde du corps de Louis XYI et 
d’Olympe de Vareilles du Reclot. i 

François de Quatrefages, seigneur de Bréau (1721- 
1772), grand-père d’Armand, avait lui aussi, mais dans 
l’armée française, suivi la carrière militaire : entré en 
1734, comme lieutenant, au régiment de Bassigny, il 
fut jusqu’en 1757 presque constamment en campagne. 
Blessé d’un coup de feu en Corse, il dut quitter le 
service après avoir, pour ne pas abjurer sa religion, 
refusé la croix de Saint-Louis. Il avait, en 1756, épousé 
Louise de Carie, fille d’un capitaine au régiment de 
Bourgogne ef nièce du général et ingénieur militaire 
Pierre de Carie qui, à cause de sa religion protesr 
tante, avait dû faire à l’étranger toute sa belle car¬ 
rière. 

Un autre Quatrefages, officier au régiment de Sali- 
gny, obtint la grâce de ses frères compromis dans les 
troubles de la Fronde ; un autre encore, lieutenant au 
régiment de La Fère, fut tué à l’ennemi vers 1660. 

D’autres ancêtres directs d’Armand de-Quatrefages 
se signalèrent, soit comme représentants des commu¬ 
nautés protestantes, tel Pierre de Quatrefages, 
avocat, docteur ès-droit, député de Bréau à la paix 
d’Alais (1629), puis au Synode -de Meyrueis (1654), 
soit dans les luttes que la petite noblesse eut à sou¬ 
tenir contre les grands vassaux de la couronne. 

Des actes authentiques font remonter jusqu’au 
début du XVI® siècle la lignée ancestrale d’Armand de 










— 312 


Quatrefages; mais d’après les indications des généa¬ 
logistes, la famille serait connue dès le xii® siècle. 

Le « château » de Bertezenne — un modeste logis 
avec, en façade, deux tours carrées — où naquit 
Armand de Quatrefages, est situé sur le Glarou, ruis¬ 
seau qui descend du mont Aigoual et se jette dans l’Hé¬ 
rault, à Valleraugue. C’est précisément au confluent, 
devant le temple protestant, que se dresse aujourd’hui 
le beau monument du sculpteur Morice qui, dans une 
allégorie charmante de' grâce et de mouvement, 
mariant le bronze à la pierre, reproduit en un buste 
de grande allure les traits du savant. 

Ses premières années s’écoulèrent, libres et heu¬ 
reuses, dans ce pays chéri, entre son père, sa 
mère et sa sœur, au milieu de parents et d’amis. Les 
leçons paternelles, celle du pasteur local, les lectures 
aussi, car il s’absorbait avec délices dans l’Ency¬ 
clopédie de'Diderot et d’Alembert, suffirent d’abord. 
Mais en*1822, Armand de Quatrefages entra au 
collège royal de Tournon, naguère dirigé par des 
Oratoriens et devenu l’un de nos meilleurs établisse¬ 
ments d’instruction publique : il y suivit brillamment 
les cours, de la quatrième à la rhétorique. Ses succès, 
son caractère, lui attirèrent promptement l’affection 
et l’estime de ses maîtres et de ses condisciples, et 
comme la discipline était fort paternelle, on lui passait 
des fantaisies assez inattendues. Il avait apprivoisé 
un superbe lézard vert : l’animai, pendant les études, 
se promenait paisiblement sur les tables, ou bien, le 
corps caché dans les vêtements de son maître, venait 
pendant la récitation mettre le nez à la fenêtre. 

Mais ce collégien de douze ans regrettait amère¬ 
ment la liberté de Bertezenne, et sa muse enfantine 
s’exerçait à la satire 

' C’est quelque chose d’incroyable. 

Que la promptitude effroyable 
Avec laquelle il ae faut habiller. 

Personne n’a le temps de chausser ses souliers! 

Enfin l’on va se mettre en rangs. 

Sur l’ordre de -M. Roland : 



— 313 — 


Ainsi, chaque jour, des élèves 
Est terminé le court sommeil, 

Et dès le moment qu’ils se lèvent, 

Tout de leur sujétion leur montre l’appareil ! 

Dès ce moment aussi se révèlent, sous forme de 
dessins au crayon noir ou à l’estompe, les dispositions 
artistiques qu'il tenait de son père et qui, développées 
par la suite, devaient lui permettre d’illustrer de 
remarquables aquarelles ses travaux sur les animaux 
marins inférieurs. 


§ II. — L’Étudiant (Strasbourg, 1827-1832). 

Quatre années s’écoulèrent à Tournon, avec de 
brillants succès scolaires. En 1826, sur le conseil d’un 
de ses professeurs, M. Sorlin, qui s’était fort attaché 
à lui, et qui venait d’être nommé à une chaire de la 
Faculté des Sciences, Armand de Quatrefages se 
décida à l’accompagner à Strasbourg, et y arriva le 
17 janvier 1827 (1). Il y conquit, cette même année, à 
17 anà; ses' deux premiers diplômes (Baccalauréats 
ès-iettres et ès-sciéncës). 

‘ En 1828, ayec lèurdèvouementtotal à leurs enfants, 
ses pàréhts vibrent Fy; rejoindre, et ce fut dès lors, 
poüh cè’ttfe fâniirie Idiigüèdocienne transplantée en 
Alsace,’ une éxisténcè tdùte nouvelle : elle sutadmi- 
rablerii’ént s'y adapfeh.' 'Ffne'amusante correspondance 
de'.'Jëan-Françqis dé‘Quàtréfàges avec ses amis de 
'Valleraugüe, noiis'eni'mbnVre’'lès côtés intimes et 
souvent pittoresqûes ; instàllàtin'n de la' famille au 
n° 35 (abtuelj'dü quai'dès'Btitéliérs, séjour à Baden- 
Baden à des prix d’un bon marché inouï, et, toujours 
au prernier plan, la chère personnalité d’Armand de 
Quatrefages qui s’affirnie de plus en plus (2). 

(1) ‘D’après les recherches qu’a bien voulu faire M, Delohache, Conser¬ 
vateur, de la Çibliothèque Municipale de Strasbourg, Quatrefages a logé 
d’abord, nie (aujourd'hui 24) rue de là Mésange ; puis, à partir du 3 mai, 
6, rue' des 'Jlripes» (aujourd'hui rue des Tripiers-), et enfin n* 23, place 
d’Armes (aujourd'hui 22) placé Kléber). 

(2) Voir : (C Armand de Quatrefages à Strasbourg » (Alsace française 
du 19 décembre. 1925, pages 570-574)., 




— 314 — 


Le 13 novembre 1828, le jeune étudiant passe sa 
licence ès-sciences. Un an après, le 19 novembre 1829, 
il présente et soutient à la Faculté des Sciences une 
thèse: Théorie d'un coup de canon, en vue du Doctorat 
ès-sciences mathématiques ; puis, le 23 décembre 
1830, une seconde thèse, astronomique : Du mouve¬ 
ment des aérolithes considérés comme des masses 
disséminées dans l'espace par Vimpulsion des volcans 
lunaires (1). Menant de front le travail et les saines 
distractions, il se faisait recevoir membre de la Société 
littéraire des Amis, avec JSIichel Lévy, le futur chef 
des Services médicaux de l’armée de Crimée, Gabriel 
Tourdes, plus tard professeur de médecine légale aux 
facultés de Strasbourg et, après 1870, de Nancy, Schut- 
zenberger, qui devint l’éminent professeur de clinique 
médicale de la Faculté de Strasbourg, mort après la 
guerre de 1870, Hippolyte Momy, par la suite grave 
notaire et le grand-oncle du professeur Hervé, etc- 
Chaque membre, à tour de rôle', devait présenter à 
la Société un petit travail littéraire ou scientifique : 
de là, sous forme de légende, le récit par Quatrefages 
de la découverte du fulminate de mercure ; l’histoire 
du sylphe Agathéros qui, sous la forme humaine du 
chevalier de Sucre, devint amoureux de la danseuse 
Rosalba, et enfin l'amusante fable en vers du curé 
qui, ayant prôné les avantages matériels de la charité, 
reçut en cadeau la vache,de son paroissien Jacquot: 
celle-ci eut tôt fait de regagner l’étable de Jacquot, 
amenant avec elle la vache du curé, devenu ainsi 
victime de son prône. De là aussi, sur l’air du <f Trade- 
ridera-tra-la-la», une parodie rimée du Chêne et du 
Roseau, d’allure tout à fait « Chat Noir ». 

De plus en plus apprécié de ses condisciples, 
Armand de Quatrefages conquit bientôt auprès, d’eux 
une place de premier plan.. En 1830, au nom des étu¬ 
diants, c’est lui qui demande des armes à la Munici¬ 
palité pour défendre le nouveau régimé contre les 
menaces de l’étranger: après quelques difficultés, les 

(1) Strasbourg, imprim. Vyo Silbermann, 19 pages in-4. 



— 315 — 


étudiants furent admis dans la Garde Nationale, 
troupe superbe, au dire de Jean-François de Quatre- 
fages, qui, comme ancien capitaine, s’y connaissait, 
et Armand de Quatrefages ÿ servit comme canon¬ 
nier à la quatrième batterie. 

Au nom de ses condisciples, qui l’ont élu président 
du « Casino des Etudiants », il prononce des dis¬ 
cours à une cérémonie funèbre en l’honneur de Ben¬ 
jamin Constant, et aux obsèques du capitaine Ques- 
nel, ancien soldat de la Grande Armée et de l’insurr 
rection polonaise. 

Quatrefages avait conservé de cette première 
présidence un très amical souvenir ; et en juillet 
1891, au banquet de « l’Association générale des 
Etudiants » à Paris, il en faisait part à quelques 
jeunes gens, quand le ministre de l’Instruction publi¬ 
que, Léon Bourgeois, s’approchant du groupe, 
demanda un petit verre de liqueur. « Le doyen des 
Associations d’Etudiants », lui dit alors Quatrefages, 
en remplissant un verre, « est heureux de verser à 
boire au plus jeune des Ministres ». — a Maître », 
répondit Léon Bourgeois, « c’est encore ce que j’ap¬ 
pellerai la continuité de la Patrie ». 

La vie mondaine, avec bals, raputs, ambigus, était 
alors, comme jadis, du temps de Gœthe, comme 
depuis encore jusqu’en 1870, très active à Strasbourg. 
Quatrefages, bon et infatigable valseur, y était fort 
apprécié pour son élégance et sa gaîté de bonne com¬ 
pagnie. Certain soir, cependant, il eut la malchance, 
au son de l’orchestre à la mode de Nani, de tomber 
avec sa danseuse. Madame du Çheyla. Celle-ci, comme 
pénitence, lui imposa de raconter en vers l’accident ; 
d’où une petite pièce de dix quatrains se terminant 
par l’octain suivant : 

Et cependant que cette haine 
N’aille pas vous épouvanter ! 

Croyèz-moi, la saison prochaine, 

Quand le bal viendra vous tenter, 

Si Terpsichore yous rebute 



316 — 


Et veut encor vous renverser, 

.Ensemble faisons la culbute ! 

Je suis prêt'à recommencer. 

Un portrait au crayon noir nous montre ce qu’était 
alors Quatreiages : une opulente chevelure blonde 
couvrait le front si expressif que nous avons connu ; 
il la perdit vers 1840, à la suite d’applications de 
glace pendant une lièvre muqueuse. 



Fig. 2.— A. DE QuatrefAges, à 18 ans. 


Ptjrlralt dessiné par Mlle Jatiot, maîtresse de dessin 
de Zénaïde de Quatrefages. 

Le 28 août 1830, Quatrefages fut nommé « Prépa¬ 
rateur de chimip, pharmacie et physique », près la 
Faculté de médecine de Strasbourg, et le 23 décembre, 
après sa thèse sur les AéroUthes\yoir ci-dessus), il 
recevait le diplôme de Docteur ès-sciences mathéma¬ 
tiques, Soixante ans plus tard, le 23 décembre 1890, 
un groupe de ses élèves, conduit par l’éminent acadé- 



— 317 — 

micien E.-T. Hamy, notre ancien président, venait 
lui offrir, à l’occasion de ce soixantenaire, une superbe 
planche gravée sur cuivre de son portrait, avec plu¬ 
sieurs épreuves: cethommage éinuf vivement Armand 
de Quatrefages, qui n’imaginait pas, dans sa modestie, 
que pareille idée pût venir à personne. 

En 1832, année du choléra, Quatrefages est nommé, 
le 7 mai, aide-pharmacien à l’hospice spécial aménagé 
à l’ancien couvent de Saint-Etienne, en vue de l’inva¬ 
sion du fléau, qui d’ailleurs n’atteignit pas Stras¬ 
bourg. Enfin, le 20 août 1832, il était reçu Docteur en 
médecine par un jury que présidait le professeur 
Ehrmann et dont les membres étaient Fodéré, Lob- 
stein, Masuyer, professeurs, Duvernoy et Goupil, 
agrégés. Sa thèse, De l'Extroversion de la Fes5îc(l), 
porfe cette dédicace : « A Monsieur le Doyen et Mes¬ 
sieurs les Professeurs et Agrégés de la Faculté de 
médecine de Strasbourg. Les témoignages d’intérêt 
et d’amitié que j’en ai reçus ne s’effaceront jamais de 
ma mémoire. » Cette thèse était un travail original, 
rédigé sur des observations personnelles,et qui mérite 
aujourd’hui encore l’attention des tératologues. 

Ici se termine la vie strasbourgeQise d’Armand de 
Quatrefages. De ces cinq années studieuses, passée^ 
dans la capitale alsacienne,il conserva jusqu’àla fin de 
ses jours un souvenir ému et charmé. Il s’était toute¬ 
fois bien rendu compte qu’à Strasbourg, où profes¬ 
seurs et médecins étaient nombreux et jeunes, la car¬ 
rière médicale, vers laquelle il s’orientait, ne lui 
réservait aucun avenir. Or, entre temps, ses parents 
avaient quitté Strasbourg pour Toulouse, leur fille 
Zénaïde s’y étant fiancée avec un de ses cousins qui 
y était banquier. Quatrefages les y rejoignit donc, 
après un court séjour à Montpellier et à Paris, où il 
suivit surtout les cliniques de Lallemand, Louis et 
Giviale. 


(1) Strasbourg, imprim. Vvo Silbermann, 1832, in-4', 46 pages, 4,pl, 
dessinées d’après nature et sur pierte par A. de Quatrefages. 



— 318 


§ III. — Le Médecin (Toulouse, 1833-1840). 

A Toulouse l’attendait, pour lui céder sa clientèle 
et prendre- sa retraite, le vieux docteur Massol. Qua- 
trefages eut tout de suite du succès dans la cité des 
Jeux Floraux, et malgré sa jeunesse, 23 ans, sut inspi¬ 
rer confiance. Il rapportait de Paris les instruments 
pour le broiement de la pierre dans la vessie et, le 
premier, en 1834, pratiqua à Toulouse la Lithotritie. Il 
en décrivit plusieurs cas dans le Journal de Médecine 
eide Chirurgie de Toulouse, qu’il avait fondé,avec le 
. docteur Dasàier, et qui paraissait encore il y a quel¬ 
ques années. 

C’est aussi dans ce périodique qu’il donna plusieurs 
formules et observations médicales. Citons notâm- 
ment un petit mémoire : De la Cautérisation par le 
nitrate d'argent dans le croup, en collaboration avec 
le docteur Dieulafoy (octobre 1837). 

Sa réputation lui valutbientôt d’êtrenommé membre 
du Conseil de Salubrité. Mais déjà le « Zoologiste » 
perce sous le Médecin. En 1835, les « Mémoires de 
l’Académie de Toulouse» donnent ses Observations 
sur les mœurs des lézards, inspirées par le souvenir 
de son gracieux captif de ’Tournon ; il y revient 
encore en 1837. A l’Académie des Sciences de Paris, 
il envoie un mémoire sur la Vie interhranchiale des 
Anodontes. En 1836, le « Journal politique et litté¬ 
raire de Toulouse et de là Haute-Garonne » insère 
un article de vulgarisation scientifique: Les funérailles 
de la Taupe ; puis voici, dans les « Mémoires de l’Aca¬ 
démie de Toulouse », en 1837 : L'action de la Foudre 
sur les êtres organisés,eX en 1839 : Quelques phénomè¬ 
nes physiologiques et pathologiques considérés comme 
causes de superstitions. 

La même année, les Comptes-rendus de l’Académie 
des Sciences insèrent un Mémoire sur un pigeon mons¬ 
trueux, du genre déradelphe, et les Mémoires de la 
Société archéologique du midi de la France, une 
description de quelques nûniatures du xv* siècle pro- 



venant del’admirable chronique manuscrite, « Annales 
de la Ville de Toulouse » (1295-1789). Ces miniatures, 
représentant les portraits des Gapitouls et les scènes 
où ils furent acteurs, avaient heureusement échappé 
en 1793 au vandalisme révolutionnaire. Leur descrip¬ 
tion et le récit des évènements qu’elles rappellent, 
sont accompagnés de calques minutieux pris par 
Quatrefages sur les originaux de la collection de 
M. Béguillet; alors directeur des contributions directes 
à Toulouse. 

Quatrefages a eu dès cette époque l’intuition de 
l’importance des Congrès Scientifiques que, plustard, 
il devait fréquenter assidûment, en y jouant un rôle 
prépondérant. Il prend une part active, en 1835, à la 
préparation et à la tenue du Deuxième Congrès méri¬ 
dional, où, secrétaire de la section des Sciences médi¬ 
cales, il introduit la grave question du Prolétariat et 
se lie avec l’éminent économiste Léonce de Lavergne 
qui lui fut, jusqulà sa mort en 1880, un ami fidèle. Il 
se fait aussi le collaborateur de M. de Gaumont, le fon¬ 
dateur des Congrès Scientifiques et Archéologiques 
et de la réunion anuelle, à Paris, des savants de pro¬ 
vince. 

C’est à Toulouse que, le 12 mai 1836, Quatrefages 
reçut l’un de ses premiers diplômes'(1) de société 
savante : l’Académie du Gard, « convaincue du savoir 
et de la capacité de M. de Quatrefages, docteur- 
médecin, domicilié à Toulouse, l’a nommé à la place 
d’associé correspondant, et l’engage à entretenir avec 
elle de fréquentes relations ». 

Il ne devait pas en rester là, puisque, à sa mort, il 
se trouvait titulaire dé 44 diplômes de Sociétés 
savantès françaises (Académie des Sciencés, Acadé¬ 
mie de médecine, Sociétés philomatique, de géogra¬ 
phie, d’anthropologie, etc...) et de 53 diplômes de 
Sociétés étrangères (Société royale de Londres, 

(1) Il était déjà membre d% la TÎeille Société de» Science», Agriculture 
et Art» du Baa-Rhin, fondée en 1799, et où il se trouvait étre-ainsi la- 
très jeune collègue de Pierre Hullin (1770-1861),, doyen de la Faculté 
des lettres de Strasbourg, arrière-grand-père du professeur G, Hervé. 



— 320 — 

Sociétés anthropologiques de Londres, de Vienne, de 
Florence, de Madrid, de Bruxelles, de Moscou, de 
Stockholm, de Copenhague, de New-York, de Was¬ 
hington, du Texas, de Rio de Janeiro, du Venezuela, 
de Melbourne, etc.. .) 

L’enseignement devait tenter le jeune médecin 
naturaliste. Il y avait débuté, en 1835, en suppléant 
M. de Boisgiraud, professeur de Chimie ; en 1839, il 
fut chargé du cours de Zoologie à la Faculté des 
Sciences, et s’adonna de tout cœur à sa nouvelle tâche. 
Tout était à faire, et avec combien peu de ressources ! 
Pas de garçon de laboratoire, pas de collections!... 
Malgré tout, Quatrefages entre bravement en fonc¬ 
tions, crée un petit musée de démonstration et, tout 
en faisant ses leçons, publie un mémoire sur VEm¬ 
bryogénie des Anodontes. 

En novembre 1840, il se rend à Paris, où, à sept 
jours d’intervalle, il passe sa licence et son doctorat 
ès-sciences naturelles, avec deux thèses : 1® Sur lés 
caractères zoologiques des Rongeurs et sur leur denti¬ 
tion en particulier ; 2° Sur les Rongeurs fossiles {i). 

Mais, en même temps que la Chaire de Zoologie, 
on lui avait promis la direction du Jardin des Plantes 
de Toulouse. On fit un autre choix, et le jeune pro¬ 
fesseur, blessé de ce manque de foi, découragé d’ail¬ 
leurs par le travail isolé et le manque de ressources, 
donna sa démission, et partit pour Paris avec la ferme 
intention dé s’orienter définitivement vers les recher¬ 
ches d’histoire naturelle. 

Ce ne fut pas sans luttes que fut prisç cette grave 
décision. Sa sœur s’était mariée à Toulouse, ses 
parents s’y étaient installés, lui-même s’y était créé, 
pour recevoir sa clientèle, un intérieur bien simple, 
mais non sans goût : poussé par sa vocation, il 
quitte tout, laissant à Toulouse d’unanimes regrets. 

Mais, dès lors, on semblait prévoir la belle carrière 
que, grâce à ses efforts et à son travail constants, il 
.devait parcourir à Paris. « Quant à nous, lit-on dans 

(1) Paris, imprim. de Fain et Thunot, 1840, in-4», 26 p. chacune. 



— 321 — 


le Journal de Toulouse, du 27 novembre 1840, tout 
en regrettant virement M. de Quatrefages, pour l’amé¬ 
nité de ses mœurs et l'agrément de son commerce, 
pour les corps savants auxquels il avait l’honneur 
d’appartenir, pour notre ville surtout, que son activité 
et son dévouement bien connus auraient prochaine¬ 
ment dotée d’un Cabinet d’histoire naturelle, nous ne 
doutons pas que la Science lui rende bientôt, avec 
usure, le nouveau sacrifice qu’il fait pour elle. » 


§ IV. — Le Zoologiste (Paris, 1840-1855). 

Le rédacteur du Journal de Toulouse avait été bon 
prophète, mais à longue échéance , car les débuts de 
Quatrefages à Paris furent laborieux, parfois même 
presque pénibles. 

Il s’installa dans une modeste maison de la rue 
Saint-Etienne-du-Mont, près du Jardin des Plantes. 
Garl Vogt habitait tout près, de là, 4, rue Copeau 
(aujourd’hui rue Lacépède), dans un hôtel'fréquenté 
surtout par les naturalistes étrangers : l’on y parlait 
toutes les langues, et même le russe, depuis que 
Bakounine, s’y prélassant dans le « Salon Ehren¬ 
berg», recevait maints hér’os ou héroïnes polonais, ' 
en partance pour délivrer leur patrie. Vogt logeait, 
lui, au quatrième, dans l’ancienne chambre de Von 
Baer, de moitié avec le savant belge Quetelet. « Mon 
ami Cari Vogt, ce travailleur à la vie réglée commte 
une pendule, écrit Bakounine, Vogt est toujours prêt 
à toutes les folies !... L’autre soir, chez la Sontag, il 
nous a chanté presque toute la partition de Don Juan ». 

. De cette époque datent les relations très affectueuses 
de Quatrefages avec Vogt: ils les conservèrent tou¬ 
jours, malgré l’éloignement, malgré aussi la diver¬ 
gence de leurs vues scientifiques et politiques, voire 
de leurs caractères, et la mort de Quatrefages fut, 
pour Vogt (1817-1895), une grande tristesse. 

Quatrefages avait retrouvé, à Paris, un vieil ami de 
Strasbourg; ils logeaient .ensemble, et une'grande 



— 322 — 


débauche était de dîner à trente-deux sous au Palais- 
Royal ; mais elle était rare, car, à ce moment, notre 
naturaliste demandait à sa plume, à son crayon et à 
son pinceau un supplément de ressources bien néces¬ 
saire : c’est ainsi qu’il consacra son talent d’aqua¬ 
relliste fidèle et délicat à ,1’illustration des grandes 
publications d’histoire naturelle de l’époque, notam¬ 
ment au « Règne animal» de Cuvier, dont Henri 
Milne Edwards donnait alors une magnifique édition. 
De cette époque aussi datent ses relations avec Fran¬ 
çois Buloz, fondateur de la Revue des Deux Mondes, 
relations qui, avec le temps, devinrent une très cor¬ 
diale amitié. 

De longues causeries, des soirées en tête à tête 
avec son cousin Angliviel de la Beaumelle, de Valle- 
raugue, lui aussi en séjour à Paris, »puis des excur¬ 
sions aux étangs de la Glacière, de Meudon, du 
Plessis-Piquet où il allait recueillir les animaux infé¬ 
rieurs, notamment les Hydres, qu’il étudiait dans 
leur structure, publiant ses observations dans les 
Annales des Sciences Naturelles, des essais de pein¬ 
ture à l’huile, telles étaient ses distractions. Travail¬ 
lant avec acharnement, soit chez lui sur son micros¬ 
cope d’Oberhaüser, soit au Muséum, ilfinit par vaincre 
le mauvais vouloir qui le poursuivait depuis Toulouse ; 
mais aussi, quelle satisfaction quand Milne Edwards, 
Agassiz, venaient le visiter en son modeste logis, et 
qu’il voyait ces maîtres s’intéresser à ses recherches ! 
De cette époque de travail, en quelque sorte prépa¬ 
ratoire, il convient de citer des notes en collabora¬ 
tion avec le naturaliste Doyère, et d’autres sur divers 
perfectionnements apportés au microscope, dont il 
usait avec maëstria, non sans .quelque dommage pour 
sa vue. 

Ce fut vers les animaux marins inférieurs que 
l’orienta définitivement son maître Milne Ed\vards, 
qui jouait auprès de lui le rôle d’un affectueux 
«patron». 

En hiver, Milne Edwards organisait dans son appar¬ 
tement de la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, 



— 323 


près du Jardÿi des Plantes, des soirées hebdoma¬ 
daires que fréquentaient surtout des jeunes gens 
adonnés aux études scientifiques : Quatrefages, 
Doyère, Blanchard, Cari Vogt. On discutait, souvent 
fort tard, devant une tasse de thé (habitude alors peu 
répandue dans les salons parisiens), on examinait les 
illustrations du « Règne animal » de Cuvier qu’édi¬ 
tait Milne Edwards, et dont Quatrefages fournissait 
maintes planches... Qui eût pu prévoir à ce moment 
que, quelque quarante ans plus tard, en 1880, Quatre¬ 
fages présiderait le groupe d’admirateurs et d’amis' 
qui offrit à Milne Edwards, alors octogénaire, une 
médaille de bronze pour célébrer l’achèvement de 
son grand ouvrage, les célèbres Leçons (PAnatomie et 
de Physiologie comparées ? 

C’est en juin 1841 que Quatrefages se décida à se 
rendre aux îles Chausey, sur le conseil de Henri 
Milne Edwards, pour y étudier sur place les animaux 
marins inféjjûeurs; Il n’avait encore jamais vu l’Océan, 
et il faut lire dans les Souvenirs d’un naturaliste 
l’impression profonde, exprimée en une langue remar¬ 
quable par sa pureté et sa simplicité — digne de l’ex¬ 
cellent élève du collège de Tou mon qu’il avaitété — 
que lui causa le spectacle de la marée. Cette impres¬ 
sion se traduisit même en quelques vers d’un enthou¬ 
siasme juvénile, retrouvés dans ses papiers:- 

Que j’aime ta vague changeante, . » 

Vaste Océan, 

Pt ta. voix si puissante, 

Et ton aspect si grand ! 

Fidèle à la plus humble grève. 

Tu vas, visitant chaque bord. 

De colle où le Soleil se lève 
A celle où le Soleil s’endort; . • 

D’un monde jusqu’à l’autre monde. 

Tu roules tes flots écumants. 

Et, dans chaque vague féconde, 

Bondissent tes nombreux enfants. 



— 324 — 


Lorsque la voix de la Temp^ête 
T’annonce un Orage ennemi, 

Superbe, tu lèves la tête, 

Heureux d’accepter le défi. 

Au Ciel, qui semble se dissoudre. 

Tu rends tonnerre pour éclair ; 

Tu lasses les vents et la foudre, 

Puis le calme revient dans l’air. 

Mais, soit que ton onde paisible 
Reflète un ciel étincelant. 

Soit que, sous un souffle terrible. 

Tu dresses un front menaçant, 

Toujours la divine harmonie 
Que tu fais entendre en tout lieu, 

Nous parle d’une autre patrie : 

De temps, d’éternité, de Dieu ! 

Les Souvenirs d'un naturaliste racontent de façon 
instructive et toute pleine de charme les recherches 
de Quatrefages aux îles Ghausey (1841), en Sicile, en 
compagnie de Milne Edwards et Blanchard (1844), à 
Biarritz, Giiethary, Saint-Jean-de-Luz (1847), sur les 
côtes de Saintonge (1853). Publiés d’abord, sous 
forme d’articles, dans W Revue des Deux Mondes \ puis 
réunis, en 1854, en deux volumes (0,11 x 0,17) chez 
Victor Masson, ils furent donnés comme prix aulycée 
Louis-le-Grand et traduits en anglais. D’une science 
profonde, attrayante et facile, d’une langue impec¬ 
cable, pittoresque, enthousiaste, avec des aperçus 
historiques de haut intérêt (les deux sièges de la 
Rochelle, en 1573 et 1628, par exemple) et des notes 
d’une savante érudition, ces deux petits livres mon¬ 
trent l’esprit de labeur, la conscience extrême de 
leur auteur, en même temps que la forme claire et 
pure de son style. 

Ces qualités maîtresses, qui se révèlent déjà, se 
sont par la suite singulièrement développées dans ses 
écrits comme dans ses discours. Les étrangers en 
étaient toujours extrêmement frappés ; et le célèbre 




professeur Virchow, de Berlin, dans la notice nécro¬ 
logique qu’il a consacrée à l’adversaire scientifique 
— et aussi politique — que fut pour lui Quatrefages,a 
dit textuellement : « Sa langue nous paraissait, à nous 
étrangers, comme la plus pure expression de l’idiome 
français cultivé. Lorsqu’on entendait l’aisance su¬ 
prême de ses discours, l’élégance de ses expressions, 
l’exquise urbanité de sa forme, même dans une discus¬ 
sion à l’improviste, on comprenait bien qu’il fût ténu 
par ses compatriotes comme un maître de la parole ». 


Fig. 3.— La chambre-laboratoire de Quatrefages à la Grande-Ile 
(Chausey), dessinée par lui-même en 1841. 

Nos modernes zoologistes qui,*:dans les jquinze ou 
vingt stations de Zoologie maritime de notre littoral, 
trouvent à présent tout un outillage scientifique per¬ 
fectionné et un certain confort matériel, ne se 
doutent guère de ce qti’étaieht, en 1840-1850, les 
conditions précaires dans lesquelles travaillaient 
leurs devanciers, les Audoin, les Blanchard, les 
Milne Edwards, les Quatrefages : les Souvenirs d’un 
naturaliste décrivent, en un style vivant et d’une 






r- 326 — 


ironie amusée, ces installations de fortune dans une 
chambre d’auberge ou bien, comme en Sicile, à bord 
de la « Santa Rosalia », tout infestée d’indestructibles 
cancrelats ! L’embarcation portait par surcroît une 
pompe foulante et^le casque de plongeur à l’aide 
duquel H. Milne Edwards effectua quelques descentes 
sous les eaux, préludant ainsi aux explorations sous- 
marines du « Travailleur » et du « Talisman » que 
devait plus tard diriger son fils Alphonse, et â celles, 
toutes récentes, du prince de Monaco. 

C’est à Bréhat, en 1843, que Quatrefages découvrit 
chez les « Syllis », petites annélides errantes de 0,08 
de long sur 0,001 de diamètre, d’un beau vert, le 
curieux phénomène de la généagéiièse. Au moment 
de la reproduction, l’anneau postérieur de la bestiole 
s’organise en une tête, avec yeux et antennes, for¬ 
mant ainsi, mère et,li,lle, un animal bicéphale : toutes 
deux restent réunies par la peau et l’intéstin, en 
sorte que la fille ne profite que des résidus de la 
nourriture absorbée par la mère. Pendant cette 
période, la Syllis fille a ses mouvements et sa volonté 
propres, souvent, comme if convient, en opposition 
avec ceux de sa mère. Celle-ci triomphe, en général, 
de ces tentatives de révolte ; c’est cependant cette 
fille, aspirant vainement à l’indépendance, qui assure 
la propagation de l’espèce ; elle seule se remplit 
d’œufs,, son diamètre se double, elle se colore en 
jaune orange, puis sè gonfle et éclate en laissant 
échapper les œufs ; le double animal meurt alors. 
Même processus chez le mâle, où les œufs sont rem¬ 
placés par les éléments spermatiques. 

Chez les animaux marins inférieurs, chez les « Eo- 
lidiens » notamment, sortes de petites limaces d’une 
anatomie tout à fait rudimentaire, l’estomac très ra¬ 
mifié supplée aux appareils circulatoire et respira¬ 
toire : c’est ce que Quatrefa'ges a appelé le Phlében- 
térisme, terme dont il reconnaît d’ailleurs l’ambiguïté, 
puisque le mot « phlebs » éveille l’idéé de veine, donc 
de vaisseau sanguin, alors que ces ramifications de 
l’estomac transportent le liquide nourricier, produit 



— 327 — 


de la digestion, vers la périphérie de l’organisme. 
Ces vaisseaux nVcciipent chez les annélides qu’une 
faible partie du corps; le reste est rempli d’un liquide 
ou flottent d’innombrables corpuscules. Cette cavilé 
générale du -corps, remplie du liquide cavitaire et 
dont Quatrefages, le premier, a signalé l’importance, 
est ce qu’on a nommé depuis le Cœlome. 

A Torigine, ces observations furent âprement con¬ 
testées : on prétendit meme que les préparations mi¬ 
croscopiques, en écrasant les organes si délicats des 
Eolidiens, avaient induit Quatrefages en erreur ; 
mais, avec la puissance de son esprit généralisateur, 
il en vint à reconnaître que le « Phlébentérisme » 
existe chez des animaux bien supérieurs aux Eoli- 
dien^. Audoin, Milne Edwards, ont fiiontré par 
exemple que les Homards, les Crabes, etc.., "sont 
dépourvus de veines tout en ayant un cœur et des 
artères, le sang veineux circulant dans des lacunes ; 
mêmes dispositions jusque chez les Squales et les 
Raies (Natalis Guillot et Charles Robin). 

Cette notion de la circulation « lacunaire », c'est- 
à-dire entre les organes et non dans des vaisseaux, 
fut d’abord combattue en France, bien qu'admise à 
l’étranger, et surtout en Allemagne; mais peu à peu, 
en France aussi, elle s’imposa, et à la Faculté de 
Médecine même, Andral lui consacra iplusieurs 
leçons. C’est ce qui a permis à Edmond Perrier de 
dire, dans sa notice sur les travaux de Quatrefages, 
lue à l’Académie des Sciences, le 26 février 1894 : 
« Voilà des idées qui tendent de plus en plus à s’éta¬ 
blir, et pour lesquelles l'éminent professeur au Mu¬ 
séum a été lin véritable précurseur ». 

De son voyage-en Sicile, enfin, Quatrefages rap¬ 
portait une étude approfondie sur l’histologie de 
VAmphioxus, ce poisson bizarre, le dernier — le pre¬ 
mier, pour les transformistes — des Vertébrés (c’est 
la Limax lanceolata de Pallas), long de 0 m. 05, ab¬ 
solument diaphane, et qui abondait aux environs de 
Messine. Il en montrait les curieuses ressemblances 
avec les Mollusques acéphales et les Annélides. 



— 328 — 


Ce fut en 1853, à La Rochelle, que Quatrefages 
étudia le BranchelUon, singulière petite sangsue, de 
0 m. 03 à 0 m. 04 de long, qui ne se trouve que sur 
la Torpille, où elle vit en parasite, sans souci des 
décharges électriques, et présente la particularité 
d’avoir des branchies, ce qui, pour une sangsue, est 
aussi extraordinaire que, pour un mammiière, de 
vivre sans poumons. 

Tour à tour passaient sous le scalpel et le micros¬ 
cope du naturaliste ces curieux vers marins, aux cou¬ 
leurs chatoyantes, aux noms harmonieux : « Néréi¬ 
des » ; « Syllis » ; « Hermelles » ; « Eunices », lon¬ 
gues de 0 m. 60 et plus; « Némertes », étroits et 
minces rubans de velours brun de 10 mètres de long ; 
« Synaptes », gros vers longs de 0 m. 30, à la*tête 
empanachée, et qui, en cas de disette, s’amputent 
successivement de leurs anneaux postérieurs pour 
sauver leur tête. La description, l’embryogénie, les 
détails des organes de tous ces êtres étaient publiés 
dans les « Annales des sciences. naturelles », avec 
de ravissantes aquarelles, et, de plus en plus, le monde 
savant appréciait Quatrefages. En 1845, il reçut le 
ruban rouge. 

Mais, à ces travaux de pure science, s’enjoignaient 
de vulgarisation : tels ses articles, dans la Revue des 
Deux Mondes, sur les Monts Altaï, l’Académie des 
Sciences et ses travaux, les Pierres précieuses, le 
Hareng, et, dans le Cosmos de l’abbé Moigno, sur 
Alexandre de Humboldt.. Dans le domaine de la pra¬ 
tique, il indique une méthode pour la destruction des 
K Tarets », ces mollusques perfides qui rongent les 
bois immergés, témoin les pilotis des digues de 
Hollande, rompues en grande partie au xvni®'siècle, 
entraînant de terribles inondations.il préconise aussi 
un procédé de lutte contre les « Termites » qui, à la 
Rochelle et à Rochefort, dévoraient, sans que rien 
en parût au dehors, les charpentes des maisons, les 
dossiers des archives, les livres des bibliothèques. 

Le voici, en 1848, prônant la pisciculture par la fé¬ 
condation artificielle des œufs de poisson : d’où, dans 



— 329 — 


un journal satirique de l’époque, une caricature le , 
représentant en jardinier, arrosant des plates-bandes 
de carpes et de brochets. 

Tout cela lui valnt, eu 1850, la chaire d’Histoire 
Naturelle au lycée Henri IV. A cette époque de toute 
puissance du grec et du latin, le titulaire en était, pour 
ses collègues, une façon de parent pauvre, voisin des 
maîtres d’armes et de danse : Quatrefages aimait à le 
rappeler en souriant. 

Ce que fut son enseignement, Alphonsê Milne Ed¬ 
wards, le fils de Henri, l’a rappelé dans son allocu¬ 
tion sur la tombe de Quatrefages : « 11 fut au Lycée 
Henri IV mon premier professeur d’histoire natu¬ 
relle, et ses leçons si claires, si pleines d’attrait, me 
donnèrent le goût de la science qu’il enseignait ». 

Vers cette époque aussi, Quatrefages avait eu à 
s’occuper d’une question bien étrangère à ses études : 
le percement de la rue des Ecoles, qui fut l’une des 
premières opérations de la transformation de Paris 
sous le second Empire. Elle, fit disparaître les cloa¬ 
ques qui couvraient le versant septentrional de la 
Montagne Sainte-Geneviève, e.t Quatrefages, rappor- 
teurde la a Commission centrale, des,propriétaires et 
habitants » de ce qui était alors le xii® arrondisse¬ 
ment, s’en était fait l’ardent défenseur. 

Le 26'avril 1852, l’Académie des Sciences lui ouvrait 
ses portes, en le donnant comme successeur à Savi- 
gny. C’était la première fois qu’un simple professeur 
de l’enseignement secondaire prenait placé dans cette 
illustre assemblée. L’énumération de ses titres ne 
comportait pas moins de quatre-vingt-quatre mémoi¬ 
res, dont beaucoup très importants, avec planches. 
Ne faisant connaître que des faits nouveaux, cet exposé 
ne comprenait ni les extraits ou notes relatifs à des 
sujets traités ailleurs avec plus de développements, ni 
les articles scientifiques insérés soit dans des diction^ 
naires, soit dans d’autres publications : en les com¬ 
prenant, on arrive, d’après le catalogue dressé en 1893 
par Godefroy Malloizel, sous-bibliothécaire du Mu¬ 
séum, au total impressionnant de 145. 



— 330 — 


Le 13 août 1852, Quatrefages, membre de l’Insti¬ 
tut, prononçait au lycée Henri IV, devenu Lycée Na¬ 
poléon, le discours d’usage à la distribution des prix. 
II avait pris pour sujet : La Science dans l’enseigne¬ 
ment scolaire. Faisant justice du mot stupide : « La 
République française n’a pas besoin de savants », 
avec lequel le misérable Goffinhal envoya Lavoisier à 
l’échafaud, Quatrefages montrait le rôle croissant des 
sciences dans la vie quotidienne. Le 21 août 1873, 
après nos disastres de 1870, il développait cette même 
thèse avec plus d’ampleur et d’autorité encore, dans 
son discours « Le Siècle de la Science », prononcé 
à Lyon, à l’ouverture de la deuxième session de 
« l’Association française pour l’Avancement des 
Sciences ». 

Le voici, vers 1854 (nouvelle voie ouverte à son 
activité), membre de la Société d’Acclimatation qui 
venait d’être fondée; il en devint peu après le vice- 
président, ne voulant pap, faute de temps pour s'y 
consacrer, occuper la présidence qui lui fut offerte 
après la mort de Drouyn de Lhuys et de Bouley. 

Mais, en 1855, la mort soudaine de Duvernoy (1" 
mars), professeur d’Anatomie comparée au Muséum 
d’Histoire Naturelle, son ancien juge à Strasbourg, 
allait donner à la carrière de Quatrefages une nou¬ 
velle, et cette fois définitive, orientation. 

[A suivre). 



— 331 — 


NOTE MÉDICALE SUR L’EXPOSITION DU LIVRE ITALIEN 
à Paris (mai-juia 1926) 

I>ai> H. 


Notre société se doit d’indiquer toutes les sources 
d’histoire médicale qui viennent à sa connaissance ; 
c’est pourquoi je communique cette note, qui n’est 
qu’une simple fiche personnelle prise au cours dé 
mes visites à la Bibliothèque nationale et au Musée 
des Arts décoratifs, pendant l’exposition du livre 
italien, organisée particulièrement par MM. Seymour, 
de Ricci, T. deJMarinis, Amédée Boinet, Franz Calot, 
Camille Couderc, Amédée Martin et Roland Marcel. 

Je n’ai pas à exprimer le plaisir d’art reséenti devant 
les enluminures et les estampes, ni la joie du biblio¬ 
phile devant les beaux caractères des incunables et 
des impressions vénitiennes, ni la pieuse émotion sou¬ 
levée à la vue de l’édition prihceps d’Homère de 1488, 
(Bib. Nationrale, Florence) et de l’originale de la Divina 
Comedia^ imprimée à Foligno en 1472, par Johannes 
Numeister et Emiliahus de Orfinis (Bib. Mazarine). 

Je ne ferai qu’une sèche énumération. 

A la Nationale, dans les vitrines du fond, j’ai 
remarqué un petit tableau sur fond or de l’Ecole sien- 
noise du xiv'v C’est une Adoration des Mages, où le 
gros orteil du pied droit dé l’Enfant Jésus, touché par 
la figure de l’adorateur, est en extension. J’ai déjà 
noté ailleurs (1)-, combien-souvent les primitifs ont 
figuré l’extension du gros orteil consécutive à l’ex- 

tl) Laionel-Latastinb. — L’extension des orteils de l’art. Nouv. Ico¬ 
nographie de In Salpétrière, 1905, n*l. 

' So<;.«i’fiij{.delaiir<'d.,t.XX,n»9-10(aopt.-oct. 1926) 



_ 332 — 

citation de la plante du pied, qui est normale chez le 
nouveau-né. 

Dans les Heures, de la Bienheureuse. Vierge Marie, 
écrites vers 1440, pour le duc Louis de Savoie (Ms la¬ 
tin 9473), une miniature représente la Guillotine avant 
le D'' Guillotin. Le châssis de bois est le même que 
celui de l’instriiment de Guillotin. Il est seulement 
plus large et moins haut; le couteau, qui glisse dans 
deux rainures, n’a pas son tranchant oblique, mais 
horizontal ; le saint est agenouillé devant l’instru¬ 
ment, le cou dans la lunette. Le bourreau est devant 
lui, debout, l’épée à la main, pour terminer l’opéra¬ 
tion, si le couteau de la machine était insuffisant. 
Comme dans les tableaux futuristes, les trois temps 
de la scène sont représentés. On voit le saint avant, 
pendant et après la décapitation. La figuration syn¬ 
chrone d’évènements successifs est d’ailleurs assez 
commune chez les Primitifs. La décapitation de 
Saint Denis, au Louvre, en est un bel^^xemple. 

Avant de quitter la Nationale, je sigbale aux eugé¬ 
nistes le Ms latin 4586 : de impedimentis matrimonii 
ratione consaiiguinitatis par Hierdnimo Mangiaria, 
exemplaire de 1465, présenté' à Galéas Marie Sforza, 
duc de Milan. 

Au pavillon de Marsan, frappe dès l’entrée le mer¬ 
veilleux Evangelia Quatuor, manuscrit du xi®, pro¬ 
venant du M*^ Gassin et actuellement dans la biblio¬ 
thèque Pierpont Morgan (135) (1) ; la représentation 
des Noces de Cana est très viyante les servants, qui 
s’empressent à verser le vin,sont très simples et ana¬ 
tomiquement vrais. 

Dans Traciatus Chirurgiae, de Rolandus Cremonen- 
sis, Ms du xiii® s. (Rome, Bibl. Gasanatense (142), on 
voit une soignée faite sur le pli du coude droit. 

Dans l’Office de la Bienheureuse Vierge Marie, Ms 
de la fin du xiv® (Modène. Bibl. Estense lat. 1842) (153) 
une miniature aXivihxxéei k Benedetto da Como, repté- 

(1) Les numéros entre parenthèses indiquent les numéros du catu- 



— 333 — 

sente la Vierge allaitant l’enfant Jésus. Le sein gau¬ 
che sorti de la robe est vu de profil et le mamelon 
érigé pointe vers la bouche de l’enfant. 

Dans l’Antiphonaire du XIV® appartenant à M. Wal- 
tér. V. R. Berry (167) le siennois Lippo Vanni a repré¬ 
senté un saint à genoux, probablement le vieillard 
Siméon, portant uiî jeune enfant emmailloté ou plus 
exactement saucissonné par des bandelettes, exacte¬ 
ment comme les enfants en maillot des faïences de 
Délia Robia sur la façade de l’Hôpital des Innocents à 
Florence. 

Dans Nomina et virtutes balneorum Puteoli et Ba- 
zarum. Ms du xiv®, appartenant à M. OIschki, de Flo¬ 
rence (187), une miniature d’un artiste napolitain 
représente le baptême par immersion avec aspersion; 
un saint personnage plongé dans l’eau jusqu’aux 
cuisses verse de l’eau sur les mains jointes d’un'autre. 
Dans un autre Ms du xiv® Nomina et virtutes bal¬ 
neorum (bibl. Angelica, Rome, 1474) (188), une minia¬ 
ture aussi de l’école napolitaine est plus prosa'ique ; 
elle représente ufi Tepidarium. Cinq personnages nus 
se chauffent autour d’un poêle pendant qu’une femme 
va chercher de l’eau dans une cruche au torrent 
voisin. 

Dans De Sphaera, Ms du xv® de Johannes de Sa- 
crobosco (Modène, bibl.Estense, lat. 209) on voit une 
décapitation, mais à l’épée, selon l’ancienne manière 
classique et non par la guillotine. 

Dans Jésus devant Pilate, feuillet détaché d’un An- 
tiphonaire de la fin du xv® (211) on voit l’iconogra¬ 
phie traditionnelle de la stigmatisation de Saint Fran¬ 
çois d’Assise. \ . 

Dans le 433 qui représente le même sujet d^ns un 
incunable de 1495 dés Fioretti de Saint François, un 
moine assistant à la scène lève en l’air les bras et 
l’une de ses mains est mal orientée : le pouce rem¬ 
place le petit doigt. 

Une miniature détachée d’un antiphonaire du xv® 
(212) moiiivQ SaintBernardin de Sienne de face. Sur les 
centaines de représentations de Saint Bernardin, que je 



— 334 — 


connais, en commençant par toutes celles du musée 
de Sienne, il est de profil ou de trois quarts. On le 
reconnaît à dix mètres, car c’est lé schéma de l’édenté, 
avec enfoncement de la bouche et saillie du menton. 

Dans la figure de face du 212 on reconnaît l'acilè- 
ment l’absence de dents et l’atrophie des gencives à 
la petitesse de la bouche et aux livres rentrées. 

Dans la miniature détachée d’un antiphonaire du 
XV® représentant Saint Bernard en prière (219), on 
remarque que le saint à genoux tient dans sa main 
droite ùn horaunculus sans sexe, auréolé comme lui- 
même et qui lève les yeux au Ciel vers Dieu le Père. 
Ce petit personnage me paraît être la figuration de 
l’âme du saint. Gétte interprétation est conforme à 
celle que donna M. Tricot-Royer dans notre dernière 
séance. 

Dans un travail en cours sur l’iconographie de la 
douleur, j’ai fait une place à part à la Madeleine dans 
les Crucifixions. Je note à ce point de vue l’expression 
pathétique de la sainte au pied de la Croix dans le 
Pontificale de Jules. II enluminé par Francesco da 
Libri et son fils Girolamo (Bib. Piérpont Morgan) 
( 222 ). _ ■ . _ 

A M. Picrpont-Morgan appartiennent aussi d’ex¬ 
cellents profils de chevaux qui ont déjà tout le mou¬ 
vement que découvrit Géricauld (Piore dei Liberi da 
Premariacco, Flos dueUatorum, XV.) (228). 

Dans la légende de Sainte Catherine de Sienne de 
Fra Tommaso Caffarini de l’Ecole Vénitienne du xv° 
(230), la comparaison de la stigmatisation de Saint 
François et de celle dè Sainte Catherine ne confirme 
pas l’idée Ingénieuse émise par Georges Dumas de 
la Stigmatisation en miroir de Catherine. En effet, 
la plaie de la poitrine est médiane. C’est, selon la 
tradition. Un chérubin à six ailes qui stigmatisa Fran¬ 
çois ; c’est, an contraire, le Christ qui stigmatise 
Catherine. Dans une figure du même folio on voit 
' d’ailleurs Jésus apparaître à Catherine, qui a un lys 
dans la main droite. ' 

Dans une miniature de l’Ecole ombrienne tirée d’un 



— 335 — 


antiphonaire du xv° (250), on voif encore Saint Fran¬ 
çois. Ses stigmates sont simplement représentés par 
un point rouge sur le dos du pied droit et de la main 
droite. 

On voit encore le Stigmatisé dans un Bréviaire 
franciscain du xv®, dé la Bibliothèque Riccardi de 
Florence (261). 

Dans Vitae Caesarum de Suetone, Ms du xv®, de la 
Laurentienne (267), Néron, de profil, a au cou une 
saillie marquée du cartilage thyroïde. 

Dans la Crucifixion de 1483 miniaturée par Attavante 
et appartenant au musée du Havre (273), l’âme du bon 
larron est figurée par un très petit enfant emporté 
dans le bras droit d’un ange, qui vole au-dessus de la 
tête du Crucifié. Par contre deux diables à droite et 
à gauche de la tête du mauvais larron enfoncent leurs 
lances dans sa bouche, d’où rien ne sort encore. 

Une miniature d’antiphonaire qu’on attribue à Atta¬ 
vante (278) représente le rêve d’un religieux : des 
moines montent l’escalier du Ciel; Est-ce un rêve 
professionnel issu de l’échelle de Jacob ou faut-il 
interpréter cet escalier comme le symbole de la con¬ 
tinence selon la psychanalyse freudienne-... ? (1) 

L’iconographie des seins s’enrichit dé deux numé¬ 
ros. Sous le 286, Ms. de la bibliothèque nationale de 
Elorencf, on voit une femme à seins très longs, en 
courges, comme une Hottentote. Le 292, feuillet 
d’antiphonaire florentin, représente sainte Agathe 
avec, dans un plat qu’elle tient de la main gauche, 
ses deux seins, qui ont Pair de deux pêches, et dans 
sa niain droite de grandes cisailles encore tout ensan¬ 
glantées. 

Dans le Traif.é de chirurgie de Guillaume Salicète, 
Ms. sur papier avec dessins, coloriés du début du xv® 
siècle (288) on voit un chirurgien cautérisant avec 
un long fer rouge une blessure saignante du bras 

(1) Freud. — La science des rêves. Trnd. Meyerson de la 7* édit, alle¬ 
mande. Alcan 1926. ) 

La.icnei-Lavastine et J. Vinchon. — Les symboles traditionnels et le 
Freudisme. 1*' congrès d'hist. do la mëd. Anvers, 1920. 



gauche. On remarque aussi une figurine représen¬ 
tant les mesures prises pour trépaner un nain hydro¬ 
céphale. Le chirurgien touche du doigt la région 
temporale pour se repérer. 

Dans une crucifixion, de l’école florentine, déta¬ 
chée d’un missel aux armes d’innocent VIII (1484- 
1492) (290), la douleur crispée de la Viergfe contraste 
avec la tristesse plus douce de la Madeleine. 

J’ai relevé, dans cette exposition, une belle série 
d’incunables médicaux. 

322. Rolandus Capellatus. De curatione pestife- 
rorum aposternatum. Rome 1468. (Bibliot. nationale. 
H; 4373.) 

346. Gaspar Torrella. De morbo gallico,qui n’est 
pas un incunable, car il date d’après 1500, et non de 
1493, comme on l’avait cru. 

366. Abulkasim. Liber Servitoris de praepa ra- 
tione medicinarum simplicium. Venise 1471. (Bib. 
Sainte-Geneviève.) 

392.' Guil. Salicetus. Giroxia. Venise, 1474. (Par¬ 
me, Bib. palatine). 

381. Mesue. Medicinarum libri. Venise 1471. (Bib. 
Sainte-Geneviève), avec belles planches des reins et 
des surrénales. 

394. Aristoteles. Historia animalium.Venise 1476. 
(Bib. nationale.) «. 

455. Galenus. Opéra (Graeca). Venise 1500. (Bib. 
nationale.) 

464. Bernardus de GoRopN. Practica medicinae. 
Ferrare. 1486. (Bib, Mazarine.) 

484. Paulus SüAHDUS. Thésaurus-aromatoriorum. 
Milan, février 1496. 

492. Caelius Apiciüs. De re culinaria. Milan, 1498. 
(Bib. nationale.) 

574. Paulus Bagellardus a Flumine. De infantium 
aegritudiriibus. Padoue, 1472. (Bib. nationale.) 

576. Petrus de Abano. De physionoraia. Padoue, 
1474. (Bib. Sainte-Geneviève.) 

599. Turan DE Gastillo. Tractatus de balneis se- 
cundum Gentilem de Fulgineo. Sant’Orso, 1473. 



— 337 — 

606. Pantaleo de Vergellis. Pillularium. Pavie, 
1480. 

634. Guil. Salicetus. De scientia medicinali. Pia- 
cenza, 1476. 

642. Dioscorides. De materia medica. Colle. 1478. 
(Bib. nationale.) 

Je joins à cette liste un livre du xvi° siècle: 

774. Augustino Almadino. Operetta de Virtudi de 
bagni di Viterbo. Rome, 1510. * 

Dans Canzonire, de Pétrarque, incunable de 1491 
(Florence, Bibliothèque nationale) (409), on voit deux 
béquilles,bien assujetties dans les aisselles, aidant à 
maintenir le Temps, vieillard ailé, porté en triom¬ 
phateur sur un pavois. 

Le classique Jean de Ketham esi représenté par 
trois fascicules. Un à la'Nationale et un autre au 
Pavillon de Marsan (412) contiennent la même gra¬ 
vure sur bois et grossièrement enluminée, partout 
reproduite et représentant une leçon d’anatomie. 
Le troisième fascicule (410) montre la figuration bien 
connue aussi des rapports des diverses parties du 
corps avec les signes du zodiaque. Du vertex au ta¬ 
lon d’un homme sont placés les personnages du zo¬ 
diaque en commençant par le bélier naturellement 
sur le front, et continuant par le taureau sur la nuque, 
le crabe ou cancer sur la poitrine, le lion sur le cœur, 
les balances sur les hancjies, le sagittaire au haut 
des cuisses, la licorne aux genoux, la vierge entre 
les jambes, la lyre sur le bras droit, la faucille sur 
In bras gauche et les poissons sous les pieds. Pour 
certains de ces rapports le symbolisme est trop trans¬ 
parent pour que j’insiste. Un sourire suffit. 

Dans de esse et essentia reali, de saint Thomas 
d’Aquin, incunable de Venise appartenant à M. de 
Marinis (426), un homme met le feu à'de la paille 
en réfléchissant avec un miroir les rayons du soleil. 
L’allégorie est claire, relative à la Charité ou amour 
divin. La scène pourrait aussi inspirer tel pyromane 
en mal de mettre le feu aux meules. 

Dans Biblia italica, in-folio de 1490 de la biblio- 

BiH.M ’ 22 



— 338 — 


thèque nationale (H. 3156) (431), Eve naît classique¬ 
ment de la côte d’Adam. ' 

Dans Hypnerotomachia Poliphili de Franciscus 
Golumna, on voit Poliphile d’abord dans les bras de 
son amant, et ensuite chassée et poursuivie à coups 
de verges. Quel merveilleux sujet que ce songe de 
Poliphile pour les disciples de Freud et ce beau 
néologisme de xvP siècle à triple racine grecque, 
Hypn-eroto-machia, démontre que l’habitude de for¬ 
ger des mots tirés du grec est depuis longtemps 
chronique. 

Après l’Amour vient la Mort. Dans le Confessionnal 
de saint Autonin, incunable bolonais de 1472 (Biblio¬ 
thèque nationale) (543), un cadavre au bas d’une page 
est à ce point mangé des vers qu’il ne reste que le 
squelette ; un gros ver, qui a plutôt l’air d’un ser¬ 
pent, introduit sa tête dans l’orbite du cadavre pour 
finir de manger l’oeil. 

Pour terminer comme j’ai commencé, je signale 
dans Legenda sanctorum irium regum de Johannes 
Hildeshemiensis, incunable de Modène de 1490, 
appartenant à M. de Marinis (621), une adoration des 
mages. Dans cette gravure sur bois assez grossière, 
l’enfant Jésus n’étend pas le gros orteil, bien que la 
plante du pied soit touchée par la bouche de l’âdora- 
teur. Mais cette œuvre est peu artistique. C’est un 
travail fait de chic et non l’observation d’un maître 
comme dans le petit panneau siennois, l’adoration de 
Berruguete de la cathédrale de Burgos,, celle de 
Botticelli de Florence ou celle de la tapisserie, au 
rez-de-chaussée, du Musée de Gluny. 

Je m’arrête ; j’espère en avoir assez dit pour enga¬ 
ger les retardataires à visiter l’exposition du livre 
italien, qui montre une fois de plus la parenté des 
italiens et des français. 



— 339 


LA DOCTRINE DE J.-J. ROUSSEAU EN PUÉRICULTURE 
ET LES OPINIONS DES MÉDECINS DE SON TEMPS. 

' ï*ai- G. VAUIOT. 

Médecin honoraire de l’hospice des Enfants il.ssistés. 


Associer le nom de J.-J. Rousseau à la puéricul¬ 
ture peut sembler quelque peu ironique. Cet art, 
en effet, ne devait pas avoir grand attrait pour lui, 
puisqu’il abandonna ses enfants nouveau-nés à la 
maison de la Couche, dans les conditions que j’ai 
exposées antérieurement devant notre société. Mais 
ce grand esprit, on le sait, était déséquilibré et les 
contradictions fourmillent dans sa vie et dans son 
œuvre. Il a donc formulé dans le livre 1®'' de son 
Emile, des préceptes fort justes sur l’hygiène infan¬ 
tile, qui l’ont fait considérer comme le rénovateur 
de l’allaitement maternel très délaissé en France au 
xviii® siècle. 

Bien d’autres avant lui, avaient rappelé les mères 
à leur devoir, avec plus ou moins de succès; je 
citerai spécialement le gracieux plaidoyer de Fun de 
nos ancêtres dans l’art médical, du docte Laurent 
Joubert, médecin de Henri 11 et qui débute ainsi : 
« Si les femmes sçavoientle plaisir qu’il y a de nour¬ 
rir les enfants, elles se louëyroient plutôt à nourrir 
les enfants d’autrui que de quitter les leurs » (1). 


(1) Au xvn® siècle Comenius que Michelet a considéré comme le 
Galilée do la pédagogie, dans son petit livre la Schola materni gremii, 
s’élève énergiquement contre la coutume cruelle, do quelques mères (sur¬ 
tout parmi les dames nobles) qui no veulent pas nourrir elles-mêmes 
leurs enfants. Il flétrit cet abus en ceé termes ; « lu sopurution do l’en- 

Bul.Soc.Fr.d’UiH.Méd.,l.W, n" 9-18 (sept.-oct; 1926) 



— .340 — 

Les médecins du temps de Rousseau n’EÎvaient pas 
manqué non plus de stimuler les mères à donner le 
sein, mais ils n’étaient guère écoutés. 

Désessarts dans son « Traité de l’éducation corpo¬ 
relle des enfants eu bas âge » publié en 1760, deux 
ans avant VEmüe qui ne fut imprimé qu’en 1762, 
avait exposé ses idées sur ce sujet qui étaient aussi 
celles de l’accoucheur Levret ; enfin Buffon, lui- 
même, dans le chapitre de TEnfance de son histoire 
naturelle, avait vanté les bienfaits de l’allaitement 
maternel, mais il n’avait pas d’illusions sur l’efficacité 
de ses recommandations et il s’en plaignait en ces 
termes : « oui nous avons dit tout cela, mais M. Rous¬ 
seau seul le commande et se fait obéir. » 

J.-J. Rousseau ayant fait déposer ses cinq enfants 
aux Enfants trouvés, n’avait pas vu élever de nour¬ 
rissons sous ses yeux, il n’avait aucune expérience 
personnelle et avait dû se documenter, pour écrire 
le premier livre de l'Emile, dans les ouvrages techni¬ 
ques qui avaient cours de son temps. Il est à peu 
près certain qu’il a puisé largement dans le Traité 
de l’Education corporelle des enfants, dont la pre¬ 
mière édition remonte au commencement de 1760. 

Dans la seconde édition qui n’a paru qu’en l’an VII 
de la République Française, après la mort de Rous¬ 
seau, Désessarts nous donne les renseignements 
suivants : 

« Le célèbre Piron ayant eu connaissance du plan 
d’éducation que J.-J. Rousseau s’était tracé pour son 
Emile et qui ne commençait qu’au moment ou celui- 
ci sortait des mains de sa nourrice, exhorta le philo¬ 
sophe genevois à faire remonter ses conseils jusqu’à 
l'instant où il prenait le sein de sa mère. 

Rousseau s'excusa sur ce que les soins qu’exigeait 
le nouveau-né regardaient plutôt les, médecins, les 

tant d’avec sa mère et l’allaitement par une étrangère — lorsque ceci 
n’est pas commandé par une impérieuse nécessité et n’a lieu que pour 
s’éviter à soi-même l'accomplissement d’un devoir naturel et les incom¬ 
modités qu’il entraîne, est une chose qui contredit aux lois de Dieu 
et de la nature, qui est nuisible aux enfants, nuisible également aux 
mères et contraire è la véritable honnêteté et aux bonnes mœurs. » 


— 341 — 


accoucheurs et les sages-femmes que les philosophes, 
et sur ce qu’il ne s’en était jamais occupé. L’auteur 
de la Métromanie lui remit alors mon ouvrage qu'il 
venait de lire, lui promettant qu’il y trouverait tout 
ce qui était nécessaire pour compléter son plan. Le 
père à'Emile accepta le livre. J’ai su ces détails his¬ 
toriques par une lettre que Piron me fît écrire en 
me demandant un nouvel exemplaire » (1). 

Désessarts, dans le cours de sa préface à la 
deuxième édition, se plaint discrètement en ces 
ternies de ne pas avoir été cité par Rousseau : ec loin 
de savoir mauvais gré à l’auteur à'Emile de m’avoir 
oublié, tout en faisant usage de mes pensées et 
même des démonstrations dont je les avais appuyées, 
je me félicitais au contraire de ce qu’un écrivain 
aussi éloquent, déjà en possession d’exciter l’admi¬ 
ration, de maîtriser l’opinion, d’entraîner l’assenti¬ 
ment, avait entrepris de défendre la même cause que 
moi, dont le nom ignoré ne pouvait disposer favora¬ 
blement les lecteurs et qui n’avait d’autre droit pour 
me faire écouter, que l’importance de l'objet que je 
traitais et le désir aussi ardent que scincère de faire 
faire du bien ». 

Rousseau qui se documentait sans citer les méde¬ 
cins était cependant fort chatouilleux sur les questions 
de priorité. L’éducation de la première enfance occu¬ 
pait alors les meilleurs esprits. La société des sciences 
de Harlem avait proposé sur ce sujet un prix qui fût 
remporté par un Genevois nommé Ballexserd, dont 
l’ouvrage fut publié à Paris sous le titre de cc disser¬ 
tation sur l’éducation physique des enfants », et 
parut la même année que VEmile. Désessarts nous 
dit qu’il avait retrouvé dans le travail de Ballexserd 
<i les mêmes règles de conduite qu’il avait tracées 
sur l’allaitement maternel, sur l’éducation des enfants 
dans son livre publié deux ans auparavant. Mais 
loin de parler de cet auteur avec aigreur, il se félicite 

(1) Note à la Préface de la deuxieme édition du Traité de l’Education 
corporelle des enfants en bas ége. 



— 342 — 


que les nouveaux écrits, confirment, en les adoptant, 
les principes qu'il a établis sur l’éducation corpo¬ 
relle du premier âge et contribuent ainsi à étendre 
les avantages que la postérité doit en recueillir », 

Rousseau ne prit pas aussi bien les choses : comme 
la dissertation du médecin genévois parut à peu 
près en même temps que VEmile ; il considéra qu’il 
avait été victime d’un larcin et il le dit nettement 
dans le chapitre XI des Confessions. Il se plaignait à 
tort, car les idées qu’il avait adoptées dans son livre, 
avaient déjà été formulées par Désessarts, deux ans 
avant lui. Il n’y avait donc pas plagiat, ou Rousseau 
le premier aurait pu en être accusé (1). 

Nous allons montrer facilement que la doctrine de 
Rousseau exprimée dans un style si éloquent et si 
séduisant, n’est pas vraiment originale et qu’elle 
reflète simplement les opinions des médecins de 
son temps, compétents dans ces matières; il nous 
suffira'pour cela de relever quelques-uns des pré¬ 
ceptes de puériculture pontenus dans VEmile. 

Rappelons d’abord les passages fameux relatifs à 
l’allaitement maternel et aux nourrices. « Depuis que 
les mères méprisant leur premier devoir n’ont plus 
voulu nourrir leurs enfants, il a fallu les confier à des 
femmes mercenaires, qui se trouvant ainsi chargées 
d’enfants, étrangers, pour qui la nature ne leur disajt 
rien, n’ont cherché qu’à s’épargner delà peine... » Ét 
plus loin ^ mais que les mères daignent nourrir 
leurs enfants, les mœurs vont se réformer d’elles- 
mémes, les sentiments de la nature se réveiller dans 
tous les cœurs, l'Etat va se repeupler ; ce premier 
point, ce point seul va tout réunir. L’attrait de la 
vie dojnestique est le meilleur contrepoison des 
mauvaises mœurs... Qu’une fois les femmes rede¬ 
viennent mères, les hommes redeviendront pères et 
maris , 

Citons par comparaison quelques passages de 

(1) Voir la note détaillée sur ce sujet, dans : Œuvres de Rousseau. 
Nouvelle édition avec des notes historiques et critiques, Paris 1826, 



— 343 


Désessarts, « la formation du lait pour l’instant où 
l’enfant voit le jour, sa qualité, sa proportion avec la 
faiblesse de ses organes, firent juger aux premiers 
hommes qu’il était un don bienfaisant de la nature 
et l’aliment le plus' convenable à l’enfant. Les mères, 
elles-mêmes, instruites à ne se croire heureuses 
qu’autant qu’elles pouvaient porter un nom si doux, 
auraient cru mériter d’en être privées si elles avaient 
abandonné leur tendre fruit'à des nourrices étran¬ 
gères ». 

Il remarque qu’il n'est pas indifférent pour l’enfant 
de prendre le lait de sa mère ou celui d’une autre 
femme, que le premier a plus d’aflinité et d’analogie 
avec les humeurs de l’enfant, et il insiste longuement 
sur tous les avantages de l’allaitement maternel. 

Désessarts déplore aussi la frivolité des mœurs 
de son époque, il parle des mères qui renoncent à 
allaiter pour mener la vie mondaine, pour courir les 
bals, les spectacles, les' promenades ^ passer la plus 
grande partie de la nuit au jeu : déjà il signale la dé¬ 
population comme conséquence des mauvaises mœurs. 

Voyons maintenant la question des nourrices mer¬ 
cenaires. Rousseau ne. se montré pas tendre pour 
elles, comme nous l’avons vu plus haut. Pour ce qui 
est de leur choix, il nous dit que « chez les gens 
riches tout est mal fait, excepté ce qu’ils font euX’ 
mêmes et ils ne font presque rien. S’agit-il de cher¬ 
cher une nourrice, on la fait choisir par l’accoucheur. 
Qu’arrive-t-il de là ? que la meilleiire est toujours 
celle qui l’a le mieux payé. Je n’irai donc pas consul¬ 
ter un accoucheur pour celle d’.Emi7e, j’aurai soin de 
la choisir moi-même. » 

Nous verrons plus loin avec quelle sévérité brutale 
ce philosophe s’élève contre la médecine et les mé¬ 
decins en général. « Il faudrait, ajoute-t-il, une nour¬ 
rice accouchée nouvellement d’un enfant nouveau- 
né ; elle devrait être aussi saine de cœur que de 
corps ; l’intempérie dés passions peut, comme celle 
des humeurs, altérer le lait ; de plus s’en tenir uni¬ 
quement au physique, c’est ne voir que la moitié de 



344 — 


l’objet ; le lait peut être bon et la nouri'ice mauvaise, 
un bon caractère est aussi essentiel qu’un bon tempé¬ 
rament. «Pour ce qui est de l’alimentation, il ajoute : 
« il faut que la nourrice vive un peu plus commodé¬ 
ment, qu’elle prenne des aliments un peu substan¬ 
tiels, mais non qu’elle change tout à fait de manière 
de vivre... Les paysannes mangent moins de viande 
et plus de légumes que les femmes de la ville ; ce 
régime végétal paraît plus favorable que contraire à 
elles et à leurs enfants. » 

Piousseau fait suivre ces conseils hygiéniques d’une 
opinion au moins bizarre sur la nature du lait. « Le 
lait bien qu’élaboré dans le corps d’un animal est 
une substance végétale ; une analyse le démontre ; il 
tourne facilement à l’acide et loin de donner aucun 
vestige d’alcali volatil, comme font les substances 
animales, il donne, comme les plantes, un sel neutre 
essentiel ». L’auteur à'Emile se piquait d’être chi¬ 
miste; il avait'travaillé dans la chimie lorsqu’il était 
secrétaire de M. de Francueil. 

Toutes ces idées, à part les élucubrations chimiques., 
sont celles que Désessarts avait développées dans 
son ouvrage. Ce médecin pensait qu’il serait à sou¬ 
haiter que la nourrice fut accouchée presque en même 
temps que la mêro de l’enfant, mais il ajoute que le 
lait de deux à trois mois est encore tyès bon pour les 
nouveau-nés. C’estTavis actuel des puériculteurs. 

Il recommande de s’informer du caractère de la 
nourrice, de sa propreté, de la manière dont elle a 
déjà soigné d’autres enfants auparavant. Il cite Popi- 
nion de Boerrhave « que l’enfant porte la peine des 
fautes que la nourrice commet dans les régimes », 
que les femmes qui prennent des boissons fortes 
peuvent donner des convulsions à-leur nourrisson. 
Il conseille une alimentation simple et saine, prohibe 
les ragoûts épicés, le lard salé, le café, le vin pur, etc. 

Trouve-t-on autre chose dans VEmile ? 

Arrivons à l’emmaillotage des enfants qui a suscité 
beaucoup de controverses depuis madame de Main- 
tenon et qui était encore discuté au xvin” siècle. 



— 345 ~ 


Rousseau a pris k précaution de se retrancher sur 
ce sujet derrière l’autorité de Buffon, et comme cet 
illustre naturaliste était lu par tous lés gens de la 
haute société, il a été plus équitable avec lui qu’il ne 
l’a été avec Désessarts, il le cite donc textuellement : 
« A peine l’enfant est-il sorti du sein de sa mère et à 
peine jouit-il de la liberté de mouvoir et d’étendre ses 
membres, qu’on lui donne de nouveaux liens. On l’em¬ 
maillote, on le couche la tête fixée et les jambes allon¬ 
gées, les bras pendants à côté du corps ; il est entouré 
de langes et de bandages de tout espèce qui ne lui 
permettent pas de changer de situation. Heureux si 
on ne l’a pas serré au point de ne pouvoir respirer.(1) » 

L’auteur à'Emile ajoute que a les pays où l’on em¬ 
maillote les enfants sont ceux qui fourmillent de bos¬ 
sus, de boiteux, de|cagneux, dénoués, de rachitiques, 
de gens contrefaits de toute espèce... on rendraitvo- 
lontiers les enfants perclus pour les empêcher de 
s’estropier. » Il est vrai que pendant les siècles pré¬ 
cédents les médecins propageaient sur ce sujet des 
pratiques qui avaient besoin d’être réformées. Mau-, 
riceau en 1661, ordonnait d’emmailloter l’enfant afin 
de donner à son petit corps la figure qui est la plus 
convenable à l’homme et pour l’accoutumer à se tenir 
sur ses deux pieds, car sans cela il marcherai^ peut- 
être à quatre pattes, comme la plupart des animaux. 
Au xvi" siècle l’usage était non seulement d’emmail¬ 
loter les enfants, mais encore de les ficeler par des¬ 
sus le maillot,avec des bandelettes serrées, comme on 
le voit sur lés émaux de Délia Robia qui décorent la 
frise de Vospedale delli innocenti à Florence. 

Sur le tableau représentant âaint Vincent de Paul 
haranguant les dames de la cour de Louis XIII, datant 
de la fin du xvii® siècle, on voit des bébés gisants par 
terre dont les. maillots sont serrés par des bande¬ 
lettes enroulées (2). 

Ai-je besoin d’ajouter que Désessarts n’était nulle- 

(1) Buffon. — Chapitre de l’Enfance de l'homme, ' 

(2) Ce tableau est accroché dans la grande crèche do l’hospice des 
Enfants assistés h Paris. 



- 346 — 

ment partisan de cet emmaillotage brutal et qu’il con¬ 
seille les plus grandes précautions pour que les nour¬ 
rissons ne soient pas trop serrés dans leurs langes. 

Rousseau, suivant toujours Désessarts, ne parle de 
l’emploi du lait des animaux qu’au moment du sevrage. 
Les principes de l’allaitement artificiel des nouveau- 
nés, qui a fait de si merveilleux progrès depuis l’ap¬ 
plication des idées Pastoriennes, étaient encore in¬ 
connus à cette époque, et la mortalité des enfants 
nourris artificiellement était énorme. En 1680 les ad¬ 
ministrateurs des hôpitaux des enfants trouvés de¬ 
mandèrent à une commission, composée des plus 
hautes autorités médicales, d’étudier les moyens 
d’élever les enfants sans le secours des nourrices ; 
mais après avoir longuement discuté, on reconnut 
l’impossibilité d’utiliser pour les nouveau-nés le lait 
des animaux, avec des résultats satisfaisants, et les 
administrateurs des enfants trouvés et le Parlement 
abandonnèrent les projets présentés. A ce propos 
Désessarts rappelle un essai tout à fait malheureux 
d’élevage collectif des nourrissons au laft de vache, 
voici en quels termes: « un magistrat dévoué tout 
entier au devoir de citoyen, recommandable à tous 
égards et spécialement par son zèle que rien ne pou¬ 
vait ralentir, pour tout ce qui a trait au bonheur 
public, entreprit, il y a près de cinquante ans, de 
faire nourrir les enfants avec du laît de vache. 11 en 
rassembla plusieurs dans une maison voisine de Pa¬ 
ris et destinée à cet usage ; sa tendresse paternelle 
veillait scupuleusement à ce qu’ils ne manquassent de 
rien et l’on ne pouvait se refuser en visitant cette 
maison, à des sentiments d’admiration et de respect 
pour celui qui en était le fondateur et le gouverneur. 
Si le succès ne répondit pas à son zèle, à ses dépenses 
et à ses peines, ce qui malheureusement ne fut que 
trop vrai, on ne doit en imputer la cause qu’aux dé¬ 
fauts que nous avons reprochés au lait des animaux 
comme nourriture des enfants surtout nouveau-nés. 
L’essai que ce respectable citoyen a fait et ceux qu’on 
a tentés infructueusement depuis, sont de nouvelles 



— 347 


preuves... » Est-il possible de ne pas rapprocher cette 
tentative ancienne et infructueuse, des résultats mal¬ 
heureux obten.us dans nos pouponnières modernes 
les mieux dotées et les mieux surveillées ? 

La question de la première dentition tenait une 
grande place dans la médecine infantile au xviii® siècle. 
Rousseau ne dit rien à ce sujet qu’on ne retrouve dans 
l’histoire naturelle de Buffon et dans les ouvrages 
médicaux. Il s’exprime ainsi ; « On sèvre trop tôt les 
enfants, le temps où on doit les sevrer est indiqué 
par l’éruption des dents ». Désessarts conseille de 
ne pas sevrer avant 12 à 15 mois. Rousseau déclame 
avec énergie contre les hochets luxueux qu’on donne 
à ce moment aux enfants. « On né sait plus être 
simple en rien, même autour des enfants: des grelots 
d’argent, d’or, de corail, des cristaux à* facettes, des 
hochets de tout prix et de toute espèce. Que d’apprêts 
inutiles et pernicieux ! » Il recommande surtout pour 
le même usage « une tête de pavot, dans laquelle on 
entend sonner les graines, un bâton de réglisse que 
l’enfant peut sucer et mâcher, qui l’amuseront autant 
que ces magnifiques colifichets et n’auront pas l’in¬ 
convénient de l’accoutumer au luxe dès la naissafice ». 

Bornons là nos citations spéciales. Rousseau qui 
tenait si peu de compte des sources médicales où il 
puisait, ne croyait pas d’ailleurs à la médecine et 
n’avait aucune estime pour les gens de notre profes¬ 
sion. Cependant il avait eu beaucoup à faire à eux, 
car il était un véritable malade imaginaire. « La 
seule partie utile de la médecine, écrit-il dans VEmile 
est l’hygiène ; encore l’hygiène est-elle moins une 
science qu'une vertu. La tempérance et le ti*avail sont 
les deux vrais médecins de l’homme ; le travail 
aiguise son appétit et la tempérance l’empêche d’en 
abuser. » Quant à la médecin^ proprement dite voici 
quelques-unes de ses déclarations, dans le même 
ouvrage : « la médecine est à la mode, parmi nous, 
elle doit l’être ; c’est l’ampsement des gens oisifs et 
désœuvrés qui ne sachant ^ue faire de leur temps, le 
passent à se conserver... 



— 348 — 


Je n’ai nul dessein de m’étendre sur la vanité dé 
la médecine. Les hommes supposent toujours qu’en 
traitant un malade on le guérit et qu’en cherchant 
une vérité on la trouve. Ils ne voient pas qu’il faut 
balancer une guérison que le médecin opère, par la 
mort de cent malades qu’il a tués, et l’utilité d’une 
vérité découverte par le tort que font les erreurs qui 
passent en même temps. Cet art mensonger plus fait 
pour les maux de l’esprit que pour ceux du corps, 
n’est pas plus utile aux uns qu’aux autres, il nous 
guérit moins de nos maladies qu’il ne nous en imprime 
l’effroi, il recule moins la mort qu’il ne la fait sentir 
d’avance. » Conséquent avec cette doctrine para¬ 
doxale, Rousseau en arrive à priver même son élève 
de soins médicaux; il déclare : « que n’appelant jamais 
de médecin pour lui, il n’en appellera jamais pour 
Emile, à moins que sa vie ne soit dans un danger 
évidenj, car, alors il ne peut lui faire pis que de le 
tuer. Je sais bien que le médecin ne manquera pas de 
tirer avantage de ce délai. Si l’enfant meurt on'l’aura 
appelé trop tard ; s’il réchappe, ce sera lui qui l’aura 
sauvé. Soit, que le médecin triomphe, mais surtout 
qu’il ne soit appelé qu’à l'extrémité. »• 

Ce philosophe égaré par ses sophismes dangereux 
parut, à la fin de sa vie, avoir relâché de sa sévérité 
pour notre art. Bernardin de Saint-Pierre (préambule 
de l’Arcadie, note 8) nous apprend que Rousseau lui ■ 
a dit un jour : « Si je faisais une nouvelle édition de 
de mes ouvrages, j’adoucirais ce que j’ai écrit sur les 
médecins. Il n’y a pas d’état qui demande autant 
d’étude que lele,ur ; Par tous pays ce sont les hommes 
les plus véritablement savants. » Il était un peu tard 
pour réparer les malheurs qu’il avait pu causer, 
parmi ceux qui avaient pris au sérieux ses diatribes 
contre la médecine. 

En somme, la doctrine de Rousseau en puéricul¬ 
ture, nous apparaît comme une vulgarisation des idées 
courantes parmi les médecins, faite par un écrivain 
d’un immense talent qui savait charmer et même 
fasciner la haute société dans laquelle il était accueilli 



et choyé. Le sage Désessarts lui rend bienjustice 
à cet égard, comme nous l’avons vu : il s’efface 
modestement devant le philosophe excentrique à la 
mode, parce qu’il n’avait pas au même degré l’oreille 
du public. 

Les choses ne se passent guère différemment de 
nos jours. M. Brieùx qui a voulu faire servir le théâtre 
à la réforme des mœurs, avec sa pièce des Rempla¬ 
çantes, a plus fait pour réduire l’industrie nourricière 
fondamentalement immorale, que tous les médecins 
d’enfants qui recommandaient l’allaitement maternel. 
René Bazin, dans son beau roman de Donatienne, a 
agi plus efficacement sur le public, que les médecins 
ne pouvaient le faire, pour montrer les graves dan¬ 
gers sociaux de l’allaitemedt mercenaire et l’avilisse¬ 
ment des malheureuses femmes qui abandonnent leur 
famille pour aller vendre leur lait à des enfants 
riches. 

Bien que les idées de Rousseau en puériculture 
n’eussent rien de personnel ni d’original, il ne faut 
pas moins lui en savoir gré d’avoir contribué forte¬ 
ment à la rénovation de l’allaitement 'maternel à son 
époque, par l’ardeur et la conviction avec lesquelles 
il défendait la cause qu’il plaidait, et par l’empire qu’il 
avait su prendre sur ses innombrables lecteurs et 
lectrices (1). 


(1) M. LA.iGNEL-LArASTiNË, le président de notre société, a bien voulu 
me signaler qu’il a publié sur ce même sujet, il y a une douzaine d’an¬ 
nées, un travail dans lequel il a confronté déjà les idées de Désessarts 
et le texte de VEmile de Rousseau : les conclusions auxquelles il était 
arrivé étaient très analogues aux nôtres. 



— 350 — 


FUNAMBULES, ÊQUILIBRISTES ET JON&LBURS 
BYZANTINS 

Par M. E:. aEA.IIISSE.IllE!. 


Les banquets longs et plantureux‘donnés à la cour 
de Byzance étaient coupés de divertissements, d’in¬ 
termèdes lyriques, de bouffonneries, de tours de force 
et de jeux d’adresse, pour délasser les convives repus 
et fatigués. 

Liutprand, ambassadeur de Béranger, marquis 
d’Ivréé, raconte avec admiration une scène d’équili- 
bristes dont iL fut témoin au cours d’un festin offert 
le jour de la Nativité, sous le basileus Constantin Por¬ 
phyrogénète (x' siècle) (1) : 

Alors vint un homme, dit-il, qui portait sur son front, 
sans l’aide des mains, une perche de plus de vingt- 
quatre pieds. Sur celle-ci, à une coudée (2) environ 
du sommet, avait été fixée. une harre transversale 
longue de deux coudées. Deux enfants à peu près nus, 
ne portant qu’une sorte de jupon court, furent ame¬ 
nés. Ils montèrent le long de la perche, tout en exé¬ 
cutant des tours et ils en descendirent, tête basse, en 
la maintenant aussi immobile que si elle avait été 
plantée profondément dans le sol. Ce qui me stupéfia 
d’admiration, c’est qu’après la descente de l’un des 
enfants, l’autre, reété seul sur la perche, continuait 
à y exécuter des tours. Tant que l'un et l’autre firent 
ensemble des exercices, celà pouvait se concevoir, 
parce qu’ils se faisaient mutuellement contrepoids, ce 
qui était déjà surprenant ; mais, qu’un jseul d’entre eux 
fut capable de se maintenir en équilibre sur le som¬ 
met de la perche, d’y exécuter des tours d’adresse et 

(1) Ljutprand. — Atttapodosis, lib. IV, §§ 8-9, Mon. germ. hisl.t Script, 
ni, pp. 338-339. 

(2) La coudée = 0“44.4. ' 



— 351 — 


de descendre sans encombre, cette vue me remplit 
d’une telle admiration que ma surprise n’échappa 
point au basileus lui-même ! Et il me fit demander par 
un interprète ce que je jugeais de plus étonnant, ou 
de l’enfant qui s’était comporté avec une telle mesure, 
que la perche n’avait pas oscillé, ou de l’homme qui 
soutenait la perche sur son front avec lin tel soin que 
ni le poids ni les tours de l’enfanthe l’avaient pas fait 
dévier d’une ligne. Et comme j’avouais ne pas savoir 
ce qui était le plus merveilleux, l’empereur éclata de 
rire et me répondit que lui-même l’ignorait aussi. 

Quatre siècles plus tard, l’historien Nicéphore Gré- 
goras mentionne l’arrivée à Byzance d’une troupe 
d’acrobates, au nombre d’une vingtaine. Leur adressé, 
dit-il, tenait du prodige ; de mémoire d’homme, nul 
n’en avait vu de pareils. De l’Egypte d’où ils étaient 
sortis, ils avaient décrit une courbe en quelque sorte. 
Après s’être portés d’abord vers l’Orient et le Septen-. 
trion, à travers la Ghaldée, l’Arabie, la Perse, la Médie 
et l’Assyrie, ils se dirigèrent vers l’Occident et parcou¬ 
rurent ribérie, proche du Caucase, l’Arménie et les 
autres nations qui s’étendent entre ces contrées et 
Byzance. Par toutes les provinces ils exhibèrent leurs 
talents. Assurément ils réalisaient de véritables pro¬ 
diges, quoique l’intervention du Diable n’y fût pour 
rien, car leur art consistait à faire des tours d’adresse 
auxquels ils étaient rompus depuis.longtemps. 

Après ce long et dithyrambique éloge, qui est bien 
dans la manière byzantine, Grégoras décrit les tours 
qui l’ont le plus frappé. 

I. — Voici le premier : Deux ou- trois mats de 
navires furent plantés dans le sol et assujettis au 
moyen de câbles de façon qu’ils ne pussent pas s’in¬ 
cliner l’un vers l’autre. Puis une corde fut tendue du 
sommet de l’un des mats au sommet de l’autre mat. 
Une autre corde fut enroulée de la base au sommet, 
pour constituer une sorte d’escalier en spirale. 

Par ces degrés l’un des acrobates atteignit lô som¬ 
met et s’y tînt, tantôt debout sur un pied, tantôt la 



— 352 — 

tête en bas reposant sur l’extrémité du mat, les pieds 
dressés vers le ciel. 

Soudain, il fit un saut, saisit la corde d’une seule 
main et se laissa pendre.. En cette altitude, il se mit à 
exécüter de nombreuses rotations [autour de la corde 
qui lui servait d’axe] et son corps dirigé tantôt vers le 
ciel et tantôt vers le sol, tournait d’une façon rapide 
et continue à la manière d’une roue. 

11 se suspendit ensuite, en serrant la corde non plus 
avec la main, mais avec le creux dù jarret, et se pen¬ 
chant vers le sol, il recommença à tourner et à faire la 
roue.Puis il se tint debout sur la corde en son milieu, 
prit un arc et décocha des flèches sur une cible placée 
au loin avec une telle babileté qu’un homme dont les 
pieds auraient reposé sur le sol n’aurait pu mieux 
faire. Enfin, il marcha en l’air d’un mat à l’autre, les 
yeux fermés, tenant un enfant dans les bras. 

II. — Un autre acrobate, monté sur un cheval, 
l’excitait à la course et, pendant que l’animal était au 
galop, il se tenait debout sur la selle, ou bien en 
avant sur l’encolure, ou bien sur la croupe, changeant 
de pied sans cesse et avec adresse. 

Parfois il descendait de son cheval lancé au galop, 
puis il le saisissait par la queue et d’un bond il se 
remettait en selle. 

Ensuite, il se laissait glisser d’un côté, tournait 
autour du ventre du cheval, remontait sans peine sur 
l’autre flanc et de nouveau se trouvait en selle. Et 
pendant qu’il exécutait ces tours, il ne cessait d’exciter 
le cheval' à la course avec son fouet. 

III. — Un troisième équilibriste posa sur sa tête 
,un bâton long d’une coudée, mit au-dessus un vase 
plein d’eau et, tout en se promenant, il le maintint 
longtemps immobile. 

IV. — Un quatrième équilibriste dressa sur sa tête 
une perche d’au moins trois brasses (1) autour de 
laquelle s’enroulait une corde faisant l’office de degrés 
qu’un enfant gravissait à l’aide des mains et des 

(1) Autrement dit : 18 pieds, l’o'pYuia ou 


àpyula yalant 6 pieds. 



- 353 — ' 

pieds : il monta à pas menus (1), faisant alterner 
régulièrement ses mains et ses pieds jusqu’au som¬ 
met de la hampe, puis il descendait en sens inverse. 
Et, pendant ce temps, l’homme qui tenait la perche 
sur sa tête continuait de déambuler sans arrêt. 

Un cinquième enfin, jetait en l’air une boule de 
verre et, quand elle retombait, il la recevait tantôt 
sur le bout des ongles de la main, et tantôt sur la 
partie postérieure du coude. 

... Et Grégoras ajoute : chacun n’excellait pas seu¬ 
lement dans un tour particulier ; tous indifféremment 
excellaient dans n’importe lequel de ces tours j et jls 
en possédaient mille autres (2) outre ceux que j’ai 
rapportés. 

Mais ces tours étaient périlleux ; aussi ne furent- 
ils pas exécutés sans accidents. Parmi ces hommes, 
il y en eut qui firent des chutes et se tuèrent (3). 
En effet, ils étaient plus de quarante lorsqu’ils avaient 
quitté leur patrie, et ils étaient moins de vingt lors¬ 
qu’ils arrivèi’ent à Byzance. Nous-mêmes, mous en 
avons vu un tomber d’un mât et se tuer. 

Mus par l’appât du gain, et aussi par le désir de 
montrer leur adresse, ils parcoururent toutes les con¬ 
trées en recueillant beaucoup d'argent. -Au sortir de 
Byzance, ils traversèrent la Thrace et la Macédoine 
et parvinrent jusqu’à Gadès. Ils s’étaient donnés en 
spectacle à presque toute la terre habitée (4). 


A la vue de tours de cette nature, les habitués de 
jeux forains ne partageraient sans doute par l'enthou- 

(1) Ppaxû. 

(2) Six cent3. 

(3) Un filet de sftreté n’était donc pas tendu au-dessous des opéra¬ 
teurs. Lors du triomphe de Lucius Vcrus et de Marc Aurèlc (166), un 
jeune gUrçoti tomba du haut do l’appareil où il faisait scs tours .Marc 
Aurèle prescrivit- que dorénavant des matelas (culcilras) seraient dispo¬ 
sés au-dessous delà corde des funambules. Du temps de Julius Capitolin 
(iv“ siècle), un filet était substitué aux matelas. Funambulis post puerum 
taptum culcitras subjici Jussil : unde hodieque relc praetenditur {Jvt.. 
Capitol. M. Anton, phil. 12.) 

Mais ces sages prescriptions étaient souvent éludées et beaucoup 
• d’équilibristes furènl victimes de leur imprudence ou do leur mala¬ 
dresse. Sous le Bas-Empire, alors que le goût du public blasé réclamait 
8.U.M. 23 


— 354 - 


siasme de Liutprand, de Grégoras et du peuple 
byzantin. Les acrobates modernes, et surtout les 
Japonais, les ont rendus plus exigeants.Un seul tour 
peut être leur paraîtrait mériter des applaudissements : 
celui qui consiste à faire la roue en tenant la corde 
d’une seule main et le bras tendu. 

Pour peu qu’on y réfléchisse, on se rend compte 
qu’il ne demande par le déploiement d’une force aussi 
considérable qu’on l’avait cru tout d’abord. Le corps 
pendu par une main peut être assimilé à un fil à plomb 
dont l’extrémité fixe serait muni d’un anneau passé 
daps la corde. Si l’on imprime à ce pendule des oscil¬ 
lations de plus en plus ample, un moment viendra où 
le poids qui le termine décrira un cercle entier. L’art 
du funambule consistera donc à sé balancer et à 
prendre un élan suffisant pour exécuter une révolu¬ 
tion complète. Si la vitesse n’est pas assez grande, au 
moment où l’acrobate atteindra le point culminant, la 
force centrifuge sera inférieure à la force centripète, 
et au lieu de poursuivre la courbe, il tombera verti¬ 
calement sur la corde. 

Au point le plus déclive, la traction qui s’exerce sur 
le bras de l’acrobate est maxima, elle est égale au 
poids de son corps augmenté de la force centrifuge 
laquelle est fonction de la vitesse de rotation, du 
poids du corps et de la longueur du rayon. Tout 
compte fait, l’équilibriste n’a pas à développer un 
effort considérable. Ce tour réclamé donc plus 
d’adresse que de force. 


des spectacles inédits, un nouveau genre d’ncrobatie'eut la vogue. Des 
gvmnastes, surnommés escaladeurs de montagne oribatae, ipsiêâ^ai 
(f’iRMicüS Ma-TEKuus, VIII, 27) devaient exécuter des prodiges d’équilibre 
sur des parois élevées qui figuraient des escarpements. Ils portaient en-• 
corele. nom de xpy||j,voêat£i, ambulantes per praecipitia et locA praerupta, 
(Hestchii Gloss.) 

(4) Cette digression remplit les cinq premiers chapitres du livre VIII 
delmistoire de Nicéphore Grégoras (édit. Bonn, t. I, p. 348 et suivantes),. 
Elle interrompt le cours de graves considérations développées par l’his¬ 
torien. Elle est précédée du long et ennuyeux discours qu’il prononça 
devant le basileus pour motiver son refus d’étre élevé ù la dignité 
de chartophylaxe. Elle est suivie d’un exposé de l’étàt critique de - 
l’Empire ravagé par la flotte turque et dépourvu de ressources, ' 



DOCUMENTS 


Le système quadrilataire et l’opothérapie 
chez Amirdovlat, 

Après la communication faite par notre collègue M. Vin- 
choni sur le système quadrilataire des anciens, je tiens à vous 
exposer aujourd’hui, sur le même système, l'avis de mon 
auteur arméiiien, Amirdovlat, dont l’impression est achevée. 

11 est naturel qu’Amirdovlat suive le système quadrilataire 
de son temps, système employé dans la médecine grecque, 
persane et surtout arabe. Ce système, comme vous le savez, 
n’adoptait dans la nature que quatre éléments : la terre, Veau,, 
l'air et le feu. Ces éléments plus ou moins contenus dans les 
substances pharmaceutiques leur communiquent : la terre, sa 
fraîcheur ; l’eau, son humidité ; l’air, sa sécheresse ; et le feu, 
sa chaleur. D’après ce système, la substance est, soit rafraî¬ 
chissante, soit humectante, soit desséchante, soit échauffante ; 
ou bien, la substance est chaude et sèche, chaude et humide, 
fraîche et sèche, et fraîche et humide. 

Amirdovlat adopta aussi l’autre système quadrilataire, — le 
système A'humeurs des anciens, connu depuis Galien jusqu’au 
xtx® siècle et accepté même de nos jours. 

Ces quatre humeurs sont : le sang, la pituite, la bile jaune et 
la bile noire ou airabile. C’est ainsi que l’homme était consi¬ 
déré soitsangnm, soit pituitaire, soit bilieuse ou soit atrabi-* 
laire. Par conséquent, l’humeur sanguine du corps de l’homme 
était regardée comme « chaude et humide » ; l’humeur pitui¬ 
taire, comme « chaude et sèche » ; et l’humeur atrabilaire, 
comme « fraîche et sèche ». 

Amirdovlat connaissait aussi, quatre ou cinq siècles avant 
Brown-Séquard et Voronofi, l’opothérapie. Ainsi, il connais¬ 
sait l’effet salutaire'de telles ou telles glandes d’animaux, sur 
les différentes parties du corps humain. Par exemple, le 
N“ 1186 dit : « Quand on pile les testicules de veau et qu’on 
les avale, on augmente beaucoup le désir de la copulation. 
De même, si on avalait les testicules des coqs gras assaisonnés 
de sel et de sariette, on obtiendrait le même effet. » A l’article 
N° 1189, il dit : « Si tù séchais les testicules des gros cha¬ 
meaux et ai tu les donnais à manger, ils occasionneraient l’érec¬ 
tion du membre caché et augmenteraient la copulation. » Le 
N» 3035 dit ; « Si l’on mangeait le nombril, les testicules et le 
couard du scinque, on serait émerveillé eh copulation. » Et, 
ainsi dp suite. K. J. Basmadjian. 



BIBLIOGRAPHIE 


O O 3Vi: s - I=l E3 rtf 30 Xjr s 


M. Marcel Boiron. — La prostitution bans l’histoire, 
DEVANT LE DROIT, DEVANT l’opinion. 1 vol. in-8, 314 p. Ber- 
ger-Levrault, Paris, 1926. 

Bien que l’ouvrage de M. Boiron, docteur ès-sciences poli¬ 
tiques et économiques et lauréat de la Faculté de droit de 
Nancy, soit surtout destiné aux magistrats et aux administra¬ 
teurs, il n’en intéresse pas moins par divers côtés le médecin. 

D’abord la partie historique si intimement liée avec les 
questions d’ordre hygiénique et prophylactique y est déve¬ 
loppée en une large fresque depuis l’antiquité jusqu’à nos 
jours, sans que le souci du détail nuise à une vue d’ensemble 
sur l’évolution des doctrines. Peut être pourrait-on trouver çà 
et là quelque défaut d’informations au milieu de la multiplicité 
des documents et des publications consultées. Par exemple, 
s’il avait eu connaissance de l’article du D'' Pansier paru en 
1923 dans notre Bulletin, qui démontre la fausseté des prétendus 
statuts de la reine Jeanne réglementant la prostitution à Avi¬ 
gnon en 1348, M.B, se fut abstenu d’en donner même un rapide 
commentaire (p. 39). Il s’est glissé au sujet de la création de 
l’Hôpital Général à Paris une erreur de date (p, 54) l’édit est 
de 1656 et non de 1648. J’aurais aimé à propos des refuges de 
filles pénitentes voir citée mon étude sur le refuge de Sainte 
Pélagie parue dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de 
Paris. M. B. a dépouillé un nombre considérable d’ouvrages 
mais on ne peut se passer actuellement d’y adjoindre les col¬ 
lections des revues où paraissent souvent les meilleurs travaux 
sur beaucoup de questions. 

La partie concernant les mesures sanitaires est abordée 
avec précision; dans la bibliographie spéciale à ce sujet, 
M. B, a dû se borner aux ouvrages les plus récents, parmi les¬ 
quels ceux de notre éminent collaborateur M. le P' Jeanselrae. 
Il n’a pas oublié les excellents Bulletins de la Société française 



357 — 


de prophylaxie sanitaire et morale, mais paraît ignorer à Paris 
l'œuvre de l’Institut prophylactique et de ses dispensaires. On 
sentque l’œuvre nancéienne de M. le _P. Parisot lui est plus 
familière,La législation comparée est sans doute la partie la plus 
neuve de son livre. L’élude des réglementations nouvelles et 
des courants modernes est tout à fait remarquable. Les régimes 
administratifs, les sanctions pénales y sont étudiés, commentés 
et soumis au contrôle du droit et de la jurisprudence la plus 
récente et en font de ce volume un manuel indispensable pour 
les Parquets et les Municipalités. Marcel Fosseyeux. 

D'"’ Jean Vinchon et Maurice Garçon.— Le Diable, étude 
HISTORIQUE ET MEDICALE. Paris, 1 vol, 1926. Documents bleus. 
Gallimard. 

Jamais tant de volumes n’ont paru en 1926 à la fois sur les 
Saints et sur le Diable. Il semblerait que la célébration du 
VU® centenaire de Saint François d’Assise et la béatification 
de Sainte Thérèse de Lisieux aient amené comme corollaire 
des publications sur Satan. Au surplus, on serait mal venu de 
s'en étonner. La vie de Saint François n’est-elle pas un duel 
avec le Malin ? « Toute une partie de sa légende, écrivait der¬ 
nièrement M. Gillet, est faite pour Gallot», et il y aurait un 
assez joli chapitre à écrire sur les « diableries » du Poverello. 
Ne voyons-nous pas dans un passage des Fioretti, Satan 
prendre une forme cauteleuse pour circonvenir le saint .: 
« François prend pitié de toi-même ? ne sens-tu pas que c’est 
péché de te consumer ainsi ? relâche ces austérités qui abrègent 
tes jours; si tu te tues ne vois-tu pas que tu te damnes? 
Dieu pardonne tout, hormis le crime du suicide ». Ne croyons- 
nous pas assister à un dialogue de Satan avec le Saint de 
Lumbres, cher à M. Bernanos. Le Diable est donc d’actualité 
grâce à Saint François ; il l’est aussi grâce au Dr Vinchon qui 
dans la partie médicale du livre précité, s’est attaché surtout â 
montrer que les démonopathies délirantes n’étaient pas des 
phénomènes surnaturels mais pouvaient s’amender par la thé¬ 
rapeutique de l’angoisse de l’épuisement ou de l’intoxication. 

fl ajoute que la simple croyance au^ démon ne saurait 
entraîner aucune suspicion'd’intelligence diminuée ou déviée, 
et conçoit, avec sa largeur d’esprit,. et son expérience déjà 
longue de psychiâtre et de lettré, que la collaboration du 
prêtre et du médecin ne s’exclut pas. 

Il était plus facile à son collaborateur M. Maurice .Garçon, 
qui a traité de la partie historique, de se montrer plus objec¬ 
tif ; il a déroulé en une large fresque, en raccourci, tout ce que 



— 358 — 


la croyance aux démons — car Satan traîne avec lui toute une 
cour diverse et capricieuse — a apporté dans la vie sociale de 
nos pères d’étrange et de pittoresque. Je dis en raccourci, car 
s'il est assez complet sur ce qui touche la législation ecclésias¬ 
tique et civile, il n’a pu qu'effleurer l’immense littérature sur 
les sorciers, le sabbat, lés incubes, les succubes, les appari* 
tiens diaboliques qui forment une bibliothèque considérable. 

De tout un fatras il a su dégager les éléments essentiels, 
Connait-il ce curieux meuble de sacristie du xvi® siècle qui 
se trouve au Musée de Cluny, dans une des salles de 
rez-de-chaussée où le diable « apparaît » avec son étrange 
et traditionnelle silhouette ? 11 lui eut suggéré de consacrer 
quelques pages à la place tenue par les apparitions du 
diable dans les drames, et les mystères du moyen âge par 
exemple, au lieu dé s’en tenir presque uniquement aux procès 
de sorcelleries pleins d’attrait pour l’avocat des flagellants de 
Bombon. Dans l’étude de ces procès il y aurait encore â glaner 
notamment en ce qui concerne la psychologie des juges, à 
côté de celle des prévenus. 

Pour l’étranger, je signale à M. G. un article de M.François 
Rousseau: Le merveilleux en Espagne au xvi“ et xvii'siècles, 
paru dans la Revue des questions historiques du 1“'’ juillet 1925, 
excellente étude sur cette question. On trouverait dans cer¬ 
tains Mémoires, par exemple, ceux de d’Argenson pour le 
xvin® siècle, un supplément précieux d’information. 

Quant aux théologiens, ils n’ont pas cessé de se préoccuper 
de la matière, et le Dictionnaire dé Théologie du P. d’Alès 
contient toute une abondante bibliographie sur ce sujet. 

Marcel Fosseyeux. 

Max NEUBORGBn. — Die Lehbb von der Heilkraft der 
Natur IM Wandel der Zeiten, — Stuttgart, Ferdinand Rnke, 
1926, in-8“, 212 p., 2 fig. dans le texte. 

Le Professeur Max Neuburger (de l’Université de Vienne) 
est le plus philosophe des historiens de la médecine. Personne 
n’est parvenu comme lui à s’assimiler les théories qui au èours 
des âges ont séduit,nos pères; personne comme lui ne sait 
démêler la filiation des doctrines.* 

Cette fois il a appliqué ses rares qualités à l’étude du natu¬ 
risme, l’un des plus grands parmi les problèmes qui se soien 
posés depuis qu'il y a des médecins et qui pensent, car du 
parti que prend l’homme de l’art dans ce débat, du fait qu’il 
admet ou qu’il rejette la vis naturae medicatrix, dépend sa 
conduite au chevet du malade. On peut dire que l’histoire du 



359 — 


naturisme est, en quelque sorte, l’histoire des principes direc¬ 
teurs de la médecine. 

L’auteur a collectionné les opinions des médecins sur la 
puissance curative de la nature, depuis Hippocrate, qu’on peut 
considérer comme le père du naturisme et Asclépiade, qui en 
fut le premier adversaire, jusqu’au milieu du xix® siècle' il a 
caractérisé les divers aspects adoptés 'pa,r le problème, à 
mesure que des observations nouvelles venaient accroître la 
somme des connaissances médicales. 

A la fin de son introduction il nous dit qu’une histoire cri¬ 
tique des idées et des faits relatifs à la doctrine des processus 
naturels de guérison, constituerait une œuvre capitale pour 
l’étude de la pensée et de l’activité médicales ; c’est cette œuvre 
.capitale qu’il a réussie. Df Ernest WiCKEnsHEisiER. 

Max Neuburgee. — DIe Medizin im Flavius Josephus. — 
Bad Reichenhall, Buckunst, s. d., in-8°, 74 p. 

Les écrits de Flavius Josèphe, né en l’an 37 de notre ère et 
mort au début du i®” siècle, n'ont guère été utilisés jusqu’ici 
pour l’histoire de la |médecine juive. 

Max Neuburger présente ici pour la première fois, sous un 
classement systématique, tous les passages relatifs à la méde¬ 
cine et à l’hygiène qui se trouvent dispersés dans les œuvres 
de ce chroniqueur, le plus célèbre des chroniqueurs d’Israël, 

Ce travail se divise en deux parties. La première corres¬ 
pond à la période biblique de l’histoire du peuple juif; comme 
la concordance n’est pas toujours parfaite entre Josèphe et les 
livres sacrés, elle ne fait pas double emploi avec les études sur 
la médecine dans la Bible, mais donne l’occasion d’ingénieux 
rapprochements avec celles-ci. La deuxième partie correspond 
a la période post-biblique ; il va sans dire que pour celle 
période, où les sources historiques sont fort maigres, le 
témoignage de Josèphe est jiarticulièreroent important. 

/ D*' Ernest Wickersheimer. 


Relevé biblioffrdpbique des travaux médico-bistoriques 
paras récemment dans les publications périodiques 

D' Mobisset. — Voyage autour de la mairie de Mayenne, 
Bulletin de la Commission historique et archéologique de la 
Mayenne, 2® S., t. 41, 1925, fasc. 146, p. 128 468. — De cet 
intéressant chapitre sur l’histoire ancienne de la médecine, de 



— 360 — 


la chirurgie et de la barberie au Bas-Maine, il convient- de 
retenir de curieux documents iconographiques ; effigie des 
trois saints guérisseurs, Côme, Damien et-Ursin, invoqués à 
la chapelle Saint-ürsin en Lignières-la-Doucelle, où jaillit la 
source de Saint-Ursin ; photographie de la trousse à trépana¬ 
tion .dite d’Ambroise Paré, conservée au Musée de Laval, et 
qui aurait appartenu à l’illustre chirurgien ; fac simile de lettres 
de maîtrise en chirurgie, ou de certificats de stage délivrés à 
des compagnons chirurgiens; enfin un rarissime cadran-solaire 
chirurgical, provenant du village de la Coutançais, en Saint- 
Ellier, gravé sur ardoise par René Couppel, sieur de Haute- 
ville, et représentant l’opération de la saignée, soulignée par 
cette inscription : Jean Jaillier, sieur de la Coutansais, 
M® Sirurgien, 1693. 

Docourtioux. Observations sur . la naissance de deux 
enfants venus à trois mois de distance, par Chifoliau, conseiller 
médecin ordinaire du Roi à Saint-Malo, Bull, et Mém. de la 
Soc. d’anthropologie de Paris, VII® S., t. V, fasc, 4-b-6, 
1924, p. 79-81 ; Relation d’un cas curieux de superfétation 
observé en 1784-85 par Chifoliau. 

D’’ Pol Gossbt. Traitements des médecins et chirurgiens de 
l’Hôtel-Dieu de Reims aux XVID et XVIID siècles, Nouvelle 
Revue de Champagne et de Brie, 4® année, janv.-mars 1926, 
p. 30-43. — La population rémoise qui dépassait au xvii® siècle 
30.000 habitants, n’était plus en 1765 que de 22.254 âmes, 
mais elle remonta à 30.000 au moment de la Révolution. 
L’Hôtel-Dieu qui la desservait recevait d’ailleurs par surcroît 
de nombreux blessés, en cas de guerre ; et des contagieux ou 
affamés, lors des épidémies ou famines. Les médecins, nom¬ 
més pour une période indéterminée, étaient d’abord au nombre 
de deux ; . parfois flanqués de deux survivanciers, tels Le 
Comper fils et Josnet fils. En 1765, l’Administration décida 
d’employer quatre docteurs à la présentation de la Faculté; 
en 1773, deux seulement; il n’y avait pas de suppléants offi¬ 
ciels, et le titulaire empêché rétribuait un remplaçant de son 
choix. Le service était assuré par roulement mensuel, sauf 
exigence des , événements. Le traitement, de 22 H- 10 s. au 
début du XVII® s., fut ultérieurement porté à 30 //■ (1611), 40, 
50 et 60 H- (1619), puis ramené à 40 ff, sauf indemnités ou 
gratifications supplémentaires à l’occasion des épidémies. 
En 1645, le doyen des médecins fut appointé à 100 y/-, son 
confrère k 75 -ff- les honoraires atteignent 200 -ff en 1750, 
300 # pour les deux anciens en 1765, et 100 -H- pour les nou- 



361 — 


veaux ; en 1773, chacun des deux médecins reçoit 400 -fi- pour 
son semestre, soit, au taux du franc-papier actuel (0 fr. 25), 
3.200 francs. Le service chirurgical était assuré d’abord par 
un, puis (1750)j deux titulaires, nommés à titre indéfini, et 
travaillant alternativement par trimestre ; ce praticien faisait 
deux visites par jour, fournissant à ses frais les huiles et 
onguents, assumant l’exécution des saignées, voire l’office de 
barberie, dont il se déchargeait d’ailleurs à l’occasion sur 
quelque opérateur bénévole. Il lui était prescrit d’habiter au 
voisinage de l’Hôtel-Dieu ; Lebrun fut révoqué en 1693 pour 
avoir contrevenu à cette obligation. De temps à autre, on 
employait pour la taille ou les opérations oculaires un opéra¬ 
teur itinérant ; un spécialiste, de la Ruelle, fut même engagé 
à demeure en 1613, mais le poste fut supprimé en 1620 par 
raison- d’économie. Le chirurgien touchait en 1647, 200 //■ 
par an ; en 1711, 300 ; en 1734, 400 -ff-. A partir de 1750, 

chacun des deux chirurgiens touche 200 H- ; en 1753, 250 •//• ; 
en 1764, 400 //•, plus, à partir de 1787, une pension ultérieure 
de 200 if- après 15 ans de services. Les 400 # de 1789 équi¬ 
valaient donc à 4.800 francs-papier pour six mois. En sus, il 
y avait des gratifications supplémentaires soit en nature 
(10 setiers de seigle; ration de pain et de viande), soit en 
argent (après les batailles de Rocroi et de Senef.) Une liste 
complète des médecins et chirurgiens de l’Hôtel-Dieu de 
Reims de 1613 à 1799 termine cet intéressant travail. 

R. VAN DER Elst. Les origines de Vopopsychotérapie\ un pré¬ 
curseur : Galien de Pergame 131-200. — Presse médicale 
n“ 12, 10 fév. 1926, p. 187-188. — Il y a bien longtemps que, 
du domaine médical ou scolastique des expressions tirées de 
l'endocrinisme ont passé dans le langage courant : si la théorie 
des quatre humeurs et des tempéraments comportait des con¬ 
séquences psychologiques dont les vieux auteurs ont longue¬ 
ment traité, je public lui-même, en parlant des gens bilieux, 
flegmatiques ou splénétiques, faisait, sans le savoir, de l’en¬ 
docrinologie. Ces notions ont leur source principale dans les 
écrits de Galien: l’homme de Pergame « mérite le nom d’opo- 
thérapeùte pour avoir manié un grand nombre de glandes à 
sécrétion interne, et les glandes génitales en particulier, avec 
une notion certes rudimentaire, mais suffisante, de leur fonction 
endocrinienne... Le premier aussi, il a conçu l’influence des 
humeurs sur l'état du psychisme et c’est par cette voie qu’il 
est venu à l’opothérapie où ses erreurs de fait, comme on le, 
voit par l’exemple de la çate, n’ont eu pour cause que des 



— 362 — 


théories contestables et probablement préconçues... moins ses 
connaissances physiolofjjiques étaient avancées, et plus son 
mérite est grand d’avoir entrevu ces rapports entre notre 
psychisme et les fonctions de nos glandes. » 

M. Genty. Charles de Freycinet, Charles Robin et l’auto¬ 
nomie du Service de Santé, ibid., p. 304-307. — Délégué par 
Gambetta au ministère de la Guerre, en 1870, M. de Freycinet 
réorganisa non seulement les armées de la République, mais 
encore le Service de Santé. Ce qu’on sait moins, c’est que le 
service sanitaire, jusque là subordonné à l’Intendance, conquit 
alors son autonomie, et que le sous-directeur de la Commission 
spéciale fut un vieil histologiste à lunettes, Charles Robin î 
Nommé, par décret du 26 décembre 1870, Robin se montra 
« un incomparable directeur du Service de santé. » Renonçant 
à la partie comptabilité, qui continua d'être gérée par l’Inten¬ 
dance, il fit preuve de la plus grande activité dans l’organi¬ 
sation des hôpitaux, ambulances et trains d'évacuation ; et son 
plan fut assez bien étudié pour fournir les bases de l’organi¬ 
sation définitive du S.S. M., qui, ratifiée en 1876 par le Sénat 
sur le rapport de M. de Freycinet, fut consacrée par la loi du 
16 mars 1882. Le premier artisan de la révolution administra¬ 
tive qui condamna le système absurde où. les chirurgiens 
militaires étaient, selon le mot de son promoteur, régis par des 
chefs de bureau, c’est Robin ! Une lettre de Robin à CL Ber¬ 
nard, datée de Bordeaux le 4 mars 1871, donne quelques 
détails intéressants sur le rôle écrasant qu’il assuma pendant 
quelques mois, malgré son âge, le deuil de nos désastres, et la 
douleur de la perte de sa mère, morte en son absence ; et sur 
ses rencontres à Bordeaux, avec Littré et Berthelet. 

Paul Carkbtte, Le service des Aliénés de l’ancien Hôtel-Dieu 
de Paris. Progrès médical, n“ 8, 20 janv. 1926, p. 294-299.— 
Dèss l’origine, l’Hôtel-Dieu de Paris hébergea des aliénés ; on 
trouve mention en 1389 de quatre malades « en chartre » ; en 
1496, d’une religieuse « en frenaysie », Ils étaient soigneuse¬ 
ment ligottés, copieusement saignés, et, dans les intervalles 
propices, expédiés en pèlerinage à Saint-Mathurin de Lar- 
chant. En 1525, l’administration admet enfin le principe de 
l’isolement. Le 7 septembre 1660, un arrêt du Parlement de 
Paris allecte officiellement une partie de l’Hôtel-Diejï aux alié¬ 
nés, pour lesquels on construit, au début du xviii* siècle, sur 
lePont-au-Double, des salles particulières. Mais la place était 
encore trop mesurée : les salles Saint-Louis et Sainte-Gene¬ 
viève pouvaient renfermer au maximum 74 patients, et encore 



— 363 -- 


grâce à des merveilles de compression ; de chambres d’isole¬ 
ment. point ; les agités étaient maintenus par des liens ou mis 
dans des lits clos « à deux fenestres pour veoir et donner ». 
La thérapeutique n’était pas seulement compressive et répres¬ 
sive, ; et la médecine agissante trouvait là de quoi s’exercer. 
D’après les préceptes des Docteurs Colombier et Doublet, 
les maniaques et frénétiques étaient d’abord saignés, purgés, 
baignés ; puis imbibés de boissons tempérantes, fondan¬ 
tes, humectantes; abreuvés d’opium ; on leur appliquait des 
cautères ; on leur inoculait la gale à titre de révulsif ! (Ne 
riez pas : les thérapeutes modernes n’ont-ils pas vanté 
l’inoculation du paludisme ou de la fièvre récurrente aux 
paralytiques généraux ?) Les convalescents étaient soumis 
au régime des bains froids, des purgations lénitives, du 
lait, des sucs anliscorbutiques. Rebelles, ils tâtaient encore 
du musc, du camphre, des narcotiques, voire de l’électrothé- 
rapie ', et, considérés comme incurables au bout de trois mois, 
se voyaient diriger sur les Petites Maisons, Bicêtre ou la Sal¬ 
pêtrière. Mais la réputation de l’établissement attirait plus de 
malades qu’il n’^en pouvait contenir : il en fallait trop souvent 
placer dans les salles voisines, par exemple à Sainte-Martine, 
au milieu des fiévreux. Bicêtre, engorgé, refusait d’admettre 
les noüveaux pensionnaires qu’on lui proposait. Une réorgani¬ 
sation s’imposait : le 31 janvier 1787. on décida d’agrandir la 
salle Saint-Louis, en attendant que le projet de Tenon.— 
deux cents lits d.’aliénés aigus à Sainte-Anne -r fût exécuté. La 
Révolution interrompit ces travaux ; et les fous furent internés 
directement à Bicêtre et à la Salpétrière. Le 27 mars 1802, le 
gouvernement défendit d’en recevoir à rHôtel-Dieu ; les folles 
furent mises à la Salpêtrière, les fous à Gharenton. La spécia¬ 
lisation, ébauchée depuis le xvnP siècle était désormais consa¬ 
crée. Nos devanciers n’étaient donc pas si sots que l’avancent 
« l’ignorance et le parti-pris ; » les études récentes de Libert 
et Sérieux ont démontré que l’ancien régime avait déjà préco¬ 
nisé et appliqué maintes solutions comme celle de l’Asile-pri¬ 
son, que notre législation moderne s’obstine à ignorer. La 
thérapeutique de l’aliénation ne date pas de Pinel, comme le 
prétend là légende : ce grand homme a simplement réagi co.n-, 
tre la polypharmacie, et substitué à la méthode agissante la 
médecine expectante, et ce « traitement moral s de la folie, qui 
servira de thème aux médecins-philosophes de la Restauration 
et du règne de Louis-Philippe, 

Lenoumand, Eloge de Gustave et Charles Monod, Presse 




— 364 —■ 


médicale, n“ 17, 27 février 1926, p. 267-270. — A la fin du 
_ XVI® siècle, Jacques Monod quitta son pays de Gex, que le roi 
Henri IV venait de rattacher à la couronne de France, et s’éta¬ 
blit aux rives du Lémanj Un de ses descendants, Gaspard Joël, 
fils de David Bernard, d'abord pasteur à la Guadeloupe, puis 
en Angleterre, revint à Genève, où un fils lui naquit, qui s’ap¬ 
pelait Jean. Jean Monod fit ses études théologiques à la Faculté 
de Genève ; consacré pasteur en 1787, il voyagea en Russie, 
en Suède, en Danemark, et c’est à Copenhague qu’il connut 
celle qui devait, en 1793, devenir son épouse: Louise de 
Conink. Le jeune ménage revint en Suisse, à Morges, puis 
regagna le Danemark où Jean Monod fut, pendant quatorze 
ans, pasteur de l’Eglise française réformée de Copenhague. 
C’est là que vit le jour le 30 décembre 1803, Gustave Monod, 
le futur chirurgien. Jean Monod ayant été appelé, en 1808, à 
l’église réformée de Paris, son fils y commença ses études 
médicales. Lorsqu’il n’avait que dix ans, le D'' Gall, palpant 
son crâne, y avait découvert la bosse du meurtre ! Prédiction 
relativement exacte : Gustave Monod se fît chirurgien. D’abord 
préparateur de Velpeau, interne provisoire (1824), puis titu¬ 
laire (1825) des hôpitaux de Paris, il fut élève de Richelot 
père, de Cloquet, et du terrible Dupuytren avec lequel il eut 
maille à partir ; mais le huguenot, têtu, eut le dernier mot. 
Aide d’anatomie (1828), prosecteur (1830), docteur (en méde¬ 
cine et chirurgien du Bureau central (1831), agrégé (1832), il 
passa presque toute sa carrière à la Maison Dubois, qu’il 
n’abandonna qu’en 1860, lors de sa retraite. Il s’était fait 
remarquer par Son dévouement lors de l’épidémie cholérique 
de 1832, des journées de juin 1848, et, pendant l'année ter¬ 
rible, à l’ambulance protestante du collège Chaptal. Il mourut 
le 16 décembre 1890, laissant à son fils, Charles Monod, le 
noble héritage d’une gloire, qui ne déchut point. 

Né le 26 septembre 1843, Charles Monod fut reçu profes¬ 
seur agrégé'en 1875, chirurgien des hôpitaux en 1877, entra à 
la Société de chirurgie dont son père avait été l’un des fonda¬ 
teurs, puis à l’Académie de médecine (1895), qu’il présida en 
1916. Il avait connu, en 1870-71, aux côtés de son maître 
Broca, les horreurs du siège et de la Commune. Il se dévoua 
derechef pendant les heures tragiques de 1914-18, et'c’est « le 
31 mars 1921 [que] ce grand cœur, qui s’était tant donné, ces¬ 
sait de battre, brusquement, dans une syncope ». Il avait 
hérité ces sentiments de droiture morale, de probité scienti¬ 
fique, de modestie, de respect de soi et d’autrui, de rigidité 
témpérée de bonté exquise, et de désintéressement, qui étaient 



— 365 — 


le noble apanage de sa famille, et, en le voyant « avec sa haute 
taille, sa figure pensive, un peu sévère, son regard très doux,.., 
on ne pouvait s’empêcher de songer aux grands huguenots du 
XVI" siècle, ses ancêtres, à Coligny, à Ambroise Paré ». Il faut 
lire, et relire les pages que lui a consacrées Lenormand. II est 
bon et nécessaire que l’on publie les annales de pareilles 
lignées : <i Quoi qu’en disent nos ennemis, et parfois aussi 
certains de nos amis, la France n’est pas faite de la poignée 
de brasseurs d’aifaires, de politiciens et de métèques qui s’agi¬ 
tent bruyamment de la Bourse au Palais-Bourbon, et des bou¬ 
levards à Montmartre. La vraie France, ce sont nos paysans, 
laboureurs entêtés et soldats héroïques ; ce sont nos artisans 
peinant sur la besogne journalière, c’est cette bourgeoisie 
éprise d’idéal et d’intelligence, qui, comme l’ont fait les Monod, 
a su servir dignement dans toutes les branches de l’activité 
sociale et conserver intact le patrimoine des vertus tradition¬ 
nelles de la race ». 

3 . 

Pol Gosset. — L’hôpiial des Cancérês, fondation du cha¬ 
noine Godmot (1740), Union médicale du Nord-Est, 1926, n"2, 
février, p. 17-26. — Depuis 1647, la ville de Reims possédait 
un hôpital de scrofuleux, Saint-Marcoul ; au début du xviu" siè¬ 
cle., M. Malllefer olfrit à l’établissement une certaine somme 
pour qu’on y soignât aussi^les cancéreux ; mais sa demande 
ayant été mal accueillie, il y renonça. Ce projet fut repris en 
1738 par. le chanoine Godinot, vicaire général de l’abbaye 
Saint-Nicaise, qui proposa aux administrateurs de Saint-Mar¬ 
coul une somme de 14000 ■//•, pour fonder à -perpétuité deux 
lits à l'usage de cancéreux originaires de Reims. Mais le Fisc 
avait déjà de'formidables appétits : et M" Godinot ayant porté 
son offre à 25000 -ff- il lui fut objecté que les droits seigneu¬ 
riaux, frais d’amortissement au Roi, de vente, droit, quittance, 
contrat, contrôle, insinuation, etc., absorberaient au moins 
11.295 H-, d’où un reliquat disponible de 13.705 -H-, à 3 */„, 
soit 400 # de revenu annuel, somme encore insuffisante. Le 
bon chanoine fit alors cadeau de la somme à l'Hôtel-Dieu ; le 
Bureau l’accepta) le 25 août 1740, et affecta au nouvel hôpi¬ 
tal des Cancérés une maison qu’il possédait au, bour^ Saint- 
Denis. Malgré les protestations des riverains, qui avaient peur 
de la contagion, l'immeuble fut approprié à sa destination 
'tiouvelle ; on y créa par la suite une chapelle qui fut bénite 
le 10 avril 1751, par M“ Hachette, vicaire-général de Mgr de 
Rohan. En 1778, les cancérés furent transférés hors les murs, 
à la Buerie, ancienne buanderie de l’Hôtel-Dieu, derrière la 



croix des pestiférés. En 1841, la Co'mmission des hospices 
détacha cet établissement connu sous le nom d’hôpital Saint- 
Louis, de la juridiction de l’Hôtel-Dieu, et l’annexa à l’hôpital 
Saint-Marcoul, devenu hospice Noël-Caqué. Il en fut ainsi 
jusqu’en 1914. Aujourd'hui, la ville de Reims est dotée d’un 
nouveau Centre de traitement anti-cancéreux. 

J. Noir. Marin Cureau de la Chambre (1594-1669), Con¬ 
cours médical, 48® année, n“ 8 bis, 24 février 1926, p. 507- 
510. —Ôn sait que Marin Cureau, sieur de la Chambre, méde¬ 
cin du chancelier Séguîer, puis (1650) médecin ordinaire du 
Roi, entra, le 2 janvier 1635, à l’Académie Française. M. Noir 
lui consacre une notice assez mal documentée, puisqu’ou- 
blieuse des travaux fondamentaux de H. Chardon et de R. 
Kerviler sur les Cureau, et entachée de quelques erreurs : 
Cureau n’était pas né au Mans, en 1594, mais, comme l’abbé 
Coutard l’a démontré, à Saint-Jean-d’Assé en 1596. D’autre 
part, il n’était pas docteur de la Faculté de Paris ; il prit le 
bonnet en quelque Faculté de prbvince, et figure comme tel 
au catalogue des médecins provinciaux groupés par Ch. de 
Saint-Germain (la future Chambre royale), sur la liste inscrite 
aux registres du Grand Conseil à la date du 14 mai 1669 (Arch. 
nat., v» 1238, P 293, v”). 

D® Morisset. Voyage autour de la mairie de Mayenne, Bull, 
de la Commission hist. et arçhéol. de la Mayenne, 2® S., T. 
XLl, 1925, fasc. 107, p. 211-243. — Où il est parlé des char¬ 
latans ambulants, des apothicaires mayennais, et de leurs par¬ 
ties, des honoraires médico-chirurgicaux, de la bibliothèque 
et des mœurs de MM. les médecins, et des stations hydro-mi¬ 
nérales mayennaisés ! Pour la Fontaine rouillée de Niort, fut 
"créé un office d’intendant dont les D''® Le Roÿ des Barres, de 
Villaines, et Autin,de Mayenne, furent les titulaires successifs ; 
et l’inspecteur des eaux minérales de Bagnoles-de-l'Orne, alors 
conseillées contre les rhumatismes, était le D® Piette de Mont- 
foucault, de Lassay, lequel, âgé de 92 ans, se rendait à cheval 
à la station ! ,- 

, Tric^t-Royer. La Bibliothèque de Vopiscus Fortunatus Plem- 
piiis, professeur de médecine aux-vii® siècle (Extr. du Recueil 
des Mémoires couronnés et autres mémoires de l’Académie 
royale de Médecine de Belgique, T, XXII), Bruxelles, Impr.. 
Gœraare, 1925, 112 p. in-S”. — Né à Amsterdam, Plempius 
étudia successivement à Gand, à Louvain, à Leyde (1620), à 
Padoue, puis à Bologne où il fut reçu docteur en 1623, à l’âge de 
22 ans. Après avoir exercé pendant dix ans à Amsterdam, il fut 



^ 367 ^ 


nommé professer regius à- Louvain, et professeur du Collège 
de Brueghel, qu’il abandonna en 1650 pour se marier avec 
Anne Marie van Dive. Quatre fois promu à la dignité de Rec¬ 
teur magnifique de l’üniversité de Louvain, il y mourut le 
12 décembre 1671. Plempius, qui a énormément travaillé et 
beaucoup publié, possédait une riche bibliothèque, qui fut 
vendue à sà mort. Notre savant collègue Tricot Royer en a 
retrouvé le cat.ilogue, qu’il publie en précisant les indications 
bibliographiques ; et les 1074 ouvrages qui y figurent, dont 
768 ouvrages médicaux, donnent une idée de ce que pouvait 
être, au xvii' siècle, le cabinet d’un médecin érudit. 

Thicot-Royer. La visite médico-historique de Bruges (Extr. 
de Bruxelles médical, n" 21, 21 mars 1926) (Bruxelles). Impr. 
médicale, 18 p. 10-8®, — Si, pèlerin de l’histoire médicale, 
vous parcourez les quais de Bruges ; si vous voulez savoir ce 
qu’y furent autrefois, l’hygiène urbaine, la lutte anti-épidé- 
mique, l’organisation médicale, et nosocomiale ; ou si, fervent 
de l’art, vous voulez rechercher, parmi les trésors du musée 
Meraling, les documents iconographiques relatifs à la patho¬ 
logie d’anlan, emportez cette «brochure, écrite par un amou¬ 
reux du passé. Le touriste pourvu d’un ^el guide ne pourra 
plus dire, comme le vieil empereur rom’ain : « J’ai perdu ma 
journée. » 

D''MAnÈVRE. Les querelles de Jean Riolan le fils, Médicina, 
n” 1, 1926, p. 24. — Orgueilleux, opiniâtre, tranchant, « fort 
mordant naturellement», disait Guy Patin, aimantla querelle, 
et la provoquant au besoin, Jean Riolan le fils batailla toute sa 
vie. Il attaquait avant même d’être reçu docteur, les alchi¬ 
mistes, et Turquet et du Chesne. Plus tard, Pecquet, dont la 
citerne bouleversait « la structure et la composition» offi¬ 
cielles du corps humain; Harvey, plus dangereux encore pour 
la physiologie classique, furent en butte à ses coups. Mais sa 
plus grande polémique fut celle qu’ü mena contre le chirur¬ 
gien H abicot. Des carriers ayant déterré en 1613, auprès de 
Romans, une salamandre fossile, un sieur Tissot y voulut 
voir les ossements du fameux géant 'Teutobochus, roi des 
Cimbres, défait par le consul Marius 150 ans avant notre ère. 
Le roi, curieux de contempler ces débris, les fit transporter à 
Paris ; et Habicot écrivit une Giganiostéologie, dédiée à Louis 
XIII, et dans laquelle il prétendait prouver l’authenticité des 
restes du roi des Cimbres ! C’était, pour un barbier, beaucoup 
d’audace : et l'on vit bientôt paraître, à .l’encontre, une ano¬ 
nyme Gigantomachie, dans laquelle le public reconnut la 



— 368 — 

plume de Riolan, Alors, gens de Saint-Côme et de Saint-Luc 
d’entrer en lice : à la Gigantomachie, répond la Monomachie 
d’un compagnon chirurgien ; à quoi Riolan riposte par Vlm- 
posture découverte^ qui lui attire un Discours apologétique de 
Guillemeau, lequel provoque une iîesponse deHabicot, laquelle 
motive un Jugement des Ombres d’Héracüte et de Démocrite^ et 
une correction fraternelle où Riolan le traite de « péché mortel 
vivant sous une forme humaine », de baudet, de hibou et de 
zoophyte ! La querelle se termina enfin par une Gigantologie 
dudit Riolan, et une Antigigantologie de Habicot. Riolan décla¬ 
rait que les os de Teutobochus étaient ceux d’un animal, ce 
qui est vrai ; mais il l’étiquetait éléphant ou baleine, ce qui 
prouve que l’illustre auteur de l'Anatome corporis Iiumani 
n’était pas de première force en anatomie comparée. 

J.Mollahd. Le Docteur Eugène Vincent, Bull, de la Soc. 
médicale de Saint-Luc, Saint Côme, Saint-Damien, mars 1926, 
p. 65-69 (portr.). — Eugène Vincent, né le 17 août 1843, doc¬ 
teur en médecine en 1876, chef de clinique d’Ollier, en 1877, 
agrégé de chirurgie et d’obstétrique (1878), chirurgien major 
de la Charité de Lyon (1880),estanort le 27 février 1926,à Lyon, 
après une vie toute de labeur et de dévouement. Malgré ses 
71 ans, il avait assumé en 1914 les fonctions de médecin-chef 
de l’hôpital auxiliaire n" 2 de la S. B. M., ce qui lui valut, en 
1921, la croix de la Légion d’honneur. Catholique militant, il 
fut un des créateurs de la Société Saint-Luc dont il étendit 
l’action dans le Dauphiné et la Suisse. Il a laissé de nombreux 
travaux, parmi lesquels l’historien doit noter une étude sur la 
Médecine chinoise au xx“ siècle (1915). 

E, Rolants, Notes sur thistoire médicale de Lille et de la 
région, l’état sanitaire de Lille en 1832, Lille Impr. centrale 
du Nord, 1926,39 p., in-S®. (Extr. de l’Echo médical du Nord). 
— Tableau fidèle, mais peu flatté, .de l’hygiène urbaine à Lille 
au moment où le choléra.de 1832 allait y semer la panique > et 
d’autant plus précieux que les archives communales, où l’au¬ 
teur avait pris ses notes en temps utile, ont été anéanties par 
l’incendie de l’Hôtel de ville, en avril 1916. 


Le Secrétaii^e général, Gérant, 
Marcel Fossbybux. 



CHRONIQUE DE LA SOCIÉTÉ 


Séance du 13 novembre 1926. 


Présidence de M. le Df Laignel-Lavastine. 

Etaient présents: MM. Avalon, Basmadjian, Bar- 
billion, R. Bénard, Bérillon, Çrodier, Bugiel, R. Char¬ 
pentier, Delaunay, Dorveaux, Fialon, Fosseyeux, 
Guelliot, Hervé, Klebs, Lanselle, Mauclaire, Mene- 
trier, Nathan, Neveu, Olivier, F. Régnault, Semelai- 
gne,' Sevilla, Sieur, Torkomian, Valensi, Vinchon. 

Dons au Musée. — M. le D'' Semelaigne fait don au 
Musée de la Société des portraits de Pinel, Esquirol, 
Ferrus, William Tuck. 

Présentation d'ouvrages. — M. le Pf Mènetrier 
offre la 2® édition de son magistral ouvrage sur le 
Cancer., sa communication à l’Académie de Médecine 
(Bulletin du 23 février 1926) sur la fréquence du can¬ 
cer à Paris, il y a cent ans et aujourd’hui, enfin le 
n® du 15 octobre 1926 de la Semaine des Hôpitaux de 
Paris où se trouvent des articles consacrés à l’Hôtel- 
Dieu par lui-même, à l’hôpital Laennec, par M. le D'' 
Laignel-Lavastine' (M. Meneti-ier met en doute l’au¬ 
thenticité du portrait de Laennec, fig. 8 de l’article). 

M. le D® Laignel-Lavastine commente le remarqua¬ 
ble ouvrage du D’’ Paul Richer, Le nu dans Vart grec., 
formant le tome V de sa Nouvelle Anatomie artistique. 

lyi. le D’’ M. Nathan offre et résum'e la brochure du D' 
Gelma,de Strasbourg, sur médecine vue par Lucrèce. 

M, Fosseyeux rend compte du volume de M. le 'D® 
Vinchon et Maurice Garçon sur Diable, é\.\ià.e his¬ 
torique et médicale. 


— ,370 — 


Candidats présentés : 

MM. Howyan (Doctoresse Hermine), 135, rue Fal- 
guière, par MM. Torkomian et Hervé ; 

Vallée (?■■ Arthur), Secrétaire de la Faculté de 
médecine de l’Université Laval, 22, rue Sainte-Anne, 
Québec. 

M. le Secrétaire Général rend compte, des fêtes du 
cinquantenaire de l’Ecole d’Anthropologie à l’occa- 
,sion desquelles M. le D'' Hervé a été promu officier 
de l’Ordre de Léopold de Belgique. 

Conimunicatidns : 

M. le D'' Delaunay retrace la carrière du médecin 
sarthois Beunaiche la Corbière^ qui évolue dans le 
milieu brousaissien et phrénologiste de la première 
moitié du xix° siècle, dont l’étude est curieuse à plus 
d’un titre. Son travail soulève diverses remarques de 
MM. Menetrier, Vinchon, Fosseyeux. 

M. le D*' Torkomian lit une étude sur le premier 
étudiant arménien de la Faculté de Paris (il s’agit 
de Pascal Ballian 1823-1851) et Venseignement de la 
médecine en langue française en Orient : il rappelle 
notamment que les cours ont eu lieu en français à 
l’Ecole de Médecine de Péra.de sa fondation en 1838 
jusqu’en 1870 ; le désir qu’il exprime pour le retour 
à ,cet ordre de choses ést malheureusement plato¬ 
nique à la suite du rejet de vœux déjà présentés en ce 
sens aux récents congrès internationaux d’histoire 
de la Médecine- 

M. le.D'' Laignel-Lavastine enfin résume son article 
sur le sympathique et l'âme végétative, qui donne lieu 
à des remarques d’ordre historique et philosophique 
de la part de MM. Menetrier, Vinchon, et Delaunay, 

Banquet. — M. le D'’ Laignel Lavastine annonce 
que le banquet annuel de la Société française et de la 
Société internationale aura lieu le 8 janvier 1927, au 
cercle de la Renaissance. 

La séance est levée à 6 h. 3/4. 



— 371 — 


ASSEMBLÉE &ENERALE DU 4 DÉCEMBRE 1926 

Présidence de M. lé D'' Laignel-Layastine. 

Etaient présents : MM. Barbé, Basmadjiân, Barbil- 
lion, R. Bénard, Brodier, Boulanger, Bugiel, R. Char¬ 
pentier, Dardel,Degiiéret,Dorveaux,Finot, Fosseyeux, 
Hervé, Leri, Mauclaire, Menetrier, Molinéry, Mousson- 
Lana Lize,Neveu, Récamier, Semelaigne, Sieur,Terson, 
Toi'komian, Valensi,Vai’iot, Vinchon,Weisgèrber. 

Vote. —L’ordre du jour appellele vote annuel pour le 
renouvellement du Bureau : 58 voix,tant à la séance que- 
par correspondance, ont ainsi fixé le Bureau pour 1927: 

Président-. M. le D'' Laignel-Lavastine. 

Vice-Présidents : M. le Médecin inspecteur général 
Sieur et le D'' Barbillion. 

Secrétaire Général: M. Marcel Fosseyeux. 

Secrétaires: MM.les D" Lucien Hahn et JeanVinchon. 

7’/-eAO/’je/'; M. Boulanger-Dausse. 

Archiviste-Bibliothécaire : M. le D''Raymond Neveu. 

Conseil. — (Tiers renouvelable en 1926) : MM.' les 
docteurs P. Delaunay, H. Sevilla et Mauclaire; en 
l’emplacement de M. le D'' Thibierge, décédé, M. le 
D'' Semelaigne. 

Candidats présentés : 

MM.Bologa (D''Valériu L.), assistant de la Faculté 
de médecine, 10, Galea Rabovei, Gluj (Roumanie), 
par MM.Guiart et Laignel-Lavastine ; , 

Papillault (D'‘g.), attaché au laboratoire d’anthro¬ 
pologie, 2“% avenue Frochot (9®), par MM.,Laignel- 
Lavastine et Hervé. 

Présentation d'ouvrages. — M. Laignel-Lavastine 
présente un élégant volume du D'' Léon Vaian, méde¬ 
cin de l’hôpital Garitas, de Bucarest : Exercii practici 
de Àuscultatiune, que l’auteur a fait paraître à l’occa¬ 
sion du centenaire de la première édition du Traité 
de l'Auscultation médiate de Laennec. 



— 372 — 

Ce livre de Vaian contient d’excellentes pages sur 
Laennec, ses idées, ses découvertes, ses méthodes 
anatomo-cliniques. Cet hommage de la médecine 
roumaine à Laennec dès 1819 méritait d’être rappelé. 

Dons. — Le D'' G. Hervé fait don au musée de la 
Société d’un microscope de modèle ancien, construit 
à Paris par Lerebours, et qui est celui ayant servi 
aux premières recherches micrographiques du célè¬ 
bre epibryologiste Edouard-Gérard Balbiani (1823- 
1899), collaborateur de Claude Bernard et titulaire, 
de 1874 à'1899, de la Chaire d’Embryogénie compa¬ 
rée du Collège de France (1), 

Communications : 

M. le D"" Hervé continue l’exposé qu’il a entrepris 
en collaboration avec M. L. de-Quàtrefages sur 
Armand de Quatrefages., médecin, zoologiste, anthro¬ 
pologue (1810-1892). 

M. le D'' Busqüet, bibliothécaire de l’Académie de 
Médecine, présente une notice sur Ze5 origines de 
f Académie de médecine ; recherchant les antécédents 
avant son existence légale en 1820, il rappelle que 
l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 mars 1731 pris sur 
l’initiative de Chirac, avait réglé la discipline et la 
police des trois corps de la médecine ; ce plan d’or¬ 
ganisation fut repris en 1776 par la Société royale de 
médecine, supprimée en 1793 ; quant à la Société 
académique des chirurgiens de Paris créée en 1731, 
elle devint en 1748 l’Académie royale de chirurgie, 
et fut également supprimée par la loi du 8 août 1793. 
Cette communication fort intéressante est suivie 
d’une discussion avec M. le P*^ Menetrier. M. Mau- 
claire rappelle 'que l’historique des origines de la 
première Académie de Médecine (1804-1819) a déjà 
été fait en détail jar M, le D” R. Pichevin [Bull. Soc. 
Hist. Méd., 1913, p. 196-231) et qu’il y a lieu de s’y 
référer. 

(11 Voir notice biographique, par L. F. HEWfjJECUY, Arch. d'Ânat. mi¬ 
croscopique, t. IIl. 



373 — 


LE PREMIER ÉTUDIANT ARMÉNIEN DE LA FACULTÉ 
DE MÉDECINE DE PARIS. 

L’Enseignement de la Médecine en langue française en Orient. 

e*ar le V. XOttKOMIAIV. 


Au mois de novembre 1851, on conduisait à sa der¬ 
nière demeure, un jeune étudiant en médecine, lequel 
à la veille de préparer sa thèse de Doctorat, avait suc¬ 
combé des suites d’une affection pulmonaire; il avait 
été le premier élève arménien ofhciellement inscrit 
à la Faculté de Médecine de Paris; il -s’appelait Pas¬ 
cal (Harouthioun) Ballian. 

Il est vrai que la vie de cet étjyidiant mort à la fleur 
de l'âge'ne présente aucune particularité intéressant 
l’histoire de la médecine; toutefois, son souvenir 
reste inséparable du début de l’orientation du Corps 
médical arménien vers l’Ecole française. C’est pour¬ 
quoi, en tête de cette communication j’ai tenu à citer 
le nom de Pascal Ballian, disparu il y a exactement 
soixante-quinze ans. 

Jusqu’au commencement du xix° siècle, les méde¬ 
cins arméniens dûment diplôinés sortaient des Uni¬ 
versités les plus réputées de l’Italie, de Padouéj 
Bologne, Pise, Naples, etc. La vogue de la Méde¬ 
cine italienne chez les arméniens tenait peut-être à 
l’influence que l’importante colonie arménienne for- • 
mée en Italie du xvii” au xviii“ siècle, ainsi que la 
Congrégation arménienne des Méchitharistes éta¬ 
blie à Venise, exerçaient sur l’éducation de toute la 
nation. 

Cependant du jour où l’art de l’auscultation fut créé 
Dul.Soc.UUt.Méd., t. XX, n- 11-12 (nov.-déo. 1926). 



374 — 


par l’immortel Laennec, un élan soudain poussa les 
médecins arméniens vers la France, et ce fut pour 
nous le point de départ d’une ère nouvelle, ainsi que 
je l’ai déjà montré dans un travail que j’ai eu l’hon¬ 
neur de communiquer au deuxième Congrès interna¬ 
tional d’histoire de la Médecine. 


En août 1830, quatre ans après la mort de Laennec, 
un arménien, Paul Chachian, promu docteur d,e la 
Faculté de Médecine de Padoue, entreprenait un 
voyage en France, sur les instances de son père, 
Manuel Chachian, médecin diplômé de Naples et très 
réputé à Constantinople. Le but de ce voyage était 
d’apprendre l’art de l’auscültation qu’ignorait son 
père, ainsi que tous les médecins exerçant alors dans 
la capitale de la Turquie. 

Arrivé à Paris, le jeune docteur P. Chachian, suivit 
pendant plus de deux ans, les leçons des maîtres 
dans les hôpitaux, s’initia à la technique de l’auscul¬ 
tation, et vers 1834" rentra à Constantinople, où il 
devint le promoteur de la nouvelle méthode; il ensei¬ 
gna celle-ci d’abord à son père ^ et dans la suite à 
quelques autres médecins. 

Ainsi donc, grâce à la découverte de Laennec, un 
premier mouvement s’effectuait parmi les Arméniens 
vers la médecine française ; c’est depuis cette époque, 
que la plupart des étudiants arméniens se dirigent 
vers la Faculté de Médecine de Paris. • 

Paul Chachian fut immédiatement suivi en France 
de deux autres jeunes arméniens, qui,’vei’s la fin de 
1834, vinrent à Paris pour des études médicales : 
Séropé Vitchénian et Gaspard Sinapian, originaires 
de Constantinople. 

C’est dans un voilier quq s’effectua leur voyage 
jusqu’à Marseille; la traversée fut des plus pénibles 
et longue; aussi, à peine arrivés à Paris, les deux 
jeunes gens se virent-ils foj’cés de s’aliter, le premier 
atteint d’une hémoptysie, et l'autre d’une albumi¬ 
nurie ; le professeur Chomel appelé en consultation, 



— 375 — 

leur conàeilla de quitter la France, pour rentrer dans 
leur pays natal. 

Pourtant, une fois rétablis, nos étudiants au lieu 
de suivre les conseils du professeur Chomel se rendi¬ 
rent à Pise, en Italie, où le climat doux et tempéré 
eut une excellente influence sur leur santé ; aussi se 
décidèrent-ils à demeurer dans cette ville pour y 
suivre les cours de la Faculté de.Médecine. 

Munis de leur diplôme de doctorat vers 1840, ils 
revinrent à Paris pour se perfectionner dans diffé¬ 
rentes branches de la médecine Fl’un d’eux, Gaspard 
Sinapian, obtint en 1843 la faveur de prendre toutes 
ses inscriptions, de subir les éxamens de doctorat, et 
le 26 août de la même année, de soutenir devant la 
Faculté sa thèse écïite sur VAlbuminurie^ vcidla^àie 
dont lui-même était atteint dès le début de ses études, 
et dont il a souffert durant toute sa vie. 

C’est à peu près à la même époque, que le jeune 
Ballian fut envoyé à Paris, pour y apprendre la méde-* 
cine; il était né en i823 à .Constantinople, où il avait 
fait ses études antérieures. 

Arrivé à Paris, il se vit obligé de suivre des cours 
préparatoires, et ce n’est qu’en 1842 qu’il prit sa pr'e-? 
mière inscription et devint ainsi le premier élève 
arménien régulier de la Faculté de Médecine (1). 

Il en suivit assidûment les cours, il subit avec 
succès tous les examens, et au moment où il s’apprê¬ 
tait à écrire sa thèse de doctorat, une très grave 
maladie des poumons, le condamna ; Ballian mourut 
le 20 novembre 1851, après trois années de souf¬ 
frances. Il fut inhumé au Père-Lachaise, où on Voit 
encore le tombeau qui lui a é^té érigé par son frère. 

(1) A la même époque, un jeune arménien de Constantinople, nommé 
Jean Sinaniau prenait sa première inscription à l'Ecole de Pharmacie 
de Paris ; il fut nommé en 1846, interne des Hôpitaux en Pharmacie, et 
vers la fin de son internat il mourut à l'âge de 28 ans, d’une maladie 
des poumonsî 

Je dois ces renseignements à l’obligeance de M. le Secrétaire de la 
Faculté de Pharmacie et de M. l’Archiviste de l’Assistance publique de 
Paris, auxquels je tiens h adresser mes vifs remerciements. 

D' V. T. 



— 376 — 

La pierre porte, en français et en arménien, l’ins¬ 
cription suivante : 

A LA MÉMOIRE 

DE PASCAL BALLIAN 
né en 1823 

Décédé le 20 Novembre 1851 
après dix années d’études à la Faculté de Paris 
victime de son travail opiniâtre 
au moment de le voir couronné d’un entier succès. 


L’exemple de Ballianfut suivi de près par d’autres 
jeunes arméniens ; depuis lors, c’est toujours à la 
médecine française, que les médecins arméniens ont 
donné leur préférence. 

Le nombre des médecins arméniens, qui ont été 
diplômés de la Faculté de Paris, atteint aujourd’hui 
200, abstraction faite de ceux qui ont été promus des 
Facultés françaises de province, et sans compter ceux, 
très nombreux, qui, après avoir terminés leurs études 
dans leur pays, sont venus à Paris pour se perfection¬ 
ner, ou se spécialiser dans différentes branches. 

Il est cependant à noter, que bien avant l’époque 
de la connaissance de l’art et de l’auscultation, des 
médecins arméniens exerçant en Turquie, ou en 
Pérse, malgré qu’ils fussent de l’École italienne, 
avaient une prédilection pour la médecine française, 
et s’entretenaient toujours en langue française (1), le 
français était, pour ainsi dire, leur langue médicale. 

La sympathie de ces médecins pour tout ce qui 
était français fut encore accrue par la fondation de 
l’Etole de Médecine de Constantinople. 

Le promoteur, pour ne pas dire le fondateur de 
cette école, fut encore un médecin arménien, le même 
Manuel Chachian, père du Docteur Paul Ghachian, 
dont j’ai exposé plus haut le rôle joué dans la propa¬ 
gation en Orient de l’art de l’auscultation. • 

(1) Depuis une époque assez reculée, renseignement de Iq langue et de 
la littérature française sont- obligatoires dans toutes les Écoles Armé¬ 
niennes. 



— 377 — 


De temps immémorial Constantinople possédait 
l’ébauche d’une école de Médecine, où ceux qui vou¬ 
laient s’adonner à l’art de guérir se réunissaient au¬ 
tour d’un médecin, ordinairement de celui qui avait 
le titre de Hékim-Bachi, c’est-à-dire médecin en chef 
du Palais du Sultan, 

L’enseignement dans cette soi-disant école était 
rudimentaire et décousu, comme l’a si bien qualifié 
naguère le D' Servicen, professeur dé médecine 
légale à Constantinople. Il consistait tout simple¬ 
ment en la pratique de saignées, clystères, applica¬ 
tions de sangsues et ventouses et de quelques médi->- 
caments alors en usage ; les élèves qui en sortaient 
étaient plutôt aptes de devenir des barbiers que des 
médecins proprement dits. 

Pour remédiera cet état de choses, Manuel Chachian, 
alors médecin particulier du Sultan Mahmoud, prit 
l’initiative d’insister auprès du souverain pour lui 
faire fonder une Ecole de médecine organisée d’après 
les institutions similaires qui existaient en Occident. 

Le Sultan Mahmoud se laissa séduire par la propo¬ 
sition de son médecin préféré ; non seulement il don¬ 
na son consentement, mais encore il assuma tous les 
frais du futur établissement. ' 

L’école de médecine fut fondée à Péra, en 1838 ; 
lorsqu’il s’agit de choisir la langue dans laquelle l’en¬ 
seignement sei’ait donné, le sultan marqua d’abord 
sa préférence pour l’arabe ; cependant, le Docteur 
Manuel Chachian faisant valoir les avantages qu’on 
retirerait d’un enseignement en une langue euro¬ 
péenne, réussit à faire adopter la langue française. , 


L’inauguration de l’Ecole a eu lieu solennellement 
le 14 mars 1839, le D’’ Charles Bernard, de Prague, 
en fut nommé Directeur. 

Le sultan Mahmoud présida personnellement la 
cérémonie, et à cette occasion, il y prononça un dis¬ 
cours magistral ; après avoir parlé de Tutilité delaméde- 
cine et de la nécessité d’une école de médecine pour 




— 378 — 


son pays, et souhaité prospérité à la nouvelle institu¬ 
tion médicale, s’adressant aux élèves et à tout l’audi¬ 
toire, il disait : 

« Vous allez peut être me blâmer d’avoir adopté 
pour l’enseignement à l’école une langue étran¬ 
gère, plutôt que la langue arabe, qui a produit tant 
d’ouvrages médicaux remarquables ; vous avez par¬ 
faitement raison, mais je vous ferai remarquer que, 
les dits ouvrages sont très anciens, et que depuis leur 
rédaction, l’art de la médecine a fait des progrès im¬ 
menses ; aussi pour ne pas vous faire perdre dé 
temps, et pour vous mettre toujours au courant des 
progrès qui-s’effectuent en Europe, ai-je voulu que 
la langue officielle de vos études médicales soit le 
français; dans ce but j’ai fait venir d’Europe pour 
vous, des professeurs capables et un directeur de 
talent; à vous désormais, mes chers enfants, de tra¬ 
vailler avec zèle, et à moi de me charger de toutes les 
dépenses pour votre instruction... » 


L’enseignement de la médecine en français n’a 
malheureusement duré, en Turquie, qu’une trentaine 
d’années; il a cessé après la guerre de 1870, et a été 
remplacé par le turc. 

Ce court laps de temps, a été pour la Médecine à 
Constantinople, une époque des plus brillantes ; de dis¬ 
tingués professeurs français, arméniens et grecs ont 
instruit toute une génération et ont tenu haut le dra¬ 
peau de la science française,ayantàleur tête un homme 
érudit et savant, le Docteur Charles-Ambroise Bernard. 

Ce dernier était français quoique né à Prague; il 
avait fait ses études en France et était voué corps et 
âme à sa mission; son décannat fut-marqué par les 
progrès qu’il a fait réaliser à l’Éçole de Médecine, il 
réussit à faire de Constantinople un vrai centre » 
médical français. ' 

Malheureusement, la mort le surprit en pleine acti¬ 
vité, le faisant succomber à une maladie, qui est.res- • 
tée toujours inconnue ! ! ! 



— 379 — 


La dépouille mortelle du Docteur Charles Bernard 
repose dans l’enceinte de l’Église Saint-Esprit de 
Péra, où plus tard sa veuve lui érigea un monument 
qui porte l’épitaphe suivant que j’ai copiée textuel¬ 
lement : 

CHARLES AMBROISE BERNARD 
Docteur en Médecine et Chirurgie 
né à Prague le 23 Février 1808 
Fondateur et premier Directeur 
de l’École Impériale de Médecine de Galata Serai 
Réparateur autant par sa charité que par son art de 
toutes les souffrances humaines 
Quand par sa laborieuse et infatigable activité 
11 se fut préparé une fortune, un renom 
un bonheur envié... 

Il mourut !!! 

à Constantinople âgé de 36 ans, le 2 Novembre 1844 

Sa veuve qui a 'fait élever ce monument à sa mémoire, le 
recommande aux prières des âmes pieuses . 

Le Docteur Charles Bernard a publié de remarqua¬ 
bles travaux sur la botanique et la thérapeutique, il a 
même écrit un mémoire sur les bains de Bro^usse à 
Constantinople, Je suis heureux de pouvoir présen¬ 
ter la photographie de cet éminent médecin, en cos¬ 
tume turc, dont le cou et la poitrine sont ornés par 
Ijss décorations, du Gouvernement turc d’alors. 

Après la mort de Berrfard l’enseignement a conti¬ 
nué en français, grâce aux autres médecins français, 
et surtout au zèle de quelques médecins arméniéns, 
parmi lesquels les noms des Servicen, Sinapian, Da- 
voudian, Zohrabian et Roussignan, occupent le pre¬ 
mier rang. , 

-Tous anciens élèves de Paris, doués d’une éloquence 
rare, ils enseignaient devant un nombreux auditoire, 
la médecine légale, la physiologie, l’anatomie, les 
accouchements et la philosophie médicale. 

A Servicen particulièrement appartient l’honneur 
d’avoir fondé à Constantinople le premier journal de 



380 — 


méderine en langue française qui s’intitulait Gazette 
médicale de Constantinople-, le premier numéro de 
cette revue, organe del’Ecole de médecine, paraissait 
à la fin de l’épidémie de choléra de 1848-1849, pen¬ 
dant laquelle Servicen, avec le concours d’autres mé¬ 
decins venant de France, avait été le promoteur de 
mesures hygiéniques rationnelles, pour s’opposer à 
la propagation du fléau ; l’histoire de cette épidémie 
a été magistralement écrite par Rigler et Laval dans 
les numéros de janvier, février et mars de 1850 de la 
dite Gazette. 

La Gazette médicale de Constantinople se publia 
jusqu’en 1852 ; depuis, elle a été remplacée par la Ga¬ 
zette médicale d’Orient toujours en français, qui a 
été fondée lors de la création en 1855 de la Société de 
Médecine de Constantinople. 

Cette Société se constituait au lendemain de la 
guerre de Crimée avec le concours des médecins des 
armées alliées ; le fondateur et le premier président 
en a été un médecin français, le D' Laval, très renom¬ 
mé pour les services qu’il a rendus à cette Société. 

La langue française était jusque dans ces derniers 
temps*, la langue officielle des débats et discussions 
scientifiques de la Société de Médecine de Constan¬ 
tinople ; on voyait parmi les membres de cette insti¬ 
tution, des médecins venus des pays les plus divers 
fraterniser sous le drapeau de la science française. 


J’ai essayé de donner un rapide aperçu historique 
sur l’évolution de la médecine chez les Arméniens au 
XIX* siècle, et de montrer comment, à la suite de la 
grande découverte de l’immortel Laennec, nos méde¬ 
cins jusqu’alors soumis à l’influence de l’Ecole ita¬ 
lienne, commencèrent à s’orienter vers la France, au 
point de devenir en Orient, même les pionniers de la 
langue française considérée comme langue technique 
pour l’enseignement, ainsi que pour l’exercice de 
notre art. 

Cela me suggère de nouveau l’idée de poser, comme 



— 381 — 

je l’ai déjà fait maintes fois dans mes travaux, la ques- - 
tion suivante: 

Y aurait-il moyen de faire auprès des corps médi¬ 
caux de différents pays, des démarches en vue de 
l’adoption d’une langue médicale unique? Si oui, je 
pense que les progrès de la médecine entreraient 
dans une phase tout à fait nouvelle. 

Je me permettrai donc dès aujourd’hui, de prier' 
Monsieur le Président de la Société française d’his¬ 
toire de la médecine de poser cette question sur le 
bureau du prochain Congrès international d’histoire 
de la Médecine sous la forme d’une proposition, qui 
je l’espère, recueillera le suffrage de tous les con¬ 
gressistes. 

Tous penseront certainement au grand Hippocrate 
disant : longa, vita brevis ; combien ces paroles 

sont-elles vraies surtout en notre siècle, et que de 
temps perdu partout à traduire des ouvrages et pé¬ 
riodiques qui paraissent en diverses langues. 


LE SYMPATHIQUE ET L’AME VÉGÉTATIVE 

Par U. l.AIGlVE;L.-I.^VA.SXiniE;, 
Professeur agrégé à la Faculté <le Médecine, 
Médecin à la Pitié. . 


La situation intellectuelle du médecin estprivilégiée. 
Obligé par métier d’être à tout instant un observa¬ 
teur, il ne se sert des théories que pour lier les faits, 
qu’il recueille. Si par surcroît il est un humaniste, 
eq lançant alternativement la navette de son esprit 
entre les fils des observations récentes et ceux des 
vieilles idées, il aperçoit souvent leurs corrélations. 

Je voudrais, en exemple, montrer combien les ré¬ 
centes recherches sur le Sympathique éclairent les 



— 382 — 


théories tripartites de l’âme selon Platon et Aristote. 

Je définirai d’abord le Sympathique à la française et 
Vâme tripartite. 

Il en découlera tout naturellement la notion que la 
cénesthésie répond à l’âme végétative comme le 0u[xàç 
à l’affectivité. 

Dans le Time'e, dont Albert Rivaud vient de donner 
une bonne traduction aven texte en regard dans la col¬ 
lection Guillaume Budé(l),Platon distingue dans l’âme 
humaine trois parties ; le Noüi;, le 0u(xoç, et l”E7ti0u(xta. 

Le Noîiç caractérise l’homme, seul capable de s’élever 
à la contemplation de l’intelligible. « La contempla¬ 
tion purement intellectuelle est toujours aux yeux de 
Platon, écrivait voici déjà Ipngtemps le regretté Vic¬ 
tor Brochard (2), la forme la plus ^parfaite de la vie. 
Le sentiment n’est qu’un moyen pour s’élever à la 
pensée : il ne le remplace ni ne l’égale... C’est la pen¬ 
sée toute seule qui atteint l’absolu. » Platon est un 
pur intellectualiste. 

Son Noùç, âme intuitive, est déjà l’intuition carté¬ 
sienne. Le Ao'yoç, âme rationnelle, dérive du Noüç, c'est 
un instrument intellectuel. 

Le ©uftoç, l’appétit irascible, l’humeur, caractérise 
l’animal. C’est le principe des passions. 

L’’Eict0u[in'a, l’appétit concupisoible,Ie désir, est toute 
l’âme dés plantes. C’est pourquoi on l’appelle encore 
âme végétative. « Le végétal, dit Platon dans le Ti- 
mée (77 b.) participe de la troisième espèce d’âme, 
celle dont nous avons remarqué la place entre le dia¬ 
phragme et le nombril., dans laquelle il n,’y a ni opi¬ 
nion, ni raisonnement, ni intelligence, mais la seule 
sensation agréable ou désagréable et les passions qui 
l’accompagnent. » 

J’ai souligné la place de l’Epithumia entre le dia- 

- (1) Platon. Timée, Critias. — Trad. A. Rivaud, 1 vol. des Œuvres 
complètes de Platon. Soc. d’édit, des belles-lettres (cpllect. des universi¬ 
tés de France, publiée sous le patronage de l’Assoc. Guillaume Budé.) 

(2) Victor feROCHARD.— Etude de philosophie ancienne et moderne, 
introd. dé V. Delbos, nouv. édit., in-8, 1926, 



phragme et l’ombilic. C’est celle du plexus solaire (1), 
cerveau abdominal de Bichat! 

Aristote a développé la théorie des trois âmes de 
Platon. Dans ÜEpi'ij/ux^ïiç l’âme des plantes est \âme végé¬ 
tative ou nutritive^ rb ©peirrixov. Dans la plante elle a 
une existence propre, est une âme véritable, car pour 
Aristote l’âme n’est que le principe de la vie. Cette 
âme a deux fonction : la nutrition et la génération. 

« L’âme végétative, qui a une vie indépendante dans 
la plante, devient, dans l’animal, la condition et la ma¬ 
tière d'une âme supérieure, l’âme sensitive Tp ai(i9ï)Tixàv, 
En énumérant les fonctions de celte âme nous sau¬ 
rons, disent Janet et Séailles (2), ce qui caractérise,, 
l’animal et le distingue de l’homme. L’âme sen¬ 
sitive a d’abord l’aîoeïiffiç, la sensation à laquelle est 
liée r opeçii;, le désir, la tendance ; a Tous les animaux 
ont au moins un sens, le toucher ; mais où il y a sen¬ 
sation, il y a agrément et peine, et là où il y a plaisir et 
peiné, il y a désir, ’E7ci9u|ila. [De anima). Au désir se 
rattache la faculté motrice, rb xtvvjTixbv ; elle existe dans 
l’âme animale comme une dépendance de l’ope^iç. « La 
cause du mouvement est, en définitive, le désir qui 
est produit soit par la sensation, soit par l’imagina¬ 
tion. » [Mouvements des animaux. VII. I). L’imagi¬ 
nation sensible (tpavT«<n'a aI<j0ï)Tix7i) qui se distingue de 
l’imagination capable de servir au raisonnement 
((pavTotffi'ot >.oYtx'>i), appartient en effet à l’animal. Elle est 
une partie de l’aïaO/iuiç. La sensation renaît dans une 
image qui la représente affaiblie. L’image en se ré¬ 
pétant produit enfin, chez l’animal, une' sorte de mé¬ 
moire (iavV' 9)' Celte mémoire animale — l’habitude.— 
doit être distinguée déjà mémoire réfléchie (avapLvviffti;), 
qui supposé l’effort pour se souvenir, pour retrou¬ 
ver ses idées en découvrant leurs rapports. Nous 
voyons les facultés qu’Aristote accorde à l’animal:Ta 
sensation, l’imagination et la mémoire passives, le 

(1) LaIcnel-La-Vastine.— Recherches sur le plexus solaire. Th., 1903, 
420 p., Masson. 

(2) JÀNET SéxiLLES. — Hlst, de la phil. Delagrave, p. 44. 



— 384 — 


désir et le mouvement. Ce qu’il lui refuse c’est le 
XoYKTTtxov et le pou^EUTtxiv, le raisonnement et la volonté 
libre, c’est tout ce qui suppose la raison, le Nous, une 
faculté supérieure, qui donne des principes universels 
applicables à l’expérience. » 

En résumé, nous avons à distinguer dans la le 
voGç, le îioyciç, le Oujacç et l’lw0u[ji.ia. 

Le voù; et le Xo^b;, l’âme intuitive et l’âme ration¬ 
nelle, spéciale à l’homme, siègent dans le cerveau. 

Le 6u|Abç, l’humeur, et l’Iitiaupa, la Sensibilité, le dé¬ 
sir, siègent dans l’abdomen. 

h'âme végétative, ri7ct0u(A(a, dit Platon dans le Timée, 
est plçicée aussi loin que possible du cerveau, afin que 
l’âme rationnelle ne soit ni troublée, ni distraite par 
ses appétits grossiers (1). 

Dans la République, Platon montre les méfaits de 
l’âme végétative à l’occasion des rêves : « Gomme pen¬ 
dant le sommeil la partie de l’âme, qui est le siège de 
l’intelligence, le Noûç, est languissante et assoupie et 
que la partie animale, le 0u(iibç, est encore excitée par 
le boire et le manger qui surcharge le corps, celui-ci 
profite du sommeil pour se livrer à son délire. Alors 
les images les plus déraisonnables viennent l’assiéger; 
on croit avoir un honteux commerce avec sa rnère; cQüe 
ivresse ne distingue rien, ni homme, ni dieu, ni bête ; 
aucun lûeurtre, aucune crauté ne lui fait horreur ; 
aucune infamie, aucune témérité ne l’effraie. '> 

Toute Vonirocritie freudienne (2) est en germe dans 
cette phrase, le symbolisme des rêves et jusqu’au 
complexe d'Œdipe. 

Galien, qui était plus physiologiste que philosophe, 
a cependant parfaitement hiérarchisé le voü;, le 0u[ji.b;, 
et riw0u(ii£a dans leurs rapports réciproques. On lit, 
en effet, dans VUtilité des parties du corps, traduite 
par Daremberg (3) la phrase suivante : « La partie rai- 

(1) Laignel-Latastine et J. Vinchon. — Des'tempéraments bilieux et 
mmancoliques. Soc, franç. d’Hisloire de la médec, avril 1926. 

(2) Freud. — Les rêves et la psychanalyse. Pajot. 1925. 

(3) Galien. — De Futilité des parties du corps. Trad. Daremberg. I. 
chap. IV. lac. XlII. 



— 385 — 


sonnable qui constitue l’homnie, partie située dans 
l’encépbale, a Tirascibilité pour serviteur, pour ap¬ 
pui, pour défenseur, contre cette bête sauvage, 
l’iTci6u(Ala. » Daremberg a traduit par irascibilité le 
du texte grec et l’a rendu peu clair. Traduisons 
6u[io; par humeur et je constate aussitôt avec plaisir 
l’identité de la pensée galénique et de la conceptioij 
moderne. L'humeur est l'intermédiaire entre l'intelli¬ 
gence et la sensibilité générale. 


La sensibilité générale comprend l’ensemble de 
toutes les sensations’qui ne sont pas nettement sen¬ 
sorielle. Pour préciser sa notion, je dois rappeler ses 
relations avec le Sympathique. 

Renvoyant pour plus de détails à mes travaux anté¬ 
rieurs, dont on trouvera la synthèse, dans un volume 
en réimpression (1), je me’ limite aux définitions 
nécessaires. 

Le Sympathique, qui est un système et non ,pas un 
nerf, est le système nerveux régulateur des fonctions de 
nutrition et de reproduction. C’est le système végéta¬ 
tif àe?, Allemands, le système autonome des Anglais. 

Il comprend une série d’étages dé neurones intri¬ 
qués de l’encéphale aux viscères, aux capillaires et à 
la peau. On peut actuellement le diviser en,six grands 
départements : le grand sympathique proprement dit 
ou orlhosympathique, qui, essentiellement formé par 
la chaîne sympathique, ses connexions et les plexus 
ganglionnaires qui en dépendent, réagit électivement 
à l’adrénaline; le système vagalîovmQ essentiellement 
des fibres oi-ganiques du pneumogastrique et des élé¬ 
ments des nerfs bulbaires et sacrés qui réagissent 
électivement à l’atropine et à la pilocarpine comme le 
pneumogastrique; le métasympathique comprenant 
essentiellement le système entérique de Langley., par¬ 
tie la mieux difFérepciée du système nodal, dissémi¬ 
né dans les organes et qui est la variété viscérale 

(1) LAtGNEL-LA.vASTiNE. — Pathologie du Sympathique, p. 16, 


26 



du sympathique périphérique en liaison avec les der¬ 
nières ramifications vasculaires et les téguments; les 
fovmaliotis sympathiques cérébvaies^ dont la connais¬ 
sance est rudimentaire, enfin les voies sympathiques 
centripètes, qui sont niées par Gajal et Langley, mais 
que j'admets en raison d’expériences personnelles 
sur la réflectivité des ganglions sympathiques (1) et 
qui constituent le substratum de cénesthésie. 

Quant à la sensibilité viscérale, je considère que sa 
conduction se fait par les grosses fibres à myéline de 
Kôlliker qui passent par les racines postérieures et 
qui ne diffèrent des fibres de la sensibilité cutanée 
tactile, par exemple, qu’en ce que leurs extrémités 
libres sont au niveau' des viscères au lieu d’être au 
niveau de la peau. 

Reste à définir la ce'ftex^/iéxi'e. La cénesthésie, d’après 
la définition de Littré (xo‘vbç commun, aîtrÔKifftç sensibi¬ 
lité) est l’espèce de sentiment vague que nous avons 
de notre être indépendamment du concours des sens. 

De cette définition étymologi((uesontissus deux cou¬ 
rants, l’un étroit et classique, l’autre large et plus nou¬ 
veau, qui ont abouti à deux conceptions différentes. 

Dans la conception classique, étroite, la cénesthé¬ 
sie est le sentiment, diflicile à définir, qui accom¬ 
pagne l’exercice de toutes les sensations et est à l’ori¬ 
gine des besoins. 

C’est, dit Séglas, le sens de l’existence, le senti¬ 
ment que nous avons de l’existence de notre corps, 
sentiment qui, à l’état normal, s’accompagne d’un 
certain bien-être. C’est la conscience végétative, la 
conscience du Grand Sympathique (2). 

Dans la conception plus nouvelle et plus large, la 
cénesthééie est la conscience du moi physique com¬ 
prenant toutes les sensations endogènes que chacun a 
de son corps et de ses organes (Grasset) (3). 

(1) Laionel-Lavastine. — Palhologie du Sympathique, in-8* et 1080 p. 
Alcan 1924, 2° édit, en 2 vol. de 1200 p. Alcun rJ27. 

(2) Grasset. — Physiopathologie cliniq. III, p. 181. 

(3) Roy. — Congrès des alién. et neurol. rapp. sur l’hypocondrie. 



— 387 — 


Ce que j’ai dit plus haut de la sensibilité générale 
et de la sensibilité viscérale me permet d’arriver 
immédiatement à la conclusion que' la cénesthésie 
est la fonction centripète du Sympathique, 

D’une part, la cénesthésie diffère de la sensibilité 
générale en ce que celle-ci est plus complète et plus 
étendue, puisqu’elle comprend l’ensemble de toutes 
les sensations qui ne sont pas nettement sensorielles. 
D’autre part, la céneSthésie diffère de la sensibilité, 
viscérale, qui est à la fois plus complexe et moins 
étendue, puisqu’elle comprend aussi la sensibilité 
des viscèrës fournies par la voie cérébro-spinale, mais 
est distincte de la sensibilité sympathique liées aux 
-voies sensorielles. 

Eü conclusion la cénesthésie, subconscience de 
notre moi physique et moral (il y a une cénesthésie 
cérébrale), à l’origine des besoins est la fonction cen¬ 
tripètes du Sympathique. Les fibres centripètes du 
peumogastrique jouent un rôle important dans sa 
conduction. 


' Cette conception du Sympathique est facile à rap¬ 
procher de l’idée platonicienne de l’âme végétative, 
j’ai montré plus haut qu’Aristote reconnaissait à l’âmé 
végétative des fonctions de nutrition et de repro¬ 
duction. Or, j’ai défini lé Sympathique, le système 
nerveux régulateur "des fonctions de nutrition et de 
reproduction. 

Platon, dans le Tirnée plaçait l’âme végétative entre 
l’ombilic et le diaphragme. C’est la place même du 
plexus-solaire dont on sait l’importance dans le Sym¬ 
pathique. 

Tout le mouvement physiopsychologique contem¬ 
porain tend d’une part à lier les variations de l’affec¬ 
tivité ou de l’humeur psychique à des modifications 
humorales endocriniennes et sympathiques et d’autre 
part à reconnaître une base affective à la majorité des 
troubles mentaux caractérisés par des symptômes 
iutellectuels. C’est, avec plus de précision, l’idée de 



388 — 


Galién, qui considérait le 6ujjibç comme intermédiaire 
entre le voüç et riTnOufn'a. 

Est-ce donc que la pensée humaine se déplace sans 
avancer et ferme le cycle de nos idées comme le ser¬ 
pent qui se mord la queue? Non, car la différence est 
incommensurale de l’idée imaginée et de la concep¬ 
tion scientifiquement démontrée et la spirale de Vico 
figure bien le chemin parcouru de la pré-science 
magique à la clarté expérimentàle. 


COMMENT ON TRAITAIT LES OBÈSES A BYZANCE 

Par M. lü, 


En cette ville qui eut, de tout temps, le culte de la 
bonne chère, l’obésité .n’était pas moins fréquente 
que la goutte. Deux anecdotes, '— parmi bien d’au¬ 
tres, — nous font.connaître les remèdes, usités par 
les Grecs du moyen âge et par les Turcs après la con¬ 
quête, pour combattre l’embonpoint exagéré. 

La première nous est contée par le basileus Jean 
Gantacuzène qui, dans ses Mémoires, nous a laissé 
un récit détaillé de tous les évènements grands ou 
menus de son époque (1). 

Ennemi déclaré de Gantacuzène, le graild duc Apo- 
caupe réussit par de captieuses promesses à faire 
tomber dans ses filets le grand logothète Gabalas 
dont il désirait s’assurer le concours. Ils se lièrent 
par un mutuel serment. Gabalas jurait de prêter 
assistance au grand duc en temps de guerre et de 
rejeter toute proposition de paix; de son côté, Apo- 

(1) J:CANTActJZÊNE,éd.Bonn,t.II,l,in,ç,72,p.442,etc,80,p.493sq. 



— 389 — 


caupe s’engageait à donner sa fille pour épouse à 
Gabalas et à n’invoquer aucun prétexte pour éluder 
le mariage, son futur gendre eût-il les membres ron¬ 
gés par la lèpre, fût-il atteint d’épilepsie, d’accès 
mélancoliques ou de tout autre maladie... (1) 

Le temps s’écoule et le grand duc ne tient pas sa 
promesse. Gabalas s’indigne fort de ce retard et som¬ 
me Apocaupe d'exécuter son serment. Lui de répon¬ 
dre qu’il désire très vivement cette union et qu’à son 
avis cette affaire doit primer toute autre, mais que 
la fiancée et sa mère ont de la répugnance pour ce 
mariage à cause de la trop forte corpulence du pré¬ 
tendant. Qu’il use donc de remèdes ; peut-être, lors¬ 
que ses formes seront devenues plus élégantes, sera- 
t-il plus séduisant pour sa fiancée : rien en effet n’est 
plus disgracieux, ajoute le malicieux grand duc, que 
ce manque de proportion des parties du corps. 

Gabalas soupçonnait bien que ce n’était là que 
défaite, mauvaises raisons et pure feinte; mais, aveu¬ 
glé par la passion, il refusait de se rendre à l’évidence 
et songeait à entj'eprendrè une cure qui, même à ses 
yeux, prêtait à rire. Il s’adressa donc à un médecin 
réputé, venu récemment d’Italie et lui promit de gros 
honoraires s’il parvenait à faire tomber son malen¬ 
contreux embonpoint. Le médicastre s’engagea à ren¬ 
dre la sveltesse au corps du soupirant par la vertu 
de certains remèdes. Toutes affaires cessantes, Gaba¬ 
las passe son temps à prendre des Ij^ains, des vomitifs, 
des purgatifs selonlles prescriptions du charlatan, il 
réduit sa nourriture, boit peu et emploit en cons¬ 
cience tous les moyens propres à faire maigrir. Ce 
faisant, il s’affaiblit, devient débile et perd ses forces, 
mais son ventre ne tombe pas. Le grand duc, crai¬ 
gnant enfin que Gabalas mystifié ne finit par décou¬ 
vrir la rûse, conçut le dessein de s’en défaire par un 
meurtre. Il sut si bien le terroriser par ses machina- 

• (1) Cantac, /lîst., êd. Bonn, II, p. 442 : àXXà xtiv vi(b tïiî lepSç vdoou Tit 
piXri 6iaXtü6irjO^, xôcv èitiXr)>j/£a 5) peXaYX»^^» ^ vdoo? èmiY^vYiTa» 

awlîi, (J.ii)6àv clvai tôSv TOiouTtov xwXuiia tü 



■ _ 390 — . 

tions, que l’infortuné craignant pour sa vie se réfugia 
dans UTi monastère et se fit moine. 

Trois siècles plus tard, Démétrius Gantémir, prince 
de Moldavie, fait une description sommaire d’un pro¬ 
cédé chirurgical qui consiste à retrancher les masses, 
adipeuses en excès, il fut appliqué sur un général, 
turc renommé qui combattit les Polonais sous Maho¬ 
met IV (1). 

« Il étoit monstrueusement gros et gras : son 
embonpoint lui' mérita le nom de Schischman, qui 
signifie « chargé de graisse »»On dit qu’il se faisoit 
faire tous les ans aux mois de juin et de juillet une 
opération singulière par un Chirurgien François qu’il 
tenoit à son service; il lui ouVroit le ventre et lui 
tiroit lés pannes de graisse qui le suffoquoient et; 
mettoient sa vie en danger par la difficulté de sa 
respiration. A la fin la'graisse prit un tel accroisse¬ 
ment, qu’il ne fut plus possible de l’en décharger. Il 
creva comme un autre Judas, et ses entrailles se 
répandirent hors de son ventre. Ce peut être un conte 
inventé par les Turcs, ce peut être aussi un fait; je 
n’ose décider ce qui en est : du moins je puis assurer 
que les Turcs qui étoient auprès de lui, maintiennent 
la chose pour véritable ». ' 

. J1 est vraisemblable que le chirurgien, notre com¬ 
patriote, ne se hasardait pas à ouvrir le péritoine et 
a réséquer l’épiploon infiltré dégraissé, mais qu’il se 
bornait,à enlever, des lanières de tissu adipeux sous- 
cütaiié. Il y a quelque quarante ans, pareille opéra¬ 
tion eut une vogue éphémère et aujourd’hui encore 
elle n’est pas complètement tombée en désuétude. 

- (1) DiMÉTRios Cantemir, Uist, âe VEmpire Othomàn... Parisj in-4“. 
1743, t. IJ, p. 140. ■ , , 



— 391 — 


LES ORIGINES DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE: . 

I»ai> le Docteup BUSQUET, 
Bilillothécalpe de l’Académie de Médecine, ' 


Une .ordonnance royale du ,20 décembre 1820 créa 
VAcadémie Royale dé Médecine', elle devint, sous 
l’Empire, V Académie 1 inné riale de Médecine, et, après 
1870, sous la République, VAcadémie de Médecine 
actuelle. 

,, En réalité, son histoire doit commencer bien 
avant le Décret royal qui lui a donné une existence 
légale, lui a accordé des droits et des privilèges 
.enviables, et imposé des obligations étendues et 
délicates. ' - • 

Depuis le xm"’ siècle, l’enseignement et l’exercice 
de l’art médical, avec ses prérogatives, ses honneurs, 
ses titres, furent centralisés dans les mains de là 
Faculté de Médecine de Paris, la Saluberrima Fa- 
cultas. . , 

Composée d’hommes éminents et instruits, la 
Faculté, au cours de longs siècles, avait su imposer 
son hégémonie et aux médecins, et au public, et aux 
monarques qui ont gquverné la France. Maiheureu- 
sement, elle n’a' pas consacré aux. progrès, des Scien¬ 
ces - médicales, une activité très productive. D’un . 
cérémonial traditionnel exagéré, perdant son temps 
dans des discussions souvent ois,euses et futiles, elle' 
développa, dans son sein, un esprit de corps, qui 
grandit dîune façon telle qu’il devait indubitablement 
lui nuire un jour. Cet esprit de corps, Hallé l’a par¬ 
faitement déterminé, dans le discours qu’il pror 
nonça, en qualité de Président de l’École de Méde- 

Bul.Sqc.fr.d'mH.de la JlfeU , n’* 11-12 (nov.-déc. .1036), 



— 392 — 

cine de Paris, à la séance publique du 5 brumaire, 
an XI: a l’excès de l’esprit de corps, dit-il alors, con¬ 
fond toutes les innovations et se raidit contre toute 
espèce de changement ; il devient soupçonneux, 
exclusif ; il hait ; il persécute ; et enveloppé des 
dehors respectables de l’antiquité, couvert du mas¬ 
que de l’intérêt public, il's’insinue jusque dans les 
âmes les plus honnêtes, d’autant plus facilement 
qu’il ressemble moins, en apparence à l’égoïsme. » 
D’un absolutisme intransigeant, jalouse et autori¬ 
taire, la Faculté s’était érigée peu à peu en « tribunal 
unique et suprême de toutes les choses de là méde¬ 
cine. » Se considérant comme très supérieure aux 
autres Facultés du Royaume, même ét surtout à celle 
concurrente de Montpellier, elle n’admettait pas, 
qu’une seule question médicale put être décidée ail¬ 
leurs qu’au sein de ses assemblées. De même, elle ne 
permettait pas aux docteurs reçus dans , les diverses 
Facultés de France, d’exercer l’art médical dans la 
capitale. « Fille aînée des Rois », elle était assurée 
de voir toujours ses décisions accueillies et adoptées 
par les Maîtres augustes qui commandaient à tous, et 
qui faisaient prévaloir son opinion sans appel. Aussi, 
dans les' circonstances critiques, elle s’adressait 
directement au Roi et ne craignait pas d’élever le 
ton. Parfois, même, elle alla jusqu’à perdre le senti¬ 
ment des convenances; c’est ainsi, par exemple, que 
Louis XVI, dans l’arrêt du Conseil d’État du 26 juin 
1778, qualifie un décret de la Faculté « d'entreprise 
indécente et inexcusable. » ■ 

On trouve un témoignage évident de cet état d’es¬ 
prit tracassier, dans les mémoires et libelles qu’elle 
composa contre la Société royale de Médecine et, qui 
sont publiés, dans les Commentaires officiels de la 
Faculté, par Varnier et Pinard. 

On conçoit aisément que l'attitude autoritaire, 
exclusive.et égoïste de la Faculté devait provoquer 
fatalement, et contre elle, un mouvement de réaction, 
d’autant plus violent, qu’il était l’aboutissant de ran¬ 
cunes accumulées depuis fort lohgtemps. 



Depuis des siècles, en effet, des esprits clair¬ 
voyants et avancés, avaient senti la nécessité de lais¬ 
ser la Faculté à l’Enseignement officiel des Sciences . 
médicales et de constituer, à côté et en dehors d’elle, 
un organisme spécial, lequel se consacrerait exclusi¬ 
vement à la recherche des progrès ,à réaliser dans les 
diverses parties de la médecine, et mettrait toutes 
ses compétences au service du Gouvernement. 

G’est le rôle actuel de l’Académie de Médecine. 
Toutefois, pour en arriver à cette organisation par¬ 
faite, celle-ci dût passer par un certain nombre d’éta¬ 
pes que nous allons évoquer rapidement devant vous. 

La première tentative, pour réaliser ce programme, 
est due à M. de Chirac, Professeur à Montpellier et 
qui fut d’aboïd Médecin du Régent de France. Nommé 
ensuite Premier Médecin du Roi, le 2 décembre 1730, 
de Chirac contribua par son influence, à la décision 
royale qui,sous forme d’un « arrêt du Conseil d’Etat », 
en date du 17 mars 1731, régla la discipline et la 
police des trois corps de la Médecine, c’est-à-dire des 
médecinst des chirui’gi^s et des apoticaires. 

L’article VI de cet arrêt comporte tout un plan 
d’organisation, qui fut repris, en 1776, par la Société 
royale de Médecine. Il consacre, en effet, l’existence 
d’une Commission chargée d’étudier les maladies épi¬ 
démiques et de recueillir les observations cliniques, 
médicales et chirurgicales de Paris et de la Province, 
lesquelles devaient être adressées au Premier Méde¬ 
cin du Roi. 

Cet article fut encore amplifié dans un projet ulté¬ 
rieur, car le 12 janvier 1732, de Chirac écrivit au 
Doyen Baron, qu’il travaillait à établir, à Paris, une.. 
Académie royale^ de Médecine pratiqué et expérimen¬ 
tale. Cette Académie devait entretenir des corres¬ 
pondances avec tous les médecins des hôpitaux du 
Royaume et des principaux médecins des Royaumes 
étrangers. Les Académiciens devaient être recrutés 
dans le sein de la Faculté ; cependant quatre places 
d’Académiciens étaient réservées pour ceux des Cor- 



■ _ 394 ^ 

rèspondants régnicoles, qui, au jugement de l’Acadé¬ 
mie, se seraient le mieux acquittés de leurs fonctions. 
Ils devaient, de plus, être inscrits sur la liste des 
médecins ayant le droit d’exercer à Paris, cela après 
présentation, au Doyen, de leurs Lettres de Docteur 
et de leur brevet d’Académicien. 

La Faculté protesta contre ce projet, par un décret 
d’ùne telle ititolérance, que le Roi le fit rayer des 
registres. ' 

: Une intervention de l’Université auprès-du Cardi¬ 
nal de Fleury, lé 31 janvier 1732, n’eut pas plus dé 
succès. Néanmoins les Statuts et Régiemenls préparés 
ne furent pas publiés, car la mort de M. de CWrac, 
survenue le 1°'' mars 1732, mit fin à ces projets. 

Deuxième étape. — A la même époque; Georges de 
Maréchal, Premier Chirurgien du Roi, et de Lapey- 
ronie. Chirurgien en survivance, soumirent à l’appro¬ 
bation du Souverain un Réglement pour l’institution 
d’une Académie royale de Chirurgie., à Paris. Le 
19 novembre 1731, suspendant l’attribution du titre 
' d’Académie, jusqu’à nouvel ®rdre, le Roi approuva la 
fondation nouvelle, sous la dénomination de 
académique des Chirurgiens de Paris. C’est seulement, 
par les Lettres Patentes du 8 juillet L748, que la 
Société nouvelle fut autorisée à prendre le nona 
à'Académie royale de Chirurgie. Elle fut placée sous 
la protection immédiate du Roi. 

' Elle fut supprimée par'la loi du 8 août 1793.^ 

Troisième étape. — Le ,29 avril 1776, un arrêt du 
Conseil d’Etat, créa une Commissionde lWeûJeciV/e,pour 
l’étude et le traitement des épidémies et pour èntre- 
..tenir une Corréspondance suivie avec les Médecins 
”du Royaume et de l’Etranger. C’était, dans son inté¬ 
grité, la conception élaborée par M. de Chirac. 

Le 29 juillet 1776, cette Comnuission prit le nom de 
Société ét Correspondance royale de Médecine. Erifin 
"en août 1778, elle devint la royale de Méd'ecine. 

Ellé fut supprimée par la loi du 8 aoqt 1793, 



Quatrième étape. — Un décret de l’Assemblée 
nationale, en date du ,20 août 1790, prescrivit à la 
Société royale de Médecine de lui présenter un nou¬ 
veau réglement sur son administration et sur sa cor¬ 
respondance. La Société y donna satisfection et 
déposa. Te 19 septembre 1790, sur-le bureau de 
l’Assemblée, un projet de création d'une Académie de 
Médecine., lequel projet fait partie du Nouveau plan 
de constitution pour la Médecine en France. Une des 
conclusions importantes de ce long document était 
que l’Académie dè Médecine doit demeurer distincte 
de tout Corps enseignant. 

Cinquième etape. — Un décret du 12 fructidor, 
an Vlll (1800), créa., dans le sein même de l’Ecole de 
Médecine, la Société de Médecine, « chargée du per-, 
fectionnement de toutes les connaissances médi¬ 
cales ». Elle avait pour rôle d’étudier la topographie 
médicale-de la France, de rassembler les données 
épidémiques et épizootiques, d,e publier les mémoires 
de l’ancienne Fàculté, de la Société royale de Méde¬ 
cine, de l’Académie de Chirui’gie, et d'éclairer le gou¬ 
vernement sur toutes les questions utiles à la santé 
publique. Cetie organisation fut complétée par l’arrété 
du 30 ventôse, an XII (23 mars 1804). Ainsi consti¬ 
tuée, cette Société est la première forme d’Académie 
complète qui ait été réalisée. 

Néanmoins, après la fondation de l’Académie royale 
de médécine, le 20 décembre 1820, cette Société 
n’avait plus aucune raison d’être; aussi, le Ministre de 
l’Intérieur notifia à son Président, Duméril, « que la 
Société de Médecine établie auprès de la Faculté, par 
arrêté ministériel du 12 fructidor, devait cesser ses 
fonctions ^Ar siiite de la création de l’Académie 
royale... Chacun de sesimembres allait siéger dans la 
nouvelle Académie, qui héritera ainsi de toutes ses 
luniières ». , 

La Société réunie, par. son Président^ le 1°'' mars 
1821, décida de se dissoudre, après avoir eü connais- 
sancé de la lettçe ministérielle. 



— 396 — 


Telles sont, Messieurs, les différentes étapes, par 
lesquelles l’institution deTAcadémie royale de méde¬ 
cine a dû passer, de 1731 à 1820, avant d’arriver à sa 
forme actuelle. 

Avant de terminer cette courte étude, je crois devoir 
vous faire remarquer que parfois on a Voulu faire 
intervenir, dans la fondation de l’Académie royale de 
Médecine, une action efficace de la Société qui porta 
le nom d'Académie de Médecine et qui, en 1820, devait 
devenir le Cercle médical de Paris. On la désigne par¬ 
fois, sous le nom de Société de Portai, bien qu’il fut 
tout à fait étranger à sa création. Purement privée., 
cette. Société resta toujours en dehors des pouvoirs 
publics, qui n’eurent jamais recours à ses conseils. 
Elle prit naissance le 22 nivôse an XIII (12 jan¬ 
vier 1805). Ses statuts furent élaborés par Bourru, 
Guillotin, Menuret, Bonnet, Fabre. Dans leur premier 
paragraphe, ces statuts précisent le but de sa créa¬ 
tion : « Les Docteurs en médecine, animés du désir 
de travailler en commun aux progrès de l’Art de 
guérir, pour la plus grande utilité publique, voulant 
resserrer l’union qui doit régner entre les médecins, 
et maintenir l’honneur de leur profession, se sont 
réunis en libre ». Son premier président fut 

Descemet. 

A l’aide des Archives de cette Société, il m’a été 
possible de retracer son histoire que j’aurai l’honneur 
de vous exposer dans une prochaine séance. 



— 397 — 


Un Médecin Broussaisien ; 

LE DOCTEUR BEUNAICHE LA CORBIÈRE 

Par le U' Paul DBL,A.IJJWA.Y. 


Un Etudiant sous la Restauration. 


' Jean-Bapliste Beunaiche de la Corbière naquit le 24 germinal 
an IX (14 avril 1801), de Jean-Baptiste, cultivateur au lieu et 
métairie de Barge, en Ballon, et de Gabrielle-Louise Chauvin (1). 
La famille avait tenu jadis un<certain rang (2). Mais peu à 

(1) Etat-civil de la commune de Ballon (Sarthe), an IX) n» 94, f" 32 v°, 
33 r. — Témoins : Anne Chauvin, fille, ûgée de 36 ans. et Joseph Barbier, 
journalier. — L’acte de naissance porte seulement Beunèche Le père de 
notre héros, Jean-Baptiste, fils de Jean-Baptiste et de Louise Fronteau, 
d’abord marchand, avait épousé le 23 juillet 1787 è Saint-Mars-sous-Ballon, 
Gabrielle-Louise Chauvin, tille de Jacques, et de Marie-Charlotte Rose. 
(Contrat du 22 juillet 1787 devant Simon, notaire royal à Saint-Mars). De 
cette union naquirent d'abord à Ballon, une fille, Constance, le 12 pluviôse 
an VIII, plus tard un fils, Théophile Pierre, né le 21 fructidor an V, décédé 
le 22 nivôse an VI. 

|2) La famille Beunaiche connue àJublains, dès le xv'siècle, était titrée delà 
Corbière, manoir sis en Saint-Thomas-de-Courceriers (Mayenne), non loin de. 
la route dTzé. Elle se rattachait à Marin Martinière, Seigneurie la Corbière, 
officier chez le roi, chevau-léger de la garde, capitaine de cavalerie, 
piqueur au vol du héron de la Grande Fauconnerie, qui, veuf en 1680 de 
Mario-Françoise Le Moigne, convola ensuite avec Marie-Anne de Guybert, de 
la paroisse de Trans. De cette alliance sont issus les Beunaiche de la Cor¬ 
bière, et par eux les de Bastard de la Paragère. Les Beunèche, Bunèche, 
Beunaiche, ou de la Bunèche étaient répandus à Izé, Bais, Villaines, Gorron, 
Landivy et dans le Haut-Maine. Une « demoiselle Jeanne de la Bunèche », 
épouse de Gilles Hersent, mourut le 8 janvier 1638 à La Dorée, où les armes 
du ménage se voient encore gravées sur une pierre tombale; Jeanne-Angé¬ 
lique Beunaiche de la Gandonnière, décédée le 22 mars 1732 à Saint-Tho- 
mas-de-Conrceriers, chez Marie Beunaiche, femme de François Galleteau, 
laissa comme héritiers Marguerite Cohon, veuve de Jacques Beunaiche, mar¬ 
chand h Izé et au Mans paroisse Saint-Pierre, et les enfants issus de celte' 
union : Marie, épousé ,dè François Gallerie, demeurant à Saint-Thomas-de- 
Courceriers ; Etienne, demeurant à Bals ; feu Renée Elisabeth, épouse de 
Julien Ménager, marchand à Bais ; Anne, épouse de Jean Balavoine, demeu¬ 
rant à Madré. On relève par la suite une alliance entre les Beunaiche elles 
Aveneau (1784). — Cf. abbé Angot, Dictionnaire hisl. de la Mayenne, IV, 
p. 65. — Armorial monumental de la Mayenne, pp. 137 et 438. — Epigraphie 
de la Mayenne, 1.1, p. 390. — Dossier Beunaiche, dans le Cabinet Brière, 
du Mans. 


I.H.M. 



peu réduite à un état modeste, elle se vit définitivement appau¬ 
vrie par la Révolution. 

Le jeune homme se destina d'abord au négoce, qui ne lui 
convenait guère, et d’autant moins qu'aux jours turbulents de 
son adolescence, il se sentait porté, de son propre aveu, vers 
«une vie oisive et quelque peu dissipée ». La générosité d’un 
oncle,Chauvin-Fpuchard,commerçant raanceau.finrichi,le tira de 
-cette ornière, et lui permit de s’orienter vers l’étude de la méde- 
*cine. En L820, donc, il se rendit au Mans, et, pendant un an, 
fréquenta l’hôpital. Non seulement les médecins Mallet, Liberge, 
Drouard, Mordret, et le chirurgien Legoux y prodiguaient leurs 
soins aux. indigents, mais on y avait organisé des cours en 
faveur des étudiants (1). 

Le débutant gagna ensuite la capitale où il conquit.à la fois le 
titre de bachelier èslettres et celui d’externe des hôpitaux. Il se 
présenta plus tard à l’internat, mais se retira du concours. Le 
31 mai 1826, il soutenait devant l’École de Paris sa dissertation 
inaugurale, dédiée à son grand oncje Judel, docteur de Montpel¬ 
lier, ex-médecin chef de l’hôpital militaire de Chartres, ex-légis¬ 
lateur au Conseil des Anciens, praticien retiré à. Versailles ; et 
il ressentit quelque orgueil d’« être admis au nombre des méde¬ 
cins de cette illustre Faculté ». 

Cette thèse finissait,’ selon l’usage antique et solennel, par 

(1) Legoux, chirurgien en chef résidant de l’Hôtel-Dieu, y donnait depuis 
longtemps ,(dés 1807) des leçons aux eléves. En 1819 ses confrères Jélin, 
professeur d’accouchements, et Almire Lepeiletier de la Sarthe, qui, nou¬ 
vellement établi au Mans, cherchait à utiliser sa propension naturelle à 
l’éloquence, demandèrent au préfet de la Sarthe, l’autorisation d’utiliser 
l'amphithéillre de rHôlel-Dieu pour leurs cours particuliers ; le préfet en 
saisit les administrateurs de l’Hôpital, qqi rejetèrent celle .requête le 
23 décembre 1819. Les postulants insistèrent, et comme Lepeiletier était tort 
appuyé le Préfet engagea impérativement les administrateurs, le- 16Jan¬ 
vier 1820, à fournir aux solliciteurs un local et des sujets pour les-opéra- 
lions anatomiques. La Commission, consentit dès lors à mettre à la dispo¬ 
sition des D" Jèlin et Lepeiletier son amphithéâtre, du 1" décembre au 
1" avril, « seule saison convenable pour ne point nuire à la salubrité ». 
Mais pour ne pas gpner Legoux, ils ne disposaient de la salle que jusqu’à 
midi, en la laissant, l’après-midi, au chirurgien de la maison. Les trois pro¬ 
fesseurs devaient s’entendre par la répartition des cadavres, « afin d’éviter 
les conllils de prétentions sur un môme corps». (Arch. des hospices du 
Mans, Ii’9/â2, Dclib. des administrateurs, S aoul 1820, 0 390.) La nomination 
de Lepelielier comme successeur de Legoux, décédé le 13 lévrier 1823, et 
comme professeur déparlemimlal d’obstétrique le 20 mars 1826 mil ün aux 
difficultés et compétitions, et l’hôpilal demeura un centre d’enseignement 
pourles élèves en médecine; eu 1828, Lepelielier annonçait des leçons d’ana¬ 
tomie, physiologie, médecine, chirurgie, opéralionSvchimie et maiiêre médi¬ 
cale, et promettait en outre d’exercer ses auditeurs aux travaux cliniques, 
pansements et petites opérations, 



quelques aphorismes d’Hippocrate: seule concession que notrenéo- 
phyte consentit aux classiques traditiong. Ses propositions,surines 
émissions sanguines dans les phlegmasies, affichaient bruyant-- 
ment les préférences de l’auteur pour la médecine physiologique. 

Mais la théorie Broussaisienne n’était pas seulement une doc¬ 
trine nosologique : elle tenait, de son promoteur et de ses 
adeptes une couleur politique. Bans un temps « oit la civilisation 
semblait rétrograder, et le despotisme monarchique et sacerdo¬ 
tal tendre à nous enlacer » (1), elle se flattait de représenter le 
progrès des lumières non seulement contre la faction des pro- 
secteurs,.. mais aussi contre les attardés de la Congrégation. On 
était, avec Laënnec, ontologiste et réactionnaire, avec Broussais, 
phrénologue, 4 )liysiologi 8 te et libéral. Beunaiche, comme bon 
nombre de ses camarades, se lança dans l’opposition. Après une. 
courte installation dans sa ville natale de Ballon (1827), il ne 
tarda pas à regagner Paris, où il fit de la politique avancée et 
de la médecine novatrice. Et telles furent les incarnations du 
citoyen Beunaiche : libéral militant, broussaisien enragé, et 
phrénologiste convaincu. 

Il 

L’évolution u’un Bourgeois libéral. 

Il y avait dans nos campagnes, au temps de la Restauration, 
nombre de gens en qui le souvenir subconscient de la dîme et 
des droits féodaux, réveillait ces réflexes égalitaires et hargneux 
que traduisent, en prose attique, les pamphlets de Paul-Louis 
Courier. On trouve alors aussi, dans les petites villes, des bour¬ 
geois voltairiens, métaphysüciens médiocres, qui reconnaissent 
pour supérieur hiérarchique le G.-. A.-. del’U.'. ou le Dieu des 
bonnes gens, un Dieu brouillé avec le parti prêtre, et dont le 
chantre est Béranger (2). Politiciens de quartier ou de chef-lieii 
de canton, ils -croient aux immortels principes ; électeurs .à 
petites rancunes et à grands appétits, n’aimant ni le curé ni le 
château, ils votent, — en attendant Ledru-Rollin —pourBen- 

(t) Notice sur Digonnel. 

{%) Sur lés relations de Béranger ,avcc les partis avancés Sàrtliois, Cf. 
Lellves inédites de Béranger [k Brusoii de la Ferté-Bcnard] appréciées par 
R. Charles, Bull. Soc. Agrlc., Sc. et arts delà Sarthe, U XIV, 18S9-0Ü, 
p. 3ia4-372 et P. Milllet, line famille de républicains fouriésisles, les MiU ■' 
liel, Paris, Glard et Brière, 1913,1 vol. grd m-4*, t. I, p. 37. 



— 400 — 

jamin Constant, démocrate distingué qui les flatte... et les mé¬ 
prise. Et tout cela forme un parti, le parti libéral, à la mesure 
intellectuelle et morale du petit bourgeois ou du fonctionnaire 
subalterne, lignée d’où sortiront demain M. Bornais, après- 
demain M. Cardinal. Groupement hybride, enquêtant avec la 
révolution qu’il se flatte d’utiliser et d’asservir ; dupe ou com¬ 
plice d’une alliance immorale avec les fauteurs d’indiscipline 
militaire ou sociale et de subversion internationale qui, sous son 
regard aveugle ou complaisant, s’arment, s’organisent, et cons¬ 
pirent. Aveuglé par ses haines et ses préjugés, méconnaissant 
les intérêts généraux, diplomatiques et financiers, que la Monar¬ 
chie légitime a su défendre et véritablement restaurer,'W profite 
des maladresses du clergé et des ultra pour démolir, ou laisser 
battre en brèche le régime, au lieu de l’améliorer (1). 

Tel était le parti où l’ambiance familiale et sociale de sa jeu¬ 
nesse avait marqué la place de Jean-Baptiste La Corbière, fils 
de bourgeois déchus mâtinés de ruraux. Au reste, le- dépassa-t- 
il tout d’abord, entraîné par les impulsions imprudentes, ou gé¬ 
néreuses de la jeunesse, vers ses alliés les plus compromettants. 
Il s’enrôla, dit une notice biographique que je soupçonne sortie 
de sa plume, « dans la plupart des Sociétés politiques influentes 
et actives qui, de 1820 à 1830, entretinrent le feu sacré de la 
liberté et préparèrent l’énergique mouvement de Juillet ». Et il 
ne fut pas le seul Sarthois alors affilié aux loges maçonniques ou 
aux ventes de la charbonnerîe. 

Pendant son séjour à Paris, Hippolyte Lecornué s’était mon¬ 
tré ardent carbonaro. Le D'' Verdier-Heurtin, grand comman¬ 
deur de la L.-. et Chap.‘. de l’Espérance, y coudoyait son compa¬ 
triote, le pharmacien Pesche,.Grand Orateur. Beunaiche alla 
chercher.son idéal dans la L.‘. des Trinosophes, àl’O.-. de Paris. 
C’est là qu’il prononça, en juin et juillet de l’an de la V.-. L,‘. 
5830, pour sa réception au grade de maître> une harangue que 
le F.-. Pesche jugeait pleine « d’.érudition et de philosophie pro¬ 
gressive ». Il y fit l’apologie de la Liberté ; « Liber tas primum 
jus, primum officium, prima leæ popidorum. » L’homme, doué 
d’une perfectibilité indéfinie, disait-il, ne peut arriver à la plé¬ 
nitude de sa perfection morale et intellectuelle que parla liberté 
politique. ' 

(t) Cf. Thureau-Dxngin, Le parti tibéral sous 
ris, Plon, Nourrit, 1888, in-12. 


la Restauration, 2' éd., Pa.- 



— 401 — 


Restait à la conquérir ; ce fut l’affaire des « Trois glorieuses ». 
Beunaiche s’enrôla parmi les défenseurs du peuple, et, s'’il faut 
l’en croire, canarda les carlistes avec la maîtrise d’un Broussai- 
sien habitué aux saignées oup sur coup. Mais, le trône ren¬ 
versé, il estima qu’il fallait désormais défendre l’ordre, et, dès 
le 1°'' août, se fit inscrire sur les contrôles de la garde natio¬ 
nale parisienne qui n’était point encore réorganisée. Fatigué de 
ses tribulations civiques, il tomba malade,et dut aller rétablir à 
la campagne ses forces épuisées. Pendant ce temps, les vain¬ 
queurs de juillet, demeurés à Paris, se disputaient les rubans et 
les croix. La loi du 13 décembre 1830 avait eréé, à l’usage des 
gens recommandés, l’ordre de juillet, que doublait une médaille 
pour les vulgaires milita-nts. 

Beunaiche, prévenu, hésita un moment às’inscrire. Il se déci¬ 
da pourtant à soumettre ses titres et ses scrupules au général 
Fabvier, président delà Commission des récompenses nationales: 
« Comme tant d’autres, lui disait-il, j’ai fait mon devoir a«x 
Grandes Journée.s, mais j’avais toujours éprouvé de la répugnance 
à demander la récompense de l’accomplissement d’un devoir..,. 
Cependant, je sens qu’il ne faut pas confondre le' noble orgueil 
avec la vanité présomptueuse et puérile qui fait courir l’ambitieux 
après les distinctions et les hochets de tout genre. » 11 opta donc 
pour le « noble orgueil » et « stimulé par ceux qui [avaient] été 
les témoins » de son zèle « pour la patrie et la liberté », postula 
la croix à trois branches. Trop tard ! La promotion venait de pa¬ 
raître 3lü Moniteur ! Et le postulant ne put arborer que le ruban 
tricolore de la médaille de juillet (1). Mais il ne perdit rien 
pour attendre : proposé par la section de son arrondissement à 
la Commission-des récompenses nationales, «il fut gratifié de la 
Légion d’honneur, par le ministre de l’Intérieur le 30 août 1831. 

Mais ces distributions honorifiques ne résolvaient pas les dif¬ 
ficultés du temps. Jadis à son ffise dans la critique d’opposition, 
le parti libéral se trouvait, au lendemain de sa victoire, désem¬ 
paré, aux prises avec^ d’inéluctables réalités, réduit à romprej 
sous peine de mort, avec les révolutionnaires, ses alliés de la 
veille ; contraint de mater les agitateurs, ou de les transformer 
en hommes d’ordre ; et de faire des opposants nantis des hom- 

. (1) Moniteur universel, n“ 270, iO juin 1831, p. 1103. — Ordonnance royale 
du 11 juin 1831. 



— 4Q2' — 


mes de gouvernement. Heureusement pour le nouveau régime, 
un ministre se trouva, qui avait le sens de l’autorité : et ce fut 
Casimir Périer. 

'Beunaiche lui donnait alors ses soins. Malade et médecin 
s’entretenaient, à l’occasion, de politique et de pédagogie. Un 
jour où, parlant de la nécessité d’endurcir la jeunesse, le doc¬ 
teur félicitait le grand homme de l’éducation sévère qu’il impo¬ 
sait à scs enfants, le ministre lui repartit: « J’ai voulu, doc¬ 
teur,.faire de mes fils des hommes et non pas dès femmes,. 

des citoyens et non pas d’inutiles et misérables parasites comme 

les Sociétés en nourrissent tant. J’ai voulu qu’ils sentissen 

dès leur berceau, la loi, l’imprescriptible loi de la nécessité; 
qu’ils connussent, en un mot, la douleurwet les privations comme 
les joies de l'humanité ; car il faut avoir subi toutes ces 
épreuves; et par ses propres souffrances plus encore que par le 
spectacle des souffrances d’autrui avoir été forcé h la médita¬ 
tion ; il faut tout cela, docteur, pour marquer utilement en ce 
monde son pas.sage ; il faut tout cela particulièrement à ceux 
qui Sont destinés à agir sur leurs semblables, car c’est chose 
difficile, surtout à certaines époques, voyez-vous, que de diriger 
les hommes ; et malheur à celui qui s’en est chargé s’il ne les 
connaît bien, s’il ne partage leurs sympathies, s'il n’a vécu avec 
eiix, comme eux et pour eux (1). » , 

Le D’’ Beunaiche convenait qu’il est difficile de conduire l’hu¬ 
manité ; et lui même en donnait l’exemple fâcheux. Incorrigible 
mécontent, il se brouilla. Périer disparu, avec le Pouvoir. Sans 
doute le ministère décapité avait étouffé là nouvelle insurrection 
Vendéenne, mais il n’avait pas abattu avec moins d’énergie les 
émeutiers au cloîlne Saint-Merry, lors des journées de Juin. Le 
nouveau cabinet d’.octobrel832, que présidait le maréchal Soult, 
ayant confirmé le triomphe de la coalition conservatrice, Beu¬ 
naiche refusa sa confiance au duc de Dalmatie, et continua de 
lutter pour les principes démocratiques. Il avait gardé des ac¬ 
cointances avec les partis politiques Sarihois. -Il discourut, en 
1837, sur la tombe de l’avocat Charles Comte, qui, après avoir 
mené, dans le Censeur ç,\. le Censeur européen, rude guerre 
contre la Restauration, s’était bientôt déclaré contre le Régime 
orléaniste, pour conquérir en 1831 sur M. de Courtilloles, en 

(i) Beunucub, Traité du froid, p. 182. 






— 403 — 


1834 sur Gaillard d’Aillëres, le mandat de député du 6“ collège 
de la Sarthe(Mamers). Ce département « était alors en quelque 
sorte une île républicaine au milieu de la France monarchique. 
Siéyès, Carnot, et, depuis la Restauration, Benjamin Constant,' 
La Fayette, Picot-Désormeau.'c... en étaient tous,sortis ». Le 
3 janvier 1833, les Manceaux avaient encore élu Garnier Pagès, 
qui, juhqu’en 1837, fut, avec Cormenin, le seul républicain 
avéré de la Chambre. 

Garnier-Pagès mourut le 24 juin i841. Le 27, La Fayette et 
Carnot, David d’Angers, Buchet, et autres, attelés aux cordons 
du poêle, remmenèrent au Père-Lachaise. Pendant une heure 
et demie, Arago, Joly, Bastide (elle D*'La Corbière, que \e,Moni- 
teur oublia de mentionner), discoururent sur la tombe du défunt, 
car tout homme politique apparaît plus louable mort que vif. 

A ce révolutionnaire phtisique et souffreteux, les Sarthois don¬ 
nèrent pour successeur un démagogue verbeux, tonitruant, et 
banal: Ledru-Rollin. Lancé' par Gaussidière, appuyé par le 
maire du Mans, Trouvé-Chauvel, et la vigoureuse campagne 
d’Elias Régnault et Hauréau dans le Courrier de la Sarthe, 
il futt élu le 24 juillet 1841, et immédiatement traduit en cour 
d’assises pour le discours subversif qu’il avait proféré, la veille, 
devant les électeurs manceàux. 

Survinrent les électiohs générales de juillet 1842. 

Dans la Chambre que venait de dissoudre le Cabinet Soult- 
Guizot, le parti ministériel et conservateur ne comptait, pour la 
Sarthe, que l’ex-maire du Mans, Basse; Napoléon de Montes¬ 
quieu, enfin Constant Paillard-Ducléré, beau-frère de Monta- 
livet, et l’un des plus enragés batteurs de pupitre aux interpel¬ 
lations émanées de la gauche. Par contre, le département avait 
envoyé sur les bancs dé l’opposition Ledru-Rollin, Lelong, G. de 
Beaumont, et le juge ^ortensius Corbeau de Saint-Albin^ mem¬ 
bre de la Légion d’honneur et chevalier de FEloile polaire. Les 
premiers soutenaient le sage Guizot; les autres attaquaient le 
parti doctrinaire. Les écarts.de la pressé bridés, l’ordre assuré, 
Paris fortifié, la guerre écartée, l'entente cordiale avec l’Angle¬ 
terre péniblement rétablie après les incidents de la question 
d’Orient, telle était l’céuvre du ministère. Le régime sévère im¬ 
posé aux journaux, notre Jiumiliation. diplomatique, l’hérédité de 
la pairie, la capacité électorale trop souvent proportionnelle à la 
capacité du coffre-fort, tels étaient lesj'griefs de l’opposition. 



La campagne électorale commença. VUnion de la Sarthe, 
réprouvant « la politique de réformes intempestives et hasar¬ 
deuses », et aussi la « politique de guerre ou plutôt de fanfa¬ 
ronnade et d’armements » pratiquée par Thiers, annonçait qu’un 
succès de la gauche amènerait non seulement une conflagration, 
mais encore « une crise terrible dans laquelle la hideuse Répu¬ 
blique surgirait la guillotine en main sur les débris dh trône 
constitutionnel ! » De son côté, dans le Courrier de la Sdrthe, 
rédigé par Hauréau, le parti-radical, s’appuyant « momenta¬ 
nément, comme disait M. de Tocqueville, sur l’orgueil national 
blessé », jouait du chauvinisme ; dénonçait à « nos campagnes 
patriotes », la « doctrine et les actes du parti de l’étranger », 
.incarné par Ducléré ; les méfaits d’un « ministère corrupteur » 
qui non content de nous avoir « livrés à l’insolent protectorat 
de l’Angleterre », avait au dedans, « combattu toutes nos li¬ 
bertés, faussé toutes nos institutions, menacé toutes nos ga¬ 
ranties », perfectionné « l’arsenal des lois réactionnaires fabri¬ 
quées par la Restauration », en particulier le « système de guet- 
à-pens » contre la presse. Et il mettait en garde les électeurs 
contre les suppôts de Guizot, « le représentant le plus téméraire, 
le plus .outrecuidant de la contre-révolution dogmatique », ou 
de Molé, le fauteur « le plus indiscret de la contre-révolution 
aristocratique ». 

Pendant ce temps, la défense et l’attaque s’organisaient sur 
les positions fixées par la loi du 19 avril 1831. Un Comité élec¬ 
toral conelitutionnel^ où trônaient le général Rogé et le D"" Pla¬ 
ton Vallée, présentait comme soutiens du ministère. Basse, 
« vieillard caduc », Paillard Ducléré, de Mon.lesquiou, Gail¬ 
lard d’Allières, et Michel Chevalier, Saint-Simonien converti à 
la foi doctrinaire, candidat indécis qui sollicitait, h la fois, pour 
plus de chance, les électeurs de Matners,.de Beaumont, et d’ail¬ 
leurs. La gauche, dirigée par un Comité électoral de la Sarthe 
dont Hauréau était le sécrélaire, patronnait ,unè collection bigar¬ 
rée d’opposants, gauche dynastique, radicaux, voire républi¬ 
cains: au premier collège du Mans, contre Basse, un certain 
Duboys, « du bois dont on fait les contre-basses », disait un 
mauvais plaisant. Au deuxième collège, Ledru-Rollin n’avait pas 
de concurrent. Au troisième, Horace» Say, négociant à Paris, 
menait le branle contre Ducléré, candidat du crû, et propriétaire. 

Si M. de Montesquieu, ministériel, ne trouvait personne de- 



vant lui au quatrième collège (St-Galais), au cinquième (La Flèche) 
Thiers, en sous-main, et Lelong, qui ne se représentait pas, 
poussaient Jules de Lasteyrie, un petit-fils de La Fayette, contre 
le général Oudinot, porté par les légitimistes, et Michel Cheva¬ 
lier, candidat Guizolin. Au sixième (Mamers), un cousin de Las¬ 
teyrie, Gustave de la Bonninière de Beaumont, enfant de Beau- 
mont-la-Chartre, bataillait contre d'Aillières. Au septième, avec 
l’occulte complicité de certains légitimistes, Saint-Albin dispu¬ 
tait à l’ubiquiste Chevalier, les bonnes grâces des citoyens de 
Beauraont-sur-Sarthe. 

J —- -ÂjO 


Fac-similé de l'écriture et de la signature du docteur La Corbière. 

C’est alors que le Beunaiche estima que sa « fortune indé¬ 
pendante », et les « sollicitations de ses amis politiques » lui 
permettaient de prendre « rang pour la représentation natio¬ 
nale », et d’espérer que la Sarthe rendrait « justice à son pa¬ 
triotisme et à sa haute capacité » en le choisissant comme man¬ 
dataire. Il réclamait, lui aussi, la liberté de la presse, quitte à 
confier au Jury la répression de ses écarts; il entendait assurer 
pacifiquement l’indépendance et la gloire de la nation française. 
Réprouvant le principe d’ « hérédité, cette insulte au droit, 
ce mensonge à la loi », il voulait substituer à l’aristocratie la 
hiérarchie des vertus et des talents, d’après le principe électif ; 








— Am.— 


âdjoihdre au corps électoral ^'censitaire les capaoUés \ augmen¬ 
ter progressivement le nombre des électeurs, et les reconnaître 
tous éligibles ; fonder enfin la Charte constitutionnellê sur «les 
principes éternels de liberté et d’égalité civiles (i) ». . 

C’est au troisième collège (Le Mans) que le D' La Corbière, 
après avoir annoncé ses intentions urbi et orbi dans, les colonnes 
du Sfèc/e, vint proposer, ses services comme leader^de.l’oppo¬ 
sition. 11 y tomba, pour parler comme nos ruraux, comme un 
cheveu, dans la mupe. Pour toute celte cuisine électorale, que 
Balzac a décrite dans le Député d'Arcis, il n^’était qu’un mala¬ 
droit gâte-sauce.-Le Comité, trouva son initiative inopportune 
et encombrante, et fit entendre à *cet allié trop zélé que mieux 
valait ne pas travailler « dans l’intérêt du prétendant ministériel, 
en maintenant [sa] candidature » . Beunaiche, offusqué, regim¬ 
ba : c’est seulement à la dernière heure^que « sous l’empire de 
l’intrigue et de la corruption éhontées » il avisa le Cottmer 
la Sarthe de son désistement. Il né parut même pas au scrutin 
. du troisième,collège qui, le 9 Juillet 1842, assura par 2l9 voix 
contre 139 l’élection de Horace Say contre Paillard-Hucléré. Ce 
triona,phe d’. « un des plus tristes représentants du juste milieu 
parlémentâire »j disait le Courrier., triomphe que partagèrent 
Basse et de Montesquioü, fut largement balancé par le succès 
de l’opposition, « faction d’énerguraènes », qui fit passènLedru- 
Bollin, de Lasteyrie, Gustave de Beaumont et de Saint-Albin (2). 

N’ayant pu parvenir a conduire le chiir de l’État, Beunaiche 
borna désormais ses éfforts à perfectionner le rituel maçonnique 
(3). H prenait de l’âge. Assagi par les déficiences endocri¬ 
niennes, il finit par éprouver la vanité des systèmes qui préten¬ 
dent, réformer les institutions sans améliorer les hommes. Après 
le régime de Juillet, qui n’incarnait que desintiliré/s, où, sur un 
fond « resté pur, honnête, généreux », s’agitaient de « mau¬ 
vaises passions, toujours actives, dominatrices, cupides », trop, 
dociles au mot d’ordre « Enrichissez-vous’ », qu’avait un jour 

' (l) Voir lé développement dé son programme dans sa notice sur Bigonnét,' 
in fine., ■■■ - ' , • . m: ' 

. ■ (2) Cf. irch. dép. de la Sarthe, M ®‘/n . — Courrier de la Sarthe, dé l’Or¬ 
ne et. de la Mayenne, n"" 71-81, 17 juin-i3 juillet 1842. — Union de la Sar- 

juin-juillet 18i2i 

: (3) Député auprès du G.‘. 0.*. par la Lr. Arts et Commerce du Mans, il 
demande, au nom! de sés FF.-., en 1843] d’après la planche d'une tenue du 
■19 novembre; la réforme d’épreiiveà de réception un peu surannées. 



lancé M. Guizot, il vit la République-de 1848 péricliter-à son-; 
tour, victiine.» d’un, vice, organique de constitution ». Le suf¬ 
frage universel que'réclarnait Ledru-Rollin, roffusquait. Il n’ad¬ 
mettait point que de la loi-du nombre pût sortir, la vérité.. Au 
mode quantitatif, il préférait le mode qualitatif; par lladjonction 
des capacités, par l’augmentation progressive du nombre des. 
électeurs, de.vehus tous-éligiblesp par.,le principe d’élection, 
appliqué au.x divers degrés de la hiérarchie politique.; par. le 
jury et la garde nationale, il eût,.bien consenti à élargir le cadre' 
des citoyens actifs. Mais cette conception, pleine, de méfiance à 
l’égard des masses, et, qui confiait la réalité; du pouvPk aux . 
« classes moyennes, arbre circulatoire de-l’individu appelé 
Société », le rapprochait beaucoup plus du doctrinaire Guizot, 
son adversaire, que.du tribun Ledru-Rollin, son'ami. Le nova-;' 
teur La Corbière n’éiait.qu'un démocrate en pantoufles, et ce 
vieux combattant des Trois Glorieuses jae montrait plus, aux 
jours d’émeutes que le visage alarmé du bourgeois Pàtué.ot.: 

Un soir de mai T851, épanchant ses angoisses patriotiques 
dans le sein de M. de Lamartine, il délibérait avec lui des 
moyens de préveninles terribles éventualités du lendemain, et. 
de mettre un terme aux agitations qui « par la lutte, acharnée, 
et les brusques déplacements, [avaient] dégagé èt déchaîné sans 
contrepoids moral et religieux-, les mauvais instincts... et, selon, 
la judicieuse remarque dè Royer Collard, en ayant le malheur de 
lui désapprendre le respect..., entraîné la société française 
'dans la voie funeste des agitations incessantes (1) ». — « Loua¬ 
bles projets, objectait je poète; toutefois « n’oubliez point; mon 
ami, que le canon et l’épée doivent être, aussi, comme les rois,; 
la dernière raison des sociétés..e] en organisant la défense,. 
prenez garde d’organiser la. guerre civile, et adressez-vous s,ur-; 
tout eux sentiments et aux sympathies, des masses ; c’est ainsi 
que je vous ai tous, sauvés au 2S février ». Mais le. médecin 
secouait la tête ; 11 , songeait que la lyre d’Orphée ne suffirait 
plus à Charmer les bêtes féroces, et se voyait réduit à convenir 
que (( l’égalité absolue » est « tout aussi, chimérique, tout 
apssi impossible, tout aussi anti-naturelle, anti-rèligieuse, anti-' 
sociale, que la liberté absolue »> Au milieu d’une Société désor- 
.gàriiséé, où l’on voyait prédominer Vaffectivité fil ['inteïtecttia- 

([) De l’influence que doit exercer la physiologie, 



— 408 — 


lite, il appelai! de tous ses vœux le retour à « une hiérarchie 
sociale fondée sur la hiérarchie naturelle du droit, du devoir, de 
la capacité », calquée sur la hiérarchie physiologique des orga¬ 
nes cérébraux établie par Gall et Spurzheim. Et il ne lui répu¬ 
gnait point d’envisager quelque recours à la dictature pour 
réorganiser U ne société ébranlée « jusque dans ses fondements ». 

Le coup de force eut lieu ; non point avec l’appareil senti¬ 
mental dont rêvait M. de Lamartine, mais sous la forme de 
l’opération de police un peu rude qui, le2 décembre 1881, réta¬ 
blit en France l’ordre moral et l’autorité. Le Docteur Beu- 
naiche n’était plus à Paris. Dégoûté des révolutionnaires et des 
révolutions, il résolut, à l’exemple de Cincinnatus, d’aller pous¬ 
ser la charrue. Il se retira à ta Rozelle, dans le Blésois (1). Là, 
il soignait, comme médecin en second, les malades de l’hôpital 
de Cellettes, et cultivait la vigne. Et il chantait, dans les comices 
agricoles, les bienfaits.de l’agronomie, seul exutoire permis, 
sous le Césarisme à l’éloquence publique. 

Le 12 septembre 1863, « après une longue absence », il 
prononçait devant la section de viticulture du Comice agricole 
de Loir-el-Cber une allocution dûment pànachée de citations 
classiques, sur l’oïdium, le soufrage, les engrais, .le drainage et 
la Liberté. Il déclarait « avoir donné assez de gages au droit et 
à la Liberté, et avoir été assez honoré, et plus encore honni et 
calomnié pour le culte désintéressé qu’[il Iqur portait] pour 
avoir le droit de se déclarer, en toute loyauté, au nom du devoir 
et de la justice, partisan du ban de vendange » (2). Et il débattait 
avec le préfet de Soubeyran, et les rédacteurs de la France 
'centrale (1°''septembre 1860) la grande question de Vnnité 
de capacité et de l'épaisseur déterminée et relative du merrain 
à la contenance des tonneaux. Président de la Société cyné¬ 
gétique, il courait le gibier de poil et de plume en forêt de 
Russy ; et réfutant les diatribes de son ami Berville, président 
à la Cour impériale de Paris, magistrat sensible, qui condam¬ 
nait les bipèdes, mais épargnait les quadrupèdes innocents, il 
réhabilita « la chasse, son importance et son utilité sociales ». 
Autorisée par le Très Haut avant de l’être par le ministre et la 
gendarmerie, justifiée par l’exemple de Castor et de Pollux, de 

(1) La Rozelle, commune de Cellettes, sur le Beuvron, canton et arron¬ 
dissement de Blois'(Loir-et-Cher). 

(2) Allocution, p. 0. 



Nemrod, d’Esaü, de Nabuchodonosor et des rois de France, van¬ 
tée par les sages et les philosophes, approuvée par l’Église, elle 
correspondait à des aptitudes spéciales, bien démontrées par la 
phrénologie, et dont l’exé’rcice crée l’ordre dans Tunivers ! 

Et voyez où mènent les passions ! Depuis qu’à la chasse et 
aux comices, il se frottait à la noblesse et serrait la main du 
marquis de Vibraye, l’ancien combattant de juillet inclinail, à 
l’aristocratie : à sa requête un jugement rectificatif du Tribunal 
du Mans, du lo mai 1850, avait fait ajouter sur son acte de 
naissance, au vulgaire nom patronymique de Beunaiche, le titre, 
plus ronflant de ; de la Corbière ! Et le ci-devant dignitaire de 
la L.'. des trinosoplies, mué en ultramontain, en venait à louer 
les zouaves pontificaux, « ces nobles croisés, ces généreux mer¬ 
cenaires, qui [étaient allés] défendre de leur vie les droits ina¬ 
liénables et imprescriptibles de la double autorité du Prince des 
princes de la terre ! (1) »,I1 fit mieux encore : il alla h Rome, et 
en revint chevalier de Saint-Grégoire le Grand ! (2). 

III 

Un Broussaisien. 

« Homme de progrès », ainsi que l’atteste son confrère 
Sachaile, le D” La Corbière professait la médecine broussaisien- 
np. Collaborateur du Journal de h médec’me physioloyique, 
tribune de l’Ecole du Val-de-Grâce, il défendait unguibus et 
rosira une doctrine grâce à laquelle, écriyait-il, « les idées- 
vagues, surnaturelles et mensongères de l’empirisme et de l’on¬ 
tologie ont fait place... à des notions claires, naturelles et 
précises ». Et rien de plus simple, en effet, que la nosologie 
broussaisienne : tout se ramène à l’irritation. Fi de ces maladies 
générales, que les retardataires attribuent à des causes fantoma¬ 
tiques! Ce qu’on nommera tort les fièvres essentieMes, c’est 
seulement l’ensemble des symptômes produits par la phlegmasie 
partielle ou totale du tube digestif. 

Le choléra-morbus lui-même n’est qu’une gastro-entérite 
suraiguë. Il n’y a donc point de maladies spécifiques, rien que 
des inflammations banales, à point de départ slomacho-intestinal, 

G) Fêle de Saint-Hubert, p. 10. 

(2) Le 1" mars 1870, on le trouve à Rome, Palazetlo Borghese. 



sympathiquement répercutées, ou propagées au cœur ou aux 
^centres nerveux. Et notre homme professera, avec David Richard, 
que la fureur rabique est düe non à un prétendu virus, mais à 
une simple phlegmasie de l’organe cérébral de la destructivité. 

A cette étiologie e.xclusive répondra donc une thérapeutique 
univoque, la thérapeutique antiphlogistique. Tout d’abord,, ne 
point ajouter à, rinflaraniation gastro-instestinale par des médi¬ 
cations incendiaires, telles que le camphre ou le quinquina: 
une diète sévère, la limonade, la tisane de mauve et de violette, 
voilà pour le régime^ Ensuite^ Juguler l'intlaramation ; calmer 
l’irritabilité exaspérée des capillaires enflammés, qui déchaîne 
les sympathies morbides : il n’est pour cela 3e meilleure pratique 
que la saignée, qui s’avère, selon le grand maître Broussais, 
comme « l’antiphlogistique par excellence ». Et notre homme 
qui avait dénombré dans sa thèse inaugurale les divers modes 
de Ja phlébotomie, l’artérielle et la veineuse, celles du pli du 
coude, de la jugulaire et du pied, la révulsive, la spoliaiive et 
la dérivative, d’admirer, comme renthousiaste Guy Patin, « avec 
quelle facilité l’économie supporte et répare les pertes sangui¬ 
nes! » Citerai-je avec lui ce cholérique algide, — un cas de 
1832 — qui, d’abord gratifié de vingt sangsues à l’épigastre par 
le chirurgien son voisin, se vit infliger par Broussais, vingt, 
puis quarante, puis tren te sangsues supplémentaires ? ou l’obser¬ 
vation de Amélie, modiste, laquelle fut atteinte, après un 
souper dé charcuterie, de bronchogastroentérite aiguë, compli¬ 
quée de péritonite, puis de métrocystite? 

Je vous confierai que la gastro-entérite de l’aimable grisette 
ressemblait singulièrement à une infection gonococcique. Quoi 
qu’il en soit, 2 saignées suivies de syncope ; une sans syncope; 15 
hirudinées à l’épigastre ; 35, puis 25, au basvenire, 2Ü autres à 
l’hypogastre et au col utérin « atterrèrent Thydre inflammatoire », 
attestant les vertus du système,.-..'et la résistance d’Amélie. 

Par contre, une jeune dame atteinte de gastro-entérite avec 
double pneumonie aiguë, man^qua périr d’emblée, malgré Brous¬ 
sais appelé sur-le tard, parce qu’un premier et timoré consul¬ 
tant n’àvait âulorisé que trais phlébotomies et 96 sangsues! (1) 

(1) Des émissions sanguines dans les'phlegmasies. ~ It s’agissait dans ce 
dernier cas d accidents péritonéaux conséculils à une fausse couche de,six 
semaines, et compliqués d'une congestion putmoriaire double, probablement 
tuberculeuse' 



— Mi 


Elle raoiirut d'ailleurs au cours de sa convalescence pour avoir 
mangé des noix sèches, victime de la « stimulation inaccoutu¬ 
mée » d’une inteiçpestive alimentation ! . I 

Heureusement pour ses clientes, Beunaiche usait d’autres 
moyens antiphlogistiques, tels que pédiluves sinapisés, ven¬ 
touses, clystères émollients, cataplasmes, etc. Il s’avisa même, 
après de longues méditations, qu’ « un excès de calorique étant 
l’aliment de l’inflammation,... l’application du froid serait le 
meilleur antidote de la phlegmasie ». Et sur les effets théra¬ 
peutiques de la glace et de l’eau froide, déjà vantés parRécaraier, 
il composa (1839) un gros livre où Ton trouve déjà en usage 
une foule d’applications qu’a reprises la pratique moderne. Les 
affusions froides, le drap mouillé, triomphe de l'empirique Priess- 
nitz ; les bains froids au cours de la fièvre typho'ide, vantés par 
Brand ; les enveloppements froids du thorax dans les affections 
pulmonaires aiguës, prônés par Lallemand Hénoch; les com¬ 
presses d’eau'froide et les vessies de glace sur l’abdomen, que 
recommanda plus tard Béhier, eji cas de péritonite (1), tout cela 
SC trouve déjà dans le Traité du, froid du D' Beunaiche La Cor¬ 
bière. Malheureusement, en son livre, l’élude physiologique et 
expérimentale des effets du froid sur l’organisme, se double 
d’un perpétuel plaidoyer en faveur de la médecine broussai- 
sienne; ce qui lui valut de tomber dans Loubli avec cette der¬ 
nière. 

IV , 

Un Phrénologiste. 

On sait que Broussais donna également dans la phrénologie, ce 
qui était encore une manière d’opposition aux doctrines officielles. 
Napoléon, qui faisait de la spiritualité de l’âme un.principe 
administratif, ne s’était point mépris sur les tendances du- 
Gallistpe; et l’avait fait exécuter en bonne formé, par Cuvier, 
dans un.rapport à l'^Institut. L’avèncpent des Bourbons ne fut 
guère plus favorable à une doctrine qui, bien qu’amendée par 
Spurzheim, frisait encore l’hétérodoxie. D’autant que les parti¬ 
sans de la phrénologie, moins prudents, débordaient leurs chefs 
de file. Broussais s’emparait de la phrénologie, l’amalgamait 

(1) Béuikr, Acad, de médecine, 11 avril 1863. — Béhier et Hardy, Traité 
élémentaire de pathologie interne, ôd., Paris, Asselin, 1864, ia-8“, l. tl, 
P.S69-571,. . ■ 



aux théories de Cabanis, et l’allait compromettre dans tes 
assertions provocantes de son Traité de T irritation et de la 
folie. Moitié par conviction, moitié par fronjije, les étudiants 
s’empressaient de pousser la crâniologiè à des conséquences 
extrêmes et subversives,, propres à scandaliser Mgr l'évêque 
d’Hermopolis, et qu'ils développaient au nez et à la barbe de 
M. Royer-Collard. Et l’autorité de sévir : on sait quels incidents 
provoquèrent en novembre 1822 la fermeture de l’Ecole de Méde¬ 
cine,En 1824, tous les cours particuliers furent interdits ou sou¬ 
mis à des autorisations spéciales. Gall se retira à Londres en 1823, 
Spurzheim en 182o. Rentré en France en 1823, Gall ne trouva 
plus guère d’auditeurs, et mourut oublié, à Montrouge, en 1828. 

La Révolution de juillet libéra les esprits; n’ayant plus « à 
craindre, selon la parole du D’’ La Corbière, le fagot ou la 
potence )), les phrénologisies relevèrent la tête. Le droit à la 
phrénologie fut, comme la monarchie constitutionnelle, une 
conquête des Trois Glorieuses; et sans plus redouter la police, 
une société phrénologique se fonda à Paris le 14 janvie’r 1831, 
Elle réunissait des hommes de science, panachés de quelques 
amateurs, avocats, hommes politiques, tous de nuance libérale 
et orléaniste. C’étaient des membres de l’Académie de médecine: 
Abraham, Amussat; de la Faculté : Andral, Bérard ; des hôpi¬ 
taux; Fabre et Rostan, de la Salpêtrière, Ferrus et Lélut, de 
Bicêtre, Sanson aîné, de l’Hôtel-Dieu ; des praticiens : Pinel 
Grandchamp,'l’aliéniste F. Voisin; des parlementaires, comme 
Las-Cases et le duc de Montebello ; voire des ecclésiastiques, tels 
que l’abbé François-Yves Resnard, ci-devant curé constitutionnel 
de Nouans, dans la Sarthe, jadis l’un des plus fidèles auditeurs 
du D'" Gall, et des artistes comme le baron Gérard. On porta à 
la présidence Dannecy, puis le vieux Broussais. Le rédacteur 
principal du Journal de la Société était le bouillant Bouillaud ; 
le Secrétaire g'énéral, Casimir Broussais, Casimir qui 
suivant les.traces de son père 
prête un appui fidèle au loyal l,,a Corbière (1) 
disait Fabre en plaisantant.» 

Le loyal La Corbière fut tout de suite à l’honneur,, et h la 
peine. Après Fossati et Robouam, il prenait en 1832 et 1833 
lesfonctiqns de secrétaire aux procès-verbaux de la compagnie ; 

(1) F. Fabhe, Némésis médicale, Paris, 1840, in-8*, t. JI( p. 196. 



- 413 — 


en décembre 1840, il était nommé vice-président pour 1841; en 
1843, on l'appelait à la présidence^ ce qui lui valut de pro¬ 
noncer, le 11 janvier 1843 et le 8 janvier 1844 les discours de 
rentrée et de clôture de l’exercice anuuel. 

, La doctrine de Gall n’avait point de plus zélé défenseur. Au 
congrès historique tenu en septembre 1835 à l’Hôtel de ville de 
Paris, une intervention de Casimir Broussais en faveur de la 
phrénologie provoque des protestations de Sandras, Cerise, 
Roux Pt Belfide. Beunaiche se dresse, à la rescousse, le Bureau 
lui ferme la bouche pour éviter une dispute ; mais notre homme, 
incapable de retenir un discours rentré, se rattrape le Si8 décem- 
bre à la séance générale de l’inhtitut historique et proclame 
qu’ t( après avoir brisé les chaînes dont avaient voulu l’accabler 
l’intolérance, le fanatisme et l’ontologie des temps passés . 
triomphé de l’antipathie calculée et des sarcasmes redoutables 
du maître du mondé, Napoléon, et de ses courtisans 
réduit ses adversaires au mensonge et au.ridicule, la phrénologie 
est apparue radieuse comme la vérité, puissante comme la force, 
et. assise sur tant de ruines, saisie d’un Saint recueillement, 
elle a pu, législateur bienfaisant, formuler aussi son code aux 
Nations !... (1)En tête de sa loi, la phrénologie écrit ces paroles 
sublimes de Socrate et de Christ, qui l’expliquent et la résument 
tout entière : Tolérance ! Charité! ! Progrès ! ! I (2) » 

Le 8 octobre 1842, ripostant aux anathèmes de Flourens, il 
réfute devant le Congrès scienlifique.de France réuni à Stras¬ 
bourg, les accusations d’impossibilité scientifique, de matéria¬ 
lisme et de fatalisme couramment proférées contre la crâniologie. 

« Oui, la phrénologie est matérialiste si par matérialisme on 
entend la manifestation des facultés, de la pensée, le sentiment 
de l’àme, de Dieu lui-même soumis à des conditions, à des 
nécessités organiques déterminant la nature, la force et l’étendue 
de ces idées ou de ces sentiments et leur préexistant ; conditions 
organiques in nées, indéniables, irrécusables dans l’état actuel de lâ 
physiologie du système nerveux... Mais la phrénologie n’est pas 
matérialiste dans le sens psychologique et théologique de ce mot, 
puisqu’elle admet l’existence d’un monde immatériel, l’existence 
et la nécessité morale de Dieu et de l’âme, mais comme vérités 

(1) Réponse aux objections, p. 24. 

{2)/èi(i.p. 24 etM. . . ■ ■ ' 

s.u.M. ' 27 



— 414 — 


de sentiment devant lesquels elle s^incline, qu’elle vénère et ne 
discute pas » (1). 

En 1843, il réclame pour la phrénologie « sa place dans l’en¬ 
seignement médical » (2), et morigène, l’année suivante, Lélut, 
l’apostat, qui, pour complaire à MM. Flourens etLeuret, et s’as¬ 
surer, par une éclatante adhésion aux doctrines orthodoxes, un 
fauteuil à l’Institut, n’a pas craint de censurer l’organologie 
phrénologique (3). 

Débordant de zèle doctrinal, le docteur La Corbière avait 
même fait, en 1833, une tournée de propagande à Genève et en 
Allemagne. On le vit, outre-Rhin, appliquer « avec succès la 
doctrine phrénologique à l'examen de plusieurs individus dans 
un hospice d’aliénés^ et ce jugement phrénologique conforme à 
la vérité [conquit à la doctrine] des partisans à Hambourg (4)., » 
Devant ces résultats convaincants, l’enthousiaste La Corbière 
chantait les louanges de la crâniologie . « Elle seule, à l’égal 
de Dieu qui sonde et les coeurs et les reins] peut réaliser la 
fameuse inscrjiption du Temple de Delphes rvS)0i <?eau+àv ! (g) » 

Mais le perspicace phrénologue avait fait à Hambourg, d’âu- 
Ires conquêtes que des conquêtes scientifiques. Ayant rencontré 
Marie-Frédérika Caroline, filleule J. H. Merck, sénateur de là 
ville.libre de Hambourg, et ce jour-là, sans doute, en veine 
ô.’(lmativité, il offrit à la blonde allemande l’hommage de ses 

(1) Wscouj-s au Congrès scientifique de France, p. 4-5. 

(2) Discours de rentrée. ' , 

(3) Lélut avait publié en 1843 son Rejet de l'organologie phrénologique dé 
Gall et de ses devanciers. 11 lut nommé te 20 janvier 1844 membre ae l’Aca¬ 
démie des Sciences morales et politiques ,seciion de philosophie). Dans' 
son Discours de clôture du 8 janvier 1844 (p. 4-6, note). Beunaiche écrit: 

« Maintenant, qu’arrivé au terme de sa course’ et de son ambition le 
nouveau membre de la section des Sciences morales et politiques peut se 
redresser et.dire au.>si, lui,-comme Sixte-Quint : Ego surn papa, les phré- 
nologistes ne samaienl douter qu'il ne prenne au Sacré Col.ôge là seule 
place, Ja seule altitude qui convienne'à ses travaux, à ses convictions. 
M. Lelutne peut être arrivé à l’institut pour v commuer Platon, Descaries, 
Malebranche, Leibnitz, Kant ou M. Cousin. E'clairé par les écrits d’Aris¬ 
tote, d’Epicure, de Bacon, de Gassendi, de Locke, nourri des travaux d'O- 
cam, de Telesio, de Campanelia, de Condillac, de Cabanis, de Reid, de: 
Dugald Stewart,de Huscheson ; enfant rebelle et ingrat, mais éminemment 
intelligent de Gall, de Lpurzheim et de Broussais, qui n’oht fait que natu¬ 
raliser, que physiologiser la doctrine de ces derniers philosophes; M. Lelut 
ettacera prochainement de -son dernier livre un anathème peu Sérieux 
contre cette » mauvaise physiologie de la pensée, qu’il a été fatalement 
appelé à défendre et à propager lui-meme ». 

(4) Journal de la Soc. phrénologique, t. U, 1833, p. 19., 

Discours derenléêe, 1843. 



feux. Ils furent agréés, et contrat fut dressé le 7 avril 1833, par 
devant MM*® Hubber et Lange, notaires à Hambourg. 

AyanUéprouvé les bienfaits de la phrénologie en matière d’é- 
leplion conjugale, le D’’ La Corbière ne doutait point qu’elle 
n’offrît aussi de grands avantages pour apprécier les candida¬ 
tures aux fonctions publiques ; et je. n’en veux pour preuve que 
ce politicien oublié, Jean-Adrien Bigonnet, dont La Corbière fit • 
l’éloge, le 23 août 1832, devant la Société phrénologique. 

« Messieurs,. dit notre orateur, elle est grande et difficile A 
remplir, la tâcbe«qui m’est imposée ; car je n’ai rien moins qu’à 
vous caracléri.ser ici l’un de ces nobles.enfants de 89, derniers 
débris de celte immortelle phalange d’hommes au coeur pur,, ii 
râm.e ardente, à la pensée puissante, qui sembla surgir par 
enchantement de notre première émancipation... Ûiiii je le recon¬ 
nais, il n’appartenait pas à ma faible voix de célébrer un tel . 
citoyen !’Toutefois, pour peindre Bigonnet, je n’aurai point a 
regretler;les charmes de Léloquence. Le phrériologiste dégagé 
de tout préjugé comme de toute pa.'ision, observe la Nature et 
l'homme pensant et sentant soumis à ses lois, et raconte avec 
simplicité les phénomènes de son étonnante organisation : il tait 
de l’histoire et non du roman^ D’aille.urs, qu’aurais-je besoin de . 
vains orneraens pour reproduire la vertu modeste ? Mon pinceau 
sera celui du sentiment, mon guide l’amour de la vérité. » 

Le vertueux Bigonnet, dont M. Beunaiche La Corbière retra¬ 
çait les mérites avec une emphase attendrie, avait été d’abord 
entreposeur des Tabacs; nommé, en 1793, maire de Mâcon, 
puis député au Conseil des Cinq-cents, il vitupéra au 18 Bru¬ 
maire le liberticide Bonaparte. Heureusement, il vécut a.ssez 
pour voir, en 1830, la Liberté rayonner définitivement sur la 
France ; et mourut content. Il fut alors autopsié et disséqué par 
les membres de-la Société phrénologique; occasion unique de 
s’a.ssurer.de,ce que peut bien contenir le crâne d’un, parleraénr 
taire, La Corbière.y trouva 1T35gr. de cervelle, ët en outre une' 
éclatante vérification des théories de Gall et de Spufzheim ; car 
il put découvrir dans la conformation dtl système cérébro-spinal 
du défunt, Toriginé des.mille et une qualités dont il.avait fait, 
preuve, ét même en déduire réiros'peclivement la cause de 
diverses nmn.ifestations de sa vie publiquoel privée. - 

De l’examen et de la mensuration'des diamètres, lobes et 
protubérances, notre observateur conclut que le disparu possé- 



— 41Ô - 

dait une grande activité cérébrale, principalement dans le 
domaine des penchants et des sentiments. La bosse des loca¬ 
lités, assez prononcée (1), expliquait le goût qui portait Bigon- 
net à narrer ses voyages (qui ne s’écartèrent guère du trajet^de 
Paris à Mâcon), ainsi que §on penchant pour le jeu de hillârd et 
la peinture paysagiste. On découvrait encore sur ledit encé¬ 
phale les circonvolutions de Vamour de la vie, àe.\’.alimenti• 
vité (vous étiez gourmet, Bigonnet !), de Xamativité (hum !), de 
la fhilogéniture (I) ; celles de la destructivité et de la comba¬ 
tivité auxquelles il dut probablement de faire de la politique, 
mais qui furent heureusement tempérées et édulcorées par la 
justice, Xaffectionnivité QiXhabitativilé oü instinct patriotique. 
L’organe de Xestime de soi était « largement développé », de 
même que Xaj^probaUvité ou amour de la gloire (encore la poli¬ 
tique !) ; et aussi la circonspection, la bienveillance, la fer¬ 
meté, la coascienciosité, la merveillosité, la gaité, Xidêa- 
Hté, etc., etc. J’allais oublier \ÿi vénération, très marquée dans 
la cervelle de Bigonnet; M. La Corbière incline à croire que ce 
fut cet organe qui, ressentant vivement l’atteinte portée à la 
souveraineté du peuple, dicta à Bigonnet, en Brumaire, cette 
apostrophe vengeresse à.Bonaparte: a Dehors! Retirez-vous! 
Vous violez le sanctuaire des lois'! » (2) 

. Hélas ! Pourquoi faut-il ajouter des ombres h ce tableau ? La 
vérité nous oblige à reconnaître ({üc, la pei'spicacité e,{X esprit 
d'induction, non plus que la causalité, n’avaient marqué que 
d’une faible empreinte les circonvolutions du député Bigonnet. 

« Celte précieuse faculté est ici médiocrement prononcée ; et com¬ 
me elle n’est que faiblement aidée par la causalité, elle n’a pas 
permis à Bigonnet de dépasser certaines limites dans ses travaux 
politiques et législatifs... Et par cela même que Bigonnet ne sai¬ 
sissait pas, pour peu qu’ils fussent complexes, les rapports des 
.objets entre eux, de même il s’expliquait difficilement leur pour¬ 
quoi et ne s’en rendait pas toujours un compte fidèle. » Aussi 
La Corbière observe qu’il ne peut être mis sur le même rang 

(1) Les phrénologistes plaçaient le siège de celte faculté vers ia partie 
antérieure de la première circonvolution frontale. 

(2) Aussi, Bigonnet est-il Inscrit au nombre des « individus » rayés d’ur- ' 

gence de la représentation nationale par le Conseil des 800, décision 
approuvée le 10 brumaire, an Vlll par les Anciens « pour' les excès et 
attentats auxquels ils se sont constamment portés, et notamment... dans 
là séance » du iO. ' 



que « Socrate, Bacon, Galilée et Voltaire » qui possédaient à un 
degré éminent les facultés delà comparaiso7i et de la causalité. 

Ainsi s’affirmait, aux yeux du D' La Corbière, le rôle social 
de la phréqologie. Elle « seule, disait-il, peut vraiment faire la 
part éqùitable et naturelle de l’autorité comme de la démocra¬ 
tie. (1) » Elle seule pouvait guider le peuple, par. un examen 
crâniologique préalable*, dans le choix de ses mandataires ; et aussi 
éclairer l’autorité sur la valeur de ses fonctionnaires et l’art de 
gouverner les citoyens. La Corbière ne balançait point à attri¬ 
buer nos convulsions politiques'Ct sociales de 1830 et de 1848 
au mépris dans lequel les gouvernements successifs avaient tenu 
les énseignements du D' Gall. 

« Partout où les hommes se font gouverner par la multitude, 
avait dit le Maître, où les règlements, les décisions, les lois sont 
l’œuvre de la pluralité des votes, c’est la médiocrité qui l’emporte 
sur le génie. Propter peccata terrœ mulli principes ejus. » (2) 
Et tout à sa marotte, Beunaiche se proposait d’aborder cette 
question.au Congrès scientifique de France, qui devait tenir 
sa 18® session à Orléans, le 12 septembre 1851. Mais l’art. 13 
du règlement éliminant tout sujet politique ou religieux, la 
section de médecine refusa,, le 17 septembre, d’ouïr son mé¬ 
moire (3) ; et notre homme se rabattit sur la Société des Sciences 
et des Lettres de Blois qu’il entr^int, le 28 novembre 1881, de 
la nécessité de recourir, dans les présentes conjonctures, aux 
leçons de la phrénologie. 

Quatre jours plus tard, Louis-Napoléon estimait préférable de 
recourir aux baïonnettes. Et il faut convenir qu’au régime nou¬ 
veau qui pactisait avec l’orthodoxie, la phrénologie devait appa¬ 
raître non seulement périmée, mais suspecte de matérialisme et 
de subversion. 

D’aucuns en voulaient discerner la condamnation dans le dis¬ 
cours de Bordeaux où le Prince-président réprouvait le 9 oc¬ 
tobre 1852 les (( absurdes théories » de prétendus réformateurs 
qui « n’étaient que des rêveurs ». Il est probable que Louis 

(1) Discours de clôture, 8 janv. 1844, p. 13. 

{21 Gall, Sv^ les fonctions du cerveau et sur celles de chacune de ses 
parties, Paris, Bôchet, Boucher, Bossange, 1822-2S, 6 vol. in-8‘, t.ll, p. SO. 

(3) Ce mémoire était intitulé : In/luênce de la physiologie du cerveau sur 
la morale, la philosophie, ta législation et la politique, Ci.'^ongrès scienti¬ 
fique de h’rancè, 18“ Session, Orléans, septembre 1831, Paris, Orléans, 1852, 
2 vol. in-S®, t. I, p. 120. 



, — 4:18 — ■ \- 

Napoléon, en proférant ces paroles historiques, ne pensait guère 
au D" Gall, et le D’’La Corbière, pour sa part, en était persuadé. 
« Napoléon, écrivait Laurent Jan h Balzac, c’est une échelle pour 
nous retirer de l’égoût de la République. » Noire docteur y voyait 
mieux; une échelle de Jacob en haut de laquelle rayonnâit dans 
sa gloire, la- figure vénérable du D' Gall. Et persuadé que les 
pai'oles officielles ne visaient que « la famille des idéologues» qui 
avait tant abusé le peuple, il âe permit de recommander au prin¬ 
ce, «aujourd’hui empereur, que Dieu garde et inspire» l'élude 
■ de la physiologie du cerveau comme « le meilleur, le seul remède 
peut-être aux aberrations de l’esprit humain », et même son''in'- 
iroduction dans les programmes de FUniversité impériale. Ainsi 
s’ouyrirait « l’ère glorieuse >), prophétisée par Broussais, « où 
la philosophie et la morale seront fondées sur la phrénologie.» . 

C’étaient là, désormais, propos vains. La phrénologie était 
morte et enterrée, du moins en tant que doctrine crâniologique. 
Mais le problème qu’elle avait posé, et prétendu résoudre, sub¬ 
sistait. Quand le D'' La Corbièée promettait d’écrire un livre, un 
gros livre sur 1’ « influence que doit exercer la physiologie ou la 
connaissance des fonctions du cerveau sur les progrès ultérieurs 
de la médecine, de l’hygiène publique et privée, de l’éduca¬ 
tion », etc. ; quand il observait que « la morale'a pour fondement 
une condition organique », qiie « les dlspo.siiions instinctives, 
morales et intellectuelles sont innées » (1), il'ne faisait que 
^ reprendre ce qu’avant Gall avaient dit Descartes et Leibnitz. Et 
lorsqu’il demandait à l’édueation d’assurer conformément à la 
hiérarchie des facultés, la prédominance des organe^ du senti¬ 
ment, ou du cerveau supérieur, sur ceux des bas instincts, il 
soulevait en termes jfhrénologiques périmés, la question tou¬ 
jours actuelle des rapporis du physique et du moral, et celle du 
. fondement biologique de la morale publique et privée. L’élabo¬ 
ration d’une morale et d’une sociologie scientifiques, ébauchée 
déjà par Aug. Comte, servira, pendant tout le Second Empire, 
de thème à l’Ecole positiviste. Et il n’y a pas longtemps que 
M. Ferdinand Bruneiière dénonça bruyamment Timpuissance de 
la Science à fournir un code de vie intérieure à l’humanité.' 

(11 De l'influence que dpil exercer la physiolngie du cerveau, p. 79 et 93. 
— (;e volume, dédié par Lu'Oorbiére à la mémoire de son beau-père, le 
Sénateur Hambourgeois Merck, décédé le 23 octobre 0-33, parut la inémé 
année chez Masson. L'auteur en envoya un exemnlaire, avec dédicace 
manuscrite, à la bibliothèque municipale du Mans. (N" 2273.) 



. _ 419' — V ■ ' 

" . V , , . 

Les Révendicatioks d’ün Praticien. 

Si, comme hroussaisien, Beunaiclie faisait partie de l’Eglise 
militante, il appartenait, en tant que praticien, à l’Eglise souf¬ 
frante. Etabli, dès 1829, 48, rue Neuve-des-Petits-Gharaps, plus 
tard (184S), 28, rue Tronchet, il connut les tribulations de ce qui 
devrait être un art, et n’est trop souvent qu’un dur métier. Et 
il prit rang parmi ceux qui entendaient défendre, perfectionner 
et moraliser la profession. 

Besogne ardue. La loi du 19 ventôse an XI, en ratifiant la 
déchéance des anciennes corporations, en réduisant les Facultés 
au rôle enseignant, avait abandonné le médeçin à lui-même, et 
consacré son isolement. Et telle était encore là situation en 1830.- 

Une révolution est l’aboutissement, et aussi le point de départ 
de revendications; et tout révolutionnaire en attend l’allègement 
de son sort, et au surplus l’abaissement de son voisin. Avec la 
révolution de'juillet, le corps médical connut, comme BEtat, 
une crise démocratique. Il voulut d’une part s’organiser et se 
discipliner pour améliorer les conditions professionnelles; d’autre 
part supprimer les barrières qui séparaient les arrivés des arri¬ 
vistes. Et deux problèmes se posèrent devant lui celui du statut 
corporatif et celui du haut enseignement. 

Le premier avait déjà été abordé. En 1828, en réponse aux 
questions adressées par le ministre de l’Intérieur sur rétablis¬ 
sement de chambres de discipline, deux médecins dés hôpitaux ' 
de Paris, Geoffroy ét Lullier-Winslow, publièrent une brochure 
préconisant l’établissement de Collèges de docteurs en méde¬ 
cine et d’officiers de santé, pour réprimer les « abus introduits 
dans l’exercice de la médecine », assurer « l’honneur de la pro¬ 
fession », et donner à la .société « toutes les garanties qu’elle 
réclame ». Mais il. ne s’agissait là que d’un code déontologique 
de police intérieure qui, négligeant les intérêts matériels, lais¬ 
sait le corps médical, aussi désarmé pour l’attaque que, pour la, 
défense, et resta d’ailleurs en suspens. 

A vrai dire, c’était un peu l’intention du Gouvernement. S’il , 
tolérait, en les surveillant, l’existence de. Sociétés purement ' 
scientifiques, il se méfiait dès coalitiqiiS professionnelle.s.-Mais, 
sous l’influence des théories fouriéristes, l’idée-'de l’associationi 



^ — 420. — 

facteur de progrès moral et de prospérité matérielle, finit par péné¬ 
trer lès classes dirigeantes et par s’imposer au Pouvoir. Pour par¬ 
venir à se fédérer, nos Esculapes prirent ce biais : Vassocialion. 

Ainsi fut fondée, vers 1830, la Société de perfectionnement 
et de prévoyance entre les médecins de Paris. Beunaiche, qui 
publia, cette année là, quelques observations au sujet des statuts 
et réglements du groupe, figurait encore en 1841 dans la Cora- 
mi.ssion de l'association des médecins de Paris pour le 1'”' arron¬ 
dissement. 

Mais il ne s’agissait là que d’une œuvre d’instruction et d'as¬ 
sistance réciproques, impuissante à réformer la constitution anar¬ 
chique et les abus dont soufïrait la corporation. Le D'' La Cor¬ 
bière déplorait que le cumul des places entraînât pour les uns 
l’abondance, pour les autres la gène ; que la concurrence ravalât 
trop souvent le praticien au rang « d’industriel », alors qu’il 
devrait exercer un sacerdoce à l’égal « du prêtre et du magis¬ 
trat ». Or, facultative, contrariée par l’insouciance ou l’indivi¬ 
dualisme de nombreux confrères, n’exerçant qu’une juridiction 
morale à l’égard des siens, sans juridiction légale sur les autres, 
l’association pourrait-elle réprimer le charlatanisme, la concur¬ 
rence déloyale, améliorer le sort du médecin? Non. Ei l’on était 
h une époque où il fallait considérer et l’honneur... et l’argent, 
propter necessitatem. 

D’autre part, l’égalité réclamait ses droits; et une révolution 
qui se flattait de réaliser dans-leur plénitude les droits de 
l’homme et du citoyen, ne pouvait confisquer le droit à la parole. 
Tous ceux qui avaient une théorie en tête ou un discours dans le 
gosier, aspiraient à monter en chaire. Ce n’éta^t point assez qu'à 
la Faculté le Régime de Juillet eût balayé les suppôts et réin¬ 
tégré les victimes du légilimisme, et que l’ordonnance du 5 oc¬ 
tobre 1830, abolissant le privilège des agrégés^ eût permis aux 
simples docteurs l’accession aux épreuves du professorat. On vit 
se rallumer la lutte entre les praticiens et Ifes pontifes, entre 
renseignement libre et les chaires officielles; entre les bêtes à 
concours et les inventeurs sans titres. Dénonçant le scandale des 
cabales, des brigue.« et du népotisme, le D” Fabre, dans la 
Gazette des Hôpitaux, criblait l’Ecole de ses sarcasmes, et 
demandait à grands cris la réforme de l’enseignement. Et Beu¬ 
naiche, déplorant que le praticien, une fois diplômé, que l’étu¬ 
diant, principal intéressé, n’eûssent point, dans leur Faculté, 



voix aux chapitre, rêvait d’un corps médical organisé comme le 
corps électoral, et attribuant par la voie du scrutin, et au besoin, 
du concours, les chaires professorales et les places des hôpitaux, 
prisons, et âulres services publics (1). 

Mais ce n’étaient là que projets en l’air. Le corps hippocra¬ 
tique n’avaient point qualité pour légiférer. 11 ne se sentait pas 
encore assez uni et homogène pour oser, tout seul; élever la voix ; ' 
et il formula ses premières revendications sous le patronage du 
Congrès scientifique de France, qui comprenait une section 
médicale. C’est à la 10" session de ce Congrès, ouverte à Stras¬ 
bourg en septembre 1842, que Bailly proposa de « constituer un 
corps médical réguliiirement organisé et classé hiérarchique¬ 
ment », et demanda qu’une commission, affiliée au Congrès scien- ' 
tifique, élaborât le cahier de*! réformes impatiemment attendues. 

A la voix de Bailly, les auditeurs, déplorant « les tristes 
plaies de la profession », les excès du charlatanisme et l’inac¬ 
tion d’un gouvernement qui reculant indéfiniment la révision, 
depuis longtemps réclamée, de là loi de ventôse, ne s’occupait- 
des praticiens que pour aggraver la charge des patentes, décida 
de grouper les médecins, « individus isolés, sans rapports 
nécessaires, sans responsabilité commune », pour uneWion 
d’ensemble. Et après avoir inscrit à son ordre du jour les modi¬ 
fications que réclam[ait] l’organisation médicale en France, 
le Congrès décida de nommer une commission permanente de 
six membres, chargée de centraliser lès efforts d’un Congrès à 
l’autre, et de département efi département. Un appel au corps 
médical fut signé à Strasbourg le 29 avril 4843, par Ehrmann, 
Tourdes, Forget, Aronssohn, Stœber et Oppermann. Cette initia¬ 
tive réveilla les sentiments de solidarité confraternelle et donna 
au corps médical français la conscience de sa force. Bientôt, il 
se sentit assez uni pour se passer de da tutelle scientifique de 
M. de Gaumont, et orgqhiser, sur le terrain des intérêts profes¬ 
sionnels, une manifestation purement médicale, d’oîi sortirait 
enfin la Charte de la médecine française. L’ardente campagne 
menée par Amédée Latour, la bienveillance d’un ministre éclairé. 
M, de Saîvandy, en permirent la réalisation, et autorisèrent 
tous les e.spoi'rs. Le 1"" novembre 4845, Serres présidait, à 
l’Hôtel de ville< de Paris, l’ouverture du Congrès médical de 

(1) Beunaiciie, Réforme médicale, enseignement. Gazette des hôpitaux, 

9 août 1836. 



— m ~ ■ . 

France. On sait quelles importantes conséquences en faillirent 
découler pour l’exercice de la médecine. Le IS février 1847, la 
chambre des pairs était saisie d’un projet de loi réformant la 
police de^et art conformément aux vœux des intéressés. 

Délégué officièr.de la Société-phrénologique au Congrès, Beu- 
naiche n’avait pu se rendre à Strasbourg, mais il en dit son 
mot dans la Gazette, et formula le code du corps médical orga¬ 
nisé. Il le concevait sous la forme hiérarchique de docteurs 
praticiens ; de docteurs délégués aux fonctions publiques ; de 
professeurs et agrégés voués à l’enseignement ; avec passage 
assuré d’une catégorie à l’autre par la voie du concours ou de 
l’élection. Des conseils médicaux départementaux, un conseil 
général central, séant à Paris, recrutés par le même procédé, 
. eûssent assuré la juridiction. t 

D’autre part, notre homme réprouvait le maintien de l’officiat 
de santé ; déplorait que le projet te loi éludât la question de 
l’enseignement libre, et réservât'aux agrégés le monopole de 
l’ascension au professorat. Plaintes vaines et caducs projets ! 
La loi Salviindy allait passer, lorsque la Révolution de 1848 
ajourna à près d’un demi-siècle la conçlusion de ces débats. La 
nouvelle loi sur l’exercice delà médecine ne fut promulguée que 
le 30 novembre 1892, et alors seulement fut concédé aux méde¬ 
cins le droit syndical que la loi du 21 mars 1884 avait pré¬ 
tendu leur refuser. 

-, IV.. ■ 

Les Sociétés s.waktes. • 

Le D'' Beunaiche La, Corbière était atteint du prurit académi¬ 
que, Et non content de siéger à la Société phrénologique, il 
entrait à l’Académie nationale agricole, manufacturière et com¬ 
merciale, fondée le 26 décembre 1830 dans les salons de 
M. César Moreau, place Vendôme; ppur permettre à la Liberté, 
dégagée des abstractions philosophiques ou politiques et désor¬ 
mais semeuse d’écus, de s’appuyer sur le Commerce, rrndustriè. 
et la hiérarchie bien comprise des intérêts individuels (1). / 

(1) Se proposant de guider toutes les classes de la Société, et de grouper 
<i le-savoir et le zèle dihommes appartenant à toutes Tes hnances d’opi¬ 
nion », pour guider les hommes « dans tous leurs intérêts »; oQiciellement 
autorisée en mars 1831 par le ministre de l’Intérieur, la nouvelle association 
eut l’honneur d’ôtre présèntée au Roi le 30 avril, jour de sa fête, et le 



— 423 — - . ^ 

Le 13 août 1832, Beunaiche sonicitait encore en son jargon 
phrénologique, le titre dp correspondant de la Société des Arts 
du Mans. 

« Manceau d’origine, sans professer, :en 1832, la doctrine 
du patriotisme exclusif, j’ai, pour parler le langage phrénolo¬ 
gique, V.hnbitativité très développée,-et je ne pense jamais sans ' 
une tendre émotion, à mon pays, au.-berceau de mon enfance et 
au;c premiers ébats de ma jeunesse. Je saisis donc avec empres¬ 
sement toutes les occasions qui peuvent me rappeler la Sarthe, 
et surtoût me rattacher.à mes compatriotes. Je vous laisse à ju¬ 
ger, Monsieur le Président, si je me trouverais heureux de recevoir 
de vous et de l’élite des Manceaux, mes honorables collègues de 
la Société des Arts et Sciences, etc. le digniis mtrqre^.: (1) » 

Son ami'Boisseau, les Vallée et Suhard furent chargés 
d’examiner lés titres du postulant. Ils opinëbent que l’estime 
qu’accordait à La Corbière « un homme tel que M. Broussais », 
la « conviction profonde'èt sincère », la hardiesse de sa pensée 
et « la franchise de son caractère » le rendaient digne d’être 
agrégé à la compagnie, qui l’accueillit à l’unanimité le 11 décem¬ 
bre 1832 (2). • 

- Devant ces succès réitérés, le D' Beunaiche La Corbière son¬ 
gea raisonnabienienl h l’Académie de médecine. Quatre vacances, 
dans la section de pharmacie ; deux morts, dont Richerand, 
dans celle de médecine opératoire, dix décès, dont ceux, récents 
d’Alibert et de,Biett, dans la section de pathologie médicale, 
offraient aux candidats des cha'nces de succession, inférieures, il 
est. vrai, aux fauteuils disponibles. Carj le 8 mars, sur le rapport¬ 
ée Bouvier, la compagnie décida de n’attribuer qu’une placé,', 
qui fut concédée à la section de pathologie médicale, El candi¬ 
dats de s’inscrire. , ' . ' ■ 

Il fallait, pour cela, faire une lecture, à quoi Beunaiche con¬ 
sentait volontiers, et aussi des visites, auxquelles il se refus'a 

souverain, daigna assnrerde son bienveillant concours une,œuvre si « émi¬ 
nemment utile r- Çe ministre de , l’instruction publique éarthe, ie préfet 
dé la Seine üdilon Barrot, lui adressèrent, regis aU exemptai', leurs'plus 
chaleureux encouragements, précieusement recueillis par, le secrétaire 
géncial, le générai baron Jiichereaûde .SaintDenys. p f Notice hist. sur l'Aca¬ 
démie nationnle ngricote, manufacturière et commeroiale, in Journal dès 
travaux iié l’.vcud. nàtionafe,agricole,etc., 42° année, 1872, in.8°,p 10-31). 

(!)■ Archives de la Société d'Agriculturc, Sciences et arts de la Sarthe, ■ 
XIII, C'i., 

(2) Rapport de Suhard, du 25;novembre 1832, îWrf. XIII, G‘“. 



_ 424 — • 


catégoriquement, ne voulant avoir, selon le mot de son confrère 
Lyrac, dans la Gazette, ni « courses de cabriolets » à payer, ni 
« gants blancs à salir ». C’est pourquoi il rédigea sa requête 
en ces termes : 

« A Monsieur le Président de l’Académie royale de médecine. 

« Monsieur le Président, 

V Permettez-moi devons {)riercomme le représentant de votre 
illustre compagnie de vouloir bien inscrire mon nom pour la 
candidature an fauteuil qu’elle vient de déclarer vacqnt dans 
son sein (section de pathologie médicale). Mais croyant non 
moins contraire à ma propre dignité qu’aux égards et à la haute 
estime qui sont dus à l’illustre assemblée, comme à chacun de 
ses membres, d’aller selon l’usage à domicile et chez tous prôner 
mes titres'et mes^droits et solliciter leur favorable suffrage, je 
crois de mon devoir, afin d’éclairer la religion de l’académie, 
dejdonner ici le résumé succinct de mon faible bagage scientifique 
en attendant que je le dépose in extenso et conformément à 
son règlement entre les mains de la commission nommée pour 
en connaître. Recevez, Monsieur, etc. » 

Offusquée de cette humeur altière, la Commission académique 
raya le D’’ Beunaiche de la liste de présentation ; et c’est Jules 
Guérin qui fui élu, le 10 mai 1842, contre Mélier, Prus, Casi¬ 
mir Broussais, Gibert et Nonat. 

Notre homme n’avait pas attendu le scrutin pour protester 
publiquement contre les pratiques « humiliantes et déloyales » 
que les « coutumes candidatoriales » imposaient aux néophytes. 
Et dans une lettre du 22 mars 1842, signée « La Corbière, D. 
M. P., préteildant, quoique indigne-, au fauteuil médico-patho- 
logique », et qui portait comme épigraphe cette maxime de 
l’apôtre Paul : Justitia virtulum regina, il s’écriait: « Le 
rouge me monte au visage . quand je vois, si peu d’années 
encore après une révolution,., qui semblait faite seulement au 
nom de la justice, de la gloire, et de la dignité du pays et de 
l’humanité, au moment même-où par une déchéance et une 
dégradation .de l’esprit public... tout le mondé s’occupe et 
parle de la nécessité d'une réforme de nés institutions médi¬ 
cales, de l’urgence d’une digue à opposer au débordement de 
charlatanisme, d’astuce et de corruption qui... menace de nous 
.engloutir...dans l’opprobre commun, oui, le rouge me monte au 



— 42S — ■ ‘ 

visage quand dans cet état des esprits et des choses je vois des 
jeunes hommes même, l’espoir de la science et de la patrie,;., 
courbant lâchement leur noble front sous les exigences honteuses 
de coutumes dégradantes, aller mendier servilement les suffra¬ 
ges des bourgs pourris du népotisme... et... sans crainte et 
sans vergogne^ se prostituer à Jomardl (1) » Et dans, une 
deuxième EpUt'eaux jaugeant l’eau bénite de cour, 

dénombrant les sourires diplomatiques, et mesurant la valeur du 
fauteuil académique à celle de l’occupant, il rappelait que pour la 
présente élection, 130 volants n’avaient pas promis moins de 399 
suffrages; que jadis la candidature de Gall, lancée par Geoffroy 
Saint-Hilaire, n’avait obtenu qu’une voix ; et que le grand Brous¬ 
sais lui-même, après s’être contraint à passer sotis les fourches 
.caudines des seuils académiques, s’était vu préférer Double! (2) 

Déçu du côté de la rue de Poitiers, La Corbière porta ses pas 
du côté du Pont des Arts. Il s’honorait de compter, à l’Institut 
quelques amis ; Lamartine,, Vitet, Geoffroy Saint-Hilaire, La- 
jard, Michel Chevalier, et espérait mieux réussir à l’Académie, 
des Sciences morales. Il songeait raisonnablement pour cela à un 
travail qui devait embrasser « toutes les institutions humaines,, 
l’ordre social tout entier », et consacré à « l’influence que doit 
exercer la physiologie ou la connaissance des fonctions du cer¬ 
veau sur les progrès ultérieurs de la médecine, de l’hygiène 
publique et privée, de l’éducation, de l’agriculture, de l’indus¬ 
trie, du commerce, des beaux-arts, de la morale, de la religion, 
de la philosophie (physiologie, métaphysique et théologie), de la 
jurisprudence, des systèmes pénitentiaires, de la législation, de 
la politique et de l’économie sociale. » Et il estimait qu’après 
audition, en séance publique, de 14 ou IS chapitres de cet 
ouvrage, les immortels prononçaient, en sa faveur, le Dignus... 
intrare. Mais la phrénologie était de plus en plus mal vue. La 
Corbière reçut de ses amis, et du secrétaire perpétuel Mignet, le 
conseil prudent de s’épargner un affront inutile. El renonçant à 
l’habit vert, il se tint pour consolé en se rémémbrant écrivait-il, 

(1) « Se prostituer à Jomard », expression empruntée à un pamphtet de 
Paul-Louis Courier. - Edme François Jomard (1777-1862), ingénieur géo¬ 
graphe fut élu le 2 octobre 1818 par t’Académie des Inscriptions en rempla¬ 
cement de Visconti. Cette nomination provoqua la fameuse Lettre de PauL 
Louis Courier, tui-mônie candidat msfîheiireux, à Messieurs de l’Académie 
des Inscriptions et Belles-Lettres. 

(2) Gazette des hôpitaux, 20 mars et 13 septembre 1842. -, 



Cf le sort inévitable de tous les producteurs ou propagateurs d’idées 
nouvelles, ei des plus éminents, Galilée et Harvey, Salomon de 
Caus et Papin, Gall etSpurzlieim, Jenner et Broussais (i) ». 

Le seul institut qui lui ouvrit ses portes fut l’Institut histori¬ 
que de France(2). 

Mais notre homme se rattrapait,sur la quantité, e{ ea:/rà. 
Membre de la Société médicale d’émulation de Paris, du Comité 
médical de la Société protestante de Paris, de-l’Académie de 
médecine et de chirurgie de Madrid, de la Société dès Sciences 
médicales de . Lisbonne, de la Société médico-chirurgicale de 
Turin, de Sociétés des Sciences médicales et naturelles de 
Bruxelles et de Dresde, de la Société'médicale de Leipzig, des 
Société de médecine de Gand et de Hambourg, il compléta sa 
collection de diplômes, lors de sa retraite en Vendômois, par 
ceux de la Société des Sciences et des Lettres de Blois et de la 
Société médicale de la même ville. ' . 

Le docteur Behnaiche La Corbière mourut-dans sa,propriété 
-delà Rozelle, à Cellettes, près de Blois, le 16 juin 1879, âgé de 
78 ans. En le recevant à la -porte des demeures élernell.es, saint 
Pierre fit la'grimace : « Ce .docteur La Corbière sent le fagot : il 
fut jadis libéral et franc-maçon, et la phrénologie, qu’il professe 
avec obstination, me paraît bien matérialiste... mais enfin, il 
m’est adressé par un ingénieur de? ponts et chaussées, et 
recommandé par M. l’abbé Mollard son cousin, témoins de son 
trépas ; et il ne siérait point d’envoyer en enfer un homme que 
mon successeur a décoré'> non sans quelque imprudence, de la 
croix de Saint-Grégoire !... Moyennant un assez long stage en 
purgatoire, il faudra bien l’admettre dans la Société, des élus. » 

Et je docteur La Corbière satisfait, se dit in petto :, a Ça sera 
ma dix-septième société. » ^ ■ ,< 

BIBLIOGRAPHIE 

Dissertation sur les émissions sanguines dans les phleg 
, masies. Thèse de la Fac. de médecine de Paris, 31 mai 1826, 
n" 90. Paris, Didot jeune, 1826, VL72 p. in-4“. , 

(\) Dé Tin fluence qve doit exercer, la phrénologie, li. 16. 

(3). Fondé en 1834 sous la direction de Michaud, par Garay de Monlglave, 
et devenu en 4872 la Société des éludes historiques. (Cf. ÜESLXNDnES, Les 
débuts de Tlnélilul historique, Revue des éludes historiques, 88“ année, 

. 119161-septembre 1022, fasc. 124, p. 399-334. 




Eloge funèbre de R. F. Judel, docteur en médecine, prononcé 
sur sa tombe le 23 octobre 1828, Le Mans, 1828, 7 p. in-4“. 

Discours prononcé'dans laR.-. L. -. des Trinosophes, O. •. 
de Paris, les 18® jdu 4® m e/ 6® du 6® wz. •. 5830, Le Mans, 
Monnbyer, 1830, 37 p. in-4°. 

Des émissions sanguines dans les phlegmasies, et de Ict 
nécessité d'insister sur leur emploi daris les phlegmasies 
aiguës, mémoire présenté et lu à la Société protestante, le 
23 janvier 1832. Annales de la médecine physiologique, t. XXI, 
mars-avril 1832, pp. 279-293, 362-403, et l. à p., s. 1. (Paris). 
Impr. Lachevardière, s. d., 36 p. in-8”. 

Dell’emploi extérieur et intérieur du froid, en médecine et 
en chirurgie, Ann. delà méd. physiologique, t.XXII, juillet 1832, 
pp. 73-76.' 

Notice biographico-phrénologique sur Jean-Adrien Bigon- 
nét, ancien mah'e de Mâcon, ancien,député au Conseil des 
Cinq-Cents, et a la Chambre des représentants, Journal de la 
Société phi-énologique de Paris, t. ll, 1833, pp. 247-289, et t. à.p. 
s. 1. n. d., 50pp. iu-8“. ' 

Réforme médicale, enseignement, à M. le /)*■ Fabre, rédac¬ 
teur en chef de la Gazette des hôpitaux. Gazette des hôpitaux 
civils et militaires, t. X, n° 94, 9 août 1836, pp. 373 374. (Lettre 
■du 20 juillet 1836.) 

Réponse aux objections faites à la phrénologie au sein du 
Congrès historique tenu,à l’Hôtel-de-Ville de Paris dans sa 
séance du 27 novembre 1833, ...lue en séance générale de l’Ins¬ 
titut hist. le 28 décembre 1833, s. l.n. d. (Paris), 28 p. in-8°. 

Traité du froid, de son action et de son 'emploi inlus et 
extra en hygiène, en médecine et en chirurgie, Paris, Cousin ; - 
Bruxelles et Aijisterdara, 1839, 719 p. in-8®. 

Pneumoj^ie à gauche, pleurésie avec-épanchement à droite, 
emploi des ’ventouses du D^ Junod, guérison. (Gaiéttè, des 
hôpitaux, 7 septembre 1840, p. 419.) 

4 M. le Rédacteur eh chef de la Gazette des hôpitaux. 
Gazette des hôpitaux, l. IV, 2® S.,,n® 38,29marsl842, pp. 175-176. 
(Lettre du'22 mars.) ' 

Deuxième épître aux Corinthiens, à M. le Rédacteur eh 
chef de la Gazette des hôpitaux, ibid., t. IV, 2' S., n® 109, 
13 septembre 1842, pp.'509-510. (Lettre du 15 août.) 

piscow's prononcé dans le Congrès scientifique de France 
(Section. de médecine) réuni, à Strasboûrg. Paris, Impr, 
Bélhuné et Plon (1842), 7 p. in-8“ et sous le titre : Discours sur 
la phrénologie, in Congrès scientifique de Fmncc, 10® session, 



Strasbourg, septembre-octobre 1842, mémoires, Strasbourg et 
Paris, 1843, in-S", t. II, pp. 215-218. 

A propos d’une communication de Textor sur larage, ibid., 
i. I, Pr. Vx, p. 238. 

Lettre du 26 août 1843 sur la mort de Chervin, Gazettfe des 
hôpitaux, t. V,.2» S., n» 102, 29 août 1843, p. 408. 

Discours de rentrée prononcé à la Société phrénologique de 
Paris, le 11 janvier 1843. Paris, P. Renouard, s. d.. 16 p. iii-8“. 

Discours de clôture prononcé à la Société phrénologique de 
Paris, le 8 janvier 1844. Paris, Imj)r. Delanchy, 27 p in-8". 

Le projet de loi, le Congrès, les honoraires. Gazette des 
hôpitaux, 2° S., t. IX, n“ 30, 13 mars 1847, pp. 125-127. 

. De l’influence que doit exercer la physiologie du cerveau 
sur les progrès ultérieurs de la philosophie et de la morale. 
Paris, V, Masson, 1853, 150 p. in-8“. 

Fêle de Saint-Hubert. Blois, Impr. Lecesjie, s. d. (1864), 
20 p. in-8'>. 

Allocution prononcée par M. de La Corbière, président de 
la.Section de Viticulture du Comice agricole de Loir et-Cher, 
dans sa séance du Viseptembre Blois, s. d., Impr. 
Lecesne, 11 p. in-8°. 

INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES 

Biographie de Jeàn-Baptiste Beuhaiche de La Cprbière. 
Paris, Impr. Bréton, s. d., 8 p. in-8“ (Bibl. nat., Ln”, 1900). —- 
Notice biographique sur la vie et les travaux scientifiques 
de M. Beunaiche de La Corbière (Extr. de Les Contemporains, 
revue biographique des hommesdujourpar une Société d’hommes 
de lettres). Paris, 1845,6 p. in-8° (B. n., Ln'’’, 1901): — Les méde¬ 
cins de Paris jugés par leurs œuvres ou statistiqme scienti¬ 
fique et morale des médecins de Paris, par C. Sa'chaile de la 
Barre. Paris, 1845, 634 p. in-8°, pp. 108-109. — V. Lacaipe et 
Ch. Laurent, Biographies et nécrologies des hommes mar¬ 
quants du XIX* siècle, t. III, Paris, 1846, in-8‘', pp. 387^388. — 
Notice sur Beunaiche de La Corbière {Jean-Baptiste), in Le 
grand almanach manceau, pour l’année 1893. Le Mans, Mon- 
noyer, in-16, pp. 137,-138. 




BIBLIOGRAPHIE 


Menetrier (?■■),— Cancer. Généralités. 2« édit., t. XIII 
du Nouveau Traité de médecine et de Thérapeutique de Gilbert 
et Carnot. Bulletin 426, in-8“ de 432 avec 345 figures. 

Cette magistrale étude du Menetrier consacrée aux géné¬ 
ralités sur le cancer n’est que le premier volume d’un livre, 
qui est le développement du travail primitif de M. Menetrier 
paru dans le traité de Gilbert et Carnot et dont l’éloge n’est 
plus à faire, car il a déjà permis à de nombreuses générations 
d’étudiants d’acquérir des idées nettes et claires sur les turaeur.s 
malignes. 

Dans ce livre nouveau, M. Menetrier s’est souvenu, p6ür 
notre plaisir, qu’il était professeur d’histoire de la médecine 
et il a brossé une large esquisse de l’évolution des idées médi¬ 
cales relatives au cancer. J’insistprai ici sur ce chapitre. Can¬ 
cer en latin veut dire crabe, écrevisse. Ce mot fait image. 

■ L’histoire du cancer se ramène à quatre phases. 

1“ ly Hippocrate à Bichat ou des premiers âges de la méde¬ 
cine scientifique jusqu’à la fin du xviii® siècle, c’est la phase 
ancienne de la médecine presque entièrement imaginaire au 
point de vue pathogénique ; 

2® De la fin du siècle à l'application du microscope à l’é¬ 
tude des tumeurs, phase de transition et diessais d’application 
de méthodes d’observation encore einbryonnaires ; 

3“ La phase moderne, qui commence à l’étude microsco¬ 
pique des tumeurs et se continue jusqu’à nos jours ; 

4® L’étude eajpértmentaZe et contemporaine. 

- Laenneb a apporté la clarté de son génie .dans le cancer 
comme dans la tuberculose. Il écrit dans Y Auscultation mé¬ 
diate : « LeS' anciens chirurgiens et à leur imitation les ahato- 
, mistes modernes ont confondu sous le nom de squire, de cancer 
de carcinome des productions accidentelles qui n’ont aucun 
caractère commun entre . elles, si ce n’est de n’avoir aucune 
analogie dans les tissus naturels ou dans ceux de l’économie 

. S.H.M. , 28 


-430 


animale saine, de maintenir dans un état de dureté ou de cru¬ 
dité et de tendre à se détruire en se ramollissant. J’ai réussi à en 
distinguer plusieurs espèces très tranchées, le squirre, l’encé- 
phaloïde, la mélanose », 

Cette conception de Laennec des tissus cancéreux, sans 
analogie, dans l’économie et caractéristiques des tumeurs 
malignes se retrouve dans la théorie de Vhétéroplasie de 
Lobstein. 

Broussais, le grand adversaire de Laennec, a de son côté 
nettement formulé la théorie irritative du cancer, (l’ont M. 
Menetrier a montré le bien fondé dans certains cas cliniques et 
expérimentaux. Dans son Examen des doctrines médicales, 
Broussais écrit, en effet: « Toutes les inflammations ou subin¬ 
flammations peuvent produire le cancer » et « si l’on veut pré¬ 
venir les squirrhes du col utérin qui surviennent à l’époque 
dite critique chez les femmes, qui ont des règles doulou¬ 
reuses, il faut apaiser l’irritabilité de la matrice longtemps 
avant que cette époque soit arrivée. » 

Avec Gruveühier, qui a découvert en 1827 le suc cancéreux ,, 
se dot la deuxième période de l’histoire du cancer, celle de 
l’anatomie pathologique microscopique. La troisième période 
ou de VAnatomie pathologique microscopique et que nous avons 
vécue est dominée par 'Virchow et Gornilet Ranvier. G’est 
la grande lutte de l’origine conjonctive ou épithéliale du 
carcinome jusqu’au travail capital de Malassezdans les Archives 
de Physiologie de 1876, d’où il conclut que le carcinome doit 
être considéré non comme une tumeur d’espèce particulière, 
mais comme une variété évolutive (les épithéliomes. 

Dès lors se multiplient les variétés histologiques des 
tumeurs, qui permettaient à M. Menetrier ' de dire en 1908 : 

<i La conclusion à tirer des découvertes histologiques, qui 
nous ont appris la multiplicité des types cellulaires du cancer, 
est que le cancer niest pas une maladie ayant un substratum 
anatomo-pathologique unique et défini, mais un processus 
morbide commun à un très grand nombre d’afllections des 
diverses cellules et des divers tissus de l’économie, un pro¬ 
cessus morbide caractérisé, par' une néoplasie extensive in¬ 
définiment croissante, localement destructive,, capable d’infec¬ 
ter l’organisme et de" se reproduire sur place ou à distance 
après enlèvement, tous phénomènes qui sont les caractéristi¬ 
ques du cancer dans le sens traditionnel du mot ei qui appar*-. 
tiennenl'également à l’histoire de toutes les tumeurs malignes, 
quelle que soit leur variété histologique. Gomme telles toutes 
doivent être également considérées comme cancers », 



, , — 431 — 

Lés derniers travaux publiés autorisent complètement à 
confirmer'ces conclusions. 

Quant à la période expérimentale, elle commence avec 
Moreau qui découvrit le cancer transmissible des souris. 
Borrel a montré l’importance pathogène des parasites animaux 
dans le développeihent des cancers, Clunet ale premier pro¬ 
voqué chez le rat un sarcome transplantable en sérié, Menetrier 
et Mallet ont par les rayons X obtenu au niveau des oreilles de 
rats des hypoplasies épithélioïdes avec métaplasie, Yamagiwa 
et Itchikawa, Fibiger et Bang, Roussy et Leroux ont étudié le 
développement expérimental. du cancer du goudron, Carrel 
a montré .l’intérêt de la culture des tissus normaux et deux 
nouvelles méthodes sont nées, la Rôntgenthétapie et la Curie¬ 
thérapie, susceptibles d’arrêter et même de guérir certaines 
formes cancéreuses. 

On voit par l’analyse d’un simple chapitre, l’intérêt considé¬ 
rable du livre de M. Menetrier.. Dans l’étude du processus 
cancéreux, commeidans la biologie expérimentale du cancer, 
les retentissements de l'organisme, la cachexie cancéreuse', le 
diagnostic du cancer par les méthodes de laboratoire, l’étio¬ 
logie et la palhogénie, on retrouve les mêmes qualités géné-, 
raies de documentation précise et de première main, d'obser¬ 
vations, personnelles multiples et très complètes, de critique 
avertie sans idées préconçues et de style clair et concis qui. 
font le plus grand honneur à son auteur et au traité, dont il 
fait partie. , D'' Laignel-Lavastine. 

René David. — L’Hygiene ueligieuse dans les livbes' 
SACHES. Thè.se de Paris, 1926. 'Vigne, 44 p. 

Cette thèse, inspirée par M. Régnault et présidée par 
M. Menetrier, est basée sur l’analyse du Zend-Avesta, livré' 
sacré de Zoroastre, des lois de Manou, des Hindous, de la 
Bible, du Talrnud et des organes de peuples anciens ou sau¬ 
vages. Cette hygiène, tirée des livres sacrés, pêche par bien 
des côtés. C’est qu’elle reposait seulement sur des.analyses'' 
vagues comme la-magie et la médecine.priraitive. Les mala-i 
dies étaient regardées par les Egyptiens, les Hindous, les 
Grecs, les Rom'ains,'les anciens Juifs et Musulmans comme dues 
à des démons et des souillures. La .thérapeutique consiste 
donc à éviter ces démons et ces souillures et à . s’en débar¬ 
rasser. De tous les livres sacrés le Zend-Avesta persan, con¬ 
sacré parles Parsis, donne le plus de renseignements circons¬ 
tanciés sur le dogme de la souillure. A ce titre, il mérite de là 
part des ïnédecins une étude approfondie, à la condition qu’ils 



432 ^ 


n’y apportent pas cet esprit,simpliste, qui remplace trop sou- 
vént chez eux l’esprit analytique. D’’ Laignel-LaVastine. 

D' Gelma, chargé de cours à la Faculté de Strasbourg. — 
J, A Médecine VUE PAR Lucrèce, 1926. 

Le D"’ G. attire tout d’abord notre attention sur l’épidémie 
qui se trouve au 6® livre, dans laquelle Gelma retrouve à juste 
titre une description saisissante de la spirochétose' ictéro¬ 
hémorragique. Tout y est, feu dévorant, injection des conjonc¬ 
tives, dysphagie buccale avec ulcérations, inquiétude, angine 
du début, hyperesthésie, etc., puis survient l’ictère « croci 
contincta colore », les hémorragies, les accidents gangréneux ; 
les troubles psychiques n’ÿ sont pas oubliés, de même que la 
fréquence de la mort au huitième jour. Enfin les myalgies y 
sont également signalés. 

' Au troisième livre c’est encore une description saisissante 
de la crise d’épilepsie, du délire alcoolique, «du fait de l’alcool 
qui imprègne le sang » et peut être aussi,Une ébauche du re¬ 
foulement freudien et même de « l’âme en folie » de Gurel. . 

La pathologie générale trouverait ’ encore à glaner dans 
l’œuvre de Lucrèce les arbres dont la fleur tue, les réactions 
anaphylactiques aux substances sensibilisantes. L'harmonie 
n’y est pas non plus oubliée, comme le montre l’auteur avec 
exemples â l’appui et contrairement aux affirmations de Lavi- 
gnac. Il se demande même plaisamment si les Frères Arvales 
n’avaient pas produits des associations plus osées qué,celles 
de Ravel et Stravinski. 

Je ne ferai qu’un reproche à mon ami Gelma, c’est peut-être 
sa sévérité excessive pour Virgile « qui reste un excel¬ 
lent vétérinaire qui a décrit une lamentable épizootie ». Je 
' sollicite à cet égard toute votre' indulgence ; elle lui sera du 
reste tout acquise en raison du bon moment que vous aura fait 
passer cette charmante plaquette. D*’Marcel Nathan. 


Relevé bibliographique des travaux médico-historiques 
parus récemment dans les publications périodiques 

Caillet., Documents et souvenirs, Histoire et silhouettes tou¬ 
rangelles de la'périoderbreionnienne,Gazette médicale du Centre, 
31® année, n" 4, 15 avril 1926, p. 363-368. — Chapitre qui 
pourrait fftre intitulé ; De invidid medicorum, ou tel maître, tel 
valet: Commençons par les valets. : voici Alfred/codher du D'' 



' ' ^— 433 — ' 

Hérpin, dodu, en livrée soignée, tenant les rênes d.’up équU 
page impeccable ; en face, .François, automédon du D’’ Duclos, 
cachectique, en tenue élimée, et coiffé d’un chapeau haut de 
forme en zinc, invention de son patron, qui trouvait- une.cou¬ 
che de peinture plus économique, en cas d’usure, qu’un coup de 
fer pour huit reflets ! Attelage à l’avenant. Passons aux pro¬ 
priétaires : le Df Herpin, directeur de l’École de médecine de 
Tours, praticien chauve, bedonnant, fort soigné de sa per¬ 
sonne, hilare^ libéral par calcul, 'partisan, comme son maître 
Tonnellé, de la médecine agissante ; d’autre part, le D'' Duclos, 
son rival, maigre, de haute taille, râpé, rapiat, mélancolique et 
roublard-, et féru de médecine expectante. Chose curieuse, 
Herpin, bien pensant, soignait la bourgeoisie libérale; Duclos, 
peu dévot*, avait la confiance de Monseigneur, et celle de l’aris¬ 
tocratie ets’ingéniait à la garder. Il savait sauver les apparences 
par une ostentation voulue qui lui faisait bourrer ses poches 
d’énormes paroissiens quand il visitait certainés de ses clien¬ 
tes. Il ne manquait pas de se faire remarquer de temps à autre 
aux offices de la cathédrale,' armé d’un missel énorme qu’il 
feuilletait avec bruit pour attirer sur lui l’atténtioh de ses voi¬ 
sins, imitant en cela Dupuytren, qui, bien qu’athée, n’allait à 
Tofiîce que pour y laisser tomber son livre, ce qui faisait dire 
à une dame de- la cour : « C’est M. Dupuytren qui perd ses 
heures, mais ne perd pas son temps. » Le temps, dont il con¬ 
naissait tout le prix, Duclos le perdait le moins possible; et le 
dimanche, pour peu qu’il fût pressé, envoyait-il François ef 
son équipage sur la place de la Cathédrale pendant l’office avec ' 
ordre de se mêler ai^ cochers des principaux blasonnés de la 
ville et de causer avec eux. Aussi, lorsqu’au déjeuner une 
des dames de l’aristocratie disait, assez haut pour être enten- 
. due de la livrée : « Il ne me seiiable pas avoir aperçu M. Duclos 
à la messe », Alfred, son valet de pied, se permettait-il de \ 
,#-épondre : « Madame la baronne doit fair^erreur, M. le doc¬ 
teur devait y être, car j’ai longuement caUsé avec François »; et 
la farcé était jouée . » 

Paul Dblma'S, Les séjours de Rabelais à Montpellier, 
vie médicale, 7® année, n“ 12,'26 mars 1926, p. 567-570. —, 
Le 17 septembre 1530, M® Guillaume Rondelet, procureur 
des étudiants, inscrivait au Liber procuràtorius de Montpellier 
un nouveau philiâtre, qui s’appelait François Rabelais. La 
scolarité nécessaire à l’obtention du baccalauréat était alors 
de trois ans. . ‘ _ ■ 

« Mais Rabelais est un étudiant qui sort du commun, par 



' ^ 434 — 

sa science pluê encore que par son, âge. Aussi, le 1®'' décem¬ 
bre, soit au bout d’un mois et demi de scolarité, est-il admis à 
affronter l’épreuve. Dâns la salle des actes, de huit heures 
du matin à midi, et sous la présidence de son parrain, Jean 
Scurron, il répond successivement aux questions qui lui sont 
posées, à tour de rôle, par les docteurs, les licenciés, les 
bacheliers et même les simplès étudiants. L’épreuve terminée^ 
après la formule saeramentelle du président : Indue purpuram, 
ascende cathedram et gratias agis quitus debes, le bedeau lui 
passe la robe fameuse à laquelle son nom est demeuré attaché.' 

Au dire de certains, la célébrité de cette robe daterait de 
l’usage qu’en fit Rabelais, alors que, l’année suivante,-il aurait 
été chargé par l’Université d’aller intercéder, à Paris, auprès 
du chancelier Duprat, afin d’obtenir qu,’il restituât'à l’Ecole 
les privilèges que lui avait octroyés François I®', en avril 1528, 
et à elle dérobés par Jean Royer, licencié en droit, lieutenant 
du gouvernehnent de Montpellier, à l’occasion de perquisition 
et mise de scellés sur lés papiers de Guillaume Caruel, pro¬ 
cureur du roi, alors recherché pour crime d’hérésie luthé¬ 
rienne, chez lequel ils avaient été déposés aux fins d’enre¬ 
gistrement) ». 

Ici se place la fameuse anecdote rapportée par Le Duchat, 
et d’après laquelle notre homme, désespérant d’avoir accès 
auprès du chancelier, aurait, à sa porte, fait le fol, attroupé les 
passants, et harangué en plusieurs langues les mandataires, 
accourus au bruit, du magistrat. • En réalité, Rabelais était 
encore trop débutant pour qu’on lui confiât semblable ambas- 
' sade : et il avait mieux à faire : « Outre ^n assistance régu¬ 
lière aux leçons des professeurs, sa présence aux anatomies,, 
accusée par sa signature aux redditions des comptes du 
procureur du 15 décembre 1530 et du 10 mars 1531', où il 
. fait suivre sa signature de la mention' « baccalaureus », les 
règlements universitaires lui font une obligation de monter^ 
en chaire tous les ipertredis pour y faire, sous la présidence 
d’un professeur, une leçon publique sur un livre d’Hippocrate 
ou de Galien choisi par le doyen. Rabelais nous apprend 
qu’il eut à expliquer les Aphorismes de l’Homme de Gos, et 
l’art médical du médecin de Pergame. Mais, en humaniste 
consommé, il ne se contenta point des textes défectueux alors 
en usage. Possesseur d’iin exemplaire grec qu’il avait entre 
les mains, « exemplaire très ancien,.écrit en lettres ioniques 
et très correct », il en fait une explication publique en chaire 
devant un nombreux auditoire. 

Après la fête de Pâques, qui mettait fin au Grand Ordinaire, 



les candidats à la licence devaient aller faire un stage auprès 
de quelque praticien. 

« Poussé par son désir de voir du pays, Rabelais se met 
en route pour aller exercer, faire un stage ou un remplace¬ 
ment, dirait-on aujourd’hui, d’abord à Narbonne, dont l’évê¬ 
que est son condisciple Jean du Bellay, le futur évêque de 
Paris, puis à Castres, où il semble avoir fait un séjour 
prolongé. Sa réputation déjà grande lui vaut les plus beaux 
succès comme praticien.L’époque venue de la rentrée, Rabelais 
revient à Montpellier, où la Saint-Luc est célébrée à l’ordinaire, 
sans oublier le traditionnel banquet. » 

Banquets alors ne manquaient point, et le procureur des 
étudiants, chargé d’y pourvoir, ne donnait pas toujours aux 
gastronomes suffisante satisfaction. Ainsi Nicolas, Feynes 
organisa deux mauvais repas, dont Rabelais sortit mécontent. 
Jean Perdrier, son successeur, ami de Rabelais, tâcha def 
faire mieux pour le Jour des Rois. La veille, un cortège 
somptueux alla donner aubade nux dames invitées. Le jour 
de la fête, après un service religieux à Notre-Dame, Rabelais 
,et ses amis jouèrent sur un échafaud dressé au Carrefour de 
la Peyre, la moralité de « celuy qui avoit épousé une femme 
muette ». Et la solennité fut close par un banquet à la Croix 
d'or... et l’annonce d'un fâcheux déficit dans la caisse: le 
procureur Perdrier s’était endetté Ae 60 # 14 s. 11 d. ! 

Puis, ou'se remit au travail. Le mois de février fut consacré, 
aux épreuves préliminaires de la licence ; « Ce sont, tout 
d’abord, les examens dits « per intenüonem [adipiscendi Ucen- 
tiam) .D comprenant, à la Faculté, la soutenance de quatre 
thèses, dè deux en deux jours, à cause que le sujet en était 
donn§ la veille, " 

Admis aux deux tiers des suffrages, après un intervalle 
d’une semaine, c’est à l’église Notre-Dame, dans la chapelle 
de Saint-Michel, sous de lourdes voûtes gothiques et à la 
lueur incertaine de vitraux réputés pour' leur beauté, qu’à 
huis-clos, pt durant quatre' heures d’horloge, le candidat. 
,va exposer deux thèses pour la préparation desquelles il a eu 
vingt-quatre heures de réflexion, après quoi il est en outre 
interrogé, à tour de, rôle, par chaque maître en robe, comme 
lui-même, sur toutes les autres parties de la médecine. 
En plus des droits statutaires et des jetons de présence de 
chacun des juges, • il faut encore compter avec les frais 
d’illumination de la chapelle par des cierges, et le vin blanc, 
les gâteaux et les fruits qui circulent aux Irais du candidat, 
pour tromper la durée de la séance. 



— 436 — 


■ Jugé digne de recevoir la licence des mains de l’évêque de 
Maguelone, protecteur né de l'Ecole, Rabelais a dû, selon 
l’usage en vigueur, se rendre au piedrà-terre que possède le 
prélat au centre de Montpelliéret, et dont la rue dite Salle-. 
l’Evêque conserve encore le souvenir. L’Hôtel d’Espous, au 
n” 5 de cette rue, en occupe aujourd’hui l’emplacement. Date 
prise de l'OlBcial ou du grand vicaire, escorté de l’Ecole 
en corps, à laquelle se sont joints ceux des notables delà 
ville qui ont voulu lui faire honneur, c’est des mains de 
l’humaniste Guillaume Pellicier, alors titulaire du siège, que 
l'impénétrant reçoit l’investiture latine, avec cette longue 
succession de gérondifs en « di... » qu’illustrera Molière, 
un siècle et demi après, dans le « Malade Imaginaire ». 

Après le banquet traditionnel, Rabelais a désormais le 
droit, de par l'autorité apostolique, de lire, enseigner, 
examiner et de remplir les autres fonctions magistrales à. 
Montpellier, et partout ailleurs, sur la surface du globe. » 

■ Aussi, en novembre 1532, Rabelais se trouve-t-il investi 
des fonctions de médecin du grand Hôpital du Pont-du-Rhône^ 
à Lyon, aux appointements de 40 ü- par an, 

P. ,M., Les Collections artistiques de la Faculté de Médecine 
de Montpellier, Tvogvès médical, 3 avril 1926, supplément 
illustré n° 4, p. 25-32. 

P. Gallois. Philippe Maréchal, Presse médicale, n® 20, 
10 mars .1926, p. 315-316. — Philippe Maréchal, médecin et 
homme politique," docteur en médecine en 1885, mort maire 
du VIH'arrondissement. 

P. A. Huet., Quelques'observations de grossesse ectopique 
datant du XVIIF s., Ibid., n» 22, 17 mars 1926, p. 348-349. 
— L’anatomiste Littré, mort à Paris en 1726, avait déjà décrit 
plusieurs types de grossesse ectopique, correspondant à 
là grossesse ovarienne, à la rupture tubaire avec hémorrhagie 
cataclysmique intra-péritonéale ; à l’avortement tubaire ; enfin^ 
à l’enkystement du sac fœtal, avec fistulisation secondaire, 
dans le rectum. Dans son anatomicum,\e Genevois 

Jean-Jacques Manget, qui fut médecin de l’électeur de Bran¬ 
debourg, et mourut en 1742, a colligé maints cas de gros^ 
sessé extra-utérine empruntés à Littré, à Duverney, aü 
hollandais Abraham Cÿprîahus, et il apparaît bien - que nos 
anciens en avaient assez judicieusement interprété les signes 
cliniques, et, posé, dans la mesure de leuts moyens, les 
indications lîiçrapeutiques. 



— 437 — 

R. VAN DEn Elst; Les origines de l’opopsychothérapie, un 
précurseur, Galien de Pergame, Ibid,, n° 24, 24 mars 1926, 
p.*379-381. — Galien peut être considéré comme l’ancêtre 
de nos psychothérapeutes. Sons son apparence fantaisiste, la 
théorie des quatre humeurs lui a servi de principe commun, 
synthétique et efficace, pour fonder la psychothérapie et 
l’opothérapie. En incriminant les humeurs dans les trou¬ 
bles psychiques, non seulement il pressent l’existence des 
■troubles sympathico-endocriniens, mais encore il en rapporte 
la cause à des sécrétions hépatiques, ov„ariennes ou sperma¬ 
tiques, étiologie que la découverte des glandes endocrines a 
seulement précisée. D’autre part, il applique sa théorie 
humorale au psychisme supérieur, et reconnaît la distinction 
entre les affections organiques et les affections fonctionnelles, 
entre les maladies mentales vraies et les névroses. On retrou-, 
verait dans ses livres une pâle ébauche de nos vagotoniques et 
de nos sympathico-toniques. De son œuvre, deux principes 
demeurent : sa théorie des humeurs a étç confirmée par les tra¬ 
vaux de Brown-Séquard sur les sécrétions internes, et la psycho¬ 
thérapie trouve dans l’opothérapie une thérapeutique efficace. 

J. L. Fauhb. TVmmas' .Tonréesco (1860-1926), Ipid., nP 30, 
14 avril 1926, p. 475-476. — Ce Roumain, au masque 
césarien, (Jont Bucarest fêtait il y a un mois le jubilé scienti¬ 
fique était venu faire en F"rance ses étudfes médicales. Grand 
travailleur, il conquit successivement les titrés d’interne des 
hôpitaux (21 janvier 1886), d'aide d’anatomie, de prosecteur, 
èt collabora au Traité d’anatomie de Poirier, pour lequel il, 
rédigea le chapitre consacré au péritoine. Que tous les 
candidats qui ont pâli sur les innombrables fossettes par.lui 
décrites dans Cette séreuse, pardonnent à ses Mânes! Rentré 
■dans son pays, Jônnesco y pratiqua, avec éclat, la chirurgie : 
il a consacré de nombreux travaux à la chirurgie du sympa¬ 
thique cervical, et fut un des plus ardents champions de la 
rachi-ânesthésie. Ami de la France, il contribua, avec son 
frère Take Jonnesco, à entraîner dans la Grande Guerre, aux 
côtés des alliés, la Roumanie, qui en sortit « meurtrie, san¬ 
glante et dévastée, mais victorieuse ». 

Tricot-Royer, Paul Héger et l'histoire dé la médecine, he 
Scalpel, 6 mars 1926, n° 10, et Bruxelles, Impr. Chouquerez, 
1926, 8 p. in'-S®. — Tous cèux' qui ont assisté, à Anvers, à 
l’ouverture du Premier Congrès International d’Histoire de 
la médecine, en août 1920, se rappellent la noble physionomie 
du P"^ Héger, qui présida la séance inaugurale, Professeur 

,, ' , 38 # 



— 438 — 


de physiologie à la Faculté*de médecine de Bruxelles de 
1873 à 1907, Héger a fait aussi de fructueuses incursions 
dans le domaine médico-historique. Ses Notes sur André, 
Vésale publiées en 1901 dans la Revue de l’Université de 
Bruxelles, ont remis en lumière tout le génie et l’originalité 
de Vésale, auquel on reprochait d’avoir plagié Vinci.! Vésale 
■qui fut l’inspirateur de Bandinelli, et qui a fait dessiner les 
planches dé sa De huniani corporis Pabricâ, par Titien et 
Galcar, n’avait rien à prendre à Vinci, dont les œuvres, 
comme Fa montré Uéger, ne lui passèrent jamais sous les 
yeux. Héger a encore écrit une magnifique préface pour 
The Iconography of Andréas Vesalius de Marion Spielmann, 
et.rédigé en 1905 une Histoire des Sciences médicales et chi¬ 
rurgicales en Belgique, à l’occasion du 75® anniversaire de 
. l’Indépendance belge. 

UzurtEAU. Le Docteur Chartier (1721-1787), Archives médi¬ 
cales d’Arigers, 30® année, n® 4, avril 1926, p. 66-68. '— Fils 
d’un cabaretier d’Angers, Michel Chartier commença ses étu¬ 
des dans sa ville natale, prit le bonnet à la Faculté de Caen, 
et, de retour en sa patrie, sollicita rhonneu;- d’être agrégé à la 
Faculté d’Apgers. Cette dernière estima qu’on né pouvait lais¬ 
ser entrer in nostro docto c'orpore le rejeton d’un tavernier, et 
le postulant dut se pourvoir auprès du chancelier d'Agues¬ 
seau ; celui-ci intima à la Compagnie l’ordre de procéder à 
l'examen, faute de quoi le requérant aurait à se pourvoir 
•devant une autre Faculté. Les juges s’entendirent pour lui 
poser des questions grotesques, et le candidat fut agrégé par 
arrêt du Conseil du Roi le 10 février 1752. Mais ses collègues 
le tinrent à l’écart des herborisations, consultations, etc,, si 
bien que le chancelle^' Lamoignon dut les rappeler, le 22 mai 
l'760 au respect de la confraternité. Chartier figure en 1777,. 
parmi les fondateurs de la Société des Botahophiles, et mdurut, 
à Angers le 8 septembre 178’7i ' ■ j 

Boucheu, Etat de santé des habitants de La Flèche aux deux 
passages des Vendéens pendant da Révolution, ha. ^eyolntion 
dans le Maine, 2® année, 1926, n° 7, janvier-février,.p. 1-15. 
L’armée vendéenne, après une yaine tentative contre Gràn- 
ville, reflua sur le Maine, etentra àLa Flèche le O.frimairean II; 
après un séjour de trois jours, elle se porta sur Angers, et, 
refoulée, revint huit jours après ,â La Flèche, avant de se diri¬ 
ger sur Le Mans. Cette lamentable cohue sema sur son pas* 
sage le typhus et la, dysenterie, qui ravagèrent ensuite La Flè- 
bhe pendant un anl Le chirurgien Boucher décrit les effets de 




— 439 — 


la « dysenterie putride » et de la « fièvre adynairiico-ataxique » 
sur ses concitoyens, et les procédés thérapeutiques et prophy¬ 
lactiques auxquels il recourut. (Manuscrit publié par P. Gor- 
donnier-Détrie.) 

De Lapebsonne, Edmond Landolt, Presse médicale, n® 39, 
15 mai 1926, p. 621. — D’origine suisse, élève de Donders, 
deHôi;ner, de de'Graëfe,_ Landolt vint, en 1870, offrir ses ser¬ 
vices à la France, à laquelle il donna encore ses deux fils pen¬ 
dant la Grande Guerre. Auteur, avec Wecker, d’un Traité 
classique d’ophtalmologie ; fondateur, avec Panas, des Archi¬ 
ves d'ophtalmologie-, répandu dans tous nos congrès d’oculis¬ 
tique, au surplus opérateur élégant et praticien renommé, il • 
vient de s’éteÿidre à l’âge de 79 ans. . 

,X..., Rancune. Pages médicales et parisiennes, mai 1926, 
n" 60, p. 4. — On voyait jadis , —^ il y a quelque trente ans 
— fréquenter à la Charité, dans le service de iTillaux, un 
politipien radical et crasseux, au nez fortement, enluminé, 
qui s’appelait le Docteur Michou. Les électeurs dé l’Apbe 
l’avaient envoyé siéger au Palais-Bourbon, où il s’occupa spé¬ 
cialement de la loi sur le régime des boissons ; et il vivait 
dans la capitale avec une ingénieuse parcimonie. On racontait 
que, pour épargner les frais d’un loyer, Michou montait chaque 
soir, dans ùn train quelconque, et ronflait de son mieux dans 
le compartiment réservé aux parlementaires ; quitte à regagner 
Paris par un train descendant, et à prolonger à la Chambre, 
pendant les discours de ses congénères, un sommeil réparateur 
et gratuit. 11 avait résolu, avec la même aisance, le problème 
du ravitaillement, et « se nourrissait volontiers de sandwiches 
qu’il enlevait à la buvette du palais-Bourbon et qu’il enfouis¬ 
sait dans les «profondes)) de sa redingote. Un jour qu’il se 
livrait à cet exercice, Clémenceau, derrière lui, enlevait chaque 
sandwich à mesure que Michou les glissait dans sa poche-kah- 
guroo. Michou finit par s’en apercevoir, car on riaitdu manègèV 
Lorsque Cfémenceau fut ,candidat contre Méline à la prési'^ 
dence de la Chambre, le radical Michou par vengeance vota 
pour le modéré Méline. Mélinei et Clémenceau obtinrent le 
même nombre dè voix. Méline fut élu au bénéfice de l’âge. Ce 
qui prouve qu’il ne faut jamais plaisanter les parlementaires 
économes. .. et qu’il faut se méfier des rariçùnes tenaces.. 

D” Mabèvré. La syphilis est elle d’origine américaine ? 
Medicina, 23' année, 1926, n®' 3-4, p. 23-32.—: Au début de 
l'année 1493, Christophe Colomb, qui avait découvert Haïtij 



— 440 — . 

rentrait en Espagne, pour préparer une deuxième ex.pédition,' 
dont 14 vaisseaux regagnèrent la péninsule au commencement 
de l’année 1494. En 1494, l’armée de Charles VIII entrait en‘ 
Italie, s’emparait de Naples le 2 février 1495 ; et le roi rentrait 
en France en octobre laissant là-bas 6000 hommes qui durent' 
ÿe replier, sur la France au cours de 1496. C’est à la suite de 
cette éphémère conquête que la syphilis, disséminée par la’ 
soldatesque, prit uné énbrme et rapide extension. De' cette 
coïncidence chronologique est sortie l’hypothèse que les mer- 
cènaires espagnols à la solde de Charles Vlll avaient trans¬ 
mis, à l’armée française la maladie rapportée d’Haïti par les 
compagnons de Colomb. Il faut noter qu^aucun des contempb- 
rairis immédiats n’en parle. On accusait plutôt les intempéries, 
les conjonctions astrales, les piiits empoisonnés, etc. C’est 
seulement en 1518 que Léonard Schmaus dans sa Lucubra- 
tiunçula de morbogaUiee, rapporte qu’au dire de certains, le 
,ipal français, étant guéri par le gaïac, ne peut provenir que du 
pays où la Providence a placé le remède à côté du mal. Ulrich 
de Hutten atteste à son tour et cette étiologie’ et les vertus du 
Saint Bois. Enfin en 1525 et 1535, Oviédo y Valdès ancien 
gouverneur de S. Domingue, publie son éfïsm're des Indes 
Occidentales, où il affirme formellement que c’est d’Haïti, où la 
syphilis est endémique, qu’est venu le fléau qui désole l’Eu¬ 
rope. Et Roderic Diaz, médecin Sévillan, qui écrivit posté¬ 
rieurement à 1515, mais ne publia son livre qu’en 1542, rap¬ 
porte que Barcelone, fut la premièré ville infectée pâr la maladie, 
originaire de l’ile espagnole. Peut-être nè sont-ils que l’écho 
des propos de. Schraaüs. Néanmoins, cette théorie fit fortune : 
Astruc l’adopta en 1786 dans son De morbis venereis et Ivan 
Bloch après lui. A quoi le D'' Marévre oppose les lésions 
spécifiques constatées 'sur des squelettes préhistoriques non 
seulement Américains, mais Européens, par Broca, Ollier et 
Parrot ; les plaisanteries des satiriques latins, dans lesquelles 
les esprits prévenus ne veulent voir que des allusions à la 
blennorrhagie ou à la chancrelle ; une observation de UgO 
Benzi de Sienne, mort en 1439, exhumée par. le Professeur 
Castiglioni, qui relate tous les symptômes d’une syphilis, sauf 
l’accident primaire ; la mention du « gros mal » dont pâtissait, 
en 1463, une fille Jacotte, de Dijon, qu’un certain Jehannin 
avait voulu violer; les recherches de Sudhoff, commun'iquées 
en 1913 au Congrès de Londres, sur la maladie des mauvais 
boutons, déjà soignée par le mercure dans des régions syphi- 
lisées antérieurement à l’expédition de Charles VIII ; une cer-' 
tôine lettre, mais d’authenticité contestable, où Pierre Martyr 



441 — ■ ; ’ . 

mentionne dès 1488 le morbus ’ gallicus ; un procès-veriTal, 
relatif ati mal français, dressé à Mayence en 1472, et transcrit 
par Bodmann, paléographe à la vérité suspect ; enfin la trou¬ 
blante disparition de ce qu’on qualifiait de lèpre à l’avénement 
de la thérapeutique mercurielle. Le D^Marèvre omet de citer, 
en ce sens, un récent’article de Wickersheimer (1926) sur les 
blessés Strasbourgeois d’Héricourt (1474), parmi lesquels les 
chirurgiens eurent à soigner deux guerriers malades des parties 
secrètes. Mais il oublie aussi de mentionner en sens inversé, 
les récentes découvertes sur la tréponématose du lama. 

• L*, Sauvé. 'Ambroise Paré, sa vie y son œuvre en chirurgie 
d’armée, son caractère. Bulletin de la Société médicale de 
Saint- Luc, Saint-Côme, Saint-Damien, 32« année, n* 5, mai 
1926, P. 129-153.—Alafin decetté courte esquissé de la 
vie et de l’œuvre de Paré, l’auteur reprend'la question, tant 
de fois débattue, des opinions religieuses de Paré ; et il estime, 
comme Jal, et avec Guermonprez qu’ « aucune preuve for¬ 
melle n’attesté que Paré ait été protestant ». Après avoir été, 
jadis, de cet avis, je ne puis celer que j’ai aujourd’hui, une 
iinpression contraire, encoce qu’aussi sans « preuve formetle ». 

F. Bèaudoüin. Passage de Henri IV à Alençon, la maison 
d'Ozé, le chirurgien Olivier Gaillard, gentilhomme à la dinde^L 
en pOfl. L’Orne' médicale, 3® année, n“ 12, juin 1926, p. Irll 
, ■— Ou comme quoi le Béarnais, qui n’était encore quq roi de 
Navarre (1576), arriva certain jour à Alençon, fort affamé, et 
débarqua à l’improvisté chez son fidèle Thomas le Goustellier, 
seigneur de Saint-Paterne, en sa. maison d'Ozé; comme quoi, 
pour corser le menu, on réquisitionna certaine dinde que le : 
chirurgien Gaillard) bon huguenot et gastronome, tenait aü 
crochet. Ge dernier, prié au repas, dit à Henri : « Sire, il ne 
sera pas dit que Votre Majesté ait dîné Avec un vilain... Il 
importe à votre gloire de m'anoblir. — Ventre Saint Gris, 
repartit le roi repu, ce barbier à raison !. Je te fais gentil- 
hpinmë ; et tes armes seront : de dinde en pal ! » Cette même 
nuit, ' Olivier Gaillard devint père d’un gros-garçon, que Henri 
de Navarre daigna présenter au baptême calviniste. Et comme 
noblesse oblige, notre liomme, 22 ans plus tard (1598), arbo¬ 
rait'les titres de Sieur des Hayes, voire ceux, plus douteux, 
de médecin du Roy et de Madame, sœur de -sa mère I 
‘’R. Onfray. Oà l'on: voit que Pascal avait des migraines 
ophtalmiques. Presse médicale, n® 45,' 5 juin 1926, p. 715-716. 

H. •LEc;i.EBCi-£e 3r«ssj7agô (Tussilage fapfara, L.^, Presse 



ipéïlicale, n® 49, 19 juia 1926; p. 780-782. « Lorsqu’on visite 
règlise Saint-J.ulien-le-Pauvre..., le sacristain manque rare¬ 
ment d’attirer votre attention sur un pilier que surmonte un 
chapiteau feuillu, et qu'il désigne sous lè nom de pilier de 
Dantej G’est, dit la tradition, contre ce pilier que s’appuyait 
le poète de Florence, chaque fois qu’il venait méditerrdans le 
sanctuaire alors fréquente par les étudiants qui suivaient les 
cours de l’école en plein air de la’ place Màuhert. Rien ne 
prouve que Saint-Julien-le-Pauvre ait jamais compté Dante 
parmi ses visiteurs'; mais si le pilier auquel son nom reste 
attaché ne coibmémore pas un fait authentique il est pour 
les artistes et pour les botanistes, du plus haut intérêt, car 
l’ornementation de ce chapiteau est la reproduction saisissantè 
d’^exactitude d’un spécimen de la flore locale. Il suffit, en êflèt, 
de sortir de l’église, de faire quelques pas dans le terrain vague, 
dépendance de l'ancien Hôtel-Dieu, qui l'entoure, pour y 
' reconnaître, abondamment répandues, parmi les décombres, 
les mêmes feuilles qui avaient Servi de modèle aux tailleurs 
d’images chargés de ciseler la pierre de l’édifice, a C’est le 
fttius ante patrem, l'unguia eaballina, le Pviyjov, le tussilàgo, 
plante béchique, connue du vulgaire sous le nomi de pas d'âne, 
par allusion à la forme de ses feuilles, et donc M. .Lèclerc 
nous rapporte avec son charme coutumier, l'histbiré théra¬ 
peutique. • , - ^ ; 

Pall*s8é. Le Professeur Joseph Teissier, Progrès médical, ' 
n® 26, 26 juin 1926, p. 1004-1007. — Joseph Teissier, fils de 
Bénédict, d’abord professeur de pathologie interne, puis (1907J 
professeur de clinique médicale a la Faculté de Lyon, vient de 
mourir dans sa 75* année, le 13 juin 1926. Professeur pas¬ 
sionné pour l’instruction des jeûnes, il rédigea pour eux, avec 
Lavéranj le Traité de pathologie interné qui quatre fois 
réédité' (dernière édition 1894) eut son heure de succès auprès 
dés étudiants dé ma génération. Clinicien, il a étudié les moda¬ 
lités de la courbe thermique au cours delà grippe; les aortites 
abdominales ; les albuminuries cycliques curables (maladie, dé 
Pavy-.Teiésier)v Eîi préconisant, contre les néphrites urémi- 
gèiies, le sérum de la veine rénale de chèvre,il a été des un pré-, 
ciirsëurs.de la thérapeutique humoriste.actuelle. Ses obsèques 
ôntété célébrées, au milieu d’une grande affluence, dans la chà- 
pelledu grand Hdtel-Dieu dé Lyon. 

P. Delaunay; Paré parasitologiste et toxicolo- ' 

§iste, Bulletin de la Commission historique et archéologique 
de la Mayennne, 2® sér., t, XLl, 1925, faso. 148, p, 278-292. 



, ■■ 443'— ^ , ■ ' ' ., '' 

A. Léui. Joseph ’ TEissiERi 1851-1926, Presse médicale, 
n» 65, 10 juillet, 1926,:p. 876-877. ’ ■ .. 

P. Kœnig. Les Bains à Co/mœr, Bulletin de la Société, d’his-: 
toire naturelle dé Colmar, nouvelle série, tome XY, 1920-21, 
p. 5-43.— « Nul bain pendant mille ans ! « écrivait Miclielet 
à propos du moyen âge, erreur que dément cette savante étude 
sur les bains domestiqués, les bains publics, étuvèsj et sta-, 
tiens thermales de l’Alsace dans le passé. ' 

P. Kcenig. Les cimetières de Colmttr Jadis et aujourd'hui, 
iè/d., nouvelle série, t. XVll, 1922-23, p. 107-162. • 

H. Méige et S. Hüard. Le relief sasringuina!, Presse ràê- 
dicale, n” 56, 14 juillet 1926, p. 891-893, — Etude du relief 
sus-inguinal dans l’anatomie plastique ancienné et moderne. 

, • E. Arnould. Un point d'histoire médicale, Première con6ep~ I 
Aon du traitement de là phtisie pulmonaire par le pneumothorax , 
awj/ictet. Presse médicale, n“ 61, 31 juillet'1923, p. 972-973. — 
On fait couramment honneur à Forlanini du traitement de la, 
phtisie pulmonaire par la collapsQthérapie, qu’il étudiant réa¬ 
lisa entre 1882 eh 1892, Mais déjà l’anglais Rarhadge avait, en 
1834, proposé dè comprimer le poumon tuberculeux pour en 
faniliter la cicatrisation, et même publié deux observations 
de pneumothorax pratiqué, en pareil cas, avec succès. Et dès * 
1821, le physiologiste anglais J. Çarson avait, après e.xpé- 
rienées sur le lapin, préconisé le pneumothorax contre lés , 
lésions ulcéreuses du poumon. Or, l’idée première du 
procédé reviendrait à un docteur régent de la Faculté de 
Paris, Edme Claude Bourru, qui, ayant traduit, et publié à 
‘ Paris en 1770 l’ouvrage de l’anglais Gilchrist sur rzZnVité rfes 
voyages sur mer pour la cure des différentes maladies, et.notam- 
‘ment de la consomption, y ajouta, à la page 208, la note 35, dont' 
voici la teneur : « si ce n’était que le seul mouvement de la , 
partie... qui s’opposât à la guérison et à la cicatrice dé l ulcè- 
re, supposé que le poumon.ne fût Ulcéré qu’en un de ses lobés, ‘ 
on pourrait remédier à cet obstacle par une opération paréillé 
à cellé qu’on fait dans ce cas, de Terapyèlme. On fêtait Une 
ouverture à la poitrine du côté où est la maladie.1, Le lobe de^ 
ce côté s’affaisse sur.^le cbamp et n’a plus de jeü j l’autré lobé 
■ alors fait seul l’office dé là respiration. On éntretiendcait cette 
communication dé l’air extérieur avec la cavité de la poitrine 
pù .gît la maladie, jusqu’à ce que la nature aidée par des remè-r 
dés internes eût pu procurer la cicatrice de l’ulcère », 



' — '444 — 


H. Lecleiic. Les remèdes des champs et 'des bois, le chardon 
bénit, Cnicus benedictus L., ibid., p. 973-974. — Histoire mé¬ 
dicale du chardon bénit, lequel ayant guéri, au dire de Tra- 
gus, l’empereur Frédéric III d’üne violente céphalée, fut 
vanté par FUchs, Gésalpin, Fernel, et Alexis de Piémont [alias 
Jérôme Rustelli). A la fin du xvn®. siècle, l’allemand G.G. Pétri 
Consacrait à cette plante « médecine polychreste des pères de 
famille, et véritable trésor des pauvres », un panégyrique de 
252 p. ! Si elle n’a plus aujourd’hui tant de vertus, il faut re¬ 
connaître qu’elle recèle un principe actif, isolé en 1836 par Nati- 
velle, doué d'une action apéritive et stimulante incontestable. 

Albert Vilaii. Pour la défense de l’ancienne médecine, Mont¬ 
pellier, Impr. L'abeille, 1923, 1 broch. de 38 p. in-S* carré. 

. (Extr. du Petit Marseillais). — Dans un discours retentissant^ 
Gbarles Richet a proclamé qu’il ne reste rien de l’ancienne 
médecine ; qu’avant 1872, on ne savait rien ; que. l’étiologie 
était nulle ; et qu’Hippocrate, Boerhaave, Virchow et Trous¬ 
seau manifestèrent une regrettable incompréhension des cho¬ 
ses de la médecine. Gelle-ci — la vraie, — date de Pasteur. A 
ces propos excessifs et injustes, M. Vilar riposte que si nos 
anciens n’ont pas vu le microbe', ils le soupçonnaient du moins, 
et l’appelaient mmsme : que l’Ecole de Montpellier soutenait 
depuis longtemps la spécificité des maladies ; que l’exemple 
, de Jenner démontre qu'on avait’même quelque idée de la pro¬ 
phylaxie spécifique avant Pasteur; que l’Ecole pastorienne a 
même méconnu un moment la notion du terrain, qui n’est pas 
■ moins importante que celle du microbe... Et j’ajouterai que M. 
Vilar a oublié dans son éloquent plaidoyer, à l’appui de sa thèse, 
le nom, et les doctrines de Bretonneau et de ses disciples. 

H. Dauchez. Vie des saints Cotne et'Damien, Bull, de la Soc, 
médicale de St Luc, St Gome, St Damien, juillet-août 1926, 
p. 202-216. — Iconographie et attributs professionnels des' 
, saints Gôme et Damien. Leur effigie sur les armoiries . des 
communautés chirurgicales de France, ordres et confréries 
placés sous leur patronage. Pendant les croisades, les che¬ 
valiers de St Gôme de Jérusalem se consacrèrent au rachat 
des esclaves et au soulagement des malades et infirmes; ils 
portaient un habit blanc dédoré d’une croix au centre de la¬ 
quelle figurait l’image des saints Gôme çt Dàmièn... Cet ordre 
équestre et militaire se dispersa après la reprise des Lieux 
saints par les infidèles.: Les communautés de barbiers-chirur¬ 
giens se plaçaient également sous l'égide des saints anargyres 
dont l’anniversaire était jiour élles fête chômée. • 



_ 445 — . , , 

Abbatïïcci. La maladie de René Caillié pendant son voyage 
à Tombouctou la mystérieuse, Presse médicale, n” .64, 11 août 
1926, p. 1020. — Parti de Saint-Louis du Sénégal, le 3 août 
1824,- le courageux explorateur atteignit, le 20 avril 1828, 
Tombouctou la mystérieuse,, où jamais Européen n’avait 
pénétré avant lui. Ce fut au prix d’innombrables tribulations et 
périls encore aggravés par des attaques de paludisme ; un 
ulcère phagédénique des pays chauds aux deux pieds et le 
scorbut. On en trouvera le tragique récit dans son Journal 
(Tun voyage à Tombouctou et à Jenné dans l’Afrique centrale, 
publié par l'Imprimerie royale à-Paris, en 1830. 

H. Leclebc. Les remèdes des champs et des bois, la marjo¬ 
laine, Origdnum majoràna L., ibid., p. 1021-1022. ^— Il jie 
s’agit point ici de la marjolaine de nos pays, Origanum vul- 
gare L., mais d’une autre espèce aromatique, de la région 
méditerranéenne, l’O. majorana L. C’est en cette plante que 
les dieux transformèrent Amaracus, fils de Cynara, roi -de 
Chypre, asphyxié par la violence des parfums qu’il excellait 
à composer. Au moyen âge, elle entrait dans la composition 
de poudres magiques propres à mettre les pucelles en gaieté. 
Lès Arabes la vantèrent contre la migraine, l’Arbolayre comme 
stomachique ; la pharmacopée dè la Renaissance ne prône pas 
moins ses vertus. Avec un errhin a la marjolaine, le médecin ' 
Fabricius guérit plus tard Wallenstein d’un fâcheux coryza 
qui obnubilait ses capacités stratégiques, ainsi que l’atteste, èn 
son Quadripartiium botanicum, Simon Paulli. Bperhaàve la 
préconise comme céphalique, Barbier comme stimulant. Or, 
il ressort des recherches de Cadéac et Meunier que, par son 
camphre et ^on bornéol, l’essence de marjolaine est en réalité 
un stupéfiant. ' • 

E. Risx. Marc Weiss, 1890-1926, ibid., n’‘ 66, 18 août 1926,' 
p. 1053. — Petit-fils du'grand Bœckel ; reçu premier au con¬ 
cours de l’internat des hôpitaux de Paris en 1913-14, Weiss, 
mobilisé en 1914, voulut faire toute la guerre comme m'édecin 
de bataillon, et en rapporta la croix de la Légion d'honneur.. 
11 acheva ensuite son internat, et se voua à la phtisiothérapie. 
Assistant de Rist au dispensaire antituberculeux d&'l’hôpital 
Laënnec, chargé de la direction médicale des Logements-sana- 
toria' de la rue du Château des rentiers, il a été emporté par 
une fin prématurée, laissant inachevés des travaux sur la 
cuti^réaction tuberculinique. Sa haute probité morale et scien¬ 
tifique, toute voilée de modestie,' son âme délicate et fière, lui 
avaient 'valu l’estime de ses maîtres et de ses collaborateurs. 



— 446 — 

E'. Lagrange. Quelques précisions sur la découverte, du 
bacille de la peste. Biologie médicale (de Billon), 84® année, 
n“ 6, juin-juillet 1926, p. 261-273. — Le 15 juin 1894, Alexan¬ 
dre Yersin, médecin colonial de .2® classe, déjà connu par ses 
études, faites avec Roux, sur la diphtérie et sa toxine (1887-88), 
débarquait à Hong-Kong, envoyé de Saigon par le gouver¬ 
nement français pour étudier la peste qui sévissait sur cette 
ville depuis le début de mai. Il y retrouvait l’inspecteur de 
la santé anglaise Lowson;.et une mission japonaise, arrivée 
le 12, composée de Kitasato, d’Aoyama, et de deux assistants. 
Sans désemparer, nos bactériologistes se mirent aü travail 
dans les pires et les plus périlleuses conditions. Dès le 14, 
Kitasato trouvait dans le sang et la rate des cadavres un 
bacille encapsulé, sorte de diplocoque, à coloration bipolaire, 
qui passa pour l’agent spécifique de la maladie. Mais l’iden¬ 
tification de ce micro-organisme demeurait incertaine, même 
à .ses yeux, et aussi de l’avis d’Aoyama. Mieux inspiré, 
Yersin eut l’idée de rechercher le microbe pathogènn dans les 
bubons, et y découvrit, le 20 juin, le véritable bacille pesteux, 
qu’il colora, cultiva,, inocula, et retrouva dans les ganglions 
des souris et cobayes d’expérience. Le 30 juillet, Duclaux 
apportait à l’Académie des. Sciences la nouvelle de cette 
découverte, et en septembre 1894, les Annales de l'Institut 
Pasteur publiaient le premier mémoire du savant français sur 
la question. Une préparation bactériologique sur lame offerte 
par Kitasato à Yersin ; des extraits du journal scientifique de 
ce dernier ; l’opinion d’Aoyama ; l’avis d’Ogata ; le témoignage 
formel et solennel de Kitasato lui-même devant Je Congrès 
médical d’Extrême-Orient de 1925 permettent d’affirmer que 
le jtnicrobe vu par Kitasato .n’était pas l’agent pathogène, et 
que le bacille pesteux authentique a été décélé par Yersin. 

Après un court séjour à Canton, Yersin quitta Hong-Kong 
le 3 août, regagna Saigon, puis Paris où, avçc Calmette et 
Borrel, il parvint à immuniser les animaux de laboratoire. 
Revenu à Nha-Trang (Annam), il immunisa des chevaux, se 
rendit en 1896, avec un stock de sérum, à Hong-Kong, puis 
à Canton où il pratiqua sa première inoculation; avec succès, 
sur un jeune Chinois. De là, il partit pour Amoy où, sur 
23 pesteux,41 obtint 21 guérisons. La sérothérapie anti-pes¬ 
teuse était trouvée. 


D® Paul Delaunay. 



_.447,— 

TABLE DU TOME XX 


Bosquet (D''). — Les origines de l’Académie de méde¬ 
cine.....-...-...................... 391 

Dagen (G.). — Blasons de dentistes parisiens et bla¬ 
sons à dents humaines (6 . 246 

Delaonay (D' P.). — Un médecin broussaisien le 

D'' Beunaiche-la-Corbière. 397 

Finot (D'' a.). — Un étudiant en médecine pendant la 

seconde République. 258 

Fosseyeux (M.). -r- La médecine dans, les mémoires du 

janséniste Thomas du Fossé.___ __ 45 

Guisan (D*" A.). — Gomment un médecin Lausannois • • 
relate une opération de la ' cataracte pratiquée 

par Daviel.. .. ' 37 

Hérissay (J.). — L'épidémie de 1794 sur les pontons 

de Rochefort....................... . 64 

Hervé (D*" G.) et de Quatrefages (L.). Armand de 
Quatrefages de Breau, médecin, zoologiste, 

anthropologue (5 ^g.)(l™ partie).... 309 

Jeanselme (P^E.), Lansëlee (Dr) et Soi,ente(M“*).— Un 
manuscrit médical du xvt' siècle, contenant prin¬ 
cipalement des oeuvres de Guillaume Rondelet. 9 

'Jeanselme (Pr E.). — Funambules, équilibristes ètjon¬ 
gleurs byzantins... 350 

— Gomment on traitait les obèses à Byzance. 388 

Koebbler (Dr G.). :— Contribution à l’étude (d’une con¬ 
troverse au XVIII* siècle. 172 

Laignel-Lavastine et Vinchon (Jean). — Les tempé¬ 
raments bilieux mélancoliques. 165 

Laignel-Lavastine (15^)1 — Note médicale sur l'expo¬ 
sition du livre italien, à Paris (mai-juin 1926).. 331 

— Le sympathique et l’âme végétative 381 
















— 448 — 

MATJCLAinE (D''). — Thèses médicales de François Le 

, ■ Rat (1677j et Claude Bourdelin (1691). 242 

Menethier (?■■). — Documents inédits concernant 

Magendie. 82 et 251 

Régnault (D' F.). — Les ex-voto polysplanchniques 

de l’antiquité (10 fig.) ... ;. 135 

ScHEVENSTEEN (D'' Van). — Les statuts du Collège de 
la chirurgie à la ün de l’ancien régime et l’état de 
la corporation des chirurgiens-barbiers à Anvers 

en 1784. 100 et 205 

SERIEUX (D' P.) et Goulard (D’’ R.‘). — Le Service mé¬ 
dical de la Bastille... 117 et 2l8 

— Le personneLmédical de la Bastille. 178 

Tricot-Rover (D’’). — Les gisants macabres de Bous- 

su, Bruxelles, Vilvorde, • Strasbourg, Beaune, 

Troyes et Enkhuyzen (3 fig.) . ... 85 et 199 

— L’âme dans l’al-t chrétien (Remarques anatomo- 

physiologiques).; .. 271 

Torkomian (D’’ V.). — Le premier étudiant arménien 

de la Faculté de médecine de Paris'.. 373 

Variot (D'' G.). — La doctrine de J.-J. Rousseau en 
puériculture et les opinions des médecins de son 

temps.^. 339 

ViÉ (D''J.).— Extraits et résumés de pièces concernant 

la peste de 1721-1722 dans le Gévaudan. 112 



Le Secrétaire général, Gérant, 
Marcel Fosseyeüx.